DESC de Réanimation Médicale Hépatite Médicamenteuse Caroline Paricio Hépatite Médicamenteuse Février 2004
Introduction Le foie est le siège principal de la clairance des médicaments, de leur biotransformation et de leur excrétion. Les médicaments sont une cause importante et courante d’atteinte hépatique.
Introduction Perturbations non spécifiques légères jusqu’à la nécrose hépatique fulminante. Le plus souvent, inflammation aiguë et cholestase simulant respectivement l’hépatite virale et l’obstruction biliaire. D’autres types de maladies chroniques et aiguës surviennent aussi. La maladie hépatique médicamenteuse est donc complexe; elle a une symptomatologie changeante et peut imiter de nombreux autres troubles hépatiques.
Epidémiologie ± 1000 médicaments reconnus comme potentiellement hépatotoxiques. Ils provoquent rarement une atteinte hépatique : en effet, lorsqu'un médicament est responsable d'une toxicité hépatique chez plus d'un patient sur 100, il est retiré du marché. Fréquence d'hépatotoxicité ~ 1 / 10.000 à 100.000 patients.
Pathogenèse Obscure le plus souvent. Rarement, le médicament, ou l’un de ses métabolites, exerce une action toxique directe sur les membranes des cellules hépatiques (nécrose toxique). La lésion est alors prévisible et liée à la dose. Plus souvent, l’affection se produit de manière imprévisible chez un très petit nombre de personnes prenant le médicament; elle est indépendante de la dose (hépatite aiguë).
Pathogenèse Dans ces cas, on évoque une prédisposition génétique ou un métabolisme idiosyncrasique. On invoque souvent l’hypersensibilité immunitaire (signes de réaction allergique concomitante rares : éruption, arthralgies ou éosinophilie). La plupart du temps, les causes de la sensibilité individuelle sont inconnues et la pathogenèse précise de la lésion reste également obscure.
Hépatite Médicamenteuse Se qu’il faut connaître : - la plupart des médicaments sont métabolisés par le foie. - de très nombreux médicaments peuvent être hépatotoxiques. - les notions de toxicité médicamenteuse prévisible et imprévisible. - la définition de l'induction enzymatique.
Hépatite Médicamenteuse - la possibilité d'interactions médicamenteuses. - hépatites médicamenteuses cholestatiques, cytolytiques ou mixtes, ces dernières étant les plus fréquentes. - hépatites fulminantes de cause médicamenteuse. - médicaments fréquemment responsables d'hépatites cholestatiques, d'hépatites cytolytiques, d'hépatites chroniques actives et de cirrhoses.
Définition Lésion du foie secondaire à une intoxication par des médicaments. Deux variétés d’hépatite induites par les médicaments : - hépatites cytolitiques : nécrose des cellules hépatiques. - hépatites cholestatiques : gêne à l’élimination de la bile.
Clinique Variable, parfois asymptomatique. Simule l’hépatite aiguë virale. Ictère due à la cholestase. Anorexie, amaigrissement, Dl de l’hypochondre droit, asthénie, hyperthermie, vomissements, parfois manifestations allergiques.
Conduite à tenir Interrogatoire policier : rechercher tous les médicaments en cours de prise ou consommés au cours des derniers mais sans oublier ceux qui peuvent paraître anodins (phytothérapie, laxatifs, somnifères,... ). Si suspicion d’hépatite médicamenteuse : arrêt de tout traitement potentiellement hépatotoxique afin d'éviter la survenue d'une hépatite fulminante ou l'apparition progressive de lésions d'hépatite chronique avec le risque de cirrhose.
Conduite à tenir Rechercher des arguments en faveur de l’origine médicamenteuse : âge supérieur à 50 ans, forte consommation de médicaments, prise d'un médicament hépatotoxique, signes d'hypersensibilité (fièvre, arthralgies, éruption cutanée, hyperéosinophilie sanguine, thrombopénie immunoallergique ou anémie hémolytique). Évaluation des causes non-médicamenteuses.
Conduite à tenir Faire une analyse d'imputabilité pour chaque médicament et voir si des interactions médicamenteuses ont pu se produire :
Conduite à tenir Etudier le délai apparent de survenue de la réaction : Délai "suggestif" s'il s'est écoulé 5 à 90 jours depuis le début d'un premier traitement ou 1 à 15 jours depuis le début d'un énième traitement. Délai "compatible" s'il s'est écoulé moins de 5 jours ou plus de 90 jours après un premier traitement, plus de 15 jours après un énième traitement ou moins de 15 jours depuis la fin du traitement.
Conduite à tenir Examiner l'évolution de la réaction : Evolution "très suggestive" si la baisse des ALAT est supérieure ou égale à 50% de sa valeur dans les 8 jours et en l'absence de nouvelle élévation de l'ALAT dans le mois suivant l'arrêt. En cas de réadministration du médicament suspecté la réponse est positive si l'activité de l'ALAT double au moins.
Conduite à tenir Parallèlement, éliminer d’autres causes d'hépatite : - rechercher des antécédents hépatobiliaires, un alcoolisme chronique, un contexte épidémiologique compatible avec une infection virale (toxicomanie, transfusion sanguine, intervention chirurgicale importante, séjour en zone d'endémie).
Conduite à tenir - éliminer une pathologie cardiovasculaire susceptible d'avoir engendré une anoxie hépatique (ECG, radiographie de thorax voire échographie cardiaque).
Conduite à tenir effectuer des sérologies à la recherche d'une infection virale : virus des hépatites A, B (et éventuellement D chez les porteurs chroniques de l'Ag HBs), C et CMV, herpès virus, EBV, HIV surtout s'il existe un contexte d'immunodépression. Il faut d'autre part refaire la sérologie 3 mois plus tard si la sérologie initiale était négative car les anticorps apparaissent de façon retardée.
Conduite à tenir - réaliser une échographie abdominale voire une écho-endoscopie ou une cholangiographie rétrograde endoscopique à la recherche d'une cause biliaire.
Conduite à tenir rechercher la présence d'anticorps anti-tissus (anti-mitochondries, anti-muscles lisses, anti-réticulum endoplasmique, anti-nucléaires) en faveur d'une maladie auto-immune. La situation peut être délicate car la présence de ces anticorps peut aussi bien être le marqueur d'une pathologie auto-immune qu'un signe d'immuno-allergie en cas d'atteinte médicamenteuse.
Hépatite Médicamenteuse La place de la ponction-biopsie hépatique (PBH) ? Non indispensable au diagnostic Nécrose hépatocytaire centro-lobulaire ou diffuse, associée à un infiltrat inflammatoire non spécifique touchant le lobule et les espaces portes. La présence de polynucléaires éosinophiles dans l'infiltrat oriente vers l'origine médicamenteuse. La PBH permet d’éliminer une hépatopathie non médicamenteuse.
Quand envisager la responsabilité d'un médicament devant une maladie aiguë du foie ? médicament connu pour être hépatotoxique; médicament nouvellement mis sur le marché; début de la prise du médicament de plus de 8 jours et de moins de 4 mois lorsque les manifestations hépatiques s’installent; - arrêt de la prise du médicament de moins de 15 jours lorsque les manifestations hépatiques s'installent;
Quand envisager la responsabilité d'un médicament devant une maladie aiguë du foie ? - reprise par inadvertance d'un médicament déjà pris et ayant été associé à des manifestations compatibles avec une hépatite dans le passé; - il s'y associe une éosinophilie, ou une éruption cutanée; - aucune des causes habituelles d'atteinte hépatique aiguë (virale, anoxique, vasculaire ou biliaire) n'est présente.
Prise en charge Arrêt du médicament incriminé. - Traitement symptomatique parfois jusqu’à la transplantation hépatique. - déclarer le cas au Centre de Pharmacovigilance. - remettre au patient une attestation écrite de l'hépatite médicamenteuse. - lui remettre la liste de tous les médicaments proscrits car contenant le produit responsable. - lui remettre une ordonnance pour un produit de substitution n'appartenant pas à la même famille chimique et donc peu susceptible de réaction croisée.
Pronostic Variable. Atteinte aigue : guérison avec le retrait du médicament incriminé. Parfois évolution de la nécrose aiguë grave vers la cicatrisation postnécrotique. Atteinte chronique : aggravation de l’inflammation et de l’affection hépatocellulaire cédant avec le retrait du médicament. La fibrose concomitante sera irréversible.
Conclusion La cause médicamenteuse doit rester présente à l'esprit dans toute atteinte hépatique. La quasi totalité des médicaments peut être hépatotoxique. La présomption se fonde sur un certain nombre de critères chronologiques et cliniques.