Analgésie systémique et locorégionale chez l’enfant Olivier Gall Département d'Anesthésie-Réanimation et Unité de la Douleur. Hôpital d'Enfants Armand Trousseau. 75571 PARIS CEDEX.
Evolution des concepts analgésie préventive plasticité neuronale et sensibilisation postopératoire du système nerveux inflammation et hyperalgésie postopératoire analgésie multimodale analgésie et réhabilitation postopératoire
Organisation des soins constitution d’une équipe DPO modèle européen : assistance aux équipes, plus que substitution plusieurs champs d’activité formation procédures écrites éducation des patients évaluation de la douleur et de la qualité des soins assistance pour la mise en œuvre de techniques d ’analgésie éprouvées
Techniques d ’analgésie éprouvées Dolin et al. Br J Anaesth 2002;89:409-23 échecs d’analgésie (EVA>30mm) Mais : structures de référence inégalités adultes/enfants
Evolution des pratiques analgésie à la demande anticipation d’un schéma thérapeutique dès la consultation préanesthésique individualisation de la posologie
Anesthésie loco-régionale efficacité sans égale sur les douleurs à la mobilisation bénéfices attendus par rapport aux antalgiques systémique : diminution de la morbidité postopératoire (?) diminution de la sédation et des nausées vomissements retentissement moindre sur le transit réhabilitation postopératoire plus rapide équipes entraînées blocs périphériques > blocs centraux
Spécificités pédiatriques Spécificités pharmacologiques immaturité du métabolisme hépatique dans les 6 - 9 premiers mois faibles capacités de liaison protéique Spécificités anatomiques : croissance du diamètre des fibres nerveuses augmentation du volume des espaces de diffusion rapporté au poids (poids augmente + vite que la taille) résorption sanguine plus rapide risque d ’accumulation si réinjections fraction libre plus élevée concentrations plus faibles que chez l ’adulte volumes plus importants durée de bloc plus courte
Anesthesia Patient Safety Foundation Berde et al, J Pediatrics 1993; 122: S14-20 Enquête sur plus de 20 000 perfusions continues de bupivacaine chez l’enfant 10 convulsions sans facteur de risque associé dans tous les cas perfusion de bupivacaine > 0.5 mg kg-1 h-1
Spécificités pédiatriques AG de complément dans la majorité des cas réalisation de l ’ALR après induction Krane EJ, Dalens B, Murat I et al. Reg Anesth 1998;23:433-438 Règles de sécurité monitoring matériel adapté (aiguilles à biseau court, neurostimulation) dose test
Dose test injection intravasculaire non intentionnelle de 0.5 ml de bupivacaine 0.25% adrénalinée chez un nouveau-né de 3,4 kg lors d’une caudale Freid et al. Anesthesiology 1993;79:394
Principales techniques
ALR en injection unique exemple concret : anesthésie pour cure de hernie inguinale bloc ilio-inguinal caudale rachianesthésie : indication élective chez l ’ancien prématuré
Bloc ilio-inguinal Les nerfs ilio-inguinal et ilio-hypogastrique naissent des racines antérieures L1 et L2 du plexus lombaire. Ils suivent un trajet parallèle, oblique en bas et en dehors dans la paroi lombaire postérieure. Au niveau de l ’EIAS ils obliquent en dedans et en avant, gagnent la paroi abdominale antérieure où ils innervent les téguments de la paroi abdominale inférieure, du pli de l’aine et de la face antérieure de la cuisse en dehors et, plus médialement, de la région pubienne (ilio-hypo), et de la partie sup du scrotum (ilio-i).
Bloc ilio-inguinal indications : hernie, varicocèle, kyste du cordon aiguille à biseau court (aponévrose du muscle oblique externe) repères : épine iliaque antéro-supérieure, ombilic volume : 0.3 - 0.5 ml/kg (bupivacaine 0.25%, ropivacaine 0.2%…)
Bloc caudal
Bloc caudal
Bloc caudal
Rachi-anesthésie Bupivacaine 0.5 %
ALR seule ? Kokinsky et al. Paediatr Anaesth 1999;9:243-251 200 enfants chirurgie inguinale, circoncisions, exérèse de lésions cutanées... ALR en injection unique 70% Douleurs intenses sous traitement (FPS >2 ou EVS >2)
Bloc épidural
Bloc épidural
Anesthésie épidurale indications : analgésie per et postopératoire après chirurgie majeure thoracique, digestive, urologique ou orthopédique contre-indications : anomalies de l’hémostase, infection, malformation vertébrale, refus des parents (ou de l’enfant), situation à risque de syndrome de loge matériel : Tuohy pédiatrique : 19G ou 18G, 50 mm, cathéter adapté (23G ou 24G pour les aiguilles 19 G, 20G pour les aiguilles 18G) niveau de ponction métamérique par rapport au site opératoire ++
Utilisation peropératoire du cathéter = facultative 0.75 ml/kg jusqu’à un volume max de 15 ml 1.1 ml/10cm de taille au delà (enfants de plus de 20 kg) réinjections toutes les 60 min (lidocaine) ou 90 min (bupivacaine, ropivacaine) même volume mais 1/2 concentration 2 principaux écueils : niveau de bloc insuffisant bloc moteur résiduel au réveil
Utilisation postopératoire du cathéter perfusion continue > réinjections, intérêt des bolus patient (PCEA) et des bolus infirmiers si < 5-6 ans anesthésique local = bupivacaine 0.1% ou ropivacaine 0.2 % (?) débit de perfusion = 0.2 ml/kg/h à adapter bupivacaine max : 0.4 mg/kg/h, 0.25 mg/kg/h avant 1 an ropivacaine max : 0.4 mg/kg/h perfusion débutée au réveil après dose de charge ou mieux en cours d’intervention en relais de la dose initiale adjuvants : sufentanil 0.5 µg/ml morphine 10-20 µg/ml clonidine 0.5-1 µg/ml
Cathéter épidural Jylli et al Acta Anesthesiol Scand 2002;46:654-9 n = 518 (5 jours, 18 ans) bupivacaine 0.125%, pas opioide en 1° intention douleur absente ou modérée 76 % fuites et problèmes de cathéters = 41/95 complications, aucune complication sévère Lejus et al. Paediatr Anaesth 2001;31:327-32 n = 348 (2 jours, 18 ans) bupivacaine 0.1 à 0.2 %, fentanyl 0.2 µg/kg/h douleur absente ou modérée 86 % fuites et problèmes de cathéters = 4 %, aucune complication sévère
Cathéter épidural : règles de sécurité personnel formé surveillance clinique rigoureuse respect des doses maximales ++ défaut d’analgésie adjuvant bloc moteur doit faire évoquer : surdosage migration cathéter complication (traumatisme nerveux lors de la ponction, hématome, abcès …)
Morphine systémique base du traitement de la DPO chez l ’enfant comme chez l’adulte titration en SSPI (100 µg/kg puis 25 µg/kg toutes les 15 min) PCA à partir de 6 ou 7 ans
Pharmacocinétique de la morphine Olkkola KT, et al. Clin Pharmacokinet 1995 nné 1-7 j 7-60 j nourrisson 2-12mois enfant 1-6 ans adulte 10 20 30 40 50 Clairance ml.kg-1.min-1
Morphine : relation dose-effet pas de posologie « maximale » meilleur compromis entre efficacité et effets secondaires Effets secondaires majeurs Défaut d’analgésie
Modes d’administration voie intraveineuse PCA : bolus 20 à 40 µg/kg toutes les 6 min i.v. continue : 20 - 30 µg/kg/h voie orale : 200 µg/kg toutes les 4 h toujours débuter le traitement par une titration (100 µg/kg puis 25 µg/kg toutes les 15 min) individualisation de la posologie
Morphine PCA : défaut d’analgésie douleur accessible à la morphine ? compréhension de la technique ? effet secondaire limitant ? éducation du patient vérification du matériel personnalisation des réglages (taille bolus, débit continu)
Prise en charge des effets secondaires
Agonistes faibles effet plafond marge de sécurité plus importante Nalbuphine : agoniste kappa, antagoniste mu Codéine : agoniste mu ± récepteurs spécifiques à la codéine 5-15 % de la dose est métabolisé en morphine (CYP2D6) Tramadol : agoniste mu + inhibiteur recapture des monoamines effet plafond marge de sécurité plus importante mais effets secondaires identiques à dose équianalgésique
Place des agonistes faibles
Paracétamol action centrale partiellement dépendante de cox concentration significative dans le LCR à partir de 30 min métabolisme hépatique de phase 2 (glucuro- et sulfo-conjugaison) cinétique comparable à l’adulte chez le nourrisson de plus de 3 mois pas d’effets secondaires à la posologie de 15 mg/kg toutes les 6 h
Paracétamol : utilité clinique R. Korpela et al, Anesthesiology 1999
Paracétamol: voie rectale ? Anderson et al. Anesthesiology 1999;90:411-21 40 mg/kg voie rectale 40 mg/kg voie orale
Peut-on augmenter la dose ? Heubi et al. J Pediatr 1998;132:22-27 case report de la FDA 47 hépatites fulminantes âge : 5 semaines -10 ans doses de paracétamol : 80 à 420 mg/kg/j (1 à 42 jours) 24 décès (dont 1 des 5 enfants qui ont pu bénéficier d’une transplantation)
Association paracétamol-AINS en chirurgie mineure Viitanen et al. Br J Anaesth 2003; 91:363-7 160 enfants (1-6 ans) opérés pour adenoïdectomie paracétamol 40 mg/kg (voie rectale) et/ou ibuprofène 15 mg/kg (voie rectale) peropératoire
AINS non sélectifs dérivés de l’acide acétique et dérivés carboxyliques 3 molécules ont une AMM pédiatrique : ibuprofène 6 mois (10 mg/kg toutes les 8 h) acide niflumique 6 mois (20 mg/kg toutes les 8 h) diclofenac 12 mois (1 mg/kg toutes les 12 h) kétoprofène injectable : AMM 15 ans dégradation microsomiale hépatique (phase 1) sauf kétoprofène (glucuroconjugaison, phase 2)
AINS après appendicectomie Morton & O ’Brien. Br J Anaesth 1999 80 enfants (5-13 ans) opérés pour appendicectomie morphine iv en PCA + paracétamol 20 mg/kg (voie rectale) et/ou diclofenac 1 mg/kg (voie rectale)
Effets indésirables des AINS non sélectifs diminution de l ’agrégation plaquettaire toxicité pour la muqueuse gastrique toxicité rénale en cas d ’hypovolémie pas de conséquences cliniques notables en chirurgie générale ou orthopédique chez l’enfant (respect des CI, prescription postopératoire et limitée à 5 jours) conséquences en ORL
AINS et saignement après amydalectomie E Marret et al. Anesthesiology 2003;98:1497-502 Effects of postoperative nonsteroidal antiinflammatory drug administration after tonsillectomy on the relative risk for reoperation
AINS sélectifs cox 2 classe des coxib efficacité antalgique similaire aux AINS non sélectifs pas d ’inhibition de l ’agrégation plaquettaire études adulte Pickering et al. Br J Anaesth 2002 essai randomisé, 98 enfants (3-15 ans), amygdalectomies rofecoxib 0,625 mg/kg, ibuprofène 5 mg/kg ou placebo fentanyl peropératoire+paracétamol+rescue codéine rescue moindre Gpe ibuprofène (38% vs 68 et 72 %) scores de douleur, saignement, nausées/vom : identiques
Antalgiques systémiques et douleur postopératoire Antalgiques « conventionnels » paracétamol nefopam agonistes faibles morphine Médicaments à visée anti-hyperalgésique anti-inflammatoires non stéroïdiens kétamine et antagonistes NMDA anticonvulsivants
Kétamine inhibition non compétitive des récepteurs NMDA effet anti-hyperalgésique à faible dose (1-5 µg/kg/min) bénéfices chez l ’adulte : douleur provoquée à la pression de la cicatrice douleur de repos épargne morphinique peu d ’études pédiatriques
Kétamine après amygdalectomie Elhakim et al. Acta Anaesthesiol Scand 2003 essai randomisé, 50 enfants (5-13 ans) kétamine prémédication im 0.1 mg/kg ou placebo fentanyl peropératoire+diclofenac 2 mg/kg+paracétamol +rescue morphine bénéfices : douleur au repos (24 premières heures) douleur à la déglutition doses de morphine reprise des boissons : délai et qualité des apports
Kétamine après amygdalectomie O ’Flaherty et al. Paediatr Anaesth 2003 essai randomisé, 80 enfants (3-12 ans) kétamine iv 0.15 mg/kg à l’induction, Mg, kétamine+Mg ou placebo fentanyl peropératoire+dexamethasone 2 mg/kg+rescue fentanyl en SSPI
Kétamine après appendicectomie Dix et al. Paediatr Anaesth 2003 75 enfants (7-16 ans) opérés pour appendicectomie kétamine bolus 0.5 mg/kg, kétamine infusion 4 µg/kg/min ou placebo morphine PCA + diclofenac 2 mg/kg+paracetamol
Place des antalgiques non morphiniques dans les schémas thérapeutiques de DPO
Prescriptions antalgiques Audit douleur postopératoire 2003 Hôpital Trousseau 154 enfants consécutifs opérés sur 4 jours (programme froid)
Prescription conditionnelle en plus du traitement de base pour contrôler les accès douloureux intercurents conditionnée à un score de douleur et non « si besoin » ex : si EVA > 40, si OPS >3, EDIN > 5
Conclusion Une analgésie postopératoire de qualité est fondée sur : personnel formé association de plusieurs molécules (analgésie multimodale) surveillance régulière de l’efficacité du traitement protocoles pour l’administration de suppléments antalgiques et la prise en charge des effets secondaires