L’ÉGALITÉ
L’égalité comme concept PLATON (427-347 av.J.-C.): le principe d'égalité de naissance Ni l'infirmité, ni la pauvreté, ni l'obscurité de la naissance ne sont pour personne une cause d'exclusion, non plus que les avantages contraires un titre d'honneur, comme c'est le cas dans d'autre villes. Il n'est qu'une règle: l'homme réputé capable ou honnête a l'autorité et les charges; et la cause de ce régime politique est chez nous l'égalité de naissance. (…). Nous et les nôtres, tous frères nés d'une même mère, nous ne nous croyons pas les esclaves ni les maîtres les uns des autres, mais l'égalité d'origine, établie par la nature, nous oblige à rechercher l'égalité politique établie par la loi, et à ne céder le pas les uns aux autres qu'au nom d'un seul droit, la réputation de vertu et de sagesse.
L’égalité comme concept Rousseau (1712-1778), le contrat social Par quelque côté qu'on remonte au principe, on arrive toujours à la même conclusion; savoir, que le pacte social établit entre les citoyens une telle égalité qu'ils s'engagent tous sous les mêmes conditions, et doivent jouir tous des mêmes droits. Ainsi par la nature du pacte, tout acte de souveraineté, c'est-à-dire tout acte authentique de la volonté générale, oblige ou favorise également tous les citoyens, en sorte que le souverain connaît seulement le corps de la nation et ne distingue aucun de ceux qui la composent. Je terminerai ce chapitre et ce livre par une remarque qui doit servir de base à tout le système social; c'est qu'au lieu de détruire l'égalité naturelle, le pacte fondamental substitue au contraire une égalité morale et légitime à ce que la nature avait pu mettre d'inégalité physique entre les hommes, et que, pouvant être inégaux en force ou en génie, ils deviennent tous égaux par convention et de droit
L’égalité comme concept Olympe de Gouges (1748-1793), Article VI de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne. La loi doit être l’expression de la volonté générale ; toutes les citoyennes et tous les citoyens doivent concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation; elle doit être la même pour tous : toutes les citoyennes et tous les citoyens, étant égaux à ses yeux, doivent être également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leurs capacités, et sans autres distinctions que celles de leurs vertus et de leurs talents.
L’égalité comme concept Rawls : le principe de différence Les inégalités sociales et économiques doivent satisfaire à deux conditions : - elles doivent être liées à des fonctions et à des positions ouvertes à tous, dans des conditions d'égalité équitable des chances; - elles doivent procurer le plus grand bénéfice aux membres les plus désavantagés de la société.
Le droit applicable Article 15, Charte canadienne des droits et libertés 15. (1) La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques. (2) Le paragraphe (1) n'a pas pour effet d'interdire les lois, programmes ou activités destinés à améliorer la situation d'individus ou de groupes défavorisés, notamment du fait de leur race, de leur origine nationale ou ethnique, de leur couleur, de leur religion, de leur sexe, de leur âge ou de leurs déficiences mentales ou physiques.
Le droit applicable Mise en œuvre de l’article 15 Elle sera retardée de 3 ans. Les gouvernements désirent un délai afin de réviser leur législation et la rendre conforme aux principes défendus par l’article. On s’inquiète du fait que 15 pourrait être l’article de la CCDL ayant le plus grand potentiel intrusif à l’égard des lois déjà en vigueur. (P.W. HOGG, Canada Act 1982 Annotated, Toronto, Carswell, 1982. )
Le droit applicable Article 10 Charte des droits et libertés de la personne Toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l'utilisation d'un moyen pour pallier ce handicap. Il y a discrimination lorsqu'une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit. 10.1. Nul ne doit harceler une personne en raison de l'un des motifs visés dans l'article 10.
Le droit applicable Mise en œuvre de l’article 10 Adoptée par l'Assemblée nationale du 27 juin 1975 et entrée en vigueur le 28 juin 1976, la Charte est une loi dite « fondamentale », car aucune disposition d'une autre loi (exception art 52) ne peut être contraire à certains droits qui y sont énoncés, soit les droits fondamentaux, les droits politiques, les droits judiciaires et le droit à l'égalité. L’article 10 s’applique à l’égard des particuliers comme les employeurs, les propriétaires etc.
Mise en œuvre du droit à l’égalité Law c. Canada (M.E.I.), [1999] 1 R.C.S. 497 L’appelante, une femme de 30 ans qui n’a pas d’enfant à charge et qui n’est pas invalide, a été jugée inadmissible aux prestations de survivant prévues au Régime de pensions du Canada (RPC). Le RPC prévoit, pour le conjoint survivant sans enfant à charge, qui n’est pas invalide et qui a entre 35 et 45 ans, une réduction progressive du plein montant de cette pension de 1/120 par mois pour le nombre de mois restant à courir, au décès du cotisant, avant qu’il n’atteigne l’âge de 45 ans, de sorte qu’il doit avoir au moins 35 ans pour toucher des prestations. L’appel est rejeté :Il n’a pas été démontré que l’objet ou l’effet des dispositions législatives contestées violent la dignité humaine de l’appelante au point de constituer de la discrimination…Il n’est pas toujours nécessaire qu’une loi corresponde parfaitement à la réalité sociale pour être conforme au par. 15(1) de la Charte. La question de savoir si une disposition législative porte atteinte à la dignité du demandeur doit dans chaque cas être examinée en tenant compte de l’ensemble du contexte de la demande.
Mise en œuvre du droit à l’égalité Le test de Law A. La loi contestée: a) établit-elle une distinction formelle entre le demandeur et d’autres personnes en raison d’une ou de plusieurs caractéristiques personnelles, ou b) omet-elle de tenir compte de la situation défavorisée dans laquelle le demandeur se trouve déjà dans la société canadienne, créant ainsi une différence de traitement réelle entre celui-ci et d’autres personnes en raison d’une ou de plusieurs caractéristiques personnelles? B. Le demandeur fait‑il l’objet d’une différence de traitement fondée sur un ou plusieurs des motifs énumérés ou des motifs analogues? C. La différence de traitement est‑elle discriminatoire en ce qu’elle impose un fardeau au demandeur ou le prive d’un avantage d’une manière qui dénote une application stéréotypée de présumées caractéristiques personnelles ou de groupe ou qui a par ailleurs pour effet de perpétuer ou de promouvoir l’opinion que l’individu touché est moins capable ou est moins digne d’être reconnu ou valorisé en tant qu’être humain ou que membre de la société canadienne, qui mérite le même intérêt, le même respect et la même considération?
Des marqueurs de l’égalité VIOLENCE Les filles sont plus susceptibles d'être victimes d'agressions sexuelles perpétrées par un membre de la famille que les garçons. SOURCE : Statistique Canada, La violence familiale au Canada : un profil statistique, 2005.
Des marqueurs de l’égalité LES FEMMES À DES POSTES DE POUVOIR POLITIQUE Les femmes sont encore largement sous-représentées aux postes de pouvoir au sein des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. SOURCE : Statistique Canada, Les femmes et les hommes au Canada, 2003.
Des marqueurs de l’égalité NIVEAU DE SCOLARITÉ Les femmes sont sous-représentées parmi les personnes inscrites en mathématiques/sciences physiques et en génie. SOURCE : Statistique Canada, Recensement du Canada, 2001.
Des marqueurs de l’égalité REVENU APRÈS TAXES Le revenu des femmes augmente graduellement mais l'écart entre celui des femmes et celui des hommes demeure le même. SOURCE : Statistique Canada, Enquête sur la population active, 2002, et Enquête sur la dynamique du travail et du revenu, 2002
Conclusion Le groupe d’expertes sur les mécanismes de responsabilisation pour l’égalité entre les sexes, rapport final : L'égalité pour les femmes au Canada :où en sommes-nous? Déc. 2005 (les graphiques vus proviennent de ce rapport) Au cours de la plus grande partie du XXe siècle, le mouvement en faveur de l'égalité pour les femmes au Canada a été avant tout une lutte pour les droits fondamentaux. Les principaux jalons furent notamment l'obtention du droit de vote, le procès historique sur le droit d'être considérées comme des « personnes », l'inscription des dispositions sur l'égalité dans la Charte canadienne des droits et libertés, la ratification d'accords internationaux tels que la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et la reconnaissance du droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale. Les principales réalisations au chapitre des droits fondamentaux des femmes ne se sont pas toujours traduites par des réalisations d'importance dans la vie courante. Les femmes jouissent du droit constitutionnel à l'égalité mais cela n'équivaut pas à avoir la capacité d'exercer ce droit. La reconnaissance des droits constitutionnels à l'égalité pour les femmes est nécessaire, mais elle n'est pas suffisante. Le principal problème n'en est plus un de la reconnaissance des droits mais de la mise en place de changements qui auront une incidence sur la réalité sociale, économique et culturelle.[je souligne]
Conclusion sur l’évolution du concept en droit canadien M. Boivin, « le besoin urgent d’un nouveau cadre conceptuel en matière de droit à l’égalité » L’égalité est un concept fondé sur la comparaison, il faut donc des « comparables ». Fonder la notion de discrimination (atteinte à l’égalité) sur celle de l’atteinte à la « dignité humaine » pose un problème conceptuel que le droit canadien ne parvient pas à résoudre réellement. Il semble que les tribunaux soient de moins en moins aptes à trouver des remèdes efficaces aux violations du droit à l’égalité.