Leçon : Les idées nouvelles au XVIIIe siècle Problématique : La philosophie des Lumières, aux origines de la Révolution ? Jeaurat de Bertry, Allégorie révolutionnaire, 1794, musée Carnavalet, Paris.
I. Les combats des philosophes Montesquieu (1689-1755) Voltaire (1694-1778) Diderot (1713-1784) Rousseau (1712-1778) I. Les combats des philosophes Des contemporains de Louis XV, monarque absolu de droit divin. Hyacinthe Rigaud, Louis XV en costume de sacre, 1730, Château de Versailles.
Contre l’arbitraire et l’absolutisme Il y a, dans chaque Etat, trois sortes de pouvoirs : la puissance législative, la puissance exécutrice des choses qui dépendent du droit des gens, et la puissance exécutrice de celles qui dépendent du droit civil. Par la première, le prince ou le magistrat fait des lois pour un temps ou pour toujours, et corrige ou abroge celles qui sont faites. Par la seconde, il fait la paix ou la guerre, envoie ou reçoit des ambassades, établit la sûreté, prévient les invasions. Par la troisième, il punit les crimes ou juge les différends des particuliers. On appellera cette dernière la puissance de juger ; et l’autre, simplement la puissance exécutrice de l’Etat. Lorsque, dans la même personne ou dans le même corps de magistrature, la puissance législative est réunie à la puissance exécutrice, il n’y a point de liberté, parce qu’on peut craindre que le même monarque ou le même sénat ne fasse des lois tyranniques pour les exécuter tyranniquement. MONTESQUIEU, De l’esprit des lois, 1748. Document 1 Document 2 Aucun homme n’a reçu de la nature le droit de commander aux autres. La liberté est un présent du ciel, et chaque individu de la même espèce a le droit d’en jouir aussitôt qu’il jouit de la raison (…). La puissance qui s’acquiert par la violence n’est qu’une usurpation, et ne dure qu’autant que la force de celui qui commande l’emporte sur celle de ceux qui obéissent : c’est la loi du plus fort. DIDEROT, article « Autorité politique », Encyclopédie, 1751. Quels sont les trois pouvoirs définis par Montesquieu ? Pourquoi ces pouvoirs doivent-ils être séparés ? Au nom de quel principe Diderot dénonce-t-il l’idée d’un pouvoir détenu par une seule et unique personne ?
Contre les privilèges et les inégalités Jusqu’ici je n’ai point distingué les états, les rangs, les fortunes ; et je ne les distinguerai guère plus dans la suite, parce que l’homme est le même dans tous les états ; que le riche n’a pas l’estomac plus grand que le pauvre et ne digère pas mieux que lui ; que le maître n’a pas les bras plus longs ni plus forts que ceux de son esclave ; qu’un grand n’est pas plus grand qu’un homme du peuple (…). Vous vous fiez à l’ordre actuel de la société sans songer que cet ordre est sujet à des révolutions inévitables, et qu’il vous est impossible de prévoir ni de prévenir celle qui peut regarder vos enfants. Nous approchons de l’état de crise et du siècle des révolutions. Qui peut vous répondre de ce que vous deviendrez alors ? Tout ce qu’ont fait les hommes, les hommes peuvent le détruire : il n’y a de caractères ineffaçables que ceux qu’imprime la nature, et la nature ne fait ni princes, ni riches, ni grands seigneurs. ROUSSEAU, Emile ou De l’éducation, 1762. Document 3 Contre l’intolérance et l’injustice Document 4 Moins de dogmes, moins de disputes, moins de malheurs : si cela n’est pas vrai j’ai tort. La religion est instituée pour nous rendre heureux dans cette vie et dans l’autre. Que faut-il pour être heureux dans la vie à venir ? Etre juste. Pour être heureux dans celle-ci que faut-il ? Etre indulgent. Ce serait le comble de la folie de prétendre amener tous les hommes à penser d’une manière uniforme sur la métaphysique. VOLTAIRE, Traité sur la tolérance, 1763. Reformulez le point de vue exprimé par Rousseau. Montrez qu’il remet en question l’organisation de la société du XVIIIe siècle. Quelles sont les deux valeurs défendues par Voltaire ?
Montesquieu (1689-1755) Voltaire (1694-1778) Diderot (1713-1784) Rousseau (1712-1778) Au XVIIIe siècle, des philosophes contestent les principes d’une monarchie de droit divin et d’un pouvoir royal sans partage. Ils défendent au contraire l’idée des droits naturels de l’Homme : liberté, égalité. Ce mouvement de pensée est appelé les Lumières, puisqu’il entend éclairer l’Homme, le sortir de son ignorance.
II. La diffusion des idées des Lumières Document 1 « Le but d’une encyclopédie est de rassembler les connaissances éparses sur la surface de la Terre ; d’en exposer le système général aux hommes avec qui nous vivons, et de la transmettre aux hommes qui viendront après nous ; alors que les travaux des siècles passés n’aient pas été des travaux inutiles pour les siècles qui succéderont ; que nos enfants, devenant plus instruits, deviennent en même temps plus vertueux et plus heureux, et que nous ne mourions pas sans avoir bien mérité du genre humain ». Diderot, préface de l’Encyclopédie, 1751.
Document 2 Document 3 Qu’est-ce que l’Encyclopédie ? Sous quelle forme se présente-t-elle ? Quelle est l’ambition de ses auteurs ?
1. L’Encyclopédie est un dictionnaire en 28 volumes rédigé par 150 collaborateurs, où l’on fait le point de toutes les connaissances du temps et de toutes les réflexions politiques. 2. Elle se présente sous la forme d’articles et de planches illustrées. 3. C’est la synthèse de la pensée des Lumières. Ils entendent ainsi développer le goût du progrès technique tout en formant l’esprit critique.
Pour mémoire…
Le premier véhicule automobile à moteur vapeur a été construit entre 1769 et 1771 par Nicolas-Joseph Cugnot, un ingénieur militaire. Le fardier de Cugnot modèle de 1771. Musée des Arts et Métiers, Paris.
La ville est l’espace privilégié de la diffusion des Lumières. Les idées des philosophes se répandent dans les milieux cultivés et font l’objet de débat. La ville est l’espace privilégié de la diffusion des Lumières. Les salons Les loges maçonniques Les cafés Le colporteur
La diffusion de l’Encyclopédie En Europe, les ouvrages des Lumières sont largement diffusés. Certains souverains s’entourent de philosophes et s’inspirent de leur pensée. La diffusion de l’Encyclopédie J’ai travaillé près de trente ans à cet ouvrage (l’Encyclopédie). De toutes les persécutions qu’on peut imaginer, il n’en est aucune que je n’aie essuyée. L’ouvrage a été proscrit et ma personne menacée par différents édits du roi et par plusieurs arrêts du Parlement. Nous avons eu pour ennemis déclarés la cour, les grands, les militaires, qui n’ont jamais eu d’autre avis que celui de la cour, les prêtres, la police, les magistrats, ceux d’entre les gens de lettres qui ne coopéraient pas à l’entreprise, les gens du monde, ceux d’entre les citoyens qui s’étaient laissé entraîner par la multitude. (…) Il serait bien digne de Sa Majesté Impériale de faire le rôle contraire à celui qu’on a fait en France et de porter l’Encyclopédie, qui n’est qu’un précieux manuscrit, à l’état d’un bel ouvrage. J’avoue que j’aurais grand plaisir d’écrire au frontispice « Ce sont les Français qui l’ont voulu mauvais, c’est la souveraine des Russes qui l’a rendu bon ». Cité dans M. Tourneux, Diderot et Catherine II, 1899.
Rappel de la problématique : La philosophie des Lumières, aux origines de la Révolution ? A travers leurs œuvres, les philosophes remettent en cause l’ensemble des fondements de l’ordre politique et social. S’ils ne sont pas à proprement parler des révolutionnaires, les Lumières appellent néanmoins à réformer les institutions pour les conformer à la raison.