De l’usage dur des drogues douces I. PELC et P. VERBANCK CHU Brugmann - ULB
Drogue douce : définitions Par opposition à « drogue dure » Désigne habituellement le cannabis et ses dérivés Et en réalité ? Définition peu claire, tournant autour de la dangerosité présumée du produit
Drogue douce Peu d’effet renforçant dans des modèles animaux Dépendance physique peu marquée Peut être consommée longtemps sans induire d’assuétude Peu toxique sur le long terme Peu toxique en usage aigu Idéalement
Profils des substances psychoactives Alcool Opiacés Cannabis Hallucin. Psychost. Tabac Modèles animaux 0 / + +++ ++ Syndrome de manque + / ++ 0 / ++ Assuétude 0 / +++ + / +++ Toxicité usage répété Toxicité aiguë + Comparatif schématique des produits les plus souvent consommés. A noter que certains produits considérés par tous comme dangereux, comme le LSD, n’induisent guère d’autoadministration chez l’animal et guère de syndrome de manque. L’effet addictif dépend aussi de facteurs pharmacocinétiques; ceci explique les effets contrastés des opiacés et des boissons alcoolisées. A noter que seul le cannabis ne semble associé à aucune létalité en intoxication aiguë : en fait, c’est ce qui explique sa réputation de drogue douce
De l’usage dur des drogues douces Comme drogues « douces » ou admises par beaucoup, on ne retrouve que le cannabis et les boissons alcoolisées. Le premier semble peu toxique et les secondes peuvent, de l’expérience de beaucoup d’entre nous être consommées par une majorité de gens de manière occasionnelle sans induire de perte de contrôle ni de dépendance. Cannabis Alcool
Le cannabis Ensemble de substances : les cannabinoïdes Action sur des récepteurs spécifiques dans le système nerveux central (CB1) et au niveau périphérique (CB2) Ligands endogènes (anandamide, …) Action comme les autres substances donnant lieu à assuétude sur le circuit de récompense Sensibilisation croisée entre cannabinoïdes et autres drogues
Intoxication aiguë mémoire ataxie pas de problèmes vitaux La répartition de récepteurs CB1 est en accord avec les signes d’intoxication : hippocampe (mémoire), cervelet (ataxie), mais pas de problèmes vitaux en raison de leur faible concentration dans le tronc cérébral.
Influence du cannabis sur le risque de schizophrénie Risque multiplié par un facteur 2 à 10 Dose-dépendant Âge-dépendant Gène-dépendant Pourtant, grand message d’alerte lors de la prise sur le long terme. Dans notre pays comme dans les autres régions industrialisées, 40 à 80 % des patients hospitalisés pour psychose sont de grands consommateurs de cannabis. Relations complexes, mais pourtant facteur de risque reconnu comme spécifique.
Interaction prise de cannabis dans l’adolescence - génotype COMT dans le risque de schizophrénie à l’âge adulte Aujourd’hui, cette relation est en partie élucidée. Une étude majeure concerne une cohorte néo-zélandaise suivie depuis 30 ans depuis la naissance. Mise en évidence d’une relation précise entre le risque de schizophrénie et l’exposition au cannabis avant l’âge de 18 ans des porteurs de la forme val/val de la catécho-O-méthyl-transférase, un des enzymes considérés depuis longtemps comme support potentiel du déterminisme génétique de la schizophrénie. (Caspi et al., 2005)
Circuit de récompense
sensibilisation croisée Sensibilisation et sensibilisation croisée 150 mg/kg THC 0.5 mg/kg morphine What is the situation with cannabinoids ? I will not go back to the presentation delivered by my friend Emmanuel STREEL, but we have presently definite evidence that, at least in animal models, one can induce behavioural sensitisation to THC and that there is cross-sensitisation with other drugs: opiates (what is shown in this slide), but also amphetamine, especially in animals selected for their high behavioural response to drugs. The situation has to be explored, now, with other drugs. Cadoni et al. Psychopharmacology (2001),158 : 259-266 150 mg/kg THC
Syndrome de manque caractéristique de la dépendance au cannabis Nervosisme, irritabilité Troubles du sommeil Appétit augmenté ou diminué Tremblements Sudation Diarrhée Nausées, vomissements Par aileurs, la réputation du cannabis de ne pas induire de dépendance physique est usurpée.
Etude COGA Cohorte de 5611 personnes Aucune consommation 2300 41% Cannabis < 21 fois / an 1576 28.1% Usage fréquent 1735 30.9% Jamais de manque 1465 26.1% Manque 270 4.8% Une étude américaine importante montre que la dépendance physique au cannabis concerne près de 10% des consommateurs, soit 5% de la population générale.
Syndrome Craving Consommation de manque Craving Consommation Dans ce contexte, on peut dire que dans certaines régions, environ 1 personne sur 20 consomme quotidiennement du cannabis et que cette consommation est conditionnée du moins en partie par l’existence d’une dépendance physique.
Relation entre état de dépendance et modalités d’alcoolisation chez des 65 sujets désintoxiqués reprenant des boissons alcoolisées Modalités d’alcoolisation Dépendance - + Difficultés psychologiques 24 11 Difficultés psychologiques + 9 21 P < 0.01 I. Pelc – Thèse, 1977
« Cannabis clinic » La situation de jeunes consommateurs n’est toutefois pas claire. Dans ce contexte, nous avons ouvert fin 2003 une consultation dont le mode de recrutement est le bouche à oreille. A notre surprise, le nombre de demande de consultations a rapidement explosé.
Caractéristiques de l’échantillon Age moyen : 23 ans - range : 14 - 45 ans 88 % hommes - 12% femmes Consommation moyenne : 6 joints / jour - range : 0 - 15 joints / jour
Schéma d’évaluation Interview menant à une évaluation multiaxiale Consommation Problèmes psychiatriques associés Problèmes somatiques associés Adaptation psychosociale Analyse de la demande Évaluation somatique Résistances pulmonaires (VEMS) Examen sanguin Evaluation neuropsychologique Batterie de tests (mémoire, fonctions exécutives) Potentiels évoqués cognitifs (P300, VCN, PES)
Origine de la demande n = 42 Le plus souvent, c’est le patient lui-même qui a pris l’initiative de cette consultation. Peu de gens sont adressés par le corps médical, ce qui est sans doute le témoin du peu d’engagement de celui-ci dans les problèmes consécutifs à la consommation de cannabis.
Motifs de la consultation Les motifs principaux de la consommation sont réparties de manière assez équitables entre les craintes pour la santé et pour l’adaptation psychosociale.
Seriez-vous prêt à arrêter ou diminuer votre consommation si : Présence de problèmes physiques : 93% Absence de problèmes physiques : 55% La crainte de problèmes physiques apparaît toutefois comme un des facteurs majeurs de modification éventuelle de la consommation. Notre première expérience a d’ailleurs été que le fait de donner surtout des informations rassurantes sur la santé physique se traduit invariablement par un abandon du suivi.
Anomalies dans les bilans, en % de l’effectif Pourtant, objectivement, les problèmes de santé physiques et psychiques sont rares dans ce groupe de patients, alors que des difficultés psychosociales majeures sont toujours présentes (difficultés familiales, travail, scolarité, loisirs)
Consommation de cannabis et troubles endocriniens 41 patients sur 50 (82%) ont un cortisol élevé 16 hommes sur 34 (47%) ont une testostérone inférieure à la normale Anomalies de la régulation centrale ou périphérique ?
Modèle cognitif des processus de changement (Di Clemente et Prochaska, 1982) Précontemplation Rechute Contemplation Maintenance Dans ce contexte, nous avons récemment réorienté notre intervention en mettant plus l’accent sur la motivation au changement et l’analyse de la demande. Nous n’avons pas encore d’indication sur les effets que cette nouvelle stratégie pourrait avoir sur la consommation ni sur la santé des gens, mais nous constatons déjà une bien plus grande rétention des patients dans le programme. Préparation Action Décision
Readiness to change questionnaire (RCQ) Précontemplation Consommation Problèmes Quels liens ? Contemplation Lien entre les deux, mais que faire ? Action Consommation en relation avec mes problèmes Lien entre les deux Faisons!
Stade de changement (RCQ) Celui-ci est actuellement basé sur les stades de changements décrits par Prochaska et Di Clemente. Dans notre échantillon, précontemplation, contemplation et action sont réparties de manière équivalentes. Notre principal outil d’intervention est l’entretien motivationnel, approche empathique ayant pour but la motivation au changement, développée par Milner et Rollnik.
Alcool - épidémiologie 1 adulte sur 20 est dépendant (environ 300.000 alcooliques en Belgique) 1 adulte sur 5 a un “problème d’alcool”
Débits sanguins cérébraux régionaux (en % de l’activité cérébrale moyenne par pixel ± écart à la moyenne) (Mampunza, Verbanck et Pelc, 1995)
Fonctions exécutives Mémoire Attention Inhibition Flexibilité Planification Raisonnement abstrait Rapidité des performances
Fonctions exécutives spécifiquement localisées au niveau frontal Alpha span : Doubles tâches Substratum anatomique : région frontale dorsolatérale (BA 10 et BA 46) Test de Hayling : Inhibition Substratum anatomique : partie moyenne du gyrus frontal moyen (BA 47) (Noël, Van der Linden, Pelc et Verbanck, 2001)
Alpha span (Noël, Van der Linden, Pelc et Verbanck, 2001)
Test de Hayling (penalty score) (Noël, Van der Linden, Pelc et Verbanck, 2001)
Fonctions exécutives et prédiction de la rechute (Noël, Pelc et Verbanck, 2002)
Relation consommation (en litres d’alcool pur par habitant et par an) et nombre de décès par cirrhose en Belgique entre 1960 et 1979 p < 0.0001 P. Verbanck, 1981
Assuétudes : abus et états de dépendance Approche bio-psycho-sociale Substances Individu Environnement I. Pelc – Cerveau et drogues - 2006
Usage de cannabis chez les élèves de 5è secondaire en Hainaut occidental - n = 529 Selon le type de parentalité vécue % Pelc et Ledoux, 1995