LA DOULEUR : une affaire d'équipe

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Transcription de la présentation:

LA DOULEUR : une affaire d'équipe Martine CESAR et Bernadette CHOTEAU UCL Mont-Godinne

LA DOULEUR : une affaire d'équipe

Plan Concept de souffrance globale Attitudes des soignants : compétence attentive

1. Notion de souffrance globale Maladie grave et/ou perspective de la mort Rupture d'équilibre (remise en question pour malade et famille) Crise grave Souffrance du patient = Douleur physique (considérée à part entière) Souffrance globale ("Total pain") (= plusieurs aspects intriqués : "je suis souffrance") Douleur physique Douleur sociale, culturelle Douleur morale, spirituelle SOUFFRANCE GLOBALE Douleur psychologique

a) Douleur physique Douleur somatique liée à maladie elle-même (métastases osseuses) traitements (chimiothérapie, radiothérapie…) Altération de l'image corporelle par Maladie elle-même (amaigrissement, faiblesse, fatigue…) Conséquences de la maladie ou des traitements (perte des cheveux, amputations, prothèses…) Tout demande un effort (marcher, respirer, parler…)

b) Douleur psychologique Peurs devant la maladie : peur d'avoir mal, de ne pas guérir, de perdre la tête, de mourir… peur de ne plus être comme avant, de ne plus être aimé, d'être abandonné, de ne pas être à la hauteur… Souffrance des pertes, des deuils à faire : changements de lieux, de personnes ressources (déménagement, "placement" en home, transfert en USP…) de la perte d'autonomie, de la dépendance (familles, soignants), de ne plus rien pouvoir décider (horaires, repas…) Blessure de l'image de soi : pyjamas, piqûres, odeurs… Souffrance de faire souffrir l'entourage, d'être un "poids",…

c) Douleur sociale Perte du rôle familial, du rôle social, de l'emploi (+ problèmes financiers) Exclusion : la maladie fait peur… ou isolement, même si parfois c'est le malade lui-même ou sa famille qui choisissent de "s'isoler" Difficultés de et avec la famille et les proches

d) Douleur spirituelle Apparaît dès que l'on prend conscience de sa finitude Sens de ma vie ? Moment de relecture de la vie, des événements clefs, des échecs… de la recherche d'un fil conducteur Sens de la maladie ? Sens de la souffrance ? Questions sur l'au-delà ?

Les croyances Les croyances de la personne influencent le vécu de ces moments Le spirituel ne peut pas être réduit au religieux ne concerne pas seulement les prêtres ou les membres des équipes d'aumônerie concerne toute personne qui, par sa présence et son écoute, permettra au malade d'avancer dans sa recherche

Interaction entre ces différents types de douleur et de souffrance Prise en charge pluridisciplinaire = indispensable pour accompagner la souffrance dans sa globalité Chaque compétence spécifique a sa place auprès du malade (médecin, infirmier, psychologue, kiné, assistante sociale, aumonier, bénévoles…) s'il le désire pour lui permettre de rester "vivant" jusqu'au dernier jour de sa vie lui permettre de rester cet être "en relation" qui constitue l'être humain

Nous le savons, être confronté à cette souffrance est difficile, plein d'embûches, et chacun des patients essaye, à sa manière, avec ses moyens, de ne pas se laisser submerger. Selon leur personnalité et leurs expériences antérieures, les malades vont se situer différemment, développer des mécanismes d'adaptation ou de défense qu'il sera bien sûr important d'apprendre à reconnaître et à accompagner.

2. Attitude des soignants : "compétence attentive" "J'ai besoin de tout ce qu'il y a dans ta tête et dans ton cœur" D. Tasma

a) Compétence "Tête" Chacun dans sa fonction (soignants – bénévoles) : a un "savoir-faire" adéquat, une formation spécifique apporte créativité et réflexion recherche et forme

Problème de la douleur Douleur aiguë : Douleur chronique : = signe d'appel peut aider à consulter et à poser un diagnostic Douleur chronique : stress permanent qui rappelle constamment la maladie quand elle dure, entraîne anxiété, dépression "aliène" le sujet, l'inquiète, brise sa liberté, l'empêche de dormir, de manger, de penser détruit l'individu physiquement, psychologiquement, socialement Þ Sa suppression est une condition essentielle pour permettre au malade de rester en relation et de continuer son chemin ainsi que sa famille.

Philosophie des Soins Palliatifs "Tout être humain est capable de s'accomplir jusqu'au bout de sa vie à condition qu'on lui supprime sa douleur physique et qu'il trouve autour de lui des personnes à qui il peut dire ses peurs, ses angoisses, qui ne se dérobent pas" Cicely Saunders

Or, aujourd'hui, alors que plus de 90 % des douleurs cancéreuses peuvent être assez facilement contrôlées, 50 à 70 % des patients ont encore mal ! Il y a donc lieu de considérer le problème à part entière et d'utiliser correctement les antalgiques.

1) Trois paliers de l'OMS ± coanalgésiques 11 Palier III Morphiniques majeurs R/ Morphine 7 Hydromorphone 8 Oxycodone 9 Fentanyl 10 Dolantine Méthadone Palier II Morphiniques mineurs R/ Codéine 2 Dextro-Propoxyphène 3 Tilidine – Naloxone 4 Tramadol 5 Buprémorphine 6 Palier I Analgésiques non morphiniques R/ Paracétamol 1 AAS AINS + II III non I + II oui I + III oui

1) R/ Dafalgan R/ Panadol : 1 g 3 à 4 x/j. 2) R/ Dafalgan codéine : 1 co 3 à 4 x/j. R/ Codicontin : 1 co 2 x/j. 3) R/ Depronal : 1 co 2 x/j. 4) R/ Valtran gouttes : 4 x 10 ® 4 x 40 gttes/24 h. retard (50 – 100 – 150 mg) : 1 co 2 x/j. 5) R/ Contramal R/ Tradonal R/ Dolzam 1 à 2 co 3 à 4 x/j, 10 à 40 gttes 3 à 4 x/j. co retard (50 – 100 – 150 – 200 mg) 1 co 2 x/j. 6) R/ Temgesic : 1 co 3 à 4 x/j. R/ Transtec patch (35 – 52,5 – 75 µg) 1/72 h

7) R/ MS direct (10 mg) : 1 à 2 co/4 h 7) R/ MS direct (10 mg) : 1 à 2 co/4 h. R/ MS contin (10 – 30 – 60 – 100 – 200 mg) 1 co 2 x/j. Ampoules 10 ou 20 mg/ml, s/s cutané ou I.V. 8) R/ Palladone I R : 1 co/4 h. R/ Palladone S R (4 – 8 – 12 – 24 mg) 1 co 2 x/j. 9) R/ Oxycontin (5 – 10 – 20 – 30 – 40 – 80 mg) 1 co 2 x/j. 10) R/ Durogesic patch (12 – 25 – 50 – 75 – 100 µg) 1/72 h R/ Matrifen patch

11) Coanalgésiques AINS, corticoïdes Pour les douleurs neurogènes : antidépresseurs tricycliques R/ Anafranil R/ Redomex antiépileptiques R/ Rivotril R/ Tegretol R/ Neurontin R/ Lyrica Pour les douleurs rebelles : Clonidine R/ Catapressan co ou ampoule Kétamine R/ Ketalar

2) Règles de la prescription correcte d'un antalgique Préalable : toujours écouter et croire les plaintes douloureuses du patient Diagnostic précis du type de douleur : nociceptive ou neurogène ? Connaissance de la pathologie Bon examen clinique Bonne évaluation pluridisciplinaire de la douleur (échelles) Traiter la cause de la douleur si encore possible (ouverture au questionnement éthique) Choisir le niveau adéquat d'antalgie (palier ?) et les associations adéquates

2) Règles de la prescription correcte d'un antalgique Etre attentif à la communication, à la relation avec le malade et ses proches. Bien expliquer le traitement, démystifier les morphiniques Se donner des objectifs réalistes Prévenir l'apparition de la douleur ® prises régulières en fonction de la durée d'action des médicaments. Prévenir les effets secondaires (constipation, nausées) Garder le malade le plus autonome possible. Préférer la voie orale pour commencer, titrer, choisir la galénique idéale pour le patient (comprimés, patch…) Réévaluer régulièrement la douleur, adapter les doses et le traitement Veiller aux soins de prévenance, de confort Etre attentif à la souffrance globale du patient

La morphine accélère la mort ("mort-fine") 3) Démystification de la morphine et de ses dérivés dans le contexte de la douleur cancéreuse et des soins palliatifs La morphine accélère la mort ("mort-fine") L'usage de la morphine a longtemps été réservé aux derniers jours de la vie (® image négative) La morphine bien prescrite n'accélère pas le décès Le décès reste imputable aux désordres métaboliques et à l'épuisement général du malade On peut traiter par morphiniques pendant des mois ou des années avec une qualité de vie acceptable

La morphine rend dépendant psychologiquement "Ne vais-je pas devenir dépendant, toxicomane ?" La dépendance psychologique ne se rencontre pas en soins palliatifs Les morphiniques remplaceraient les endorphines naturelles, insuffisantes vu la chronicité de la douleur

La morphine rend physiquement dépendant "Et si l'on arrête le traitement ?" Lorsque la douleur diminue ou disparaît, on diminue progressivement les morphiniques On peut même les arrêter complètement sans apparition d'un phénomène de sevrage ou de manque

Qu'en est-il de la tolérance médicamenteuse ? "Si on commence, on devra sans cesse augmenter les doses" Une fois la dose adéquate trouvée (équilibre douleur), on peut garder le traitement pendant des mois On augmentera les doses si réapparition des douleurs liée à une évolution du processus pathologique

Dose plafond ? "Et si j'ai encore mal, qu'est-ce qu'on fera ?" Il n'y a pas de dose plafond Posologie en fonction de la douleur Si doses très élevées de morphine ou si effets secondaires très importants, on peut recourir à d'autres voies d'administration (péridurale, intrathécale) réaliser une rotation d'opioïdes

Et la détresse respiratoire ? Employée de façon adéquate comme antalgique, la morphine n'induit pratiquement pas de détresse respiratoire La douleur est un antagoniste physiologique de la dépression respiratoire des morphiniques La morphine constitue même un des traitements symptomatiques de la dyspnée importante

Il est capital que médecins et soignants soient tout à fait à l'aise avec ces différentes notions afin de pouvoir au mieux les transmettre aux malades et à leurs familles soulager au mieux la douleur des patients

b) Attention "Cœur" A côté du savoir-faire, il est important, en tant que soignants et bénévoles, de développer un "savoir être", une "attention" au malade et à ses proches, tout ce qu'il y a dans "notre cœur" : l'écoute la communication l'accompagnement le respect l'amour

a. L'écoute pluridisciplinaire et plurielle écoute du patient, de ses proches, des soignants en restant à l'écoute de soi-même Pluridisciplinaire : chacun écoute avec sa "compétence" tête et avec sa "compétence" cœur, sa sensibilité… L'écoute reste un exercice périlleux et difficile, toujours à réapprendre de façon à être vraiment présent à l'autre avec son corps avec son esprit et son coeur

b. La communication, le dialogue L'écoute demande souvent une réponse dans un dialogue : avec le patient : question de "la vérité" avec la famille, dans la famille : éviter de créer des murs de silence entre le patient et la famille à l'intérieur de l'équipe (respect de la confidentialité) avec les autres soignants Pour que s'instaure une relation de confiance, le malade a besoin : de savoir certaines choses : ce qu'il veut et peut entendre au fur et à mesure de sa maladie, dans une "relation de vérité" qui évolue avec le temps de sentir une cohérence dans les dires des différents soigants ® le partage des informations est essentiel

c. Accompagner - Soutenir = être "à côté" du malade et de sa famille (≠ être à la place de) "Juste proximité" par rapport au malade : Le malade restera toujours seul à vivre sa propre expérience quoi que nous fassions; il a besoin de s'appuyer sur nous "bien vivants" Connaître nos propres limites Respecter le rythme du malade, celui des familles Ne pas imposer une idée de "bonne mort" La famille = premier accompagnant : "soigné et soignant"

Ne pas juger, ne pas mettre d'étiquette : Respect : d. Le respect du malade Ne pas juger, ne pas mettre d'étiquette : attention aux "a priori" Respect : de la personne du malade, de son nom de son corps (toilettes), de sa parole, de ses silences de l'image de soi (odeurs) de l'histoire du malade, de son mode ou lieu de vie Répondre aux désirs du patient si possible (fumer une cigarette, aller au jardin, …)

e. Montrer au malade qu'il est quelqu'un de précieux pour nous Place du toucher, du regard, du sourire…, de toute la relation non verbale (80 % de la communication)

Nous l'avons vu, prendre en charge la douleur CONCLUSION Nous l'avons vu, prendre en charge la douleur d'un patient (la mettre à jour, l'évaluer, la traiter), accompagner sa souffrance, est vraiment une affaire d'équipe et nous pouvons alors rejoindre C. Saunders à nouveau lorsqu'elle dit :

"La victoire que nous chercherons à remporter sur la douleur sera en fait celle du malade. Rencontrer des personnes qui se cherchent un chemin au travers d'une telle adversité, avec le courage et le bon sens dont ils font si souvent preuve, est un honneur autant qu'un enseignement. Nous ne pouvons le voir qu'en nous approchant d'eux, et nous nous sommes souvent aperçus que le chemin le plus sûr est d'acquérir l'art de soulager la souffrance physique. Si nos malades nous accordent le privilège de partager avec eux leur angoisse intérieure, nous n'en resterons pas là". Cicely Saunders