Autorité, discipline: Le rapport à la loi Argenteuil Nord 07/10/09 Jean-François VINCENT
Trois citations pour fixer le cadre L'autorité est évidemment nécessaire pour enseigner. Mais une "autorité qui autorise" : qui autorise le travail en commun et la réussite de chacun, qui autorise des découvertes intellectuelles et permette d'accéder au plaisir d'apprendre. Philippe Meirieu
Le recours à l'autorité , tant vantée par les derniers ministres, est un leurre. C'est dans les établissements où la politique est la plus répressive que les élèves se tapent le plus. Eric Debarbieux,
Sur le plan proprement scolaire, la priorité absolue, à mes yeux, est de mettre en place, le plus tôt possible (dès la maternelle et tout au long de la scolarité) des structures de régulation comme le "conseil d'élèves" où l'on apprend à se parler et à s'écouter, à se donner des règles communes et à les respecter. … cela ne sera pas miraculeux, mais je ne vois rien de plus utile et de plus prioritaire… Philippe Meirieu
Garantir les droits et libertés de chacun La construction du rapport à la loi, à la justice, au droit, dépasse la simple “ connaissance ” de la loi et la simple question de “ l’autorité ”.. Construire le rapport à la loi, c’est avant tout, faire découvrir le sens qui est le sien: Garantir les droits et libertés de chacun
La construction du rapport à la loi implique que l’Ecole se définisse: comme un espace de droit(s) et de liberté(s) articulant: droits et devoirs, obligations et interdits, sanctions et réparations …
L’École espace de Droit 1 L’École espace de Droit « Un homme libre n’apprend rien en esclave » Platon La République
L’Ecole est une institution particulière, mais elle ne se trouve pas en dehors de la société et des principes qui la régissent. Elle est un espace de droit, respectueuse des principes fondamentaux du droit, le statut d’enseignant ou d’éducateur n’autorisant aucune dérogation à ces principes.
La loi est la même pour tous: Un mineur est déjà un sujet de droit même s’il n’est pas encore citoyen. Ses droits sont inscrits dans des conventions internationales, des lois nationales, des circulaires... La loi est la même pour tous: élève, enseignant, agent administratif…
Nul ne peut être mis en cause pour un acte qui ne porte tort qu’à lui-même: Le travail est-il « en droit » une obligation ou un droit? Dans le cadre scolaire, l’assiduité et le travail scolaire sont des devoirs de l’élève, mais la sanction est-elle la seule réponse?
Le citoyen obéit à la loi parce « membre du peuple souverain », il la fait avec les autres citoyens : la participation des élèves à l’élaboration des règles de vie est de ce point de vue légitime.
L’interdit de la violence ne se discute pas puisqu’il permet la discussion démocratique.
2 L’École espace de droit(s) et de devoir(s) De quoi parle-t-on au juste?
"Toute personne a droit à ce que règne un ordre tel que les droits et libertés de chacun puissent prendre plein effet. L'individu a des devoirs envers la communauté dans laquelle seul le libre et plein développement de sa personnalité est possible". (Déclaration universelle des droits de l'Homme, O.N.U -. 10 /12 /1948).
Il en est bien sûr de même pour les élèves, à l’école. On peut dire en quelque sorte que le citoyen n’a des devoirs que dans la mesure où il a la possibilité, dans un espace de liberté, d’exercer ses droits dans le but de son plein épanouissement. Il en est bien sûr de même pour les élèves, à l’école.
Construire le rapport à la loi à l’école c’est , dans un espace de liberté et de droit clairement défini, éduquer: à l’exercice des droits, c’est à dire éduquer aux droits, à l’exercice de la liberté et de la responsabilité. … C’est enfin et enfin seulement, éduquer « au droit ».
L’espace de liberté scolaire L’espace de liberté dans le cadre scolaire dépend: d’un cadre législatif et réglementaire « contraint », non négociable: la Loi de la nation, les règlements scolaires, les programmes…
… Mais aussi et surtout de l’ arbitraire personnel de l’enseignant: sa personnalité, ses conceptions éducatives, ses valeurs, car…
« On n'enseigne pas ce que l'on veut ; je dirais même que l'on n'enseigne pas ce que l'on sait ou ce que l'on croit savoir : on enseigne et on ne peut enseigner que ce que l'on est. » Jean Jaurès, L'Esprit du socialisme, Idéalisme et Matérialisme dans la conception de l'histoire - Pour la laïque - P.U.F.
De fait, le moins que l’on puisse dire c’est que l’espace de liberté(s) et de droit(s) revêt à l’Ecole des aspects plus que fluctuants. Construire le rapport à la Loi implique de tenter de passer des co- errances éducatives à une relative cohérence éducative.
Les élèves ont-ils des droits à l’Ecole et si oui, lesquels? 3 Eduquer aux droits Les élèves ont-ils des droits à l’Ecole et si oui, lesquels?
La question des « droits de l’enfant » à l’école est souvent une question qui fâche: « Des droits, des droits et les devoirs alors ? » Elle apparaît comme inadaptée dans un pays où l’enfant serait plus Roi que sujet asservi. Qu’en est-il des droits de l’élève?...
Le droit à l’erreur Tout d’abord, des droits qui n’en sont pas… Peut-on interdire l’erreur?
Le droit de travailler en silence ou en paix; Le droit de ne pas être dérangé… Ne s’agit-il pas plutôt de la formulations « positives » d’interdits?
Les droits imprescriptibles Ceux inscrits dans la loi en général (assistance ,protection, éducation…) et dans la CIDE en particulier: Droit d’expression; Droit d’association; Droit d’information;
Les droits liés au respect de l’enfant Le droit de ne pas être constamment attentif; Le droit à son for intérieur; Le droit de n'apprendre que ce qui a du sens; Le droit de ne pas obéir six à huit heures par jour; Le droit de bouger;
Le droit de ne pas tenir toutes ses promesses ; Le droit de ne pas aimer l'école et de le dire; Le droit de choisir avec qui l'on veut travailler ; Le droit de ne pas coopérer à son propre procès; Le doit d'exister comme personne. Philippe Perrenoud Université de Genève
Des droits scolaires variables Ceux qui découlent du projet éducatif de l’enseignant qui détermine « le projet de vie » de la classe et induit: des valeurs ; un statut d’élève; des relations; des obligations, des interdits…
Autant de variables liées à « l’arbitraire personnel de l’enseignant » qui vont définir l’espace de liberté et de droit, bien plus que le cadre règlementaire contraint : loi, programmes…
Les devoirs scolaires concernent généralement: L’ assiduité; La sécurité; Le travail scolaire; La laïcité… Ils font l’objet d’un ensemble d’interdits, d’obligations, de règlements…
Un autre devoir devrait être la valeur de référence de l’Ecole: L’aide ou l’assistance « Sera puni quiconque s'abstient volontairement de porter à une personne en péril l'assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours ». art.223-6 du code pénal
L’articulation droits, devoirs, obligations 4 L’articulation droits, devoirs, obligations Les règles de vie
Les règles de vie règlementent l’espace de liberté et d’exercice des droits reconnus aux élèves. La liste des droits reconnus aux élèves est évolutive: elle dépend de la « capacité de discernement » (art.12 CIDE).
Cette liste de droits est fixée par l’enseignant (ou les enseignants) au même titre que les interdits. Elle est peu « négociable »: elle dépend avant tout du « projet de vie de la classe » ou de l’établissement. Il est important de ne pas confondre « éducation à la démocratie » et « éducation à la démagogie ».
Exemple de droits/devoirs Chacun a le droit Mais chacun doit de se faire aider par un camarade - aider celui qui le demande prêter son matériel - partager d’aller à la bibliothèque - remplir une fiche de prêt - chuchoter de se rendre seul aux toilettes - S’y rendre en marchant d’utiliser l’ordinateur - de réaliser un projet de son choix - seul ou avec des camarades de participer au conseil - de demander des réparations -
Les sanctions: quelques principes Elles respectent les principes fondamentaux du droit : pas de sanction collective, pas d’humiliation… Elles sont connues de tous et elles sont les mêmes pour tous.
Elles sont progressives: on est puni moins sévèrement la première fois que la seconde, moins sévèrement la seconde fois que la troisième. Les sanctions scolaires s’effectuent dans le cadre scolaire : pas d’externalisation de la punition ou de « double peine ».
Elles différencient: Le non respect d’une règle : les élèves ont le droit de jouer au foot-ball durant la récréation, mais ils doivent se mettre en rang à la sonnerie.
En cas de non respect de la règle, la première fois, l’élève sera privé durant … jours du droit de jouer au foot-ball Attention: On n’est jamais définitivement privé de l’exercice d’un droit
Le non respect d’un interdit: il est interdit de pénétrer dans l’établissement durant les inter classes sous peine de … (devoir copier le règlement intérieur, se voir infliger des heures de colle…)
Les réparations « Tout fait quelconque qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » Article 1382 du code civil « Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence » Article 1383 du code civil
Les excuses témoignent de la non intentionnalité ou de la prise de conscience du tort la sanction ne dispense pas de réparation quand la transgression a causé un tort à autrui
La participation des élèves a du sens: dans l’élaboration des règles; dans la remise en cause de ces règles et leur évolution; dans la réflexion sur les réparations. Elle a beaucoup moins de sens: dans la fixation du barème de sanction; dans l’élaboration des interdits .
L’application effective des règles de vie implique: qu’elles se réfèrent à un projet de vie explicite; la participation des élèves à leur élaboration leur permanence
leur rappel ; leur régulation; l’exemplarité des adultes.
Quelques questions en débat Pour ne pas conclure Quelques questions en débat Les élèves doivent-ils « révéler » aux adultes les infractions qu’ils constatent? Doivent-ils faire « justice » eux-mêmes?
Tous les élèves d’une classe ou d’un établissement ont-ils les mêmes droits? Intérêts et limites du « permis à points »?