ADDICTIONS AU TEMPS ET AU LIEU DU TRAVAIL Analyse juridique des pratiques addictives en entreprise Enoncé des textes applicables Réflexion autour des moyens à la disposition de l’entreprise pour réduire les comportements à problèmes
Obligation de sécurité de RESULTAT de l’employeur: Article L4121-1du Code du Travail L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ; 2° Des actions d'information et de formation ; 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
Obligation de sécurité du salarié : Article L4122-1 du Code du Travail : « Conformément aux instructions qui lui sont données par l'employeur, dans les conditions prévues au règlement intérieur pour les entreprises tenues d'en élaborer un, il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail. Les instructions de l'employeur précisent, en particulier lorsque la nature des risques le justifie, les conditions d'utilisation des équipements de travail, des moyens de protection, des substances et préparations dangereuses. Elles sont adaptées à la nature des tâches à accomplir. Les dispositions du premier alinéa sont sans incidence sur le principe de la responsabilité de l'employeur ».
ADDICTIONS AU TRAVAIL : Sans produit Addictions aux jeux Téléphone portable Internet pour son compte personnel … Avec produit Licite : Boissons alcoolisées (vin, cidre, poiré art. R4228-20 CT) mais dont la consommation excessive peut être sanctionnée ou dont la seule consommation peut l’être à la condition toutefois d’avoir instauré les règles adéquates dans l’entreprise Illicite : Drogues (cannabis, héroïne, cocaïne etc) dont la seule consommation peut être sanctionnée Les addictions sans produit ne sont pas sanctionnables en tant que telles. En revanche, les conséquences attachées à ces addictions le sont. Ex : utilisation abusive d’internet ou du téléphone portable au temps et au lieu du travail Manquement à l’obligation de loyauté du salarié, inhérente à son contrat de travail
Situation d’urgence : Droit d’ alerte et Droit de retrait : - Du salarié : Article L4131-1du Code du Travail : « Le travailleur alerte immédiatement l'employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection. Il peut se retirer d'une telle situation. L'employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d'une défectuosité du système de protection. » Exemple : Salarié en état d’ébriété qui menace la sécurité de ses collègues de travail (opérations en hauteur, conduite d’engins etc) - Du CSE : rétabli par la Loi n°2018-217 du 29 mars 2018 ratifiant les ordonnances du 22 septembre 2018
OUTILS A LA DISPOSITION DE L’ENTREPRISE : Compétence du CHSCT sur ces questions touchant à la santé, la sécurité, les conditions de travail, possibilité d’expertises etc Depuis le 1er janvier 2018 et la publication des 6 Ordonnances du 22 septembre 2017, les institutions représentatives du personnel ont fusionné, pour créer le Comité Social et Economique (CSE), lequel est désormais compétent pour les question relatives à la santé et à la sécurité. Possibilité d’info-consulter le CSE sur les pratiques addictives dans l’entreprise, définir une mission d’audit, enquête sur ces questions qui permettra de sensibiliser et connaître l’ampleur réelle du problème (auditeur extérieur à l’entreprise, confidentialité assurée auprès des salariés etc) Une commission santé et conditions de travail doit être créée dans toutes les entreprises de plus de 300 salariés, laquelle peut se saisir des questions inhérentes à l’alcool et faire des propositions de campagne de sensibilisation, formation etc Cette commission peut aussi être créée dans les entreprises de moins de 300 salariés, soit à la demande du chef d’entreprise, soit à la demande de la DIRECCTE.
ALCOOL : Article R4228-20 du Code du Travail : Modifié par DÉCRET n°2014-754 du 1er juillet 2014 - art. 1 « Aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n'est autorisée sur le lieu de travail. Lorsque la consommation de boissons alcoolisées, dans les conditions fixées au premier alinéa, est susceptible de porter atteinte à la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur, en application de l'article L. 4121-1 du code du travail, prévoit dans le règlement intérieur ou, à défaut, par note de service les mesures permettant de protéger la santé et la sécurité des travailleurs et de prévenir tout risque d'accident. Ces mesures, qui peuvent notamment prendre la forme d'une limitation voire d'une interdiction de cette consommation, doivent être proportionnées au but recherché. »
Attention à la rédaction choisie et adaptée du règlement intérieur. Pour la Cour de Cassation (juridictions judiciaires), l’employeur peut toujours interdire dans son règlement intérieur, la consommation d’alcool. Cass, Soc, 3 oct 1969, n°68-40,480 Le Conseil d’Etat (juridictions administratives) estime que le règlement intérieur ne peut pas interdire purement et simplement la consommation d’alcool dans l’entreprise. Il est nécessaire de caractériser une situation particulière de danger ou de risque. CE, 12 nov 2012, n° 349365 Depuis le décret n° 2014-754 du 1er juillet 2014, il est devenu indispensable de caractériser le but proportionné à la limitation de la consommation d’alcool par la protection de la santé et de la sécurité pour encadrer la consommation d’alcool au temps et au lieu du travail. Exemple : travaux dangereux, conduites d’engins, fonctions liées à des impératifs de sécurité, conduite d’un camion de l’entreprise ou d’un véhicule, etc Attention à la rédaction choisie et adaptée du règlement intérieur. Possibilité d’inscrire dans le règlement intérieur un recours à l’éthylotest avec faculté pour le salarié de demander une contre-expertise.
Exemples jurisprudentiels : Le manquement à une disposition du règlement intérieur interdisant la consommation d’alcool au temps et au lieu de travail peut être sanctionné par une mesure pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave (pas d’indemnité de licenciement ni d’indemnité de préavis), à la condition toutefois que le règlement intérieur soit valablement rédigé (conditions ci-avant rappelées). Exemples jurisprudentiels : - licenciement pour faute grave validé pour un déménageur trouvé en état d’ébriété, alors qu’il avait déjà fait l’objet d’avertissements dans le passé pour avoir adopté un comportement similaire Cass, Soc, 10 juin 1997 n°94-42,388 - licenciement pour faute grave validé pour avoir consommé de l’alcool de façon excessive au cours d’une réunion professionnelle entraînant un comportement agressif d’un salarié qui avait déjà été sanctionné par le passé Cass, Soc, 6 oct 1998 n°96-42,290
Cass, Soc, 6 mars 1986, n°83-41,789 : Bull. civ. V, n° 84 - licenciement pour FG validé pour un salarié qui a persisté, en dépit de plusieurs avertissements, dans des habitudes d’intempérance qui mettaient en danger la sécurité des autres salariés Cass, Soc, 22 oct 2003, n°01-41.321 - licenciement pour FG justifié pour un Directeur d’Agence qui s’est trouvé régulièrement sur son lieu de travail en état d’ébriété après le déjeuner, ce qui risquait de ternir durablement l’image de l’entreprise Cass, Soc 9 fév 2012, n°10-19.496 - le fait pour un chauffeur livreur de conduire le véhicule de l'entreprise avec un taux d'alcoolémie constitutif d'une infraction pénale Cass, Soc, 6 mars 1986, n°83-41,789 : Bull. civ. V, n° 84 - Attention néanmoins aux situations dans lesquelles l’alcool fait partie des pratiques tolérées dans l’entreprise : requalification du licenciement de deux ouvriers surpris en train de trinquer avec un verre de rosé à la main dans les vestiaires à 05h00 du matin, alors que l’employeur tolérait habituellement la circulation d’alcool dans l’entreprise, en contradiction avec le règlement intérieur (« usage » à dénoncer en tant que tel avant d’envisager une sanction).
En conclusion : Pour limiter ou proscrire la consommation d’alcool au temps et au lieu de travail, il est indispensable d’avoir inscrit cette interdiction dans le règlement intérieur, et de justifier d’un intérêt légitime et proportionné au but recherché. Il est nécessaire également d’avoir précisé la procédure à suivre en cas de contrôle de l’état d’imprégnation alcoolique, et d’inscrire et proposer au salarié la possibilité de contester ce contrôle par une contre-expertise. Enfin, l’entreprise doit veiller au respect de son règlement intérieur au besoin en sanctionnant, et ne pas tolérer certaines pratiques qui pourraient remettre en cause sa portée.
CAA MARSEILLE, 7e ch, 21 août 2015, n°14MA02413 STUPEFIANTS : De la même façon, il est envisageable d’inscrire aux termes du règlement intérieur une interdiction d’introduire et de consommer tout stupéfiant dont la détention est pénalement sanctionnée et la consommation interdite. Un test salivaire peut être effectué par l’employeur à la condition d’avoir été prévu au règlement intérieur. Initialement, la CAA MARSEILLE a estimé que l’employeur ne pouvait effectuer lui-même ces tests (nécessité de se tourner vers les services de police ou de gendarmerie, médecin du travail, etc) CAA MARSEILLE, 7e ch, 21 août 2015, n°14MA02413 Mais plus récemment, le CE a opéré un revirement de jurisprudence. CE, 5 déc 2016, n°394178
Ainsi, le recours au test salivaire est possible si : - le règlement intérieur le prévoit - les fonctions du salarié le justifient (manipulation de machines ou de produit dangereux, conduite de véhicules, etc) - si le test est pratiqué par le supérieur hiérarchique ou l’employeur à la condition qu’ils soient tenus au secret professionnel sur les résultats obtenus - si le salarié a la possibilité de contester le test salivaire par un autre test ou une contre-expertise Attention à la rédaction choisie et adaptée du règlement intérieur A défaut de rédaction valable, la sanction notifiée est viciée et conduit à être annulée (requalification du licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse voire nul et allocation de dommages-intérêts)
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