Le consommateur Contrats et accidents de la consommation dans les règlements Rome I et II Rafaël Jafferali Avocat au barreau de Bruxelles Assistant à l’ULB 3 mars 2008 Formation continue – Chaire de droit européen de l’UCL
Plan de l’exposé Rome I ou les contrats de consommation I. Position du problème II. Article 6 du Règlement III. Champ d’application de l’article 6 A. Consommateurs visés B. Professionnels visés C. Contrats visés IV. Protection accordée par l’article 6 V. Protection accordée au-delà de l’article 6 Rome II ou les accidents de consommation II. Article 5 du Règlement III. Champ d’application de l’article 5 IV. Facteurs de rattachement
Les contrats de consommation Le règlement Rome I
I. Position du problème Monsieur Gentil Belgique Goedkoop & Mooi NV Règlement Rome I I. Position du problème Monsieur Gentil Belgique Goedkoop & Mooi NV Pays-Bas
Importance du droit applicable Règlement Rome I I. Position du problème En droit néerlandais, art. 7:46f, al. 3, NBW permet au vendeur en cas de rupture de stock de livrer une chose de prix et de qualité égals, si prévu par le contrat En droit belge : Possibilité non prévue par l’art. 81 LPC Validité de la clause est douteuse au regard de l’art. 32.3 LPC Importance du droit applicable
II. Article 6 du Règlement Rome I Dérogation aux articles 3 et 4 du Règlement pour les contrats de consommation : En l’absence d’un choix de la loi applicable, on applique la loi de la résidence habituelle du consommateur En présence d’un choix de la loi applicable, le choix est valable mais ne peut priver le consommateur de la protection de la loi de sa résidence habituelle
II. Article 6 du Règlement Rome I Champ d’application de l’article 6 Protection accordée par l’article 6 Protection accordée au-delà de l’article 6
III. Champ d’application de l’article 6 Règlement Rome I III. Champ d’application de l’article 6 Consommateurs visés Professionnels visés Contrats visés
Règlement Rome I III. Champ d’application de l’article 6 A. Consommateurs visés Notion autonome selon CJCE Personne physique Agit pour un usage étranger à son activité professionnelle A apprécier en fonction d’un contrat déterminé (C.J.C.E, 3 juillet 1997, Benincasa, C-269/95, point 16) Une activité professionnelle future exclut la qualité de consommateur (Benincasa, point 17) Une activité mixte est en principe exclue sauf si la part professionnelle ne joue qu’un rôle négligeable (C.J.C.E., 20 janvier 2005, Gruber, C-464/01, point 39)
Règlement Rome I III. Champ d’application de l’article 6 A. Consommateurs visés Connaissance et charge de la preuve (Gruber) Se baser sur les circonstances objectives du dossier Usage mixte : la charge de la preuve repose sur le consommateur La croyance du professionnel peut uniquement exclure, jamais conférer la qualité de consommateur, ex. : Lorsqu’un particulier commande sans autre précision des objets susceptibles de servir effectivement à l’exercice de sa profession Lorsqu’il utilise à cet effet du papier à lettres à en-tête professionnel Lorsqu’il se fait livrer des biens à son adresse professionnel Lorsqu’il mentionne la possibilité de récupérer la TVA
Règlement Rome I III. Champ d’application de l’article 6 B. Professionnels visés Agit dans l’exercice de son activité professionnelle Pas un particulier (exclusion du C2C business) Pas un professionnel agissant à titre privé Le professionnel doit Soit exercer son activité dans le pays de résidence du consommateur Soit diriger son activité vers le pays de résidence du consommateur Le contrat doit rentrer dans le cadre de cette activité
Activité dirigée – Historique Règlement Rome I III. Champ d’application de l’article 6 B. Professionnels visés Activité dirigée – Historique Convention de Bruxelles (1978) et Convention de Rome (1980) Consommateur passif Soit proposition spécialement faite au consommateur Soit publicité adressée au consommateur importance de la langue du site, de la monnaie utilisée Actes nécessaires à la conclusion du contrat accomplis dans l’Etat de la résidence du consommateur
Activité dirigée – Historique Règlement Rome I III. Champ d’application de l’article 6 B. Professionnels visés Activité dirigée – Historique Règlements Bruxelles I (2001) et Rome I (2008) Notion d’activité dirigée remplace la proposition spécialement faite ou la publicité Suppression de l’exigence d’accomplissement des actes nécessaires à la conclusion du contrat dans l’Etat de la résidence du consommateur
Activité dirigée – Interprétation Règlement Rome I III. Champ d’application de l’article 6 B. Professionnels visés Activité dirigée – Interprétation Interprétation restrictive Opposition entre le site interactif et le site passif (Exposé des motifs du règlement Bruxelles I) Activité dirigée publicité spécialement destinée (Conv. Rome) importance de la langue du site, de la monnaie utilisée Déclaration conjointe de la Commission et du Conseil : « le simple fait qu’un site Internet soit accessible ne suffit pas à rendre applicable l’article 15, encore faut-il que ce site Internet invite à la conclusion de contrats à distance et qu’un contrat ait effectivement été conclu à distance, par tout moyen. A cet égard, la langue ou la monnaie utilisée par un site Internet ne constitue pas un élément pertinent »
Activité dirigée – Déclaration conjointe Règlement Rome I III. Champ d’application de l’article 6 B. Professionnels visés Activité dirigée – Déclaration conjointe Valeur juridique ? cf considérant (24) du Règlement Rome I Site invitant à la conclusion de contrats à distance et contrat effectivement conclu à distance par tout moyen plus large que le site interactif (ex. téléphone, fax) Peu importe la langue ou la monnaie utilisées dangereux pour les professionnels
Règlement Rome I III. Champ d’application de l’article 6 C. Contrats visés En principe tous les contrats Sous réserve du régime particulier Du contrat de transport de marchandises (art. 5) Du contrat d’assurance (art. 7) A l’exclusion de certains contrats (art. 6, §4) Services fournis exclusivement hors de l’Etat de résidence Contrats de transport de personnes sauf voyage à forfait Droit réel immobilier ou bail d’immeuble sauf time-sharing Relations avec émetteur d’instrument financier sauf service financier Contrats conclus sur un marché réglementé
Règlement Rome I III. Champ d’application de l’article 6 Monsieur Gentil Belgique Goedkoop & Mooi NV Pays-Bas
Règlement Rome I III. Champ d’application de l’article 6 Monsieur Gentil achète un divan pour son salon (usage privé) Acheté via un site internet invitant à la conclusion de contrats à distance Il s’agit d’un contrat de consommation même si le site ne visait pas spécifiquement le marché belge
IV. Protection accordée par l’article 6 Règlement Rome I IV. Protection accordée par l’article 6 En l’absence d’un choix de la loi applicable, on applique la loi de la résidence habituelle du consommateur contrat soumis à la loi belge En présence d’un choix de la loi applicable, le choix est valable mais ne peut priver le consommateur de la protection de la loi de sa résidence habituelle Protection garantie des lois impératives internes Règles applicables uniquement si elles sont plus favorables contrat soumis au droit néerlandais mais LPC s’applique
V. Protection accordée au-delà de l’article 6 Règlement Rome I V. Protection accordée au-delà de l’article 6 Fraude à la loi communautaire Directives Lois de police
Règlement Rome I V. Protection accordée au-delà de l’article 6 A. Fraude à la loi communautaire Article 3.4 du Règlement Rome I Tous les éléments de la situation sont localisés dans l’UE Choix de la loi d’un Etat tiers ne peut empêcher l’application des lois impératives internes d’origine communautaire transposée par l’Etat du for
Règlement Rome I V. Protection accordée au-delà de l’article 6 B. Directives européennes Lien étroit avec l’Union européenne Choix de la loi d’un Etat tiers ne peut priver le consommateur de la protection de : Directive 93/13 sur les clauses abusives Directive 94/47 sur le time-sharing Directive 97/7 sur les contrats à distance Directive 1999/44 sur les biens de consommation Directive 2002/65 sur la commercialisation à distance de services financiers Directive 2008/48 sur le crédit à la consommation (transposition : 12 mai 2010) Directive 2008/122 sur le time-sharing (transposition : 23 février 2011)
Règlement Rome I V. Protection accordée au-delà de l’article 6 B. Directives européennes Protection fait souvent double emploi avec art. 3.4 Rome I, mais Condition de lien étroit est plus souple que l’art. 3.4 (C.J.C.E., 9 septembre 2004, Commission c. Espagne, C-70/03) Notion de lien étroit parfois précisée par la directive ex. bien immobilier situé sur le territoire d’un Etat membre (art. 9 directive 94/47 et art. 12.2 directive 2008/122) Souvent l’indice du caractère de loi de police de la directive
Règlement Rome I V. Protection accordée au-delà de l’article 6 C. Lois de police Identification des lois de police Origine nationale : tout le droit de la consommation ? (comp. Cass., 27 mars 2006, Pas., 2006, n° 174: En matière de contrat de travail, les dispositions légales qui organisent la protection des travailleurs et qui ont un caractère impératif, sont des lois de police et de sûreté) Origine communautaire : Explicitement, ex. directives 94/47 et 2008/122 sur le time-sharing Implicitement, ex. directive 93/13 clauses abusives ?
Règlement Rome I V. Protection accordée au-delà de l’article 6 C. Lois de police Relations entre articles 6 et 9 du Règlement Rome I L’article 6 est une lex specialis (P. LAGARDE et BGH 19 mars 1997) Les deux mécanismes sont compatibles (Cass. fr. 23 mai 2006) Solution favorable à la partie faible L’article 9 ne comporte aucune référence à l’article 6 Objet différent des deux articles (lois impératives internes lois de police) Il existe des lois de police administrative qui doivent pouvoir être appliquées même si le professionnel ne dirige pas ses activités vers l’Etat du consommateur
Les accidents de consommation Le règlement Rome II
I. Position du problème Sèche-cheveux acheté à New York Explosion Règlement Rome II I. Position du problème Sèche-cheveux acheté à New York Explosion en Belgique Usine chinoise
II. Article 5 du Règlement Rome II Dérogation à l’article 4 du Règlement pour responsabilité du fait des produits en vue de tenir compte des intérêts Du consommateur (souci de protection) Du producteur (souci de prévisibilité)
III. Champ d’application de l’article 5 Règlement Rome II III. Champ d’application de l’article 5 Obligation non contractuelle Produit : tout meuble, même incorporé dans un autre meuble ou dans un immeuble, y compris l’électricité (cf directive 85/374 sur la responsabilité du fait des produits défectueux) pas nécessairement un produit défectueux Victime : pas nécessairement un consommateur Responsable : fabricant, intermédiaire, vendeur final, etc.
III. Champ d’application de l’article 5 Règlement Rome II III. Champ d’application de l’article 5 Primauté de la directive 85/374 en tant que loi de police (critère d’applicabilité : la mise en circulation dans l’UE) le Règlement continuera à s’appliquer : Si le produit n’a pas été mis en circulation dans l’UE La directive suppose un produit défectueux La directive ne concerne que certains dommages (pas dommage moral, perte d’exploitation, etc.) La directive ne remplace pas le droit commun (intérêt notamment pour la prescription)
IV. Facteurs de rattachement Règlement Rome II IV. Facteurs de rattachement Loi de la résidence habituelle du responsable et de la victime A défaut, loi de la résidence habituelle de la victime A défaut, loi du pays d’achat du produit A défaut, loi du pays où le dommage s’est produit à condition que le produit ait été commercialisé dans cet Etat (comp. notion de « mise en circulation » dans directive 85/374 cf C.J.C.E., 9 février 2006, Master Declan O'Byrne, C-127/04 : le produit doit avoir été offert au public aux fins d’être utilisé ou consommé)
IV. Facteurs de rattachement Règlement Rome II IV. Facteurs de rattachement Sèche-cheveux acheté à New York Explosion en Belgique Usine chinoise
IV. Facteurs de rattachement Règlement Rome II IV. Facteurs de rattachement Clause de prévisibilité : si le responsable ne pouvait pas raisonnablement prévoir la commercialisation du produit dans le pays en cause, alors on applique la loi de la résidence habituelle du responsable Clause d’exception : s’il existe des liens plus étroits avec la loi d’un autre Etat, la loi de cet Etat s’applique, ex. : Relation contractuelle préexistante entre parties Hypothèse de l’innocent bystander