Escarre et soins le point de vue d’un soignant Prendre soin de la personne porteuse d’escarre P.MOULIN, cadre de santé,novembre 2010
I- DEFINITION L ’escarre est une lésion localisée de la peau et des tissus sous-cutanés d ’origine ischémique liée à une compression des tissus mous entre un plan dur et les saillies osseuses Une escarre résulte de la conjonction de facteurs mécaniques: la pression,facteur déterminant, diminue ou interromps la micro circulation cutanée le cisaillement phénomène de glissement des couches cutanées les unes sur les autres,c ’est une pression oblique provoquant un étirement et une réduction du calibre des vaisseaux les frottements et l ’étirement de la peau l’escarre est « une plaie de pression » L’escarre est une maladie,une complication : l’escarre ne doit pas être considérée comme une plaie ordinaire,elle est l’expression localisée d’ un contexte général qui doit déboucher sur des thérapeutiques complémentaires. Selon la situation 3 types de lésions : L’escarre accidentelle L’escarre neurologique L’escarre plurifactorielle
Les stades de l’escarre Stade I : l’érythème plaque rouge dont la périphérie peut-être oedémateuse,souvent douloureuse Stade II: phlyctène et abrasion cutanée entourée d’un bourrelet oedémateux avec aspect de petits épanchements hémorragiques et d’exsudat
Les stades de l’escarre Stade III : nécrose plaque noire,touchant les tissus sous-cutanés s’étendant en profondeur. Stade IV : ulcération atteinte extensive atteignant le muscle,l’os avec perte de substance
II- EPIDEMIOLOGIE une prévalence d’environ 10% dans les hôpitaux (Hollande,U.K.,USA,France). La majorité des escarres se constituent au cours d’une hospitalisation (70% dans les 10 premiers jours.) 3 à 6% des personnes hospitalisées développent des escarres. Des variations en fonction des populations ciblées,des populations à risque : Les personnes âgées : 85% des personnes atteintes d’escarre sont des personnes âgées.La prévalence est à 12,5% en établissements de soins pour personnes âgées. Les blessés médullaires : 30 % sont porteurs d’escarre à l’entrée en service de rééducation et 85% contracteront un escarre dans leur vie. Dans 40% des cas la pathologie initiale est neurologique (AVC,démence,…) En réanimation, 22,6% des patients sont porteurs d’escarre.
II - EPIDEMIOLOGIE - De grandes variations des taux de prévalence selon les études : en CS entre 5 et 23%,en USLD taux le plus souvent inférieur à 10%, en SSR prévalence plus élevée qu'en CS et USLD, en EHPAD prévalence variant entre 2 et 23%,à domicile une étude réalisée par PERSE rapporte une prévalence de 4% - l'incidence des escarres chez les patients âgées varie entre 1,2 et 15%avec une moyenne entre 4-5% ( chiffre plus élevé en orthopédie autour de 40%) Enquête Sentinel (12ème conférence Plaies et cicatrisation)La population d’étude était âgée en moyenne de 80,5 ± 10,5 ans et comptait 64 % de femmes ; 58 % des patients étaient suivis à domicile, 25 % avaient une démence et 21 % une séquelle d’accident vasculaire cérébral. Une incidence d’escarre de près de 4,6 %, sur un mois, enquête nationale 2004 : n = 3314 patients porteurs d’escarre/37 307 patients soit une prévalence de 8,8% localisation : sacrum 42% talons 37,9% stade I =31,1% stade II = 36,1% stade III = 18,9% stade IV = 13,9%
Les enjeux La santé du patient : par sa morbidité l’escarre va ralentir la guérison d’autres pathologies.Portes d’entrée des infections nosocomiales,l’escarre peut tuer. Le confort du patient : source de douleur l’escarre altère la qualité de vie du patient,entraîne un retard dans la rééducation fonctionnelle et freine la réinsertion sociale. L’économie de la santé : le coût de l’escarre est élevé,l’allongement de la durée d’hospitalisation , le traitement lui-même engendre des surcoûtsde centaines de milliers de francs.
LA PREVENTION Cibler la population à risque de développer des escarres Déceler rapidement la fragilité Une concertation pluri-professionnelle
1) L’évaluation du risque A) les facteurs de risques: Ils sont nombreux…facteurs extrinsèques (pression…),facteurs intrinsèques ( l’âge,l’état physiologique générale, …) L’immobilisation : tout patient immobilisé,dans l’incapacité de se mobiliser seul . Les pathologies neurologiques : atteintes de la motricité aggravant les effets des contraintes mécaniques,troubles de la sensibilité altèrent la perception de la douleur,de l’inconfort. La dénutrition : les malades dénutris,déshydratés sont des sujets fragiles. • B) les échelles d’évaluation : L’utilisation d’une échelle,quelle qu’elle soit, doit permettre de définir la stratégie thérapeutique,elle doit être utilisée lors de la prise en charge initiale et reprise lors des modifications de l’état du patient
Les principales échelles de risque Les échelles anglo-saxonnes: Norton simplicité et rapidité d'exécution Watterloo variation dans la valeur des items, ++les facteurs intrinsèques, Valorisation de l'âge, + classement par catégorie Braden utilisée ++, simplicité. score très corrélé aux facteurs extrinsèques. Les échelles francophones: échelle des Peupliers, échelle d'Angers (MPR), échelle de Genève (réanimation) Fiabilité et validité? Sensibilité et spécificité des échelles variables, peu d'études de validation.Clarté et simplicité, bonne reproductibilité: échelle de Braden? (HAS)
L’actimat Dispositif d’analyse du comportement moteur du patient alité L'actimétrie = mesure objective de l'activité; le systéme actimétrique ACTIMAT mesure en continu le comportement moteur d'un patient au lit mesurer les risques liés à une immobilisation. Composition: - nappe de détection souple qui se pose sur le matelas clinique - une interface/scanner électronique brévetée - un logiciel d'analyse
Actimat en 3 étapes 1- le systéme enregistre et mesure 2- le système analyse l'historique des enregistrements 3- le système préconise un type de support d'aide à la prévention des escarres
Quelle stratégie de prévention Détermination d’une stratégie de prévention selon 3 axes: 1. Agir sur les phénomènes mécaniques ( diminuer la pression au niveau des points d’appui, éviter les forces de friction,de cisaillement) : mobilisation positionnements matériel d’aide 2. Maintenir l’intégrité de la peau observation hygiène effleurages 3. Maintenir ou rétablir un bon état nutritionnel évaluation surveillance alimentation / hydratation
A) Installation,mobilisation: assurer une décharge des points d’appui à risque Les changements de position,la mobilisation et le maintien d’un niveau d’activité sont essentiels
B) les soins d ’hygiène : la toilette quotidienne est recommandée B) les soins d ’hygiène : la toilette quotidienne est recommandée.Il est indispensable de prendre soin du revêtement cutané,il s ’agit de maintenir une peau propre et sèche. C) la lutte contre l ’incontinence: la prise en charge de l ’incontinence permet de limiter les effets délétères de l ’urine,des selles sur la peau.Réfléchir en équipe pour déterminer l ’origine de l ’incontinence et décider d ’un appareillage palliatif.
D) la nutrition : Peser et évaluer les apports alimentaires pour dépister la malnutrition Corriger les déficits par la complémentation en protéines,vitamines et oligo-éléments. Surveillance et suivi du comportement alimentaire Assurer les soins d ’hygiène de la cavité buccale La collaboration des différents partenaires est nécessaire (médecin,diététicienne,aide-soignante…)
E) information et éducation : E) information et éducation : - les soignants doivent encourager le patient à se mobiliser et à participer à la prévention. L ’information et l ’éducation du patient et de son entourage est souhaitable chaque fois que nécessaire.Apprendre à se tourner seul à surveiller les points d ’appui…
Les supports d ’aide à la prévention Attention au support inadapté soit trop dur soit trop mou Classification selon 3 concepts (proposition conférence consensus ANAES ) des dispositifs d ’aide Les supports statiques: une répartition des charges sur une surface accrue d ’où une diminution de la pression d ’interface entre la peau et le support. Les supports dynamiques à pression alternée : la variation cyclique de la charge appliquée sur une même surface cutanée permettant d ’aménager des périodes de dépressions relatives Les supports dynamiques à pression constante: basse pression par perte d’air réalisant une aéro- suspension.
Les supports statiques : matelas coussins à mousse,surmatelas à air...
Les supports dynamiques : matelas,sur-matelas à air à pression alternée et auto-régulée. S’agit-il d’un matelas d’air ou d’un sur-matelas? Dimensions des cellules? - matelas = entre 15/21 cm dont épaisseur active supérieure à 15cm - sur-matelas = entre 5/15 cm donc épaisseur active inférieure à 15cm
Le sur-matelas à basses pressions Une housse Un matelas en mousse Des cellules Un câblage et des connections Un compresseur
Comment fonctionnent-ils? Le support gonflé à l’aide d’un moteur (compresseur/turbine). Un système de raccordement entre moteur et support. Le système automatique de régulation/ le système manuel. Mode dynamique /mode statique. Éléments techniques du choix: la matière/la constitution du support Le mode gonflage La commande CPR Les fonctions supplémentaires éventuelles
Les coussins allowing clinicians and patients to view accurate, high resolution representatio ns of pressure distribution. This handheld apparatus Sur un coussin pneumatique a été inséré un systéme de détection électronique( signal sonore et visuel) permettent de préveir les risques de talonnement Plate-forme XSENSOR : ces capteurs peuvent indiquer tous les points de contact avec le corps d'une personne
Une évaluation personnalisée du niveau de risque est nécessaire
LA PRISE EN CHARGE DE L ’ESCARRE CONSTITUEE Le traitement de l ’escarre constituée relève de la prescription médicale.Cependant l ’infirmière est très impliquée dans la gestion de cette pathologie. Sa gestion ne serait être réductible à la réalisation d ’un pansement. Prendre en compte la personne soignée dans sa globalité et son individualité et comprendre l ’escarre comme une pathologie multi-factorielle conditionnent l ’efficacité des soins.
1) l ’évaluation et la caractérisation de la plaie : localisation,stade,taille,lit de la plaie,exsudat,zone de décollement état cutané périphérique.
2)Déterminer et mettre en œuvre une stratégie de soins adéquate à la nature de la plaie déterminer le type de support le plus approprié pour une répartition optimale des pressions décider du traitement de la plaie : assurer le débridement de la plaie (élimination des tissus nécrotiques) si nécessaire et une cicatrisation dirigée en maintenant un milieu humide principe de la cicatrisation en milieu humide: le principe est de maintenir sur la plaie l’exsudat séreux. Celui-ci possède des composants favorisant la détersion auto lytique et la cicatrisation en respectant les phases du bactériocycle.
FAMILLES DE PANSEMENTS QUELS PANSEMENTS POUR QUELLES PLAIES ? LE PANSEMENT IDEAL Crée un micro-climat qui favorise la cicatrisation : humide et perméable aux échanges gazeux Enlève l’exsudat en excès et les composants toxiques Augmente la température au niveau de la plaie Imperméable aux liquides, barrière aux bactéries Non adhérent à la plaie et sans perte de particules Peut être changé sans endommager la plaie Conformable et stérile
Les hydrocolloïdes : algoplaque, comfeel, duoderm… Composition : la couche interne absorbante composée de CMC noyée dans une masse adhésive, la couche externe film semi-perméable mousse de polyuréthane assurant l’occlusion et évitant les contaminations. Mode d’action : au contact des exsudats l’hydrocolloÏde se gonfle et se transforme en gel, maintient un milieu humide au niveau de la plaie, le cycle bactérien de l’escarre est respecté et les cellules se multiplient. Les hydrocolloïdes optimisent l’action cicatrisante. Formes et produits : existe en plaque de taille et d’épaisseur variables (extra-mince), en pâte pour les plaies cavitaires.Des formes « anatomiques » mieux adaptées à certaines localisations( talon, sacrum),des formes renforcées pour une meilleure adhérence. Indication : peut être utilisé à tous les stades de l’évolution de la plaie. Avantages : le changement de pansement s’opère à saturation variant de quelques jours à une semaine,en aucun cas ne doit être changé tous les jours,non douloureux au renouvellement car adhére à la peau périphérique et pas à la plaie, un soin simplifié. Inconvénients : en se délitant produit une odeur nauséabonde,des écoulements parfois, une macération périphérique peut s’observer si l’exsudat est important, des rougeurs autour de la plaie témoin d’irritation, parfois liées à des changements trop fréquents.
Les hydrogels : askina gel, duoderm hydrogel, purilon, hydrosorb… Composition : ce sont des polyméres insolubles, contenant 80% d’eau ,du propyléne glycol utilisé comme conservateur, un agent absorbant, un agent gélifiant (CMC par exemple). Mode d’action : ils apportent de l’eau au niveau des plaies, l’hydrogel va ramollir la nécrose, stimule le processus de détersion auto lytique naturelle Les formes et produits : hydrogels en plaque peu utlisés, en tube gel, en compresses imprégnées. Indication: traiter les plaies sèches, nécrotiques pour la détersion et la cicatrisation (escarres, ulcères de jambe).L’hydrogel peut être utilisé dans le traitement de moignon d’amputation. Avantages : conformable, épouse les contours de la plaie,n’attaque pas la peau saine(aucune propriété enzymatique), très bonne tolérance aucun cas d’eczéma de contact rapporté et utilisation très large. Inconvénients: très peu de pouvoir absorbant, une utilisation prolongée peut provoquer une macération périphérique.
Les hydrocellulaires: allevyn, biatain, combiderm, transorbant… Composition : 1 couche interne : face micro perforée en polyuréthane, recouverte ou non d’un adhésif acrylique en émulsion 1 couche centrale : mousse de polyuréthane, 1 couche externe : film de polyuréthane. Formes cavitaires particules de polyuréthane enveloppées dans un film alvéolé de polystyrène/éthyl vinyl acétat. Mode d’action :Capacité d'absorption élevée (10 fois son poids), par capillarité et au sein de la structure moléculaire, assure un contrôle des exsudats en maintenant un milieu humide. Indication: les plaies exsudat ives en fin de détersion Formes et produits: plaque,forme cavitaire, forme « anatomique », adhésif non adhésif indispensable dés que la peau péri lésionnelle est endommagée,fragile(ulcère de jambe). Avantages : très confortables,ne se délitent pas au contact des exsudats (pas d’écoulement,pas de mauvaises odeurs),pas de macération.Indolore à l’ablation du pansement, respecte les bourgeons néo formés et la peau saine. Inconvénients: nécessité d’un pansement secondaire pour les formes non adhésives.
Les Alginates et les hydrofibres: askina sorb,algosteril, urgosorb, aquacel,… Composition: les alginates sont des polysaccharides naturels extraits d’algues brunes.Il existe également des pansements associant alginate et CMC. Les hydrofibres sont des fibres non tissées d’hydrocolloïde pur (CMC de Na). Mode d’action : au contact des exsudats, les fibres d’alginates libèrent leurs ions calcium et fixent les ions sodium,formation d’un gel maintenant un milieu humide.Propriété hémostatique des alginates par activation des plaquettes et de certains facteurs de la coagulation. Le polymère hydraté se transforme aussi en un gel cohésif. Indication : les propriété d’absorption de ces deux types de pansements sont particulièrement appropriées dans la phase de détersion des plaies exsudat ives.,ils peuvent être utilisés sur des plaies infectées. Formes et produits: compresses, mèches ( plaies creusées) de taille variable Avantages : pansements très absorbants,non adhésifs et utilisables pour les palies infectées.Le gel produit par réaction assure un milieu humide et un retrait non traumatique pour le tissu néoformé et non douloureux pour le patient.Ils évitent les phénomènes de macération. Aucune réaction de sensibilisation ou d’allergie n’a été rapportée. Inconvénients :la fréquence du renouvellement du pansement peut-être quotidienne.L’alginate à tendance à sécher sur les plaies peu exsudat ives.
Pansements au charbon, à l’argent : actisorbplus, carboflex, carbonet… Composition : une couche de charbon est associée à un pansement absorbant (fibre coton,enveloppe non-tissé) Mode d’action : le charbon absorbe les endo et exotoxines et autres produits de dégradation libérés in situ. Formes et produits :compresses de taille variable, actisorb plus contient aussi de l’argent Indication : pansement pour les plaies en phase de détersion malodorantes (plaies cancéreuses),peuvent recouvrir les plaies infectées. Pansements à l’argent Composition : distinguer pansements qui contiennent de l’argent isolé de les produits à base de sulfadiazine d’argent (flammazine)L’acticoat est un pansement à base d’argent nanocristallin qui libère sur la plaie des ions d’argent de façon prolongée. Mode d’action : l’argent est « antibactérien » à large spectre,action variable selon la quantité d’argent libérée.une action anti-inflammatoire. Indication : sur les plaies à risque d’infection ou infectées.
Identifier et analyser la douleur : circonstances de survenues,intensité(la douleur n ’est pas nécessairement en rapport avec la taille de l ’escarre) et mettre en œuvre l ’analgésie prescrite. Prendre en compte la nutrition :les besoins nutritionnels des patients atteints d ’escarre doivent tendre à la couverture du besoin énergétique majoré par un syndrome d ’hypermatabolisme (hyper catabolisme protidique et fuite de protéines par la plaie)
3) l ’évaluation et le suivi du traitement mis en œuvre :régulière permettra de suivre l ’évolution de la cicatrisation et de savoir s ’il est nécessaire de changer de thérapeutique phase de détersion phase de granulation phase de réépidermisation
Colonisation et infection : il faut réduire le risque infectieux et favoriser la cicatrisation par la lavage des mains,le nettoyage de la plaie et le débridement Tous les escarres sont colonisés.Il n ’est donc pas nécessaire d ’utiliser des antibiotiques ou des antiseptiques locaux
L’escarre n’est pas une fatalité Le traitement de l ’escarre est un travail d ’équipe pluri disciplinaire, il implique : des connaissances actualisées une continuité de soins une collaboration entre les différents intervenants et …de la motivation