“Le sida a un visage de femme” En Afrique sub saharienne, près de 60 % de toutes les personnes vivant avec le VIH sont des femmes Dans certaines régions d’Afrique et de la Caraïbe, les adolescentes ont cinq fois plus de chances d’être contaminées par le VIH que les adolescents Le sida est la première cause de décès parmi les femmes afro américaines âgées de 25 à 34 ans Au Botswana, plus de la moitié (54 %) de toutes les femmes âgées de 25 à 29 ans sont séropositives Sans une augmentation considérable des activités de prévention, 45 millions de personnes DE PLUS seront contaminées par le VIH d’ici 2010 Carol Bellamy, une porte parole des Nations Unies, a utilisé cette phrase -- “Le sida a un visage de femme” – pour la première fois en 2002. C’était la première fois que l’on constatait qu’au moins la moitié des personnes vivant avec le VIH/SIDA dans le monde étaient des femmes. Dans les pays les plus riches, les hommes constituent toujours la majorité de la population infectée par le VIH. Mais cela n’est pas vrai pour les pays les plus pauvres. Et au niveau mondial, le visage de l’épidémie continue de changer. En 2003, la moitié de toutes les personnes récemment contaminées étaient des femmes. Cette féminisation se produit plus rapidement avec les femmes les plus jeunes. Les jeunes femmes et les filles représentent deux tiers des personnes de moins de 24 ans vivant avec le VIH. Comme vous pouvez le voir, dans certains pays, les adolescentes ont cinq fois plus de chances d’être infectées par le VIH que les garçons du même âge. Même dans un pays riche comme les USA, le sida est la première cause de décès chez les jeunes femmes africaines-américaines de 25 à 34 ans. Loin de là, au Botswana, les risques pour les femmes sont si élevés que plus de la moitié de celles qui approchent la trentaine sont infectées. Imaginez ce que cela serait de vivre dans une communauté où la moitié de vos pairs est confrontée au sida ! Les femmes ont un risque lié au VIH plus élevé que celui des hommes pour de nombreuses raisons. Nous allons voir en détail certaines de ces raisons – les facteurs qui expliquent les chiffres tragiques que nous voyons ici. Pourquoi cela ? Comment mettre en place les mesures de prévention “très larges” que les Nations Unies recommandent pour empêcher une multiplication par deux de l’épidémie vers 2010 ?
Pourquoi les femmes sont à risque : Biologie : Une plus grande surface de muqueuse exposée Sperme = plus de VIH que les sécrétions vaginales Maturité incomplète du corps des jeunes femmes Économie : Dépendance financière. Impossibilité de quitter les partenaires. Culture : L’infidélité des hommes est acceptée, pas celle des femmes Les violences, l’ignorance sur la sexualité et sur les inégalités de genre rendent la négociation sur le préservatif difficile, voire impossible Pourquoi les femmes sont elles plus exposées au VIH que les hommes ? La réponse à cette question repose en partie dans les facteurs biologiques, en partie dans les facteurs économiques et en partie dans les facteurs culturels. Facteurs biologiques : les femmes sont plus vulnérables parce que le sperme est porteur d’une plus grande quantité de VIH que les sécrétions vaginales. Les plis de la paroi vaginale constituent une surface de muqueuse importante à attaquer pour le virus. Le virus a également une survie plus longue dans le vagin pour agir. Lorsqu’un homme a des rapports sexuels avec une femme séropositive, le virus présent sur son pénis après le retrait meurt une fois qu’il est à l’air libre. Mais les femmes n’ont pas cette chance. Les filles et les jeunes femmes sont particulièrement exposées parce que la paroi de leur vagin est encore immature et que cette immaturité la rend particulièrement fragile, offrant au virus une voie d’accès encore plus rapide vers le sang. Les facteurs économiques sont importants : la dépendance financière rend difficile - voire impossible - la possibilité de pratiquer le sexe sans risque. Dans beaucoup de régions du monde, les femmes ont un accès plus limité que celui des hommes à l’éducation, aux opportunités d’emploi, à la propriété et au crédit. Beaucoup d’entre elles ne peuvent subvenir à leurs besoins et à celui de leurs enfants sans l’aide d’un mari ou d’un petit ami. Sans éducation et sans possibilités d’emploi, une femme peut difficilement quitter son partenaire, même si celui-ci la met en danger de contamination par le VIH. Quand la culture exige que les femmes soient soumises, elle constitue un risque. Beaucoup de sociétés attendent des femmes qu’elles soient passives et ignorent tout de la sexualité, donnant ainsi à leurs partenaires le contrôle sur le moment opportun pour les rapports sexuels et le type de pratiques sexuelles avec elles. Tout écart par rapport à cette norme peut être puni par la violence ou par les menaces de violence ou d’abandon. Même la monogamie ne protège pas les femmes dans les sociétés ou l’infidélité est permise, voire encouragée, chez les hommes. La femme contaminée est typiquement celle qui n’a qu’un partenaire (mari ou petit ami).
Les violences domestiques augmentent les risques liés au VIH : Le viol peut provoquer des saignements génitaux ; utilisation du préservatif improbable Les abus sexuels limitent la négociation sur la protection – y compris le sexe sans risque Les maltraitances subies dans l’enfance peut conduire à une prise de risques plus importante à l’âge adulte Révéler sa séropositivité peut déclencher des violences domestiques Les femmes étant généralement plus vulnérables à l’infection à VIH que les hommes, il n’est pas surprenant que celles qui sont confrontées à des violences dans leur vie quotidienne soient encore plus exposées au VIH que les autres. Et comme nous l’avons vu, les différents niveaux de risque peuvent augmenter simultanément. Au plan purement physique, nous savons que la violence domestique comprend souvent le viol et les abus sexuels. Evidemment, il est fort improbable que l’agresseur mette un préservatif dans une situation de sexe forcé. Pour une femme, les risques de contamination augmentent aussi lorsque le viol provoque des saignements ou des déchirures internes ou externes – puisque ces blessures facilitent l’entrée du virus dans le sang. L’impact psychologique de la violence peut lui aussi aggraver les risques liés au VIH. Par exemple, la recherche a montré que les personnes qui ont été abusées sexuellement dans leur enfance peuvent avoir des comportements sexuels à risque en plus grand nombre et plus de difficultés à refuser des partenaires sexuels violents, que celles qui n’ont pas subi ces abus. Ce modèle vient d’ailleurs renforcer le lien entre les abus sexuels et le risque de contamination par le VIH. Enfin nous savons que les personnes séropositives peuvent subir des violences domestiques ou être abandonnées si elles révèlent leur statut sérologique, ce qui renforce encore cette connexion entre VIH et violence. L’abus n’est qu’une question de pouvoir et de contrôle. Ne pas prendre de risque signifie en grande partie préserver un certain contrôle sur son propre niveau de prise de risque. Dans les relations déterminées par l’abus, ou des personnes sont contrôlées par leurs partenaires, l’augmentation des risques de violence ou de contamination par le VIH est presque inévitable.
Le lien est établi…. Les femmes séropositives on 3 fois plus de chances d’avoir un partenaire violent que les femmes séronégatives Celles de moins de 30 ans ont 10 fois plus de chances de vivre des situations de violences que leurs paires séronégatives (Tanzanie, Maman, 2001) Les hommes qui ont des comportements abusifs sont plus susceptibles à avoir des rapports sexuels en dehors des relations stables et de contracter des IST (Inde, Martin et al, 1999) Les femmes dont les partenaires sont violents ont 2 fois plus de chances que les autres d’être séropositives (Afrique du Sud, Jewkes et al, 2004) La recherche s’intéresse de près au lien entre les violences domestiques et le risque de contamination par le VIH avec des étude de populations. Chercheur en sciences sociales, Suzanne Maman et son équipe ont évalué la prévalence des violences parmi 340 femmes s’étant rendues dans un centre de dépistage du VIH et de conseils en Tanzanie. Les chercheurs ont découvert que les chances de subir des violences physiques ou sexuelles, ou les deux, de la part d’un partenaire régulier, étaient trois fois plus élevées chez les femmes séropositives que chez les femmes séronégatives. Parmi les femmes de moins de 30 ans, les chances de vivre dans une relation violente étaient dix fois plus élevées chez les femmes séropositives. En Inde, des chercheurs ont interrogé plus de 6000 hommes à propos des violences physiques et sexuelles. Les hommes qui ont déclaré avoir ces comportements sont aussi ceux qui ont le plus souvent déclaré avoir des rapports sexuels en dehors de leur relation stable et des symptômes d’infections sexuellement transmises. Ceci donne un aperçu de plus du risque de contamination par le VIH auquel sont confrontées les femmes qui subissent des violences. Et selon une étude menée en Afrique du Sud, les chances d’être séropositive sont deux fois plus élevées chez les femmes subissant des violences que chez celles qui ne les subissent pas. Les thèmes centraux abordés ici sont les mêmes et concernent toutes les femmes à travers le monde. La recherche montre que l’impact des violences domestiques sur les risques liés au VIH peut avoir trois aspects : impact direct – parce que les violences permettent raremement - sinon jamais - aux femmes d’insister auprès de leur partenaire pour qu’ils utilisent des préservatifs - impact indirect – parce que les violences subies par une femme dans sa vie, y compris les maltraitances dans son enfance, peuvent augmenter la fréquence de ses comportements à risque - et à travers les comportements des hommes, en dehors de leur relation stable, puisque les hommes violents ont aussi plus de chances d’être contaminés par le VIH en ayant des comportements à risque.
Que pouvons-nous faire ? Faire en sorte que les services prenant en charge les femmes maltraitées prennent en compte les abus sexuels et les besoins liés au VIH Faire en sorte que les services de prise en charge du VIH prennent en compte les questions de violence (actuelles et anciennes) Aider les femmes à se protéger en leur garantissant Égalité des genres et protection juridique de leurs droits à la sécurité, à l’emploi et aux soins. Éducation, opportunités économiques, soutien et services sociaux ciblés pour elles et leurs enfants Des méthodes de prévention du VIH/SIDA contrôlées par elles, comme les microbicides… Donc nous voyons que les femmes qui font face à la violence sont également des femmes dont le risque de contamination est très élevé – ou qu’elles vivent peut-être déjà avec le VIH. Étonamment, cette superposition violence/risque n’est pas toujours abordée dans les services sociaux qui accueillent ces femmes. Beaucoup d’associations qui proposent des services n’ont pas pour habitude de demander aux femmes qu’elles accueillent si elles sont maltraitées ou si elles ont déjà été maltraitées. Pourtant, il est essentiel de poser ces questions et d’avoir des conseillers spécialisés dans ce domaine, pour aider ces femmes à faire face, de manière efficace, aux traumatismes causés par les violences et à accéder aux services spécifiques dont elles pourraient avoir besoin. De même, les prestataires spécialisés dans les violences domestiques ne pensent pas forcément à demander aux femmes si elles subissent des violences sexuelles en plus des autres formes de maltraitance - et si elles veulent se faire dépister par le VIH dans le cadre de leur prise en charge. Ils ne pensent pas toujours à parler des risques sexuels lorsqu’ils abordent avec les femmes les autres questions de protection. Pourtant les besoins sont souvent présents. Je pense que nous sommes tous d’accord pour dire qu’il n’existe pas de solution magique. Déjà compliqués, les facteurs sociaux établis constituent les éléments essentiels pour les inégalités de genre - faible niveau d’éducation, peu d’emplois correctement rémunérés, absence de protection juridique appropriée vis à vis des maltraitances et du viol, accès limité aux soins. Tous ces facteurs contribuent à rendre les femmes plus vulnérables, à la fois à la violence et au VIH. Cela doit changer, et le travail effectué par beaucoup d’entre vous contribue à l’émergence des énormes changements sociaux dont nous avons besoin. Mais j’aimerais avancer dans ma présentation en vous parlant plus particulièrement d’un moyen de s’aider qui pourrait être disponible dans un avenir proche. L’une de ces choses dont les femmes ont besoin est un moyen de protection à utiliser lors des rapports sexuels, sans avoir à demander à un homme de mettre un préservatif. Les femmes ont le besoin de microbicides.