Séance 8 – La reconnaissance et la protection des droits : La preuve

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Transcription de la présentation:

Séance 8 – La reconnaissance et la protection des droits : La preuve

Importance fondamentale de la preuve « pas de preuve, pas de droit » « pas de droit, pas d’action » Avant tout procès, il est impératif de déterminer si l’on pourra prouver ses dires. Il est donc important, à titre préventif, de se constituer des moyens de preuve.

L’objet de la preuve En principe, le droit (ie la règle juridique) n’est pas objet de preuve « Nul n’est censé ignoré la loi », donc tout le monde est censé la connaître, même le juge ! En revanche, l’interprétation d’un texte de loi peut donner lieu à débat et il importe alors de démontrer au juge que l’interprétation que l’on défend est la bonne. Par exceptions, le contrat (qui est « la loi des parties » selon l’article 1134 C. civ.) doit être prouvé, de même que tous les faits juridiques. Pour résumer, le juge connaît le droit (objectif), mais non l’acte ou le fait qui donne naissance au droit (subjectif).

La charge de la preuve 1- Le rôle du juge dans l’administration de la preuve En droit civil : procédure dite accusatoire = le juge est un arbitre = art. 9 Code de procédure civile = « Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ». Cependant, aujourd’hui le juge peut aider le demandeur à obtenir des preuves (art. 10 CPC : « Le juge a le pouvoir d'ordonner d'office toutes les mesures d'instruction légalement admissibles », article 11 CPC : « Les parties sont tenues d'apporter leur concours aux mesures d'instruction sauf au juge à tirer toute conséquence d'une abstention ou d'un refus. Si une partie détient un élément de preuve, le juge peut, à la requête de l'autre partie, lui enjoindre de le produire, au besoin à peine d'astreinte. Il peut, à la requête de l'une des parties, demander ou ordonner, au besoin sous la même peine, la production de tous documents détenus par des tiers s'il n'existe pas d'empêchement légitime ». En droit pénal : procédure dite inquisitoire = la présomption d’innocence et le doute qui profite à l’accusé imposent au juge de rapporter pleinement la preuve de la culpabilité. Le juge, en particulier le juge d’instruction, instruit à charge et à décharge = le juge d’instruction a des pouvoirs très étendus. On notera cependant que dans la phase de jugement (et non d’instruction) la procédure pénale devient plutôt accusatoire.

2- Le rôle des parties Le principe = c’est à celui qui invoque un fait ou un acte de le prouver Art. 1315 C. civ. : « Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation » = le créancier doit démontrer qu’il est bien créancier, et le débiteur qui prétend avoir exécuté l’obligation doit prouver qu’il a bien accompli sa mission. Les exceptions : Les présomptions art. 1349 C. civ. : « Les présomptions sont des conséquences que la loi ou le magistrat tire d'un fait connu à un fait inconnu » présomptions légales (= la loi renverse la charge de la preuve) avec des présomptions simples (l’adversaire peut cependant démontrer que la réalité est autre) ou des présomptions irréfragables (= preuve contraire impossible) Présomptions de l’homme (= pour convaincre un juge, il faut des présomptions « graves, précises et concordantes »)

L’admissibilité de la preuve Evénement à prouver Modes de preuve Actes juridiques <= 1500 euros Tous les modes de preuve Actes juridiques >1500 euros Preuve par écrit Sauf : Impossibilité de preuve par écrit (écrit perdu ou impossible à dresser). Dans ce cas, la preuve par témoignage est admise. recours au témoignage admis en cas de commencement de preuve par écrit (= écrit émanant de la personne contre qui la demande est formée et qui rend le fait allégué vraisemblable). Faits juridiques Litige contre un commerçant ou une société commerciale, ou entre deux commerçants et/ou sociétés commerciales Tous les modes de preuves (voir précisions ci-après) Article 1347 : « Les règles ci-dessus reçoivent exception lorsqu’il existe un commencement de preuve par écrit. On appelle ainsi tout acte par écrit qui est émané de celui contre lequel la demande est formée, ou de celui qu’il représente, et qui rend vraisemblable le fait allégué. Peuvent être considérées par le juge comme équivalent à un commencement de preuve par écrit les déclarations faites par une partie lors de sa comparution personnelle, son refus de répondre ou son absence à la comparution ».

Les modes de preuve Modes de preuve définitions Force probante Preuve littérale résulte d’une suite de lettres, de caractères, de chiffres ou de tous autres signes ou symboles dotés d’une signification intelligible, quel que soient leur support et leurs modalités de transmission  Dépend du type d’écrit (voir ci-après) Aveu Déclaration par laquelle l’une des parties reconnaît l’exactitude d’un fait - Aveu judiciaire = fait foi contre celui qui l’a fait - Aveu extrajudiciaire = ne lie pas le juge serment décisoire aveu devant le juge à la demande de l’autre partie Si la personne ne fait pas l’aveu, elle gagne le procès ! Le témoignage Déclaration émanant d’un tiers par laquelle il relate les faits dont il a eu personnellement connaissance Ne lie pas le juge Présomptions de l’homme Conséquences que le juge tire d’un fait connu à un fait inconnu, lorsqu’il existe des indices « graves, précis et concordants » Admises lorsque la preuve testimoniale est admise. Force probante établie par le juge

Suite : Les différents écrits Formes Régime juridique Force probante Acte authentique Acte dressé par un officier public (notaire, huissier…) selon les formes prescrites par la loi Fait foi jusqu’à l’inscription de faux. Acte contresigné par l’avocat Loi du 28 mars 2011 : acte sous seing privé contresigné par un avocat Présomption absolue de signature, mais pas de contenu Réduction des causes d’invalidité (ex. vice du consentement) Acte sous seing privé Écrit rédigé par des particuliers. Force probante moindre (la signature peut être contestée de même que le contenu) Autres écrits - Correspondances Livres comptables - Copies - Peut faire preuve contre son auteur - Font preuve contre le commerçant - Force probante variable Article 1316-1 Code civil : « L’écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité » Article 1316-3 : « L’écrit sur support électronique a la même force que l’écrit sur support papier »

Cas pratique : Lucien a prêté 5000 euros, de la main à la main, à son neveu Julien pour qu’il poursuive ses études à Dauphine. Julien s’est engagé oralement à rembourser son oncle le 1er janvier, mais il n’a pas honoré cet engagement. Pire, il lui a envoyé un courrier lui indiquant qu’il était parti en vacances avec l’argent ! Lucien vous demande s’il pourra obtenir le remboursement de la somme.

Solution Il appartient à Julien de démontrer qu’il a prêté l’argent à son neveu. Or un prêt est un acte juridique dont la valeur dépasse en l’espèce le montant de 1500 euros. Or selon l’article 1341 du Code civil, les actes juridiques supérieurs à 1500 euros doivent être prouvés par un acte authentique ou un acte sous seing privé (contresigné par un avocat ou non).

Par ailleurs, un prêt n’est pas un acte synallagmatique, mais unilatéral (car c’est l’emprunteur qui s’engage unilatéralement à rembourser). Or selon l’article 1326 du Code civil : «  L'acte juridique par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer un bien fongible doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l'acte sous seing privé vaut pour la somme écrite en toutes lettres ». Lucien ne possède aucun acte sous seing privé ayant cette caractéristique.

Pour obtenir gain de cause, Lucien peut tenter d’invoquer soit l’article 1347 du Code civil relatif au commencement de preuve par écrit, soit l’article 1348 relatif à l’impossibilité morale de se procurer un écrit. 1 – Le commencement de preuve par écrit Selon l’article 1347 du Code civil, « les règles ci-dessus (ie l’article 1341) reçoivent exception lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit. On appelle ainsi tout acte par écrit qui est émané de celui contre lequel la demande est formée, ou de celui qu'il représente, et qui rend vraisemblable le fait allégué. Peuvent être considérées par le juge comme équivalant à un commencement de preuve par écrit les déclarations faites par une partie lors de sa comparution personnelle, son refus de répondre ou son absence à la comparution ». Il y a trois conditions cumulatives pour qu’il y ait commencement de preuve par écrit : - il faut un écrit… - émanant de celui contre lequel la demande est formulée… - qui rend vraisemblable le fait allégué

En l’espèce, la lettre de Julien pourrait remplir ces trois conditions En l’espèce, la lettre de Julien pourrait remplir ces trois conditions. La troisième condition pose toutefois difficulté, car seul le contenu de la lettre pourrait rendre vraisemblable l’existence d’un prêt. Il appartient aux juges d’apprécier cette vraisemblance. Par ailleurs, même si l’on admet que la lettre de Julien constitue un commencement de preuve par écrit, Lucien devra, de toutes les façons, apporter des preuves complémentaires comme des témoignages. Rien n’indique qu’il pourra obtenir de tels témoignages.

2 – L’impossibilité morale de se procurer un écrit Selon l’ article 1348, alinéa 1 C. civ. : « Les règles ci-dessus (ie art. 1341) reçoivent encore exception lorsque l'obligation est née d'un quasi-contrat, d'un délit ou d'un quasi-délit, ou lorsque l'une des parties, soit n'a pas eu la possibilité matérielle ou morale de se procurer une preuve littérale de l'acte juridique, soit a perdu le titre qui lui servait de preuve littérale, par suite d'un cas fortuit ou d'une force majeure ». Lucien peut essayer de démontrer qu’il était dans l’impossibilité morale de faire signer à son neveu une reconnaissance de dette.  

- les circonstances de fait ayant précédé la remise des fonds. Il faut se référer à la jurisprudence de la Cour de cassation pour déterminer les critères qui permettent aux juges de savoir s’il y a impossibilité morale. Par exemple, dans un arrêt du 17 novembre 2011, la première chambre civile de la Cour de cassation a pu considérer qu’une personne s'était trouvée dans l'impossibilité morale de se constituer un écrit auprès de son frère «eu égard aux liens familiaux qui unissaient les parties et aux circonstances de fait ayant précédé la remise des fonds ». Il y a donc deux éléments cumulatifs à prendre en compte : - les liens familiaux ; - les circonstances de fait ayant précédé la remise des fonds. En l’espèce, le lien de parenté est évident, mais nous n’avons aucune information sur la seconde condition (Julien et Lucien étaient-ils en relations fréquentes ? Existe-t-il des précédents familiaux ?). L’impossibilité morale n’est pas un moyen de preuve, mais permet l’admission de tout moyen de preuve. En l’espèce, il y a la lettre, qu’il faudra compléter avec des témoignages et l’examen des comptes bancaires. Cour de cassation  chambre civile 1  Audience publique du jeudi 17 novembre 2011  N° de pourvoi: 10-17128  Non publié au bulletin Rejet M. Charruault (président), président  SCP Ancel, Couturier-Heller et Meier-Bourdeau, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)    REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : Sur le moyen unique : Attendu que prétendant avoir prêté une somme d'argent à son frère M. Alain X..., M. Olivier X... l'a assigné en remboursement ; Attendu que M. Alain X... fait grief à l'arrêt de faire droit à cette demande alors, selon le moyen, que l'impossibilité morale de se procurer un écrit ne peut se déduire du seul lien de parenté ; d'où il résulte qu'en se bornant à affirmer péremptoirement que M. Olivier X... était dans l'impossibilité morale de se procurer un écrit auprès de son frère, M. Alain X..., lequel rappelait que l'existence de liens familiaux était insuffisante à justifier l'absence de tout écrit, pour faire droit, sur le fondement de témoignages, à sa demande de remboursement d'un prêt d'un montant de plus de 30 000 €, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un manque de base légale au regard des articles 1326 et 1348 du Code civil ; Mais attendu que la cour d'appel a souverainement estimé, par motifs propres et adoptés, qu'eu égard aux liens familiaux qui unissaient les parties et aux circonstances de fait ayant précédé la remise des fonds, M. Olivier X... s'était trouvé dans l'impossibilité morale de se constituer un écrit ; que le moyen ne peut être accueilli ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. Alain X... aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile rejette la demande de M. Olivier X... ;  Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille onze. MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Ancel, Couturier-Heller et Meier-Bourdeau, avocat aux Conseils pour M. Alain X...  Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. Alain X... à payer la somme de 30.490 € outre celle de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; AUX MOTIFS QUE « M. Alain X... reconnaît que son frère Olivier X... lui a remis le 22 avril 2000 un chèque de 200.000 Frs soit 30.490 € ; qu'il fait toutefois valoir que cette somme lui a été donnée en reconnaissance des soins qu'il lui a apportés ainsi qu'à ses neveux ; que la preuve de l'existence d'un prêt n'est pas rapportée au sens de l'article 1315 du code civil ; Mais que les premiers juges, qui ont relevé à juste titre l'impossibilité morale pour M. Olivier X... de se procurer un écrit, ont exactement retenu que l'existence d'un prêt résultait suffisamment, au vu de la remise par M. Olivier X... du chèque de 200.000 Frs encaissé par M. Alain X..., de l'attestation de leur soeur Marie Josèphe, d'une lettre de leur mère du 28 juillet 2002 et de l'absence de contestation du principe de la dette dans la correspondance électronique échangée ; qu'il sera ajouté que par sa lettre du 28 juillet 2002, la mère d'Alain et Olivier X... reproche à ce dernier son comportement en ces termes «si tu t'y étais pris autrement, il y a bien longtemps qu'Alain t'aurait remboursé» ce qui caractérise l'existence d'un prêt et non d'une libéralité ; que les attestations des deux autres soeurs sont sans portée dès lors que, produites en appel par M. Alain X... au soutien de sa thèse, elles évoquent une «transaction» entre les deux frères et non le don prétendu ; Que pour ces motifs et ceux pertinents des premiers juges que la cour approuve l'intégralité de l'argumentation développée par l'appelant devient inopérante et le jugement sera confirmé …» ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE «s'il ne produit pas de reconnaissance de dette signée de son frère, le demandeur établit lui avoir remis un chèque d'un montant de 200.000 Frs débité le 28 avril 2000 ; que leur soeur Marie-Josèphe X... atteste, pour en avoir été le témoin direct, que cette somme a été remise à titre de prêt ; qu'il résulte de la correspondance électronique versée aux débats que le défendeur n'a jamais contesté le principe de cette dette, d'une lettre de sa mère, en date du 27 juillet 2002, que l'entourage familial était parfaitement au courant de cette même dette ; que si la demandeur n'a pas eu la possibilité morale de se procurer une preuve littérale de l'acte de prêt, la preuve de celui-ci est suffisamment rapportée par ce qui a été rappelé ci-dessus» ; ALORS QUE l'impossibilité morale de se procurer un écrit ne peut se déduire du seul lien de parenté ; D'où il résulte qu'en se bornant à affirmer péremptoirement que M. Olivier X... était dans l'impossibilité morale de se procurer un écrit auprès de son frère, M. Alain X..., lequel rappelait que l'existence de liens familiaux était insuffisante à justifier l'absence de tout écrit, pour faire droit, sur le fondement de témoignages, à sa demande de remboursement d'un prêt d'un montant de plus de 30.000 €, , la Cour d'appel a entaché son arrêt d'un manque de base légale au regard des articles 1326 et 1348 du Code civil ;

Des exemples en jurisprudence Le champ électromagnétique contre le champ de pâture Un éleveur alléguait que la présence d’une ligne à très haute tension provoquait des troubles pathologiques à ses animaux. Selon lui, en raison du principe de précaution figurant dans le code de l'environnement, il appartenait à EDF de démontrer que sa ligne n’était pas à l’origine des dommages. Mais, pour la 3ème chambre civile de la Cour de cassation, par un arrêt du 18 mai 2011 (n° de pourvoi: 10-17645 ), « le principe de précaution ne remet pas en cause les règles selon lesquelles il appartient à celui qui sollicite l'indemnisation du dommage …. d'établir que ce préjudice est la conséquence directe et certaine de celui-ci et que cette démonstration, sans exiger une preuve scientifique, peut résulter de présomptions graves, précises, fiables et concordantes, la cour d'appel, qui a relevé que des éléments sérieux divergents et contraires s'opposaient aux indices existant quant à l'incidence possible des courants électromagnétiques sur l'état des élevages de sorte qu'il subsistait des incertitudes notables sur cette incidence et qui a analysé les circonstances de fait dans lesquelles le dommage s'était produit, a pu retenir, sans inverser la charge de la preuve, que, compte tenu de l'ensemble des explications et données fournies, l'existence d'un lien de causalité n'était pas suffisamment caractérisée ». Autrement dit, il appartenait à l’éleveur de rapporter la preuve qu’EDF, par l’installation de sa ligne électrique, était à l’origine des dommages. Comme il s’agissait de prouver un fait, tous les moyens de preuve étaient envisageables, même les présomptions de l’homme. Encore fallait-il que les indices soient concordants et non contradictoires.

Impossibilité morale et usage professionnel La société commerciale Alternagro, spécialisée dans le commerce d'aliments pour le bétail, alléguait qu’un agriculteur, par trois appels téléphoniques, lui aurait passé trois commandes d'aliments pour le bétail pour des montants respectifs hors taxe de 1 696,80 euros, 1 702,40 euros et 1 696,80 euros. Pour ne pas payer, l’agriculteur prétendait que selon l'article 1341 du code civil, la preuve d'un acte juridique d'une valeur supérieure à 1 500 euros doit être rapportée par écrit ; qu'en outre, cet écrit doit répondre à la formalité du double original de l'article 1325 du code civil, lorsque l'acte juridique est un contrat synallagmatique ; que selon l'article L. 110-3 du code de commerce, ces règles s'appliquent lorsque c'est la partie commerçante qui entend prouver contre la partie non commerçante ; que dès lors, lorsqu'une société commerciale entend rapporter la preuve d'un acte juridique d'une valeur supérieure à 1 500 euros à l'encontre d'un agriculteur (qui n’est pas commerçant), seul l'écrit est admissible. Mais la Chambre commerciale de la Cour de cassation, par un arrêt du 22 mars 2011 (n° 09- 72426), estime que « l’appréciation de l'impossibilité morale de se procurer une preuve littérale de l'acte juridique peut résulter de l'usage en matière agricole qui autorise les parties à conclure verbalement les ventes d'aliments pour le bétail, et qu’en conséquence ces commandes pouvaient être faites par téléphone et ne pas être concrétisées par un écrit daté et signé par le client ». Autrement dit, un usage, qui autorise la conclusion d’un contrat par simple poignée de mains ou simple parole, permet d’invoquer une impossibilité morale de se procurer une preuve littérale. Mais qui doit prouver l’existence de l’usage et comment prouver cet usage ? C’est celui qui invoque un usage qui doit le prouver (contrairement à une règle de droit), et les chambres de commerce ou d’agriculture peuvent délivrer des attestations d’usage (que l’on appelle des parères).