Eric Lespessailles (MD. PhD) Ostéoporoses secondaires induites par des traitements : la liste s’allonge ! Eric Lespessailles (MD. PhD) Rhumatologie CHR d’Orléans IPROS (Institut de Prévention et de Recherche sur l’Ostéoporose) Unité Inserm – U 658 PAU - le 20/05/2010 Partenariat avec les Laboratoires Procter et Gamble
Ostéoporoses induites par des traitements Corticoïdes Hormone thyroïdienne en excès Agonistes de la gonadotropin releasing Hormone (Gosereline, leuprolide) Inhibiteur de l’aromatase Thiazolinédiones Immuno-suppresseur : * inhibiteur calcineurine (ciclosporine, tacrolimus) * Methotrexate Anticonvulsifs (phénobarbital, valproate, phenytoïnes) Héparine (HBPM et non fractionnée) Lithium, aluminium Anti-psychotique Anti-dépresseur Inhibiteur de la pompe à proton
Les anti-aromatases dans le traitement adjuvant des patientes ménopausées et atteintes d’un cancer du sein traitements hormonaux les plus utilisés Efficacité prouvée Dénués de certains effets indésirables observés avec le tamoxifène (thrombo-emboliques, endométriaux) Baum M et al, Lancet 2002 Coombes RC et al, NEJM 2004
Lien entre estradiolémie endogène résiduelle et risque de fracture P pour tendance < 0.01 pour la fracture de hanche P < 0.005 pour les fractures vertébrales Concentration sérique d’estradiol en début d’étude et risque ajusté pour l’âge des fractures incidentes de l’ES fémur et des vertèbres Cummings SR et al, NEJM, 1998
Modèle de souris invalidées pour le gène de l’aromatase : ArKO WT ArKO Un phénotype d’adiposité augmentée JONES MEE et al, PNAS, 2000
Phénotype osseux des souris ArKO Diminution de l’os trabéculaire à la métaphyse fémorale OZ OK et al, J Steroid Biochem, 2001
Modèle de surexpression de l’aromatase P450 cytochrome humaine (Age of 40 days) Volume trabéculaire osseux significativement augmenté au fémur et au tibia Peng Z et al, J Bone Miner Res, 2004
Comparaison pharmacologique des propriétés des inhibiteurs de l’aromatase Folkestad L, Journal Comp, 2008
Les anti-aromatases de 3ème génération Non stéroïdien DCI Etudes Anastrozole Arimidex ATAC Letrozole Femara MA-17 BIG 1-98 Stéroïdien Exemestane Aromasine IES
ATAC : Arimidex, Tamoxifen Alone or in Combination – Trialist’s Group Survenue des événements indésirables Baum M et al, Lancet, 2002
ATAC : suivi médian de 68 mois Taux de fracture / 1000 PA 22.6 (A) HR 1.44 (C 95 % 1.21-1.68) 15.6 (T) Howell A et al, Lancet, 2005
Étude BIG 1-98 (Breast Int Group) Letrozole (5 ans) versus Tamoxifène (5 ans) Suivi médian de 51 mois Coates AS et al, J Clin Oncol, 2007
Étude IES (Intergroup Exemestane Study) Coombes RC et al, NEJM, 2004
RÉSUMÉ 1 Variations estimées de DMO au rachis lombaire Perte osseuse observée pendant les deux premières années est comparable entre les IA Perte osseuse à 5 ans de l’ordre de 6 % Risque nul de devenir OP si DMO normale au début Coleman RE et al, Lancet, 2007
RÉSUMÉ 2 Fractures rapportées dans les essais avec les anti-aromatases Incidence (%) p = 0,015 56 month 28 month 30 month 68 month 51 month HADJI P et al, ASBMR, 2008
Anti-aromatases et douleurs articulaires Études Manifestations P ATAC Désordre musculo-squelettique A 35.6 % T 29.4 % 0.001 MA 17 Arthralgies Myalgies L 21.3 % PBO 16.6 % L 11.8 % PBO 9.5 % < 0.001 0.002 IES E 5.4 % T 3.6 % 0.001
Quelles douleurs articulaires ? Siège : mains, genoux, hanches, rachis lombaire, épaules Début ou recrudescence douleurs et/ou raideur articulaire dans les 2 mois qui suivent l’introduction du traitement « Doigt à ressaut » , « syndrome du canal carpien » Morales L et al, Breast Caner Res Treat, 2007 Pas de syndrome inflammatoire biologique 5 % des patientes arrêtent le traitement du fait des arthralgies sévères Donnelan et al, J Clin Oncol, 2001
Caractéristiques en IRM des effets ténosynoviaux des Anti-aromatases 11 cas sur 12 – ténosynovite des fléchisseurs 10 cas sur 12 – réaction inflammatoire oedémateuse des tissus mous Morales L et al, 2007
Douleurs articulaires et anti-aromatases : quels mécanismes ? « L’arthrite de la ménopause » Cecil and Archer, JAMA, 1925 « Rhumatisme de la déprivation » : effet anti-nociceptif des estrogènes Felsar and Cummings, A et R, 2005 Effets protecteurs des oestrogènes sur l’arthrose (SOF, Framigham, WHI…) Identification des ER / sur les chondrocytes Réduction de l’action trophique des estrogènes sur les chondrocytes Claasen H et al, Ann Anat, 2001
Circuits centraux de modulation de la douleur et influences oestrogéniques Relation processus sensoriels, sensibilité à la douleur et oestrogènes : encore obscure. Récepteurs aux estrogènes exprimés fortement par les cellules situées dans les couches superficielles de la corne dorsale de la moelle épinière (Vanderhors et al, 1997) Les cellules expriment également l’ARMm de la preproenképhaline (Armandusson et al, 1996) L’administration d’estrogènes à des rates ovariectomisées augmente la transcription d’enképhaline dans la moelle épinière (Armandusson et al, 1999) L’augmentation du taux d’estrogènes pendant l’oestrus chez la rate coïncide avec l’augmentation des seuils de douleur, abolition de ces effets par l’OVX , reproduction par l’injection d’estradiol (Martinez Gomesz, 1994) Mais des variations de la sensibilité à la douleur dépendantes des hormones sexuelles démontrées chez les rats mâles (Line et al, Pain, 2000)
Récepteurs oestrogéniques et neurones des circuits opioïdes Action directe des oestrogènes via les récepteurs aux oestrogènes sur l’expression génique des récepteurs aux opioïdes Flores CA et al, Neurosciences, 2003
Douleur et oestrogènes Implication de l’aromatase dans la modulation des processus sensoriels (nociception en particulier) ? Blomqvist A, J Comp Neurol, 2000
Estrogènes et propriétés immuno-modulatrices Les souris ArKO développent spontanément une maladie auto-immune lympho-prolifératrice évoquant un syndrome de Sjögren Souris ArKO âgées d’1 an : hypercellularité de la moelle osseuse, splénomégalie, augmentation de volume des ganglions lymphatiques mésentériques Gil-Jin Shim et al, PNAS, 2004
Stratégies de prise en charge recommandées chez les patientes traitées par anti-aromatase pour cancer du sein Patientes avec cancer du sein débutant un traitement par IA T-score ≥ -2,0 Pas d’autre facteur de risque T-score < -2,0 Pas d’autre facteur de risque Deux parmi les facteurs de risque suivants T-score < -1,5 Âge > 65 ans Faible IMC (< 20 kg/m²) Antécédent familial de fracture Antécédent personnel de fracture après 50 ans Corticothérapie orale > 6 mois Tabagisme Les inhibiteurs de l’aromatase constituent un progrès indéniable dans la prise en charge du cancer du sein. Néanmoins, ils ont l’inconvénient d’induire une perte osseuse parfois non négligeable. Une surveillance et parfois une prise en charge thérapeutique sont donc nécessaires. Des recommandations sont proposées par un groupe d’experts européens et américains. *Le traitement actif proposé est le zolédronate en raison de son action préventive démontrée dans plusieurs études. Néanmoins, il faut rappeler que le produit n’a pas l’AMM en France actuellement dans cette indication. Les recommandations de l’Afssaps s’appliquent dans cette population. Supplémentation en calcium et vitamine D Zolédronate (4 mg/6 mois)* Calcium et vitamine D Zolédronate (4 mg/6 mois)* Calcium et vitamine D DMO et évaluation annuelle des facteurs de risque DMO annuelle DMO annuelle ASBMR 2008 - D’après Hadji P. et al., Marburg, Allemagne, abstract M283, actualisé
Variations de la DMO à 6 mois en fonction des taux initiaux de 25 OH D Corriger les carences éventuelles en vitamine D et calcium Yarramaneni, ASBMR, 2009
Effets de la vitamine D sur les arthralgies et la fatigue associés aux inhibiteurs de l’aromatase Qamar J Khan et al, ASCO 2008, poster 9618
Variation de DMO au col fémoral (gr/cm²) L’allèle A sur la Valine80 du gène CYP19 est un facteur de risque associé à la perte osseuse induite par les anti-aromatases (anti-A) -4 -3 -2 -1 1 2 Variation de DMO au col fémoral (gr/cm²) p = 0,02 AA GA GG Les anti-aromatases de troisième génération induisent une perte de masse osseuse et augmentent le risque de fracture. Les polymorphismes génétiques du gène CYP19 sont associés à différentes activités enzymatiques de l’aromatase qui pourraient entraîner des différences en termes de réponse à un traitement estrogénique, de DMO et de risque de fracture. Dans ce travail, les auteurs ont déterminé si les polymorphismes du gène CYP19 étaient également d’importants déterminants de la perte osseuse chez les femmes ménopausées prenant des anti-aromatases pour cancer du sein avec récepteurs aux estrogènes positifs. Cent trente femmes ménopausées ayant un cancer du sein (stade I-IIIA) ont participé à l’étude. Chez les 80 femmes qui venaient pour la première visite de suivi à 6 mois, les variations densitométriques (%) mesurées par DEXA montraient une faible perte osseuse au rachis, au col du fémur et à la hanche totale respectivement : -1,02 ± 0,4 ; -1,25 ± 0,4 et + 0,71 ± 0,3. Cependant, en reprenant l’analyse des génotypes (modification des bases nucléotidiques G/A sur la Valine80), les auteurs ont observé que des pertes osseuses significatives étaient observées chez les femmes porteuses de l’allèle A comparativement à celles observées chez les porteuses du génotype GG au col du fémur (AA = - 2,75 ± 0,9 ; AG = 1,37 ± 0,6 et GG = 0,66 ± 0,8 [p = 0,02]) (figure). Une même tendance était observée à la hanche totale. Parallèlement, les auteurs ont dosé l’estradiol sérique et l’IL-6 qui étaient respectivement diminués et significativement augmentés en particulier chez les femmes porteuses du génotype AA (p = 0,01). Ces données suggèrent que les patientes porteuses du génotype AA sur la Valine80 sont à risque augmenté de perte osseuse induite par les anti-A Cette perte osseuse pourrait être médiée par l’augmentation des cytokines pro-inflammatoires résultant de la profonde privation en estradiol ASBMR 2008 - D’après Napoli N. et al., Saint Louis, États-Unis, abstract 1021, actualisé
Conclusion Chez la femme ménopausée, l’usage des inhibiteurs de l’aromatase (IA) augmente le remodelage osseux et induit une perte osseuse aux sites riches en os trabéculaire de 1-3 % par an. Cette perte osseuse est encore plus prononcée chez les jeunes femmes ayant eu un traitement inducteur de déprivation ovarienne suivi d’un traitement par IA (7-8 %). Ces patientes sont à considérer comme à haut risque de perte osseuse et doivent être évaluées par densitométrie osseuse avant de débuter les IA. Un traitement par bisphosphonates est indiqué en cas de fracture et/ou d’ostéoporose densitométrique.
Etude cas (n=15792) – témoins (n=47289) Traitement par inhibiteurs de la pompe à protons et risque de fracture ostéoporotique Etude cas (n=15792) – témoins (n=47289) > 5 ans, OR de fracture de hanche 1.62 (1.02-2.58) Targowmik LE et al, CMAJ, 2008
Augmentation du risque de fracture vertébrale chez des femmes ménopausées traitées par Oméprazole : l’étude OPUS 1211 femmes MP enrôlées dans OPUS En début d’étude, 5 % des femmes traitées par Oméprazole Taux ajustés sur l’âge de fractures vertébrales 1.89 /100 P.A. (u) vs 0.6 / 100 P.A. (n.u) – p = 0.009 Analyse multivariée : RR = 3.5 (1.14 – 8.44), à comparer à F. prévalentes : 3.62 ; âge > 65 : 2.64, Tscore < -2.5 : 2.38 C. Roux et al, CTI, 2009
Risque de fracture chez des patients recevant des anti-H2 (H2 RA) ou des IPP seuls ou en association avec des BP Cohorte rétrospective (GPRD), patients de 40 ans et +, débutant H2 RA n = 166 798 ; IPP = 234 144, BP = 67 309 Traitement en cours par IPP Taux relatif ajusté IPP IPP + BP Toutes fractures Hanche FV 1.15 (1.10 – 1.20) 1.22 (1.10 – 1.37) 1.40 (1.11 – 1.78) 1.08 (1.01 – 1.16) 1.24 (1.08 – 1.42) Les H2 RA et les IPP sont associés à un risque augmenté de fracture, qu’ils soient pris seuls ou associés aux BP De Vries et al, OPI, 2009
Traitement par anti-dépresseurs et risque de fracture du fémur Etude cas (n=6763) – témoins (n-26341) - Dutch Pharmo (7 % population générale) Traitement par SSR : OR 2.35 (1.94-2.84) Traitement par DTC : OR 1.76 (1.45-2.15) Van den Brand et al, OPI, 2009
Traitement par anti-psychotiques et risque de fracture du fémur Etude cas (n=6763) – témoins (n-26341) entre 1991 et 2002 Dutch Pharmo (7 % population générale) Pouwels et al, OPI, 2009
Thiazolinediones et risque fracturaire Rosiglitazone (Avandia®) appartient à la famille Thiazolinédiones largement prescrite dans diabète type 2 Association significative maléate de rosiglitazone et risque de fracture chez la femme (RR x 2) Association mal comprise et mal étayée : Pas de lien de causalité démontré
Thiazolinediones et risque fracturaire Etude cohorte prospective canadienne : 84 339 patients des 2 sexes. Critère de jugement : fracture périphérique incidente. Sulfonylurée ou TZD Analyse multivariée avec ajustements multiples selon le modèle des risques proportionnels de COX. Entrée dans l’étude : âge = 59 ans, 43 % femmes. Dormuth et al, Arch Int Med, 2009
Thiazolinédiones et risque de fracture n = 84339 patients, risque de fracture périphérique HR = 1.28 (1.10-1.48) RR pioglitazone > rosiglitazione NNH : 86 sujets traités 3 ans par Thiazolinédione / sulfonylurée Dormuth CR et al, Arch Intern Med, 2009
Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la Sérotonine (ISRS) et risque fracturaire Dépression fréquente chez les personnes âgées Effets directs sur : Axe hypothalamus pituitaire Cytokines pro-inflammatoires (IL6, TNF ) Effets indirects par : Sédentarité, Perte de poids, Prise d’alcool, tabagisme, Augmentation du risque de chute ISRS : traitements de 1ère ligne dépression des personnes âgées. Biais d’indication
Sérotonine et os Présence de récepteurs sérotonine et du transporteur dans OB, OC et ostéocytes Gustafsson BI et al, J Cell Biochem, 2006 Une mutation du transporteur de la sérotonine chez la souris Diminution masse osseuse Souris traitées par ISRS Réduction du gain osseux Warden SJ et al, Endicrinology 2005
Merci de votre attention ! « Tous les humains parlent pendant leur sommeil, il n’y a que les conférenciers qui parlent pendant celui des autres » Jules Renard