Rééquilibrer les territoires par une péréquation financière décentralisée Franck CLAEYS, Directeur Economie et finances territoriales Association des Maires de Grandes Villes de France (AMGVF) Colloque « Communauté de territoire, intelligence territoriale » Charleroi, 19 décembre 2013
Une double dynamique La péréquation nationale (top down) : une composante croissante des dotations de l’Etat L’intercommunalité (botom up) : 2013, 2456 communautés rassemblant 92% de la population (1999, 1678 communautés rassemblant 55% de la population)
Pourquoi la péréquation ? La réponse constitutionnelle : depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, « la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales » (article 72-2). Une péréquation « accompagnatrice » : par exemple, la politique de la ville s’est accompagnée d’une montée en puissance de la « dotation de solidarité urbaine » Le contexte global de renforcement des contraintes sur les budgets locaux appelle un accroissement de la solidarité en faveur des territoires les plus fragiles Une péréquation « correctrice » : la réforme de la fiscalité locale de 2010 a accru les inégalités de la géographie fiscale La mise en place de nouveaux mécanismes de péréquation est alors apparue nécessaire
La péréquation nationale : deux logiques Historiquement, la péréquation est principalement « verticale » : par prélèvement sur le budget de l’Etat, plusieurs dotations sont étiquetées péréquatrices : Pour les communes : dotation de solidarité urbaine, dotation de solidarité rurale, dotation nationale de péréquation Pour les communautés : dotation de péréquation des groupements Pour les départements : dotation de péréquation urbaine, dotation de fonctionnement minimale des départements Pour les régions : dotation de péréquation des régions Depuis 2011, la péréquation s’avère être « horizontale » : transfert de ressources entre les collectivités : Soit au travers de « fonds » ne mettant pas en œuvre le budget de l’Etat Soit parce que les dotations de l’Etat étant globalement « gelées » (2011 à 2013) puis « amputées » (2014 et 2015), toute augmentation d’une dotation implique la baisse d’une autre à due concurrence (dans les faits la croissance de la péréquation « verticale » devient « horizontale »)
La péréquation nationale : principaux outils (1) La dotation de solidarité urbaine : 1 491 M€ pour 2013 (de + 4% à +8% par an) Parmi les villes de + de 10 000 habitants, 25% sont priorisées (« ciblées ») Allouée sur la base d’un mix de critères : le potentiel financier, les logements sociaux, le revenu fiscal des habitants, les APL La dotation de solidarité rurale : 969 M€ pour 2013 (même progression). Composée de 3 « fractions » : Fraction dite « bourg centre » : la notion de « charge de centralité » Fraction dite « péréquation » … qui est en fait du saupoudrage (!) Fraction dite « cible » : selon des critères de potentiel financier, potentiel superficiaire, effort fiscal, longueur de voirie, population scolarisable
La péréquation nationale : principaux outils (2) Le fonds de péréquation intercommunal et communal FPIC) Une mécanique visant à prélever une partie des ressources de certaines communautés ou communes pour les reverser à des communautés et communes moins favorisées
La péréquation nationale … en débat(s) Réduire les inégalités territoriales : ciblage ou saupoudrage ? Lorsque les intentions du ministère du Budget viennent polluer le débat … Quelle cohérence entre les différents mécanismes ? Quid des communes pauvres (ciblées par la DSU) à l’intérieur de communautés contributrices au FPIC ? Mesurer la richesse (la pauvreté) : prendre en considération les capacités budgétaires des collectivités ou bien les moyens et besoins des habitants ? La question de l’équilibre entre critères de ressources des collectivités (potentiel «fiscal », potentiel « financier ») et entre critères de charges des territoires et des populations (voirie, logement social, …, revenu) Peut-on bénéficier de la solidarité nationale sans effort fiscal local ? Une question qui concentre l’opposition entre territoires ruraux « globalement sous- imposés » et territoires urbains « concentrant les charges de centralité » Est-il légitime que la péréquation territoriale de proximité soit ignorée par les mécanismes nationaux ; pire, que la péréquation nationale fasse obstacle à l’épanouissement de la péréquation de proximité ?
La péréquation de proximité L’intégration intercommunale est le principal moteur de réduction des richesses : Des ressources fiscales mutualisées Par exemple : la possibilité de gommer les différences de taux d’imposition à l’échelle du bassin d’emploi La mise en œuvre de politiques publiques sur un territoire cohérent Par exemple : la localisation d’équipement en fonction des besoins des populations et non selon les capacités budgétaires de la commune La construction progressive d’un « espace de solidarité » Avec le recours d’outils dédiés, tels que la « Dotation de solidarité communautaire » Dans les grandes agglomérations de province, les communautés « prennent en charge leurs banlieues », en Ile-de-France, c’est l’Etat qui est appelé à la rescousse …
Pour conclure … De la difficulté de pérenniser la dynamique de péréquation dans un contexte de fortes tensions budgétaires (2014 : forte baisse des dotations d’Etat et recul des ressources fiscales locales) De la péréquation « centralisée » (mécanismes nationaux) à la péréquation « décentralisée » (mécanismes de proximité) … … en période de raréfaction des ressources, un rôle de l’Etat à repenser De l’Etat « architecte d’une usine à gaz » à … … l’Etat incitateur et correcteur Péréquation : un « mot valise » ? S’affranchir d’une définition précise des objectifs visés par la mise en place d’un mécanisme de péréquation rend problématique son évaluation !