Savoirs scientifiques et croyances religieuses

Slides:



Advertisements
Présentations similaires
F.A 01/07 La 1° annonce Aujourdhui le choix des évêques est de mettre au cœur du processus de catéchèse la fonction dinitiation Une pédagogie qui relève.
Advertisements

M me Sara Silvestri, Ph. D. Les femmes musulmanes en l Europe : Possibilités, aspirations et défis Un séminaire de Sara Silvestri,
Du positionnement épistémologique à la méthodologie de recherche
1 CONCLUSION POUR UNE CIVILISATION DE LAMOUR. 2 LAIDE DE LEGLISE A LHOMME CONTEMPORAIN Un nouveau besoin de sens est actuellement ressenti: vie, activités,
Parcours Artistique et Culturel
ÉTHIQUE ET CULTURE RELIGIEUSE
Homme seulement avant 20e siècle ? (Oppression des femmes)
Enseigner «LEtat de droit» en classe de Première A la recherche dune problématique.
La nouvelle série STMG Une incitation à réfléchir sur la manière d'enseigner.
Repère temps - repère espace
LE FAIT RELIGIEUX QUELS ENJEUX ?. DE NOMBREUSES PUBLICATIONS ET REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES « lenseignement du fait religieux » édité par la SCEREN 2002.
La méthode inductive ou pédagogie inductive
ENSEIGNER L’HISTOIRE EN 6e
LEDUCATION CHRETIENNE: LA BIBLE, UN GUIDE POUR NOTRE ENSEIGNEMENT Que dit la Bible sur le CONTENU de notre enseignement?
Maple, modélisation et résolution de problèmes
UNE NOUVELLE VISION DE L’HOMME
Session 6 LE FONDEMENT THÉOLOGIQUE DE L’APOLOGÉTIQUE
Bloc Introduction La Renaissance Les humanistes Les sciences
L’Humanisme et la Renaissance
Le programme de cinquième
Les penseurs de la démocratie en France le XVIIIe siècle
Colloque ACSQ Stéphane HOEBEN -
La conception belge de la neutralité au regard de tendances émergentes en Europe: éléments de comparaison J.L. Wolfs.
Les grands paradigmes de la science politique
Les yeux tournés vers l’espace: Chapitre 13.3
Histoire de la civilisation occidentale
Guide d’étude pour l’examen portant sur la Renaissance
Objectifs du chapitre 15: analyses qualitatives en psychologie
introduction à la sociologie cours 4
Paradigme Constructivisme social
-La Révolution scientifique -Culture baroque Culture classique
Réalité et Théologie La Science de la Foi.
Nicolaus Copernicus ? Montage préparé par : André Ross
La période moderne 7 6 octobre
L’existentialisme Définition et origines Thèmes littéraires
L'enseignement de la Religion au collège. Discipline d'enseignement, l'heure de religion vise à faire acquérir des savoirs, des méthodes et des attitudes.
HUMANISME ET RENAISSANCE
HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE
Classe du 1er octobre 2010 Par: Tena Bieber
Un exemple de démarche d’investigation en SVT
Dix éléments-clés en guise d’introduction
Les Lumières.
Observatoire programme EPS lycée L’EVALUATION AU COURS DE LA SCOLARITE DU LYCEEN.
L'anthropologie rationaliste
MASTER SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES Parcours : METIERS DE L’EDUCATION ET DE L’ENSEIGNEMENT – ENFANCES Option : EVALUATION ET APPRENTISSAGES.
Apports didactiques intervention Marc Baïeul
L’approche communicative
Vue d’ensemble du cours
Dans le cadre de sa politique culturelle architecturale, le Ministère de la Communauté française Wallonie-Bruxelles a développé un axe de pédagogie avec.
Le profil du professeur européen COMENIUS 1 Document rédigé à Coburg 3-8 avril e rencontre: bilan du projet.
Histoire de la Bible I- La rédaction des textes bibliques
Les philosophes.
La religion : UNE FORCE de CHANGEMENT
Charte de la laïcité à l’Ecole
LA RENAISSANCE.
Thomas d’Aquin IIIème partie. Dès que l’on admet les vérités de la doctrine chrétienne, celles-ci doivent être acceptées avant l’enseignement des sciences.
« Les " nouvelles " notions de révélation et de foi » par Bruno Demers Du concile Vatican I ( ) au concile Vatican II ( )
Peut-on tout démontrer ?
Aristote IXème partie. Aristote est un élève de Platon mais il va plus loin que son maître parce qu’il s’interroge sur la forme même et la logique de.
Guillaume d’Ockham IIIème partie. le langage le fidéisme plan.
Science, Sciences Sociales Science: ensemble cohérent de connaissances relatives à certaines catégories de faits, d’objets ou de phénomènes obéissants.
ENSEIGNEMENT MORAL ET CIVIQUE
Thomas d’Aquin IIème partie. Lorsqu’il rentre de Rome à Paris, en 1268, Thomas d’Aquin est confronté à une querelle importante : les averroïstes, avec,
I « FAIRE FRANCE ENSEMBLE » Dominique BORNE HISTORIEN 1.
1 Evolution de la Science Contemporaine Daniel Memmi Dépt. Informatique UQAM.
CONCEPTIONS ÉPISTÉMOLOGIQUES, LAÏQUES ET RELIGIEUSES DE / EN ÉDUCATION J.L. Wolfs.
Darwin et l’évolution. Le voyage à bord du Beagle  Tout jeune naturaliste, c’est en 1831 que Charles Darwin embarque sur le Beagle pour un long voyage.
CHAPITRE 2: LAÏCITÉ, RELIGIONS, ATHÉISME –AGNOSTICISME ATHÉISME –AGNOSTICISME (CONCEPTS-CLÉS) (CONCEPTS-CLÉS)
CHAPITRE 4 CHAPITRE 4 CITOYENNETÉ ET CONCEPTIONS RELIGIEUSES / LAÏQUES.
Le nouveau manuel de FLE allons-y!
Transcription de la présentation:

Savoirs scientifiques et croyances religieuses J.L. Wolfs

Plan 1. Bref historique des positionnements entre sciences et croyances religieuses (Rem: science antique, médiévale / science « moderne ») - 1.1 Sciences – christianisme - 1.2 Sciences – islam 2. Six grandes manières de concevoir les positionnements entre sciences et croyances religieuses 3. Pistes de réflexion pédagogiques et didactiques

Bref historique des positionnements entre sciences et croyances religieuses Rapports sciences – christianisme: 1e phase (1e - 4e siècles): attitudes contrastées → globalement indifférence, méfiance, voire rejet à l’égard des textes des auteurs grecs → chez certains: ouverture (ex: Clément d’Alexandrie)

Bref historique des positionnements entre sciences et croyances religieuses Remarque importante: à partir du 3e siècle, la science gréco-romaine connaît un déclin prononcé… 2e phase (5e - 16e siècles): différentes formes « d’alliance », où la « science » est considérée au service de l’écriture - 5e s. Saint-Augustin - 10-13e : recherche de savoirs nouveaux (issus des traductions arabes) - 13e : redécouverte d’Aristote, tentatives de concilier foi et raison (ex. Saint Thomas d’Aquin)

Bref historique des positionnements entre sciences et croyances religieuses 3e phase (16e- 19e s): essor scientifique important et autonome par rapport à la religion: - au début, relative indifférence et tolérance de la part de l’Eglise ex. Copernic (1473-1543) - ensuite, oppositions très dures: - Index (1559) + condamnations - Affaire Galilée (1633) - Mise à l’index: Descartes (1663), l’Encyclopédie (1758) - Opposition au darwinisme…

Bref historique des positionnements entre sciences et croyances religieuses Rem: (19e s.): chez certains, tentatives de faire « concorder » sciences et Ecritures 4e phase (20e s.): relations +/- apaisées, avec des postures différentes ex: Chanoine Lemaître ex: Teilhard de Chardin

Bref historique des positionnements entre sciences et croyances religieuses Rapports sciences – islam Au départ, un intérêt important pour les sciences: - traduction de textes grecs vers l’arabe et le syriaque (8e et 9 s.) - introduction de savoirs nouveaux venant de Chine et des Indes - création de savoirs nouveaux par les savants arabes en mathématique, astronomie, médecine, pharmacie

Bref historique des positionnements entre sciences et croyances religieuses Une phase de repli et de stagnation (à partir du 12e s.) - Raisons externes (ex: conflits avec la Mongolie…) - Raisons internes: oppositions entre courants « rationalistes » et « dogmatiques » et tournant théologique fondamentaliste vers le 12e s… Une phase d’isolement par rapport aux grandes découvertes qui se font en Europe entre les 16e et 19e siècles, puis contact brutal avec la « modernité » Aujourd’hui: quelle attitude adopter face à une science perçue par certains comme « occidentale » ?

2. Six grandes manières de concevoir les positionnements entre sciences et croyances religieuses (1) Le rejet de la science au nom de conceptions de type « fidéiste » (fides) → Idée de primauté de la foi sur la raison ou la science Ex: une partie des chrétiens des premiers siècles Ex: Mouvement dit du « Réveil » Ex: Créationnistes littéralistes 

(2) Le concordisme dit « classique » 2. Six grandes manières de concevoir les rapports entre sciences et croyances religieuses (2) Le concordisme dit « classique » Postulat « Le livre de la Parole et le livre de la Nature ne sauraient se contredire, puisque leur auteur est le même (Dieu) » → Tendance à lire le « livre de la Nature » en fonction du « livre de la Parole »

2. Six grandes manières de concevoir les rapports entre sciences et croyances religieuses Modalités, variantes: - recherche d’une « alliance » entre sciences et Ecritures sous l’autorité de ces dernières ; - chercher à confirmer par la science ce que les Ecritures révèlent ; - … → Attitude longtemps dominante au sein de l’Eglise. → Attitude encore fort présente au sein du monde musulman. Raisons ?

2.2. Six grandes manières de concevoir les rapports entre sciences et croyances religieuses (3) Le concordisme dit inversé Principes généraux: Chercher à établir des concordances entre sciences et croyances religieuses, en partant non pas des Ecritures ou d’une tradition révélée, mais d’une démarche qui se présente comme « scientifique ». Vouloir trouver Dieu à travers la « science », quitte à créer une pseudo-science pour tenter d’y parvenir (ex: dessein intelligent)

- Idée de « théologie naturelle »: Kepler, Newton, Leibniz, Cantor… 2.2. Six grandes manières de concevoir les rapports entre sciences et croyances religieuses Exemples: - Idée de « théologie naturelle »: Kepler, Newton, Leibniz, Cantor… - Aujourd’hui: « dessein intelligent » - …

2.2. Six grandes manières de concevoir les rapports entre sciences et croyances religieuses (4) Autonomie de la science par rapport aux croyances religieuses Postulat de base « En sciences, la nature s’explique par la nature » Long processus d’autonomisation de la science - Précurseurs: ex. Guillaume D’Occam (14e s.) - Science « moderne »: Galilée, Descartes… → causes « efficientes » / causes « ultimes »

2. Six grandes manières de concevoir les rapports entre sciences et croyances religieuses Caractéristiques de la science - réfutabilité ; - principe de parcimonie ; - non finalisme. Implications La science exclut la question de l’existence ou non existence de Dieu (par choix méthodologique) → La science ne peut ni confirmer, ni infirmer l’existence de Dieu

(5) Relations autres que concordistes Définition: 2.2. Six grandes manières de concevoir les rapports entre sciences et croyances religieuses (5) Relations autres que concordistes Définition: recherche d’une forme de conciliation, voire de complémentarité ou d’articulation entre sciences et religions, tout en reconnaissant qu’il existe une différence de nature profonde entre les deux registres.

- idée de séparation des magistères 2.2. Six grandes manières de concevoir les rapports entre sciences et croyances religieuses Principes: - idée de séparation des magistères Ex: « Nous n’avons pas à chercher dans les Ecritures un enseignement proprement dit de l’astronomie (…) et l’intention du Saint-Esprit et de nous enseigner comment l’on doit aller au ciel et non comment va le ciel… » (Galilée) - distinction entre raison « pure » et raison « pratique » (Kant) ou entre registres de « l’explication » et de la « signification » (Feltz).

2.2. Six grandes manières de concevoir les rapports entre sciences et croyances religieuses (6) Critiques rationalistes (au nom de la raison ou de la science) de conceptions religieuses Principes de base: - La science s’est construite par ruptures et dépassements par rapport à un premier niveau d’explication mythologique ou religieux (Cf. Condorcet, Comte, Bachelard…).

2. Six grandes manières de concevoir les rapports entre sciences et croyances religieuses - Les religions ou certaines de leurs formes particulières d’expression (passées ou présentes) sont perçues comme freins ou obstacles au développement de la science, voire à l’émancipation de l’humanité. Rem: excès à certaines périodes: - « scientisme » (19e s.) - cas extrême: persécutions « au nom de la science » (cas de l’U.R.S.S.)

3. Pistes de réflexion pédagogiques et didactiques (1) Apprendre à distinguer les différents registres discursifs Ex: « explication » / « signification » (Feltz, 2008) Ex: Mythes / philosophie / « logothéiques » / sciences de la nature / sciences humaines (Dasseto, 2009) → notamment la distinction entre savoir et croyance

3. Pistes de réflexion pédagogiques et didactiques (2) Accompagner l’enseignement des sciences d’une dimension épistémologique et historique Caractéristiques de la démarche scientifique: - réfutabilité, parcimonie, non finalisme - caractère construit du savoir scientifique - statut et rôle des « modèles » - … Dimension historique + valoriser l’apport des différentes cultures (Eviter de placer l’élève dans des conflits de loyauté)

3. Pistes de réflexion pédagogiques et didactiques (3) Mieux connaître les différents registres de conviction → Ex: Cours de « Philosophie et histoire comparée et culturelle des religions » Ex: en France: cours de philosophie + enseignement des « faits religieux » (Cf. Libre blanc sur le dialogue interculturel, Conseil de l’Europe, 2008)