Lencadrement juridique du lien entre la mère et le fœtus Une question réglée ?

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Transcription de la présentation:

Lencadrement juridique du lien entre la mère et le fœtus Une question réglée ?

Larticle 287 (ancien article 251) 287. (1) Est coupable dun acte criminel et passible de lemprisonnement à perpétuité quiconque, avec lintention de procurer lavortement dune personne du sexe féminin, quelle soit enceinte ou non, emploie quelque moyen pour réaliser son intention. Femme qui procure son propre avortement (2) Est coupable dun acte criminel et passible dun emprisonnement maximal de deux ans toute personne du sexe féminin qui, étant enceinte, avec lintention dobtenir son propre avortement, emploie, ou permet que soit employé quelque moyen pour réaliser son intention. Définition de « moyen » (3) Au présent article, «moyen » sentend notamment de a) ladministration dune drogue ou autre substance délétère; b) lemploi dun instrument; c) toute manipulation. Exceptions (4) Les paragraphes (1) et (2) ne sappliquent pas aux personnes suivantes : a) un médecin qualifié, autre quun membre dun comité de lavortement thérapeutique de quelque hôpital, qui emploie de bonne foi, dans un hôpital accrédité ou approuvé, tout moyen pour réaliser son intention de procurer lavortement dune personne du sexe féminin; b) une personne du sexe féminin qui, étant enceinte, permet à un médecin qualifié demployer, dans un hôpital accrédité ou approuvé, quelque moyen pour réaliser son intention dobtenir son propre avortement, si, avant que ces moyens ne soient employés, le comité de lavortement thérapeutique de cet hôpital accrédité ou approuvé, par décision de la majorité des membres du comité et lors dune réunion du comité au cours de laquelle le cas de cette personne du sexe féminin a été examiné : c) a déclaré par certificat quà son avis la continuation de la grossesse de cette personne du sexe féminin mettrait ou mettrait probablement en danger la vie ou la santé de cette dernière; d) a fait remettre une copie de ce certificat au médecin qualifié.… (6) Aux fins des paragraphes (4) et (5) et du présent paragraphe, "comité de l'avortement thérapeutique" d'un hôpital désigne un comité formé d'au moins trois membres qui sont tous des médecins qualifiés, nommé par le conseil de cet hôpital pour examiner et décider les questions relatives aux arrêts de grossesse dans cet hôpital; … "hôpital accrédité" désigne un hôpital accrédité par le Conseil canadien d'accréditation des hôpitaux, dans lequel sont fournis des services de diagnostic et des traitements médicaux, chirurgicaux et obstétricaux; hôpital approuvé" désigne un hôpital approuvé aux fins du présent article par le ministre de la Santé de la province où il se trouve;

1ère époque : R. c. Morgentaler

Les faits : Les appelants sont tous docteurs en médecine; ensemble, ils ont ouvert une clinique pour pratiquer des avortements sur des femmes qui n'avaient pas obtenu le certificat du comité de l'avortement thérapeutique d'un hôpital accrédité ou approuvé requis par le par. 251(4) du Code criminel Des actes d'accusation ont été portés contre les appelants les inculpant de complot, les uns avec les autres, avec l'intention de procurer des avortements, infractions prévues à l'al. 423(1)d) et au par. 251(1) du Code criminel. L'avocat des appelants a demandé l'annulation de l'acte d'accusation ou la suspension des poursuites avant d'inscrire les plaidoyers, pour le motif que l'art. 251 du Code criminel excéderait les pouvoirs du Parlement du Canada, enfreindrait l'al. 2a) et les art. 7 et 12 de la Charte

Le test de larticle 1 : Y a-t-il atteinte à un droit garanti ? L'article 251 porte clairement atteinte à l'intégrité corporelle, tant physique qu'émotionnelle d'une femme. Forcer une femme, sous la menace d'une sanction criminelle, à mener un fœtus à terme à moins qu'elle ne satisfasse à des critères sans rapport avec ses propres priorités et aspirations est une ingérence grave à l'égard de son corps et donc une violation de la sécurité de sa personne. La Charte exige donc que l'art. 251 soit conforme aux principes de justice fondamentale. Au surplus les retards causés par les procédures prévus par larticle augmentent latteinte la Loi sur l'avortement exige implicitement un minimum de trois médecins qualifiés agissant comme membres du comité de l'avortement thérapeutique, plus un médecin qualifié qui n'est pas membre de ce comité, pour pratiquer l'intervention, Certains établissements nont pas les éléments requis pour être accréditées Tous les comités nont pas la même définition du terme « santé ». Ce terme semble inclure parfois la santé psychologique et parfois lexclure

Proportionnalité entre les effets et les objectifs : Lien rationnel entre les mesures choisies et les objectifs recherchés. la protection des intérêts des femmes enceintes est un objectif gouvernemental valide, lorsque la vie et la santé peuvent être mises en danger par des sanctions criminelles. Comme les juges Beetz et Wilson, je suis d'accord pour dire que la protection des intérêts du fœtus par le Parlement constitue aussi un objectif gouvernemental valide. Il s'ensuit qu'équilibrer ces intérêts, la vie et la santé des femmes étant un facteur majeur, est clairement un objectif gouvernemental important. dans la mesure où le par. 251(4) est conçu pour la protection de la vie et la santé des femmes, la procédure qu'il établit peut, en fait, mettre cet objectif en échec. Les structures administratives du par. 251(4) sont si lourdes que les femmes dont la santé est menacée par leur grossesse peuvent se trouver dans l'impossibilité d'obtenir un avortement thérapeutique, si ce n'est au prix de traumatismes, de dépenses et d'inconvénients majeurs.

Tremblay c. Daigle, [1989] 2 R.C.S. 530

Les faits : Les parties se sont quittées après cinq mois de cohabitation. L'appelante, enceinte de dix huit semaines au moment de la rupture, a décidé d'interrompre sa grossesse. L'intimé, père de l'enfant non encore né, a obtenu en Cour supérieure une injonction interlocutoire empêchant l'avortement. Le juge de première instance a décidé que le fœtus est un "être humain" au sens de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec et jouit en conséquence d'un "droit à la vie" garanti par l'art. 1. Cette conclusion, a t il ajouté, s'accorde avec la reconnaissance dans le Code civil de la personnalité juridique du fœtus. Il a alors statué que l'intimé avait "l'intérêt" requis pour demander l'injonction. Le juge de première instance a conclu, après avoir considéré les répercussions de l'injonction sur les droits dont jouissait l'appelante en vertu de l'art. 7 de la Charte canadienne des droits et libertés et de l'art. 1 de la Charte québécoise, que le droit du fœtus à la vie devait l'emporter en l'espèce. L'injonction a été maintenue par la Cour d'appel à la majorité.

La décision de la Cour Suprême Arrêt: Le pourvoi est accueilli. L'injonction doit être annulée parce que les droits substantifs invoqués pour l'appuyer les droits du fœtus ou les droits du père en puissance n'existent pas. Le fœtus n'est pas compris dans le terme "être humain" employé dans la Charte québécoise et, par conséquent, ne jouit pas du droit à la vie conféré par son art. 1. La Charte québécoise, prise dans son ensemble, ne traduit aucune intention manifeste de la part du législateur de prendre en considération le statut du fœtus. Cette absence d'intention de traiter du statut du fœtus milite elle même fortement contre la conclusion que la Charte québécoise confère des droits au fœtus. L'examen du statut du fœtus en vertu du Code civil appuie la conclusion que le fœtus n'est pas un "être humain" au sens de la Charte québécoise. (…) Les articles 338 et 345, comme l'art. 945, ne font qu'établir un mécanisme qui permet de protéger les intérêts du fœtus énoncés ailleurs dans le Code. Ils ne confèrent pas au fœtus d'autres droits ou intérêts. De plus, la réalisation des droits patrimoniaux du fœtus en vertu des art. 608, 771, 838 et 2543 du Code est soumise à la condition suspensive que le fœtus naisse vivant et viable. Finalement, rien dans la législation ni dans la jurisprudence du Québec n'appuie l'argument que l'intérêt du père à l'égard d'un fœtus qu'il a engendré lui donne le droit d'opposer un veto aux décisions d'une femme relativement au fœtus qu'elle porte. L'absence de tout fondement juridique est fatale pour cet argument

Office des services à lenfant et à la famille de Winnipeg (région du Nord Ouest) c. G. (D.F.), [1997] 3 R.C.S ième époque

Les faits En août 1996, lintimée était enceinte de cinq mois dun quatrième enfant. Elle inhalait de la colle, et sa dépendance était de nature à endommager le système nerveux du fœtus. En raison de sa dépendance, deux de ses enfants sont nés avec des handicaps permanents et ils ont été placés sous la tutelle permanente de lÉtat Lintimée (G) signale que les dommages au système nerveux du fœtus surviennent dans les premiers mois de la grossesse, soit bien avant que lordonnance nait été demandée ou obtenue, quà un stade antérieur de sa grossesse, G, a volontairement demandé à être traitée, ce qui lui a été refusé à cause dun manque de ressources, quelle a accepté de se soumettre à un traitement et ne sest ravisée que plus tard parce quelle avait atteint un stade dintoxication, et quune fois amenée à lhôpital, elle y est demeurée jusquà lobtention de son congé, même si lordonnance lastreignant à ce séjour forcé avait été suspendue.

Faits procéduraux La cour supérieure a ordonné la détention préventive. La Cour dappel a conclu que lordonnance nétait pas justifiée et a ordonné la fin de la détention.

Questions en litige (1) Le droit de la responsabilité délictuelle, dans son état actuel ou suivant lextension que pourrait légitimement lui donner notre Cour, permet il dordonner la détention dune femme enceinte contre son gré afin de protéger lenfant quelle porte contre un comportement susceptible de lui causer un préjudice? (2) Subsidiairement, le pouvoir que détient une cour de justice de rendre une ordonnance pour assurer la protection dun enfant (sa compétence parens patriae), selon son application actuelle ou celle que pourrait légitimement lui donner notre Cour, permet il dordonner la détention dune femme enceinte contre son gré afin de protéger lenfant quelle porte contre un comportement susceptible de lui causer un préjudice?

Décision de la majorité Juge McLachlin La position de notre Cour est claire. Ni la common law ni le droit civil du Québec ne reconnaissent que lenfant à naître est une personne juridique titulaire de droits. Il sagit dun principe général qui sapplique en droit de la famille, en droit des successions ou en droit de la responsabilité délictuelle. Tout droit ou intérêt que le fœtus peut avoir demeure virtuel et incomplet jusquà la naissance de lenfant Dans létat actuel du droit de la responsabilité délictuelle, le préjudice causé au fœtus pourrait donner ouverture à une action intentée au nom de lenfant après sa naissance. LOSEFW demande une modification substantielle du droit en vigueur. Elle touche les droits et les recours susceptibles dêtre exercés dans bien dautres domaines du droit de la responsabilité délictuelle. Elle suppose des choix dordre moral et susciterait des conflits entre des droits et des intérêts fondamentaux. Elle aurait un effet immédiat et draconien sur la vie des femmes autant que sur la vie des hommes qui pourraient être internés et traités contre leur gré relativement à un comportement présumé préjudiciable pour autrui. Elle a également des ramifications complexes que notre Cour nest pas en mesure dévaluer pleinement, doù le risque que lordonnance proposée aille à lencontre de lobjectif quelle est censée promouvoir, savoir la santé infantile. En somme, il ne sagit pas du genre de modifications quun tribunal de common law pourrait ou devrait apporter. De tels changements relèvent plutôt du législateur.

Décision, majorité Lenfant peut intenter une action en responsabilité délictuelle pour le préjudice subi avant sa naissance. Toutefois, ce nest quà la naissance quil a la capacité juridique de le faire, et le préjudice subi nest évalué quà partir de ce moment. Permettre dagir avant la naissance en reconnaissant lexistence dune obligation de prudence envers le fœtus in utero serait une rupture fondamentale avec la common law telle quelle existe depuis des décennies. Cela ferait fi du principe depuis longtemps établi en matière délictuelle selon lequel aucun recours pour comportement négligent ne peut être exercé avant quune personne juridique nacquière une cause daction à cet égard. Il reste quil sagit dune modification substantielle aux conséquences multiples qui placerait les tribunaux au cœur dun épineux débat dordre moral et social relevant davantage des élus que des tribunaux. En rompant avec la règle traditionnelle selon laquelle les droits ne sacquièrent quà la naissance vivante, les tribunaux auraient du mal à restreindre lapplication du nouveau principe à certains cas particuliers. Au contraire, le législateur, sil décidait dadopter une loi permettant dintenter une action pour protéger lenfant à naître contre labus de substances intoxicantes, pourrait restreindre le champ dapplication de la loi à ce cas particulier.

Majorité Le droit dans son état actuel est clair: les tribunaux ne peuvent exercer leur compétence parens patriae ou de tutelle à légard de lenfant à naître. Telle est la situation au sein de la Communauté européenne, en Grande Bretagne et au Canada. Exception faite du juge de première instance dans la présente affaire, tous les tribunaux canadiens appelés à se prononcer sur la question semblent avoir écarté la possibilité dexercer la compétence parens patriae au bénéfice de lenfant à naître. La modification préconisée ne ferait pas évoluer le droit de façon progressive au sens de larrêt Watkins c. Olafson, précité, car il sagirait dun changement de portée générale dont les effets et les répercussions seraient considérables. Elle empiéterait sérieusement sur les droits de la femme. Si une mesure doit être prise, le législateur est en bien meilleure position pour soupeser les intérêts opposés et arriver à une solution raisonnée qui porte le moins possible atteinte aux droits de la femme enceinte

Dobson (Tuteur à linstance de) c. Dobson, [1999] 2 R.C.S. 753

Les faits Lappelante en était à sa vingt-septième semaine de grossesse lorsque le véhicule quelle conduisait a heurté un autre véhicule. Le fœtus quelle portait a été blessé et il est né prématurément par césarienne plus tard le même jour. Ces blessures prénatales sont à lorigine de lincapacité mentale et physique permanente dont est atteint lenfant. Celui-ci a intenté une action en responsabilité contre sa mère, alléguant que la collision avait été provoquée par sa négligence au volant. Le juge saisi de la requête a conclu que lintimé avait la capacité juridique dagir en justice pour obtenir réparation du préjudice causé par la négligence quaurait commise lappelante avant la naissance. La Cour dappel a rejeté lappel formé contre cette décision. Il sagit de savoir si la mère doit être tenue délictueusement responsable du dommage subi par son enfant en raison dun comportement négligent avant la naissance qui aurait infligé un préjudice au fœtus quelle portait. Arrêt (les juges Major et Bastarache sont dissidents): Le pourvoi est accueilli.

La décision Compte tenu de la réalité biologique très exigeante qui veut que seules les femmes puissent devenir enceintes et porter des enfants, les tribunaux doivent hésiter à imposer des fardeaux supplémentaires aux femmes enceintes. En outre, la relation entre la femme enceinte et le fœtus est véritablement unique. Par conséquent, il ne peut y avoir aucune comparaison utile entre, dune part, laction quexerce un enfant pour négligence commise avant sa naissance contre le tiers auteur dun délit, et, dautre part, celle quil dirige contre sa mère. Les actes de la femme enceinte, incluant la conduite automobile, sont inextricablement liés à son rôle familial, à sa vie professionnelle et à son droit à la vie privée, à lintégrité physique et à lautonomie décisionnelle. De plus, la reconnaissance par les tribunaux de cette cause daction aurait de graves conséquences psychologiques sur la relation entre la mère et lenfant, de même que sur toute la cellule familiale. Limposition dune responsabilité délictuelle dans ce contexte aurait des effets profonds sur chaque femme enceinte et sur la société canadienne en général. Un tel examen après le fait par les tribunaux des facteurs subtils et complexes touchant la grossesse est susceptible de rendre insupportable la vie des femmes qui sont enceintes ou qui ne font quenvisager de le devenir. La meilleure solution consiste donc à permettre que lobligation de la mère envers le fœtus demeure une obligation morale reconnue de plein gré par la plupart des femmes et respectée par elles sans que la loi ne les y obligent Les juges LHeureux-Dubé et McLachlin: La common law doit refléter les valeurs consacrées dans la Charte canadienne des droits et libertés. Appliquer de façon générale la responsabilité pour négligence prévue en common law aux femmes enceintes à légard des enfants à naître porte atteinte de façon inacceptable au droit à la liberté et à légalité garanti par la Charte à ces femmes. Lingérence de la responsabilité délictuelle prévue en common law dans lautonomie de la femme enceinte ne peut pas être réduite de manière que latteinte portée au droit à la liberté et à légalité de la femme soit acceptable sans dénaturer la méthodologie de la common law ni introduire de nouvelles difficultés

Conclusion Au Canada, le droit à lavortement thérapeutique est reconnu toutefois, En 2006, Québec a été condamné à rembourser les frais encourus par les femmes sétant fait avortées en clinique privée depuis La Régie remboursait 28$ pour cette opération dont le coût réel était denviron 300$. Québec na pas fait appel de la décision; Au Nouveau-Brunswick, le gouvernement rembourse uniquement les frais pour les avortements pratiqués à lhôpital. Les femmes désirant sy faire avorter doivent avoir lapprobation de deux médecins pour avoir le droit à lopération. Il ny a aucun service permettant de pratiquer des avortement à lIle du Prince-Édouard; Le un membre conservateur du Canada a déposé lan dernier un projet de loi reconnaissant que le fait de porter atteinte à la vie du fœtus est un crime en soit, lorsque ce cette atteinte est le fait « dun tiers ». Ce projet reconnaissait ainsi au fœtus une réelle personnalité juridique assimilant son statut à celui dune personne. Une majorité de députés ont voté en faveur de ce projet lorsquil a été déposé en deuxième lecture.