Introduction à la psychologie de groupe - 1 Professeur Philippe Corten ULB Introduction à la psychologie de groupe - 1
Introduction à la psychologie de groupe Le groupe et l’individu Le dette La conformité La réciprocité La reconnaissance Les besoins Deux phénomènes spécifiques: L’efficacité symbolique La pensée de groupe Les différents groupes La dynamique de groupe Sociométrie de Moreno Animation de groupe Applications Burn-Out Harcèlement Moral Obéissance à l’autorité
Le groupe et l’individu Quel que soit le lieu de la planète, il y a deux grandes condamnations La peine de mort L’exil « Un homme seul, est un homme mort » Claude Levy Strauss: population arboricole, la personne punie doit construire sa hutte juste au dehors de l’enceinte du village => mort dans les 6 mois Dette : L’être humain est immature à la naissance. Sans le groupe (la horde, la famille) il ne survivrait pas. Il ne sait ni manger, ni bouger seul. Plus tard sa survie ne dépendra que de la protection d’un groupe d’appartenance. => Tout être humain a une dette indélébile face au groupe
Le groupe et l’individu Conformité: Le groupe face à son offre de protection attend de ses membres une conformité par rapport à ses valeurs, à ses règles, sa survie … L’individu, pour ne pas être exclu du groupe, va s’ajuster face à ces exigences de conformité. Une entente tacite va s’établir entre le groupe (la horde) et l’individu La horde n’a pas avantage à être trop petite L’individu n’a pas avantage à se trouver seul.
Le groupe et l’individu La réciprocité: Ce qui va réguler les interactions entre les individus entre eux et entre les individus et le groupe est la réciprocité. L’effort que je fais pour aller vers les autres et le groupe doit être compensé par ce que les autres et le groupe me donnent en retour Si je donne trop = pigeon Si je reçois trop = j’étouffe
Le groupe et l’individu Reconnaissance: De la part du groupe: Le groupe attend une reconnaissance des individus face à la protection qu’il a offerte « On ne crache pas dans la soupe qui nous nourrit » Voir « contrat social » au travail De la part de l’individu: Il attend du groupe: Reconnaissance intrinsèque: qu’on lui donne des tâches, des rôles, des missions adaptées à ses compétences et auxquelles il peut lui- même se féliciter de les avoir réussies Reconnaissance extrinsèque: des mercis, des bravos, des médailles…
Le groupe et l’individu => psychologie individuelle: droit de satisfaction des besoins voire d’épanouissement et de bonheur Abraham Maslow: pyramide des besoins
Pyramide des besoins pour se réaliser Besoins physiologiques: Dormir Manger Boire Ne pas avoir froid … Les besoins doivent être satisfaits Satis = assez Ni trop peu, ni trop Si vous mourez de soif au désert, que vous importe d’avoir le prix Nobel Si vous avez mangé à satiété, vous n’aurez qu’une envie: faire une sieste. Physiologie
Pyramide des besoins pour se réaliser Besoins de protection Ni trop peu, ni trop Trop peu: on sauve sa peau Trop: on n’a plus d’audace Sécurité Physiologie
Pyramide des besoins pour se réaliser Besoins de stimulations physiques et mentales Ni trop peu, ni trop Trop peu: privation sensorielle => le cerveau va créer ses propres stimulations (hallucinations…) Trop: tendance à déconnecter, à se replier dans sa bulle (Burn-out) Stimulation Sécurité Physiologie
Pyramide des besoins pour se réaliser Besoin d’appartenance Famille Bande de copains Equipe de travail … Appartenance Stimulation Sécurité Physiologie
Pyramide des besoins pour se réaliser Besoins d’amour et de sympathie Ni trop, ni trop peu Trop: on étouffe Trop peu: on se dessèche Amour sympathie Appartenance Stimulation Sécurité Physiologie
Pyramide des besoins pour se réaliser Besoins d’estime Etre reconnu et apprécié comme différent des autres S’estimer soi et être estimé par les autres Estime Amour sympathie Appartenance Stimulation Sécurité Physiologie
Pyramide des besoins pour se réaliser Besoins d’actualisation Actual = Maintenant Agir « What you can be, you must be » Réalisation Soi Estime Amour sympathie Appartenance Stimulation Sécurité Physiologie
Le groupe et l’individu Attentes du groupe en retour (respect des règles, dette et conformité). Le but de la réalisation de soi est d’être autonome (auto nomous) mais pas de se séparer du groupe et d’être autarcique. Réalisation Soi Estime Amour sympathie Appartenance Stimulation Sécurité Physiologie
Le groupe et l’individu Par principe de réciprocité aucun groupe, n’importe où sur la planète n’accepte: 1- Besoins physiologiques: que vous soyez indifférent à la misère et la faim des autres 2- Sécurité: que vous mettiez en doute les principes de fonctionnement habituel du groupe sous peine d’être vécu comme un dangereux terroriste (résistance aux changements) 3- Stimulation: que vous n’interagissiez pas activement avec les autres 4- Appartenance: que vous ne respectiez pas les principes de conformité au groupe 5- Amour et sympathie: que vous ne participiez pas au partage émotionnel du groupe 6- Estime: que vous n’acceptiez pas la compétitivité qui fait la différence mais que vous ne soyez pas coopérant ou que vous ne soyez pas fair-play 7- Réalisation de soi: que vous abandonniez l’objectif d’être toujours au top de vous-même
Le groupe et l’individu Effet multiplicateur Plus le groupe est grand Plus les membres sont physiquement présents Plus les règles sont structurées Plus la conformité sera importante Plus les réactions décrites ci-dessus seront inconditionnelles Moins les capacités de jugement individuel et de critique seront présentes au profit de l’émotion
Cette image est-elle un faux?
L’efficacité symbolique Expérience princeps: Claude Levi Strauss à Congo Brazzaville. Etape 1: Claude Levi Strauss (ethnologue français) décide d’étudier le processus de formation des sorciers en suivant lui même ce processus. Etape 2: à la dernière étape du processus de formation, le sorcier enjoint à ses adeptes d’égorger une poule vivante en répandant son sang sur le seuil de la case, en rentrant chez eux, sous peine de problèmes intestinaux majeurs. Etape 3: rentrant à l’hôtel Intercontinental de Brazzaville, Claude Levi Strauss n’égorge pas une poule devant la porte de sa chambre. Etape 4: le lendemain il a une dysenterie fulgurante (ce qui est courant dans ce pays quand on ne boit pas de l’eau en bouteille) Etape 5: quelques jours plus tard il rentre sur Paris avec sa diarrhée malgré des produits ad hoc Etape 6: arrivé à Orly, faisant la file des douanes la diarrhée s’arrête sur le coup et définitivement
L’efficacité symbolique (Claude Levi Strauss suite) Etape 7: Six mois plus Claude Levi Strauss se rend compte qu’il lui manque des informations pour terminer son ouvrage et décide de retourner à Congo Brazza. Etape 8: Arrivé à Congo Brazza, dès l’attente aux douanes, la diarrhée recommence alors qu’il n’a bu que de l’eau servie dans l’avion d’Air France Etape 9: Malgré un traitement adéquat, la diarrhée persiste jusqu’au moment de l’atterrissage de retour à Orly Etape 10: Intrigué par le phénomène, Claude Levi Strauss décide de retouner à Congo Brazza Etape 11: dès son atterrissage la diarrhée reprend Etape 12: Il décide d’acheter une poule et l’égorge sur le pas de la porte de sa chambre d’hôtel. La diarrhée s’arrête sur le champ. Conclusion de Claude Levi Strauss: Tant qu’il est inclus dans l’espace culturel, malgré sa rationalité, la malédiction opère Dès qu’il est hors de cet espace, elle n’opère plus
L’efficacité symbolique 3 conditions sont nécessaires : 1 : Etat de manque : état propice à la dépendance, soit individuellement, soit en groupe. 2 : Quelqu’un ou quelque chose accrédité par le groupe auquel on appartient ; pas forcément accrédité par soi- même, mais par l’ensemble du groupe. 3 : Rituel : meeting, formes d’initiation. L’immersion dans ce système est supérieure à toutes les variables individuelles. Exemple : l’effet placebo L’effet placebo est différent de la suggestion Exemple chez un enfant, un bisou est plus efficace sur la douleur qu’un placebo, c’est l’inverse chez l’adulte Les plus placebo répondants sont les professions médicales, alors qu’elles savent très bien que ce n’est que du talc et même si on leur dit que c’est un placebo. Ce phénomène de l’efficacité symbolique est indépendant de toutes critiques logiques que l’on peut faire.
La pensée de groupe La pensée de groupe ou GroupThink est un terme inventé par William H. Whyte dans Fortune en 1952. Irving Janis, en 1972, approfondit et détaille ce concept sociologique qui décrit le processus selon lequel les individus d'un groupe ont tendance à rechercher prioritairement une forme d'accord global plutôt qu'à appréhender de manière réaliste la situation. Tendance plutôt considérée comme péjorative.
La pensée de groupe La pensée de groupe se produit généralement lors de réunions de groupe ou de masse où peuvent se prendre de «mauvaises» décisions ou des décisions «irrationnelles», alors que tout ou partie des individus du groupe aurait personnellement pris une autre décision. Ce résultat paradoxal provient de ce que, dans une situation de pensée de groupe, chaque membre du groupe essaye de conformer son opinion à ce qu'il croit être le consensus du groupe, en vue d'aboutir à un accord global, en évacuant plus ou moins fortement certaines questions pourtant légitimes : « est-ce bien réaliste ? » , « est-ce bien ce que je souhaite vraiment ? »
La pensée de groupe La conséquence est une situation dans laquelle le groupe finit par se mettre d'accord sur une décision : que chaque membre du groupe - dans son for intérieur- croit peu sage ou peu pertinente. (cas limite) qui, de manière moins dramatique, est le résultat d'une décision collective qui ne satisfait personne car elle ne résulte pas d'une réelle prise en compte ni d'une concertation à propos des différents besoins de chaque individu. Chaque membre du groupe essayant de se rassurer en se persuadant que l'on est arrivé à une «sorte de compromis» , pour lequel «tout le monde» a dû faire un effort et consentir des « concessions ».
Les 8 symptômes de la pensée de groupe L’illusion de l’invulnérabilité : lorsque les groupes se croient intouchables, ils ont tendance à réprimer la dissidence ; La rationalisation : un groupe est plus soudé lorsqu'il justifie collectivement ses actions ; La croyance en la supériorité morale du groupe : lorsqu’un groupe pense qu’il est moral, il a tendance à ignorer sa propre immoralité ; La transformation de l’opposant en stéréotype : lorsqu’un opposant est considéré avec partialité ou avec des préjugés, les affirmations qui contredisent les convictions du groupe sont ignorées ; La pression de la conformité : une forte pression est exercée sur les individus pour qu’ils s’alignent sur la volonté du groupe et pour qu’ils ne soient pas en désaccord avec lui, sinon ils sont ostracisés, c’est-à-dire écartés des débats, voire sanctionnés ou expulsés ; L’autocensure : les membres du groupe préfèrent garder leurs opinions divergentes pour eux, plutôt que de déserter le navire ; L’illusion de l’unanimité : les dissensions internes sont cachées au groupe. Ainsi, elles semblent inexistantes ; Les gardiens de la pensée : certains membres du groupe s’engagent activement à protéger le groupe de toute dissidence ou information contraire.