Épistémologie de l’Histoire HISTOIRE & MÉMOIRE Épistémologie de l’Histoire
Qu’est-ce que la vérité en Histoire? ÉPISTÉMOLOGIE DE L’HISTOIRE Qu’est-ce que la vérité en Histoire?
Le souvenir des événements passés à d’abord été dévolu à la mémoire, et au récit oral. Le dépositaire de la mémoire n’est donc pas un historien mais un récitant. Exemple: Homère, avec les deux poèmes de l’Iliade et de l’Odyssée.
Les premiers historiens sont curieusement des historiens de leur propre temps: Thucydide et Hérodote posent les principes de la science historique, étude des faits passés vérifiés par des sources contradictoires, mais ils considèrent qu’on ne peut vraiment connaître que ce qui s’est réellement passé dans sa propre époque. Exemple: Thucydide, Histoire de la guerre contre les Péloponnésiens, Ve siècle av J.-C.
Il en résulte que les historiens sont d’abord des analystes critiques qui vérifient la véracité des souvenirs conservés par la mémoire.
On parle aujourd’hui pour cette étape historiographique de « l’histoire immédiate », elle ne se fait pas au travers d’un moyen (archives, traces archéologiques…) mais immédiatement auprès des témoins directs des événements.
La Renaissance voit l’émergence d’Historiens qui travaillent sur des archives: c’est « l’histoire médiate », elle se fait au travers d’un moyen (archives, traces archéologiques…). Exemple: Nicolas Machiavel, Histoire de la famille Médicis
En conséquence, les témoins des événements consignent et archivent leurs témoignages, afin de peser sur la manière dont les historiens jugeront de leurs actes et de leur temps. C’est l’âge d’or des mémorialistes. Exemple: Le duc de Saint-Simon, dont les Mémoires posthumes sont un témoignage acide du siècle de Louis XIV.
D’où l’idée intuitive que la vérité historique se situe à l’épicentre du triptyque Mémoire – Archives - Historiens. Cette vérité est dite « objective », elle existe et elle est saisissable. Une bonne méthode cartésienne et scientifique permet à l’historien de passer au crible les archives afin de déterminer la véracité des témoignages. L’histoire dit-on alors n’est pas vraiment une science, mais une méthode.
L’école historique française du XIXe siècle incarnée par Langlois et Seignobos est dite pour cette raison « école méthodique », elle a inspiré l’histoire dans les pays anglo-saxons, qui restent encore imprégnés de cette conception.
Cette conception de l’histoire est dite « positiviste », elle postule qu’il existe une vérité historique (« ce qui c’est réellement passé ») et qu’une méthode scientifique peut permettre d’accéder à cette vérité. C’est aujourd’hui une conception largement considérée comme « scientiste », c’est-à-dire qui émane d’une conception un peu naïve ou extrémiste d’une soit-disant toute puissance de la science.
En effet, les trois pôles de ce triptyque ne sont pas fixes. Leur place dans la relation dialectique qu’ils entretiennent entre eux est très variable.
La mémoire par exemple est changeante et multiforme: elle a aussi une importance différente dans le débat public en fonction de l’événement. Par exemple la mémoire d’un événement traumatique est plus difficile à contester pour les historiens parce que les témoins sont aussi des victimes. Dans le cas de catastrophes de grande ampleur (Génocide, guerre civile, guerres mondiales…) les témoins sont souvent organisés en « groupes porteurs de mémoires »
Les archives elles-mêmes constituent un fonds mouvant: on en retrouve, on en perd, certaines existent mais ne sont pas accessibles...
L’historien aussi rigoureux soit-il reste pour partie prisonnier d’une subjectivité qu’il hérite de son origine géographique et sociale, mais aussi du fait qu’il est lui-même le produit d’une histoire…
La vérité historique n’est donc plus un point d’intersection mais un champs d’intersections : elle était positive et absolue, elle est devenue relative.