L’ARTICULATION ENTRE TRAVAIL SALARIÉ ET ÉTUDES DANS L’ENSEIGNEMENT UNIVERSITAIRE REVUE ET CORRIGÉE Pierre Doray CIRST-UQAM Benoît Laplante INRS-Urbanisation Culture Société María Constanza Street Stéphane Moulin Département de sociologie Université de Montréal
Plan Introduction Problématique Méthodologie Résultats Objectifs de la communication Problématique Sociale Repères théoriques Approche longitudinale : son intérêt Méthodologie Analyse de survie Présentation de l’enquête Résultats Constats et pistes interprétatives
Introduction Objectifs Examiner le lien entre travail salarié et situation scolaire dans l’enseignement postsecondaire, et spécialement dans l’enseignement universitaire au Canada par le prisme une démarche longitudinale Intérêt : dépasser les limites des travaux actuels Les travaux de recherche sur ce thème ont surtout été transversaux (examine la situation à un moment donné de l’expérience scolaire) Travaux sont aussi largement fondés sur des échantillons partiels ou localisés Résultats différents voire divergents Résultats contre intuitifs
Problématique La persévérance et la réussite comme mot d’ordre de l’action éducative Le travail salarié en cours d’année comme facteur de fragilisation des études Facteur qui détourne l’attention des études Facteur qui réduit les résultats scolaires
Repères théoriques La compréhension de la persévérance et de la réussite scolaire s’inscrit dans le cadre de l’analyse des parcours étudiants Les parcours peuvent se comprendre en ayant recours aux 4 dimensions analytiques suivantes Les transactions établies entre l’individu et l’institution scolaire Les articulations entre les situations /événements et le sens (articulation entre les dimensions objectives et subjectives de l’expérience scolaire Les transactions entre l’expérience scolaire et les expériences extrascolaires L’élargissement dans les temporalités plus larges les héritages et acquis antérieurs Les anticipations et les projets Notre analyse vise à mieux comprendre la dimension 3
Travail salarié au cours des études Intensité du travail salarié Croissance dans le temps Intensité variable selon les sociétés Intensité équivalente selon le sexe Nature du travail Temps partiel Variables selon le niveau d’enseignement (âge) Commerce et restauration McJobs ou Job Provigo Motifs Motifs économiques : nécessité, entrée dans la consommation ou quête d’autonomie financière Motifs socioculturels : travail comme source d’intégration sociale et d’accomplissement personnel Motifs d’insertion professionnelle : travail comme atout
Motifs du travail chez les cégepiens
Effets du travail salarié Les dimensions éducatives examinées Durée des études Prolongement des études mais variables selon les ordres d’enseignement Résultats scolaires Peu d’effets mais conciliation travail-études variable, réduction du temps de travail scolaire Orientations Aide le choix Comportements en classe Désengagement et inattention en classe Comportements extrascolaires Fatigue et stress Effets variables selon le type d’emploi Effets variables selon l’intensité du travail
Analyse empirique Examiner de manière longitudinale l’effet de l’emploi salarié sur le départ du premier programme universitaire Sortie du programme sans obtention du diplôme et sans retour au cours de la période étudiée. Aspects examinés: Effet de travailler sur les départs de programme des caractéristiques de l’emploi Les appartenances sociales contrôlées Genre, capital scolaire des parents (EPG), langue maternelle, appartenance à une minorité visible, Des conditions de vie contrôlées Demande d’un prêt, ménage, statut parental Le régime d’études contrôlé
Méthodologie Source des données Population étudiée Analyse Enquête longitudinale EJET auprès de jeunes qui avaient entre 18 et 20 en décembre 1999. Analyse porte sur les quatre premiers cycles d’enquête, couvrant sept ans de la vie des jeunes (entre 1999 à 2005). Population étudiée Jeunes canadiens qui ont été inscrits à l’université à un moment ou un autre au cours de la période à temps plein ou à temps partiel. Analyse Distinction hommes/femmes
Analyse de survie ou de risque Outil statistique utilisé : l’analyse de survie ou de risque La variable dépendante est un « risque instantané » définit par un rapport entre le nombre de changements d’états survenus au cours d’un intervalle de temps Passer « d’être aux études » à « être sortant sans diplôme » et la quantité de temps passé dans l’état d’origine: « être aux études ». Mesurer l’effet des variables indépendantes sur le risque de sortir sans obtention du diplôme. Les coefficients se présentent sous la forme de « rapports de risque » et ils s’interprètent comme dans une régression logistique, sauf qu’ici on mesure la vitesse du phénomène.. Un coefficient supérieur à 1 indique que la sortie sans diplôme est plus rapide et que le risque de sortir sans diplôme est plus élevé Un coefficient inférieur à 1 indique que le risque de sortir est plus lent.
En récapitulant, notre perspective d’analyse… Nous analysons le parcours des étudiants dans le programme universitaire comme si nous regardons la projection simultanée de divers films en temps continu. Chaque film commence à la date de début du programme et finit à la date de la dernière inscription. Nous voulons déterminer l’influence des certaines caractéristiques « du personnage » sur le fait que film se termine par un départ du programme (sortie sans diplôme). Certaines de ces caractéristiques peuvent changer durant le film, comme le type d’emploi… La durée du film peut varier d’un étudiant à l’autre…
Base de données : les études (université) Reconstruction mensuelle des parcours scolaires La date de début du programme (mesuré au mois et à l’année). La date de la dernière inscription (mesuré au mois et à l’année) Le dernier statut au programme: diplômé ou sortant sans diplôme. Ceux qui sont encore aux études sont considérés « persévérants ». Caractéristiques scolaires Un parcours se termine quand l’étudiant a obtenu un diplôme ou quand il a abandonné sans diplôme. Programme universitaire (différences entre provinces) Un programme suivi dans un établissement de niveau universitaire, Un programme dont le niveau déclaré est baccalauréat, Un programme dont le niveau est collège mais la durée formelle est de plus de 4 ans (hors du Québec)
Base de données : le travail Informations sur tous les emplois entre 1999 à 2005 L’information n’a pas toujours la même référence temporelle selon la variable: Mensuelle : le fait de travailler ou pas et le nombre d’emplois occupés Variable : le revenu ou le nombre d’heures travaillées dans l’emploi ont été mesurées au début et à la fin de l’emploi Dans les cas où il y a eu un changement, on a attribué le mois du changement en tenant compte la date de début de l’emploi, la date de la dernière fois à l’emploi, ainsi que la durée totale de l’emploi. Quand la personne a plus d’un emploi le même mois, nous avons considéré les caractéristiques de tous les emplois occupés pour déterminer la situation prédominante durant ce mois.
Définition des variables Caractéristiques retenues des emplois Avoir un emploi Oui Non Nombre d’emplois 1 2 ou plus Catégorie de travailleur Employé payé Travailleur à son compte Plus d’une situation Statut de l’emploi permanent Emploi permanent Emploi non permanent Nombre d’heures travaillées par semaine Jusqu’à 8 heures >8 à 16 heures >16 à 24 heures > 24 heures Régime de travail et niveau du revenu Permanent et revenu faible / moyen / élevé Non permanent et revenu faible / moyen /élevé Niveau de compétence du poste Gestion/professionnels/techniques ou para- professionnels/intermédiaires/Postes élémentaires
Définition des variables appartenances sociales et conditions de vie Fixes Sexe Homme/ Femme Statut d’étudiant de première génération Oui Non, parents ont diplôme collégial Non, parents ont diplôme universitaire Minorité visible Oui / non Langue maternelle Anglais / Français/ Autre À chaque Mois Lieu de résidence Province ou région de résidence Régime d’études Temps plein / Pas à temps plein Avoir eu d’enfants Pas d’enfants / Au moins un enfant Par cycle Avoir reçu de prêts pour financer les études Jamais après 1999 / Oui, maintenant / Oui, dans le passé Habite chez ses parents (sans conjoint) Oui / Non
Résultats : importance des sorties % Personnes ayant amorcé des études universitaires 4 149 100 Personnes ayant quitté sans revenir 1 361 33
Résultat : fréquence de l’emploi Hommes Femmes A un emploi 65,6 72,8 N’a pas d’emploi 27,7 Emploi non déclaré 6,8 3,8 Total 100 Proportion de personnes mois
Résultats : moment du départ Catégorie de référence: mois de mai
L’effet d’avoir un emploi Catégorie de référence: pas d’emploi Variables Hommes Femmes Avoir un emploi Effet d’accélération (1,37 **) Pas d’effet Nombre d’emplois Un emploi (1,38**) Nombre d’emploi Plus d’un emploi P<0.1*; P<0.05 **; P<0.01 ***
Effets des caractéristiques des emplois Catégorie de référence: pas d’emploi Variables Hommes Femmes Catégorie de travailleur Effet d’accélération Employé salarié (1,37 **) Pas d’effet Régime de travail Emploi permanent (1,58 ***) Nombre d’heures travaillées par semaine 16 à 24 heures (1,41*) Plus de 24 heures: (1,61***) Effet de ralentissement 0 à 8 heures (0,69*) Régime de travail et niveau de revenu Effet d’accélération Permanent revenu moyen (1,88***) Permanent revenu élevé (2,31***) Permanent revenu élevé (1,93*) Niveau de compétence du poste Effet de ralentissement Tous (**) sauf professionnels (0,60*) 21 P<0.1*; P<0.05 **; P<0.01 ***
Effets des autres caractéristiques Modèle: nombre d’heures travaillées Variables Hommes Femmes EPG Pas d’effet Effet de ralentissement Non EPG universitaire ( 0,78*) Minorité visible (0,56 **) Langue maternelle Effet de ralentissement Français (0,64*) Régime d’études Temps partiel: (0.64 **) P<0.1*; P<0.05 **; P<0.01 *** 22
Conditions de vie Modèle: nombre d’heures travaillées Variables Hommes Femmes demande d’un prêt Effet d’accélération Oui, maintenant (1,38**) Pas d’effet Vivre chez ses parents Oui (1,28*) Oui (1,46*) Avoir des enfants P<0.1*; P<0.05 **; P<0.01 ***
Synthèse des résultats : effets globaux Effet d’augmentation du risque de sortie Effet de réduction Hommes avoir un emploi et un seul être salarié Avoir un emploi permanent Travailler de nombreuses heures Être endetté Employé et Niveau de revenu moyen et élevé Vivre chez ses parents Appartenir à une minorité visible Étudier à temps partiel Occuper un poste professionnel Femmes Etre salariée et avoir un niveau de revenu élevé Travailler entre 0 et 8 hres Capital scolaire des parents élevé (EPG universitaire) Langue maternelle française 24 24
Effet variable dans le temps
Synthèse des résultats : effets variables dans le temps Effet variable Effet constant Hommes Avoir plus d’un emploi Avoir un emploi permanent Travailler jusqu’à 8 heures ou 17 à 24 heures Avoir un emploi à faible revenu Occuper un poste de niveau professionnel ou intermédiaire Étudier à temps plein Être endetté Appartenir à un groupe de minorité visible Habiter chez ses parents Avoir eu des enfants Avoir un emploi Catégorie de travailleur Langue maternelle Capital scolaire des parents Femmes Avoir un emploi non permanent Avoir un emploi non permanent à revenu moyen Occuper un poste de gestion Être francophone Nombre d’heures travaillées Régime d’études Endettement 26 26
Constats On ne sait pas si la sortie sans diplôme est un départ ou une réorientation tardive Les sorties ne sont pas nécessairement définitives Confirme l’importance du travail salarié dans la réalité des jeunes Cumul comme mode de vie Les moments de sorties se collent à la réalité institutionnelle des universités Les facteurs ont des impacts différents pour les garçons que les filles Les facteurs qui font augmenter le risque de sortie son plus nombreux chez les garçons le rapport à l’éducation est plus fort chez les filles et conduirait à un engagement scolaire moins fluctuant selon l’évolution des situations sociales
Pistes interprétatives (1) L’expérience scolaire Les abandons rapides sont le résultats d’un problème d’intégration sociale, intellectuelle et/ou institutionnelle Les autres abandons : découragement et désillusion professionnelle Mode de vie et entrée dans l’âge adulte Plus on est porteur d’attributs associés à l’emploi régulier et à l’appartenance à la population active, plus le risque de sortie est élevé Plus on est porteur des attributs du travailleur qui étudie (à distinguer de l’étudiant qui travaille), plus le risque de sortie est élevé Situation d’ensemble qui prévaut chez les hommes comme les femmes avec des effets différents des variables.
Pistes interprétatives (2) L’effet des ancrages sociaux Rapports de genre différencient les étudiants Effets combinés genre-classe sociale-appartenance ethnoculturelle Le rapport à la famille joue dans différent sens Vivre chez ses parents comme police d’assurance en cas de problèmes scolaires Venir d’un milieu au capital scolaire élevé éloigne de la sortie pour les filles L’effet des conditions de vie et de l’endettement L’endettement antérieur a une influence en début de parcours L’endettement « actuel » a une influence quand les parcours s’allongent.
Merci http://www.cirst.uqam.ca/
Pistes interprétatives (2) L’expérience scolaire Les abandons rapides sont le résultats d’un problème d’intégration sociale, intellectuelle et/ou institutionnelle Les autres abandons : découragement et désillusion professionnelle rôle de l’intensité du travail sur la sortie…Mais ce rôle est différent pour les filles et les garçons beaucoup travailler chez les garçons accélère le risque de sortie Peu travailler l’augmente chez les filles l’effet de la demande de prêts (endettement) Chez les jeunes de cette génération, nous retrouvons l’ambivalence entre deux situations : être un travailleur qui étudie ou un étudiant qui travaille Plus les jeunes seraient porteurs des propriétés du travailleur qui étudie, plus la sortie du programme serait facilitée Chez les filles la seule caractéristique de l’emploi qui a une influence et le niveau de revenu