Aspergillose pulmonaire invasive. Patrice BEFORT DESC réa-med NICE Juin 2007
Introduction Pathogène opportuniste. Augmentation du nombre de patients concernés (greffe, hématologie, corticothérapie). Devenir catastrophique malgré les progrès thérapeutiques. Concerne l’hôte immunodéprimé, sous immunosuppresseurs et/ ou neutropénie.
Mycologie Taille de quelques micron-mètres, reproduction asexuée, famille des trichocomacae, proche de la famille des penicillium. Description complète de l’organisme en 1856 par Virchow. Historiquement la majorité des infections étaient dues à A fumigatus et A flavus (sinusite). Plus récemment émergence d’espèces moins communes: A terreus (résistant à Ampho B), A niger. Plus une vingtaine d’autres espèces ( A caesiellus, A chevalieri…) Espèces qui se retrouvent dans la nature, les sols, moisissures des végétaux, l’air, les réserves d’eau.
Epidémiologie Inhalation conduit à une colonisation ORL et pulmonaire. Réactivation endogène d’une ancienne infection ou colonisation. Patient avec une neutropénie profonde ( ≤à 100) et prolongée. Principal critère pronostique+++ (Hématologie) Greffe de moelle ou de cellules souches, avec deux pics: un précoce (≤20j) et un tardif (≥100j). Wald A et al. Epidemiology of Aspergillus infections in a large cohort of patient undergoing bone marrow transplantation. J infect Dis. 1997. Chimiothérapie, VIH, greffe (surtout greffe pulmonaire incidence de 10-15% Patterson JE et al. Investigation and control of aspergillosis and other filamentous fungal infections in solid organ transplant recipients. Transpl Infect Dis. 2000.), immunosuppresseurs tels que corticothérapie au long cours, cas décris avec les anti-TNFα. Epidémie en rapport avec des travaux de construction ou d’autres risque environnementaux.
Pathogenicité Voie habituelle de contamination: inhalation pulmonaire d’aspergillus, puis va donner un aspergillome. Par la suite invasion vasculaire au niveau pulmonaire et possible dissémination hématogène de l’infection. Cas d’atteinte extra pulmonaire isolée possible mais rare. Cas de contamination « atypique » par cathéters ou blessures chirurgicales décrites. Durée d’incubation variable, de l’ordre de quelques semaines. Hydrocortisone accélère le taux de croissance aspergillaire. Contamination extrêmement rare chez l’immunocompétent (rôle des cilles ciliaires, opsionisation par le complément…).
Spectre clinique Aspergillose broncho-pulmonaire allergique. Locale: Aspergillome. Atteinte superficielle: otomycose, onychomycose, kératite. Atteinte invasive:-Pulmonaire. -Tracheo-bronchique (transplantation pulmonaire et VIH). -Sinusite +/- associé à une atteinte pulmonaire. -Cérébrale (90% de mortalité (1)) -osseuse à type d’ostéomyélite. -Cutanée, érythème nécrotique souvent ulcéré. -Autres: endocardite, rénale… -Disséminé, pronostic sombre, 90% mortalité et réponse thérapeutique à moins de 20% (1). 1/ Lin SJ et al. Aspergillosis case- Fatality rate: Systematic review of the litterature. Clin Infect Dis. 2001.
Aspergillome pulmonaire Masse se développant au sein de la cavité pulmonaire préexistante (emphysème, abcès, tuberculose…) Radio de thorax masse ronde solide au sein d’une cavité. Prélèvement pulmonaire et/ou antigénemie Aspergillaire positive. Peut se révéler par des hémoptysies massives. Rechercher un aspergillome intra-sinusien. Possibilité d’évolution vers un aspect de fibrose chronique « aspergillaire ».
Atteinte pulmonaire invasive Atteinte invasive la plus commune (80%). En général après 10-12 jours de neutropénie. (facteur de risque majeur) Gerson SL et al. Prolonged granulocytopenia: The major risk factor for invasive pulmonary in patients with acute leukemia. Ann Inter Med. 1984. Symptômes: Toux sèche, dyspnée, fièvre résistante aux antibiotiques, douleur pleurétique. Aspect de pneumopathie nécrosante prolongée résistante aux antibiotiques. La fièvre peut être absente si corticothérapie. Autres: hémoptysies, épanchements pleuraux, pneumothorax. Signes non spécifiques, mais l’ensemble du tableau doit faire évoquer le diagnostic.
Signes radio Lésions nodulaires, cavité préexistante, épanchement pleuraux. TDM Signe du « halo »: atténuation au pourtour de la lésion nodulaire. Traduit l’hémorragie péri lésionnelle. Patients présentant un signe du halo auraient une meilleure réponse thérapeutique. (survie à 84 jours 71% vs 53%) Greene et al. Imaging findings in acute invasive aspergillosis: clinical significance of the halo sign.Clin Infect Dis. 2007. Possibilité de transformation des nodules en extravasation aspect de croissant aréique .
Diagnostic Diagnostic de certitude repose sur biopsie tissulaire avec invasion des tissus par filaments myceliens et culture positive. Ou culture positive dans un milieu normalement stérile (LCR, HAA mais rarement positif). Culture positive d’un LBA sur un terrain à risque = diagnostic probable. (rendement faible). Multiplier les prélèvements pour améliorer le rendement, corrélation avec la clinique et la radio améliore la valeur prédictive positive des prélèvements. Horvath JA et al. The use of respiratory-tract cultures in the diagnosis of invasive pulmonary aspergillosis. Am J Med. 1996. Autres cas à interpréter avec précaution compte tenu du portage pulmonaire possible. Signe du halo au TDM est considéré par certains auteurs comme un signe fort permettant de débuter le traitement antifongique. Réalisation d’un anti-fongigramme.
Aide au diagnostique Détection d’anticorps monoclonaux aspergillaires par test d’agglutination au latex, mais sensibilité et reproductibilité limitée. Méthode diagnostique par PCR sang, LBA, autres (non standardisé en cours d’étude). Antigénemie Aspergillaire par méthode ELISA. Bonne Sensibilité 90% et bonne spécificité de 95%.+++.Dosage répétés; Maertens J et al. Screenig for circulating galactomannan as a noninvasive diagnostic tool for invasive aspergillosisin prolonged neutropenic patients and stem cell transplantation recipients: A prospective validation. Blood. 2001. Antigénemie dans le LBA. Faux positif rapportés chez des patients ayant reçus piperacilline-tazobactam, amoxicilline- ac clavulanique. Plusieurs questions restent ouvertes sur son usage en routine (fréquence des dosages, faux positif, impact d’un traitement antifongique antérieur, corrélation pronostique).
Devenir En transplantation de moelle, facteurs de mauvais pronostics: -âge de 12-35 ans. -Aspergilloses invasives disséminée. -Epanchement pleural. -≤120 monocytes. Corticoïdes depuis plus de 2 mois. GVH. Cordonnier C et al. Prognostic factors for death due to invasive aspergillosis after hematopoietic stem cell transplantation: a 1-year retrospective study of consecutive patients at french transplantation centers. Clin Infect Dis. 2006.
Thérapeutique La réponse thérapeutique à l’antifongique dépend du statut immunitaire du patient et de l’extension de l’infection au moment du diagnostic (90% mortalité chez transplantés de moelle). Chirurgie exérèse: lobectomie, pneumectomie. EFR en pré-op. Intérêt chez les patients ayant une hémoptysie ou lésion près d’un vaisseaux hilaire. Ou avant intensification de l’immunosuppression. Devenir favorable à long terme (72.6% à 10 ans) chez 24 patients. Okubo K et al. Favorable acute and long-term outcomes after the resection of pulmonary aspergillomas. Thorac Cardiovasc Surg. 2007. Intérêt des facteurs de croissance des globules blanc? ou transfusion de granulocytes? Intérêt d’un traitement probabiliste précoce sur le devenir en cas de suspicion. Prompt et agressif. Forme IV initialement. Stevens DA et al. Practices guidelines for diseases caused by Aspergillus. Infectious Diseases Society of America. Clin Infect Dis. 2001.
A/ AMPHOTERICINE B. « gold standard » pendant près de 40 ans, plusieurs études ont documentées son efficacité limitée et sa toxicité, notamment rénale. Taux de réponse de moins de 25%. Herbrecht R et al. Voriconazole versus amphotericin B for primary therapy of invasive aspergillosis. N Engl J Med. 2002. Toxicité rénale chez près de 30% des patients (212/707 admissions), associée à une augmentation de la mortalité (54% vs 16%) et à une augmentation des coûts. Bates DW et al. Mortality and costs of acute renal failure associated with amphotericin B therapy. Clin Infect Dis. 2001. Formes liposomales (Ambisome) Pour diminuer la toxicité et pouvoir augmenter les doses. 3 à 5 mg/kg/J.
B/ VORICONAZOLE Thérapie de première intention dans les aspergilloses invasives documentées. Steinbach WJ et al. Review of newer antifungal and immunomodulatory strategies for invasive aspergillosis. Clin Infect Dis. 2003. Activité fongicide sur la majorité des souches, notamment A. terreus. Forme orale ou IV. (6mg/kg×2/j pdt 24h puis 3g/kg×2/j) Efficacité montrée par essai clinique randomisé. Succès chez 53% des patients versus 31% ampho B, notamment supériorité chez patients à haut risque, greffe de moelle, abcès cérébraux. Survie à 12 semaines 70.8% vs 57.9%. Denning DW et al. Efficacity and safety of voriconazole in the treatement of acute invasive aspergillosis. Clin Infect Dis. 2002. Bien toléré et profil pharmacocinétique favorable.variabilité individuelle.1/2 dose dans les cirrhoses. Interactions avec les immunosuppresseurs augmentent leurs taux (cyclosporine, tacrolimus, sirolimus). Inducteur rifampicine, inhibiteur oméprazole. Effet secondaire: perturbation visuelle réversible (30%).
Autres Itraconazole : intérêt pour thérapeutique de sauvetage. Voie orale avec problème d’absorption et interactions. Voie IV 15 jours max. Posaconazole: voie orale uniquement. Echinocandines: nouvelle classe, voie IV, inhibe la synthèse du glucan de la paroi fongique. Effet fongistatique. Approuvé pour les patients réfractaires ou intolérant aux autres thérapeutiques. Réponse clinique satisfaisante 22/54 patients étudiés (41%).Bonne tolérance. Capsofungine: 70mg j1 puis 50mg/j. Maertens et al. Multicenter noncomparative study to evaluate safety and efficacity of capsofungin in adults with aspergillosis refractory or intolerant to amphotericin B, amphoterincin B lipid formulations, or azoles. 40 th InterscienceConference on Antimirobial Agents and Chemotherapy. Toronto. Canada.;2000. Intérêt d’une association triazoles+echinocodines. En sauvetage dans les aspergilloses invasives. Inhibant à la fois la synthèse de la membrane et lyse du mur membranaire. Survie à 84 jours 55%. Bonne tolérance. Maertens J et al. Multicenter, non comparative study of capsofungin in combinatin with other antifungals as salvagge therapy in adults with invasive aspergillosis. Cancer. 2006.
Prévention Epidémie liée aux travaux, contamination des systèmes d’aération et du circuit d’eau. Intérêt du nettoyage douche et baignoire. Anaissie EJ et al. Cleaning bathrooms: A novel approach to reducing patient exposure to aerosolized Aspergilus spp. Blood. 2001. Pour les patients à haut risque (greffe de moelle) intérêt de chambre avec filtre à air et ventilation en pression positive. Aérosols de formes lipidique amphotericine B peuvent avoir un intérêt chez les patients transplantés pulmonaires. Palmer et al. Safety of aerosolized amphotericin B lipid complex in lung transplant recipients. Transplantation. 2001.
Conclusion Complication sévère des patients immunodéprimés. Outils diagnostiques: scanner thoracique+ antigénemie aspergillaire sang et LBA. Traitement prophylaxique dans deux cas particuliers: greffe pulmonaire et GVH sous corticothérapie. Traitement empirique soit AmphoB liposomale ou Capsofungine. Infection documentée: Voriconazole+++ Sauvetage: Capsofungine + (voriconazole ou amphoB liposomale). Coopération avec chirurgien thoracique. Management of aspergillosis in immunocompromised patients. Recommendations of Lille University Hospital-4th version-November 2004. Med Mal Infect. 2005.