Intervention du gériatre dans les prises de décision familiale Docteur Jean Barré Service de gérontologie clinique CHU d’Angers /28
Intervention du gériatre dans les prises de décision familiale « L’hôpital est devenu le lieu du débat affectif entre les patients et leur famille sur la question du maintien à domicile ou de l’entrée en institution ». /28
Intervention du gériatre dans les prises de décision familiale Fréquente, omniprésente, situations non désirée Questions de fonds Légitimité : Domaine de compétence et Éthique et respect du droit Questions de forme Savoir faire, expérience pratique pluridisciplinarité Choix de la présentation : témoignage, situations clinique concrètes /28
Intervention du gériatre dans les prises de décision familiale Premier cas clinique Femme veuve de 85 ans, vit seule Habitation isolée à la campagne Fils unique résidant à Paris Maladie d’Alzheimer diagnostiquée en 2006 stade modéré MMS 19/30, anosognosie Refus des aides à domicile Sort beaucoup, traverse une route nationale, plusieurs fois par jours pour se promener Notion d’amaigrissement /28
Intervention du gériatre dans les prises de décision familiale Premier cas clinique Demande du médecin traitant : Hospitalisation en gériatrie Programmée Quelques jours Assez urgente Pour une évaluation gériatrique : Que faire de cette demande ? /28
Intervention du gériatre dans les prises de décision familiale Premier cas clinique Le jour venu Le fils a fait le déplacement de Paris La patiente refuse l’hospitalisation Son fils lui fait croire qu’il s’agit d’une simple consultation Son fils Appelle le service 3 heures avant pour prévenir que la patiente croit venir simplement en consultation Feint l’étonnement, lorsque la patiente est accompagnée vers sa chambre d’hôpital et exige des explications, devant sa mère. /28
Intervention du gériatre dans les prises de décision familiale Premier cas clinique Pris à part le fils confirme que le vrai motif de la demande est lié à la dangerosité croissante du maintien à domicile. Est totalement désemparé Exprime le souhait d’une hospitalisation de 48 heures. Quelles alternatives : laisser repartir la patiente ? Utiliser la contrainte (contention chimique, physique) pour la garder hospitalisée ? /28
Le refus du patient L’autorité naturelle de l’aidant principal sur le patient L’anosognosie du patient Le refus du patient La légitimité du soignant Le cadre légal De la décision L’importance du risque Pour le patient
Intervention du gériatre dans les prises de décision familiale QUESTIONS DE FORME : Entretien individuel avec le fils : Recueillir des informations utiles au diagnostic médical Faire la part en terme de risque entre projections anxieuse et éléments factuels Se renseigner sur les contraintes du fils, santé, activité, relation mère fils Lui demande de formuler son désir hors contrainte Lui demande de formuler des propositions réalistes pour sa mère Rappeler ce qu’est un service de gériatrie de court séjour L’informer des risques d’une hospitalisation Rappeler ce qu’est une maladie d’Alzheimer /28
Intervention du gériatre dans les prises de décision familiale QUESTIONS DE FORME : Entretien avec la patiente : Écouter la patiente, Rappeler l’objectif et la durée prévue de l’hospitalisation Rappeler les faits ; analyser en retour l’argumentaire de la patiente Chercher un compromis, contractualiser Respecter le contrat /28
Intervention du gériatre dans les prises de décision familiale Premier cas clinique Dans l’après midi mobilisation constante par l’équipe soignante, l’interne, médecin gériatre, traitement anxiolytique. après le départ de son fils Patiente, cherche a fuguer du service se montre agressive verbalement refuse d’être raccompagnée LOXAPAC IM Prescription de contention si besoin, utilisé dans la soirée /28
Intervention du gériatre dans les prises de décision familiale Premier cas clinique Le lendemain rencontre médecin / patiente Programme de l’hospitalisation Inquiétude / sollicitude de son fils Souligner la perte des capacités est souvent conflictuel Désir et risque Aider à formuler des choix Entend, n’accepte pas /28
Intervention du gériatre dans les prises de décision familiale Premier cas clinique Le lendemain : entretien téléphonique avec fils : Demande d’aide / recherche d’un référent Ambivalence Appréhension Tentation de la fuite Le lendemain après-midi entretien avec la patient et le fils : La question de l’institution est évoqué à nouveau en présence du fils Une inscription de précaution dans la maison de retraite citée par la patiente est conseillée au fils devant la patiente Les conditions du retour et les aides requises, envisageables sont évoquées. /28
Intervention du gériatre dans les prises de décision familiale Premier cas clinique Les jours suivants : La patiente ne cherche pas à fuguer, respecte les soignants Se montre sociable avec les autres patients Participe aux activités proposées Préparation d’un projet de retour à domicile (court terme) (évaluation de l’ergothérapeute, nutritionniste, assistante sociale) Préparation d’un projet institutionnel (moyen ou long terme) L’acceptation du projet institutionnel : progressive cheminent par le dialogue, projection,véritable deuil, ambivalence Importance de l’adaptation non verbale (surtout dans la maladie d’Alzheimer)
Intervention du gériatre dans les prises de décision familiale Premier cas clinique Finalement : Annonce qu’une place est disponible dans la maison de retraite désignée par la patiente Acceptation de cette place par la patiente, à la demande de son fils Bonne intégration /28
Intervention du gériatre dans les prises de décision familiale Second cas clinique Homme 87 ans Deux enfants d’un premier mariage Épouse mauvaise santé Déménagement récent pour faire face à la perte d’autonomie du mari Aggravation ; confusion, ténesme vésical et rectal, incontinence hospitalisation pour malaise, chute, problème de maintien à domicile /28
Intervention du gériatre dans les prises de décision familiale Second cas clinique Entretien individuel avec L’épouse : informations utiles au diagnostic médical : Troubles mnésiques, perte de l’autonomie (conduite, gestion médicaments) Évoque de graves problèmes de santé personnels Ne conçoit pas le retour à domicile de son mari en l’absence d’amélioration Refuse qu’on évoque avec son mari l’éventualité d’une institution Des inscriptions de précaution conseillée Proposition de rencontre « décisionnelle » après prise en charge médicale , avec les enfants à 10 jours /28
Intervention du gériatre dans les prises de décision familiale Second cas clinique Amélioration clinique Régression de l’incontinence, reprise de la marche Persistance d’un syndrome démentiel modéré (MMS 22/30) Place disponible en maison de retraite en 200 km (rapprochement familial) Pas de conflit entre la fille et l’épouse du patient Demande de mise sous tutelle /28
Intervention du gériatre dans les prises de décision familiale Second cas clinique Grande rencontre multi-disciplinaire : Désistement de l’épouse (lettre : je reprend mon mari à domicile lundi) Informations médicales, annonce diagnostiques Le patient accepte une inscriptions de précaution en institution sur Angers Le patient est informé et accepte la proposition de sa fille d’être sa curatrice Le patient accepte une réhospitalisation de 3 jours dans deux mois /28
Intervention du gériatre dans les prises de décision familiale Second cas clinique 1 mois plus tard Ré-hospitalisation pour chute, plaie du bras Demande immédiate de l’épouse d’un placement de son mari Pour des raisons de santé personnels aggravés Place disponible dans 7 jours Nécessité d’une confirmation immédiate /28
Intervention du gériatre dans les prises de décision familiale Second cas clinique Rencontre avec le patient: Persistance d’un syndrome démentiel modéré (MMS 22/30) oubli à mesure important Annonce d’une orientation en institution possible, rapidement en raison de l’état de santé de son épouse Refus catégorique du patient, agressivité verbale, Tristesse, angoisse, /28
Intervention du gériatre dans les prises de décision familiale Second cas clinique Évolution : pendant 5 jours contacts fréquents avec psychologues, médecins, infirmières, assistantes sociale. Contacts continuels par téléphones du patient avec son épouse et ses enfants. Contacts téléphoniques fréquents entre soignants épouse et enfants du patient. /28
Intervention du gériatre dans les prises de décision familiale Second cas clinique Évolution : pendant 5 jours Déni (vous n’avez rien compris, je doit aider ma femme) Colère (contre le médecin, insultes) Dépression (idéation suicidaires) Marchandage (revoir ma femme avant de partir) Acceptation (sa femme s’engage à le rejoindre) Bonne intégration dans l’institution à 15 jours /28
Qu’est-ce qu’une évaluation gériatrique ? Intervention du gériatre dans les prises de décision familiale Qu’est-ce qu’une évaluation gériatrique ? Évaluation gériatrique : Évaluation dépendance Évaluation de l’autonomie Évaluation du risque Évaluation sociale Évaluation systémique familiale… Le problème central est souvent : un blocage décisionnel « il faudrait l’aider… mais il ne veut pas » « Il faudrait lui imposer une aide, mais je ne suis pas légitimement autorisé à faire ça » /28
Intervention du gériatre dans les prises de décision familiale Quel cadre légal ? Quel cadre légal encadre le droit d’ingérence, la Liberté de choix, Droit au risque des personnes non autonomes, non lucides, démentes, présentant des troubles du jugement, une anosognosie…. Hospitalisation à la demande d’un tiers ? Personne de confiance ? Tutelle ? /28
Intervention du gériatre dans les prises de décision familiale Commentaire Situations parfois subie, Ingrate, implication souhaité par la famille et/ou nécessaire pour le bon fonctionnement du service pratique délicate sur le plan éthique et médico-légal nécessite vigilance et rigueur constante Très chronophage (nombreux intervenants, nombreuses interventions) Éprouvante psychologiquement, implication émotionnelle,culpabilité Aucune valorisation AT2A. /28
Intervention du gériatre dans les prises de décision familiale Quelques conseils Gérer l’entrée en institution comme un deuil Évaluation des 8 risques (argent, médicament, conduite, alimentation, accident domestique, négligence médicale, épuisement des aidants, institution non préparée) Pour le projet institutionnel, faire distinguer le désir / du risque Désir : nuancé, ambivalent,évolutif Risque : logique de l’assureur, peut être évalué, peut est limité, peut être anticipé Distinguer la posture (prise de position du soignant, argumentée) et la décision (qui n’est pas du ressort du soignant, mais du patient, de la famille proche) /28
Intervention du gériatre dans les prises de décision familiale Conclusion les patients identifiés comme posant un « problème de maintien à domicile » sont souvent « indésirables » parce qu’inadaptés par rapport à l’offre de soins, dès l’admission aux urgence. Ses patients ont habituellement besoins de soins médicaux et réadaptatifs semi-urgents. Et présentent fréquemment des chutes et/ou une pathologie démentielle compliquant les processus décisionnels. L’aide à la prise de décision des patients identifiés comme posant un « problème de maintien à domicile » et de leur famille, améliore la qualité finale du projet de vie, son acceptation, mais a aussi un impact considérable sur le nombre cumulées des jours d’hospitalisation ou de soins de suite, d’attente. Cette aide à la prise de décision médico-sociale n’est pas valorisée. Ce type d’intervention est long, souffre du manque de personnel ( travailleurs sociaux, psychologue, d’infirmières et gériatres mobiles) mais aussi d’un manque de formation de type partage d’expérience et de motivation. /28