Analgésie et antihyperalgésie Une prévention est-elle possible en postopératoire ? Dominique Fletcher DAR Raymond Poincaré-Ambroise Paré
Quelques définitions L’hyperalgésie postopératoire est une réalité Physiologie de l’hyperalgésie ? Quels moyens de prévention ?
Allodynie, hyperalgésie ALLODYNIE : douleur pour un stimulus non douloureux Contact du drap avec un coup de soleil On mesure le seuil de douleur Le seuil de douleur est réduit HYPERALGESIE : douleur accrue pour un stimulus douloureux Claque dans le dos avec coup de soleil On mesure la réponse à une stimulation au dessus du seuil de douleur La réponse au dessus du seuil est augmentée
Primaire ou secondaire ? Hyperalgésie primaire/périphérique - Inflammation - Allodynie mécanique et thermique - Nocicepteurs sensibilisés Hyperalgésie secondaire/centrale - Pas d’inflammation - Allodynie mécanique - Sensibilisation centrale Secondaire : proche et à distance
Algomètre Von frey
Des signes d’hyperalgésie plus au moins spécifiques Les seuls critères stricts = mesure seuil et supraliminaire Mesure du seuil de douleur : poils de Von Frey, Algomètre Mesure de l’hyperalgésie mécanique : Algomètre; thermique : thermode Mais il existe de nombreux signes indirects Phase aiguë Niveaux de douleur Consommation d’antalgique Fonction : mobilité articulaire, marche Phase chronique Douleur résiduelle
Au total Les définitions sont strictes On différencie allodynie, hyperalgésie, les stimulus On différencie primaire et secondaire Hyperalgésie = mesure clinique L’hyperalgésie = hyperexcitabilité du système nerveux POUR SIMPLIFIER ET COMMUNIQUER On regroupe sous le terme d’hyperalgésie les signes de l’hyperexcitabilité du système nerveux
Quelques définitions L’hyperalgésie postopératoire est une réalité Physiologie de l’hyperalgésie ? Quels moyens de prévention ?
Hyperalgésie postopératoire Blocs - Lésion tissulaire Inflammation Douleur préopératoire + Sensibilisation périphérique PG, cytokines… Morphiniques + Sensibilisation centrale NMDA, NK1… Gabapentine - Kétamine - Néfopam - Hyperalgésie postopératoire Dans le cadre d ’une chirurgie, la lésion tissulaire et l ’inflammation sont responsables d ’une libération de médiateurs comme les cytokines et les prostaglandines qui induisent une sensibilisation périphérique. Cette sensibilisation périphérique associée aux influx nociceptifs peut induire une sensibilisation centrale dont les mécanismes vous ont été exposés par D Bouhassira ce matin. L ’ensemble induit l ’expression d ’une hyperalgésie postopératoire. Les différents questionnements de notre programme de recherche concerne - la possibilité de moduler la sensibilisation centrale avec certains antagonistes comme les antagonistes NMDA dont la kétamine est le référence en clinique. - l ’impact des morphiniques utilisés à forte dose en per et postopératoire sur la sensibilisation centrale et la part qu ’ils prennent dans ce phénomène en parrallèle du traumatisme tissulaire - l ’influence de la douleur et de l ’hyperalgésie préopératoire sur l ’intensité de l ’hyperalgésie postopératoire - nous nous questionnons également sur la relation entre la sensibilisation périphérique et centrale. L ’utilisation de blocs nerveux périphériques peut permettre chez l ’homme de préciser cette relation entre les deux niveaux de sensibilisation Consommation morphinique Douleur provoquée Douleur chronique
Variabilité interindividuelle de l’hyperalgésie secondaire postop Stubhaug et al. Acta Anaesthesiol Scand 1997;41:1124-32.
Réflexe RIII après chirurgie Dahl et al. Br J Anaesth 1992;69:117-21.
Hyperalgésie primaire préopératoire et morphine postopératoire Morphine PCA prédite par l’hyperalgésie préop au chaud - PTG - Tests nociceptifs mécaniques et thermiques Pré et postopératoire - Genou inflammatoire avec HA au chaud - Valeur prédictive sur la consommation PCA postop - Corrélation faible (Rho = 0,63; P = 0,01) Martinez Anesth Analg 2007 in press
L’hyperalgésie préopératoire prédit la douleur postopératoire Césarienne (n = 58) Évaluation préopératoire : seuil / supraliminaire, chaud Corrélation avec douleur postopératoire ? Corrélation douleur repos/mvt avec douleur préop (48 degrés) Granot M, Anesthesiology 2003;98:1422-6
L’hyperalgésie postopératoire prédit la douleur chronique Zone d’allodynie péricicatricielle Valeur prédictive sur la douleur résiduelle Eisenach et al RAPM 2006;31: 1-3
Au total On peut identifier l’allodynie et l’hyperalgésie après chirurgie Globalement cette hyperalgésie influence la DPO C’est un facteur préop et postop prédictif de douleur L’hyperalgésie est aussi prédictive de DCPC
Quelques définitions L’hyperalgésie postopératoire est une réalité Physiologie de l’hyperalgésie ? Quels moyens de prévention ?
Analgésie préventive ou preemptive Analgésie préventive ou preemptive ? dans les deux cas on prévient l’hyperalgésie Analgésie preemptive On prévient la sensibilisation du système nerveux Pour cela le moment d’administration est important Question de l’avant ou après la chirurgie Effet preemptif : AINS, Anesthésiques locaux Analgésie préventive L’effet analgésique dure très longtemps Au delà de 5 demies vies du produit Question d’une durée d’effet analgésique Effet préventif: kétamine
Comment limiter l’hyperalgésie postopératoire ? Limiter les causes de l’hyperalgésie Réduire les doses de morphininique Anesthésie et analgésie balancée Réduire les influxs nociceptifs Anesthésique local, analgésie préemptive, préventive Réduire l’inflammation : inhibiteur cyclooxygénase Traiter l’hyperalgésie : ce n’est pas analgésier C’est limiter la sensibilisation du système nerveux Antihyperalgésique Kétamine, gabapentine Néfopam, paracétamol, tramadol Lidocaine
Hyperalgésie morphinique postop 40 morphinique faible morphinique Fort morphinique Fort + K KETAMINE 30 Rémif 0.05 - 0.40 µg.kg-1.min-1 Ket: 2 µg.kg-1.min-1/48 h 20 Aire sous d’hyperalgésie 10 Joly et al. Anesthesiology 2005 103 147
Ketamine et tolérance Ketamine 0.15 mg/kg, 2 µg.kg-1.min-1 P < 0.05 Guignard et al. Anesth Analg 2002;95:103-8
Inhibiteurs de COX-2: prévention des douleurs chroniques postchirurgicales Chirurgie du rachis Prélèvement de greffon iliaque Les patients reçoivent ou pas du celecoxib 7 jours en postop Mesure de la DPO et DCPC Douleur à 1 an: 30 vs. 10% dans le groupe celecoxib Reuben et al. Reg Anesth Pain Med 2006;31:6-13.
Analgésie péridurale peropératoire et DCPC après colectomie Chirurgie colique (n=85) Péridurale pré ou postop; kétamine IV Traitement de 72 heures Effet préventif PERI perop ou postop sur l’hyperalgésie Effet préventif de la PERI perop sur la douleur à 1 an Lavand'homme Anesthesiology 2005 103 813
Blocs nerveux péripheriques réduisent l’inflammation In the same surgical model of total knee arthroplasty, we evaluated the impact of a peripheral nerve block on the development of inflamation in the operative knee and therefore primary hyperalgesia We observed that the nerve block reduced both oedema (on the left) and temperature (on the right) of the operative knee suggesting a reduction of neurogenic inflammation In conclusion this study suggests that a peripheral nerve block can offer an anti inflammatory effect in addition to the well known analgesic effect with a potential reduction of peripheral sensitization and the related primary hyperalgesia Oedème Température Martin F Anesthesiology 2008; 109:484–90 23
Lidocaine IV peropératoire Colectomie Lidocaine IV; bolus 1.5 mg/kg (2 mg/kg/h peropératoire) Perfusion postop 1.33 mg /kg/h 24 h postopératoire Efficacité analgésique sur les scores de douleur, DCM Efficacité fonctionnelle sur le transit : 28 vs 51h Impact économique: durée de séjour : 2 vs 3j Abdourahaman Anesthesiology 2007 106 11
Lidocaine IV et hyperalgésie PTH Lidocaine IV perop et 1h postop Pas d’effet sur HA mécanique Pas d’effet analgésique In the same surgical model of total knee arthroplasty, we evaluated the impact of a peripheral nerve block on the development of inflamation in the operative knee and therefore primary hyperalgesia We observed that the nerve block reduced both oedema (on the left) and temperature (on the right) of the operative knee suggesting a reduction of neurogenic inflammation In conclusion this study suggests that a peripheral nerve block can offer an anti inflammatory effect in addition to the well known analgesic effect with a potential reduction of peripheral sensitization and the related primary hyperalgesia Martin F Anesthesiology 2008; 109:118 25
Au total Les AINS peuvent peut être réduire la DCPC La lidocaine IV est analgésique en chirurgie colique Son effet sur l’hyperalgésie n’est pas démontré La peridurale perop a un effet prolongé sur la douleur et l’HA Les blocs périphériques peuvent réduire l’inflammation
Kétamine préventive analyse quantifiée Etude globale sur 53 études Dose moyenne de kétamine : bolus unique de 0.4 mg/kg EVA moyenne postopératoire 4/10 Épargne morphinique de 16 mg Réduction prolongée de l’EVA - 25 % H 6 postop - 20 % H 24 postop Elia N Pain 2005; 113: 61
Kétamine préventive analyse quantifiée Pas d’impact sur les effets secondaires morphiniques Incidence des hallucinations liées à la morphine - Rare si AG : 1 patient / 257 - Fréquent si simple sédation : 1/20-30 Elia N Pain 2005; 113: 61
Kétamine perop en ambulatoire Ket: 0.15 mg/kg 30 25 Nuit CONT Group 30 * 20 KET Group VAS (mm) 15 * 25 10 5 20 * Jour D1 D2 D3 15 * 10 35 Marche 30 5 * P < 0.01 25 * 20 VAS (mm) 15 * D1 D2 D3 10 5 Les deux groupes : Intraar. Bupi + Mor Naproxen 550 mg X 2 Di-Antalvic en secours D1 D2 D3 Menigaux Anesth Analg 2001; 93: 606
Ketamine perop et ligamentoplastie 50 * * Flexion à J1 45 40 Ket: 0.15 mg/kg 35 30 Ket Pre Knee flexion (°) 25 Ket Post 20 Control 15 10 *P < 0.05 vs. Control 5 Menigaux et al. Anesth Analg 2000;90:129-35.
Kétamine et SSPI Titration morphine SSPI Echec Reprise titration - Dose > 0,1 mg/kg - EVA > 6 Reprise titration - Morphine 30 mcg/kg - Morph 20 mcg + kéta 250 mcg/kg - Trois bolus max en 10 min Kétamine - Efficacité - Meilleure tolérance : SpO2, RR Weinbroum AA et al Anesth Analg 2003;96:789-95.
Kétamine ou néfopam si échec de la titration Echec titration morphine > 9 mg Bolus unique Ketamine 10 mg Nefopam 20 mg Placebo Efficacité similaire Kétamine : sédation Néfopam : tachycardie, sueurs Kapfer et al. Anesth Analg 2005;100:169-74.
Tolérance de la kétamine PCA PCA morphine/kétamine (1/1) Cohorte prospective 1026 patients Pas de contrôle Durée de traitement : 3 jours Effets secondaires : global / arrêt Hallucinations : 6,2 % / 2,1 % Dep resp : 1,5 % / 0,5 % Nausée : 23,5 % / 3 % Sédation : 21,4 % / 0,7 % Sveticic G, AAS 2005; 49: 870
Kétamine perop ou per et postop ? Chirurgie abdominale; 81 patients Bolus 0.5 mg/kg/perfusion perop versus + perfusion continue 48 heures: 2 mcg/kg/min Placebo DCM réduite 28 mg vs 49mg (per) / 50 mg (placebo) VAS réduit dans groupe per et postop Moins de NVPO dans le groupe per + post Zakine et al. Anesth Analg 2008;106:1856.
Kétamine et rééducation Prothèse de genou Bloc nerveux Kétamine pdt 48 heures Angles de flexion à 90° 20 40 60 80 100 Adam et al. Anesth Analg 2005;100:475-80.
Hyperalgésie et douleur résiduelle Péridurale perop +/ kétamine perop Hyperalgésie at D3 (cm2) Pas de douleur Douleur résiduelle à 6 mois (n) 200 20 150 15 100 10 50 5 G1 G2 G3 G4 G5 G1 G2 G3 G4 G5 G1 : cont; G2 G3 : kéta IV; G4 G5 : kéta péri De Kock et al Pain 2001;92: 373-80
Kétamine, péridurale et DCPC Chirurgie colique, équipe de De Kock Pas d’importance de la péridurale postop sur DCPC Impact de la kétamine peropératoire sur DCPC 66% sans DCPC à 6 mois si péridurale perop seule De Kock Anesthesiology 2001 92 373 100% sans DCPC à 6 mois si péridurale perop + kétamine Lavand'homme Anesthesiology 2005 103 813
Au total La kétamine perop à faible dose (< 0,5 mg/kg) est - efficace sur l’analgésie postop pdt 24-48 h et DCPC - bien tolérée - a un effet sur la fonction La kétamine postop est moins bien tolérée Elle peut être utilisée en secours: SSPI, perfusion continue
Kétamine IV. recommandations PCA IV : bolus de 1 mg Bolus IV peropératoire : 0,15 - 0,50 mg/kg, perf. de 2µg.kg-1.min-1 Perfusion IV postopératoire : 1 µg.kg-1.min-1 durant 24 à 36h Dose plafond ? 30 mgr/jour (Bell 2006)
Dose – taux sanguins Concentration efficace : 20-100 ng/ml Bolus unique 0.1-0.15 mg/kg = 60-90 ng/ml 0.5 mg/kg = 300 ng/ml Bolus répétés 20 mg/6h = 20 ng/ml 100 mg/6h = 100 ng/ml Perfusion continue 1 mcg/kg/min = 30 ng/ml Guignard B Sfar 2006
Clonidine – prevention de l’HA et DCPC Colectomie Preop intrathecal - Clonidine (300 µg) - Bupi (10 mg) - Placebo. % de patients sans douleur résiduelle à 6 mois Effet analgésique de clonidine Hyperalgésie à 72h et douleur à 6 mois réduits avec la clonidine Clonidine Placebo Bupi De Kock et al. Anesth Analg 2005;101:566-72. P < 0,05 vs. saline
Gabapentine: variabilité des données Ho et al Pain 2006; 52: 230 1200 mg GBP < 1200 mg GBP Doses multiples GBP Nombre études Nbre RCT Douleur H6 Douleur H24 Antalgique H24 Délai demande antalgique
La GBP 1200 mgr réduit la douleur à H6 et H24 placebo DMP IC 95% Total H6 143 142 -16,55 (-25,66,-7,44) -10,87 (-20,90,-0,84) Total H24 90 90 -10 -5 5 10 P < 0,00001 En faveur GBP En faveur placebo Ho et al Pain 2006; 52: 230
La GBP 1200 mgr donne une épargne morphinique placebo DMP IC 95% N total 65 65 -27,90 (-31,52,-24,29) -100 -50 50 100 P < 0,00001 En faveur GBP En faveur placebo Ho et al Pain 2006; 52: 230
Autres effets périopératoires Effet sur le délais de demande d’antalgique (Ho 2006) Effet non significatif cliniquement : -7 minutes Effet anxiolytique (Ménigaux 2005) Effet anxiolytique quand prise de 1200 mg de GBP préopératoire EVA sur l’anxiété préop (pas de premédication) 28 ± 16 mm versus 66 ± 15 mm Utilisé dans les attaques de panique; pas d’effet amnésiant
Effets secondaires et GBP Réduction de l’incidence des vomissements Diminution de 40-50% Effet sédatif confirmé de la GBP Risque x 3-4 Incidence accrue de malaise, vertiges Risque x 2 Fréquence accrue en ambulatoire 24% vs 4% (Turan 2004)
Gabapentine : impact fonctionnel * * * P < 0.02 Menigaux et al. Anesth Analg (in press).
Effet sur la douleur chronique Hysterectomie Gabapentin 400 mg / 6 hrs; preop and 5 jours postop Pain 1 month after surgery Pas d’effet sur la DPO * * P < 0.002 Fassoulaki et al. Eur J Anaesth 2006;23:136-41
Prévention de l’hyperalgésie en 2009 Identifier les patients à risque Douleur préop, morphiniques préop Limiter les morphiniques perop Utiliser les anesthésiques locaux : peri, bloc Gabapentine: 600 mg premedication Kétamine perop bolus +/- postop
Le futur de l’hyperalgésie postop Autres études sur les conséquences de l’HA Tests standardisés pour prédire l’hyperalgésie - Tests nociceptifs; facteurs génétiques Nouveaux traitement pour l’hyperalgésie - minocycline et lésion nerveuse - régime sans polyamine - anesthésiques locaux à LP - néfopam - traitement anti hyperalgesique multimodal
Conclusion L’hyperalgésie a une définition précise L’hyperalgésie existe en clinique; on peut la mesurer en postopératoire Cette hyperalgésie a deux causes principales - Morphiniques, douleur inflammatoire Les mécanismes sont périphériques et centraux Elle a des conséquences immédiates et retardées - Douleur, fonction, douleur chronique Pour la prévenir il faut - Limiter les deux causes : morphiniques, inflammation - Traiter l’hyperalgésie: kétamine, gabapentine, Alcx