Séance d’information du CRIES de la Région Île-de-France Mercredi 21 janvier 2015 Le non-recours aux droits et aux prestations Présentation générale de la problématique du Non-Recours
QU’EST-CE QUE LE NON-RECOURS ? HISTORIQUE, DÉFINITION, TYPOLOGIE Partie 1 Séance d’information du CRIES Mercredi 21 janvier 2015
La lente émergence du thème en France Thème né en GB dans les années , apparu aux Etats-Unis dans les années 1960, transféré en France dans les années 90 par l’intermédiaire de la CNAF Contexte : questionnement sur l’amélioration de l’accès aux droits, émergence de la « nouvelle pauvreté » (Wresinsky 87, De Gaulle- Anthonioz 95) ; loi de 1998, création de l’ONPES, ONLE, CNLE. Crise de la fin des années 90, retour de la question des inégalités sociales via la défense des exclus et le discours politique sur la fraude et l’assistanat. Création d’un observatoire sur le non recours aux droits et services en Enquête sur le RSA réalisée par la CNAF et la DARES, 2011, comportant un module sur le NR. Inscription du NR dans le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale (janvier 2013). Séance d’information du CRIES Mercredi 21 janvier 2015
Séance d’information du CRIES Mercredi 21 janvier 2015 Définition du non-recours Le terme de non-recours correspond à la traduction du terme anglais : non-take up of social benefits La définition initiale renvoie le non-recours à toute personne éligible à une prestation sociale [financière], qui – en tout état de cause – ne la perçoit pas. L’objet du non-recours a été élargi à l’offre de droits (prestations légales et extra- légales) et de services. « Le non-recours renvoie à toute personne qui ne bénéficie pas d’une offre publique, de droits et de services à laquelle elle pourrait prétendre. » Si cette préoccupation vient du champ des politiques sociales elle a été élargie aux transports, aux loisirs, à la justice, à la santé…
Une phénomène complexe Invisible : Les base de données administratives contiennent des informations relatives aux bénéficiaires, à ceux qui demandent et perçoivent une offre à laquelle ils sont éligibles. Difficile établissement de la population éligible ; encore plus quand il s’agit d’aide facultative, i.e., contingentée. Enjeux budgétaires qui peuvent empêcher la mise en visibilité du phénomène Complexe : Renvoie à une multiplicité de droits et d’offres, eux-mêmes mouvants et pas de même nature (légal/extra légal, dispositifs, équipement et prestations financières, etc.) Met en jeu la relation entre une offre, un prestataire et un public bénéficiaire et est en cela multidimensionnel Renvoie à une multiplicité d’explications : d’ordre normatif, institutionnel et individuel. Doit être saisi dans un dynamique : trajectoire/parcours/expérience d’ADS Séance d’information du CRIES Mercredi 21 janvier 2015
Formes de non-recours Non recours partiel : une personne éligible demande une prestation et n’en reçoit qu’une partie. Non recours complet : une personne éligible demande une prestation et ne reçoit rien. Non recours cumulatif : une personne éligible à diverses prestations n’en perçoit pas plusieurs. Non recours temporaire : apparaît entre le moment où une personne devient éligible et le moment où elle demande une prestation. Non recours permanent : apparaît quand une personne ne demande pas une prestation entre le moment où elle devient éligible et le moment où elle ne l’est plus. Non recours frictionnel : dû au non versement complet de prestations alors que des droits sont ouverts. Source : CNAF, Recherches & Prévisions, n° 42, Séance d’information du CRIES Mercredi 21 janvier 2015
Quatre types de non-recours Le non-recours par non connaissance : L’offre n’est pas connue. Le non-recours par non réception : L’offre est connue et demandée, mais n’est pas reçue. Le non-recours par non demande : L’offre est connue, mais n’est pas demandée. Le non recours par non proposition : L’offre n’est pas proposée par les intermédiaires sociaux. Séance d’information du CRIES Mercredi 21 janvier 2015
APPRÉHENDER LE NON-RECOURS MESURER ET COMPRENDRE Partie 2 Séance d’information du CRIES Mercredi 21 janvier 2015
Méthodes Des méthodes quantitatives pour mesurer Travailler sur des données administratives existantes Ex : données CAF : Nr (rappels de droits)/indus Ex : données CPAM : CMU-C et ACS Construire de nouveaux indicateurs Travailler à partir d’enquêtes spécifiques Ex : enquête CNAF/DARES RSA Ex : les baromètre du NR (Grenoble, Gard) Des méthodes qualitatives pour comprendre Enquête CERESO Volet qualitatif du BNRG Séance d’information du CRIES Mercredi 21 janvier 2015
Mesurer le non recours : quelques chiffres d’un phénomène bien réel Les taux de non-recours varient de 0 % à 90 %, pour une moyenne se situant un peu en-dessous de 30 %. ( Source : Odenore/EXNOTA) Pays de l’OCDE : taux moyen de non-recours oscillant entre 20 et 40 % selon les domaines d’intervention. (Source : Hernanz V., Malherbet F., Pellizzari M.Take-up of welfare benefits in OECD countries: A review of the evidence. Paris : OECD, 2004) En France : RSA = : 50 % ; Activité : 68%; Socle : 35 %. ( Enquête DARES-CNAF 2011 ) CMU C : 26% ; ACS : 70%. (Fonds CMU 2011) DALO : population estimée État (2007) : ménages ; recours déposés fin 2010, soit 30% des bénéficiaires potentiels ; 33% réponses favorables (68 368). 115 : 52% des personnes ayant sollicité le 115 n’ont jamais été hébergées, dont 76% pour absence de places disponibles (Baromètre 115, FNARS novembre 2014) APA : Isère en 2004 : 20% des heures facturées n’étaient pas utilisées Les aides facultatives (exemple Paris Logement, aides facultatives des CG pour les bénéficiaires du RSA…) Les tarifs sociaux à l’énergie (TPN et TSS) Séance d’information du CRIES Mercredi 21 janvier 2015
La non dépense en chiffres Le coût du non-recours RSA : 5,3 milliards. TPN = 767 millions. CMUC et ACS : plus d’un milliard / an. APA : 2.7 millions d’euros. Rapport indus/ rappels : étude menée avec une CAF en € d’indu pour 3 € de rappels de droits. Rappels de droits représentent 9,2 % des prestations versées par cette CAF. Rapportés aux 51,6 milliards d’€ de prestations familiales et de logement versées en France en 2002, la non dépense temporaire engendrée par ce non-recours frictionnel s’élèverait à plus de 4,7 milliards d’€ pour cette année de référence. A titre comparatif, la fraude aux prestations représente 4 milliards d’euros, la fraude aux cotisations 16 milliards et la fraude fiscale 25 milliards. ( Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale) Séance d’information du CRIES Mercredi 21 janvier 2015
Comprendre le non recours Pourquoi les individus ne sont-ils pas informés ? Individus ne reçoivent pas l’information, ne comprennent pas l’information, ne se sentent pas concernés. Pourquoi ne reçoivent-ils pas ? Problèmes administratifs, dysfonctionnements, retards de traitement de la demande, conditionnalité croissante des droits, complexification de l’accès aux droits ou contingentement de l’offre etc. Abandon en cours de demande, complexité du dossier, conditionnalité évolutive, demande de pièces supplémentaires, contrôles, parcours du combattant, méandres des circuits de traitement administratif, etc. Pourquoi ne demandent-ils pas ? calcul coût/avantage, préférences ; craintes, stigmatisation, logiques d’honneur ; désaccord, refus, comportement politique ; autonomie, conflit ou opposition aux normes de l’offre ; etc. Pourquoi les intermédiaires sociaux ne proposent-ils pas ? Censure : offre jugée inadaptée à la personne. Anticipation : complexité supposée de la mobilisation des droits jugée inadéquate aux publics ; budget des aides contingentées épuisés ; tactique d’accès aux droits/dispositifs selon leur disponibilité. Représentations des intervenants sur leurs publics Séance d’information du CRIES Mercredi 21 janvier 2015
Qui sont les non recourants? Tout le monde, mais davantage les populations en situation de précarité : elles sont éligibles à davantage de droits/ dispositifs. Effet du ciblage des politiques. Pas de facteurs individuels de « vulnérabilité » au non recours, sinon l’isolement social et relationnel ; Mais des conditions d’existence, la précarité, qui exposent à une vulnérabilité psycho sociale elle-même génératrice de non recours : urgence des situations de (sur)vie, difficultés à s’organiser, hiérarchie des besoins, etc. ; Replis, auto-exclusion de personnes en grandes difficultés, refus de tout aide Séance d’information du CRIES Mercredi 21 janvier 2015
ENJEUX DU NON-RECOURS Conclusion Séance d’information du CRIES Mercredi 21 janvier 2015
Le NR à quoi ça sert ? Outil d’évaluation des politiques : efficacité, effectivité et pertinence Les politiques atteignent-elles les populations visées ? L’offre est-elle adaptée aux besoins des publics? Outil de connaissance des publics Quelles sont les populations touchées par le NR ? Quelles sont les populations/situations à risque ? Outil de redéfinition de l’offre /de sa mise en œuvre, de réallocation des moyens Quelles politiques d’information, de gestion administrative et de reconnaissance des publics mettre en œuvre pour faire accéder aux droits ? Innovations dans la production des politiques publiques : introduire des aménagements dans les fonctionnements existants ; introduire des changements dans le rapport avec les destinataires de l’offre publique À lutter contre la pauvreté, à prévenir la précarité ; A réinterroger la place du travail social, administratif, et l’organisation des services. Séance d’information du CRIES Mercredi 21 janvier 2015
Focus sur la mouvance actuelle Mouvement de simplification de l’accès aux droits (essentiellement par l’ e- administration) mais augmentation de la sélectivité/ conditionnalité des aides, qui rend plus complexe l’accès aux droits. 2 effets en termes de NR : Augmentation des « barrières administratives », donc de la capacité à demander ; Augmentation du nombre de refus : or le rejet d’une demande formulée est un très fort générateur de NR à venir. Et très souvent déficit d’explications sur les motifs de refus. Par ailleurs, performances de gestion sont basées sur la réduction des contacts physiques avec le public : produit une déshumanisation des contacts, qui sur- expose les populations « fragiles » ou « démunies ». Par quoi, la « modernisation » créerait des inégalités. Impact très fort du discours de stigmatisation des bénéficiaires d’aides sociales, suspectés d’être fraudeurs, d’abuser du système et devant sans cesse donner des gages de leur « mérite » à demander une aide : renforce la honte à demander les droits auxquels on est éligibles. Inversion du « sens de la dette » (I. Astier) : les devoirs avant les droits. Séance d’information du CRIES Mercredi 21 janvier 2015
Actions pour lutter contre le NR Informer sur les droits et expliquer les droits Quelle information diffuser ? Comment la diffuser ? Par quels intermédiaires peut-on expliquer les droits? Tout ce qui peut concourir à faciliter et simplifier l’accès aux droits Automaticité des droits : sortir d’une logique de la demande (il s’agit d’un droit), mais pose une question de principe et de contrôle. Développer les échanges de données entre organismes plutôt que de demander au bénéficiaire de fournir les données – éviter les allers-retours, les pièces justificatives à fournir, etc. Développer des réseaux entre partenaires afin de globaliser la réponse apportée aux individus et faciliter l’orientation vers les acteurs appropriés. Inclure les associations travaillant au plus près des populations démunies : allers vers. Ré humaniser les contacts avec les usagers. Multiplier les sources de repérage des situations potentielles de non recours (visites à domicile par exemple). Séance d’information du CRIES Mercredi 21 janvier 2015
Merci à vous Toutes nos études sur : Séance d’information du CRIES Mercredi 21 janvier 2015