Cours de gestion des ressources humaines Séance 3. Les évolutions du système français de relations professionnelles Julien Damon
Tendances actuelles de la conflictualité Le système de relations professionnelles : les syndicats et les instances dans l’entreprise Point sur la monographie / les exposés Contenu de la séance 3
…Pas tout le conflit Le conflit prend diverses formes : –recours juridiques, –interpellations de la presse, –déclarations publiques, –coulages, –refus heures supplémentaires, –absentéisme… La grève est un moment du conflit (suites du cas Radio France)
Vous avez dit « grève... » ? –Du zèle (respect scrupuleux des règlements) –Perlée (réduction volontaire de la productivité) –Sur le tas (avec occupation du lieu de travail) –Tournante (alternance des salariés en grève) –Générale (à l’échelle d’un pays) –Sauvage (pas prévue) –Grève « à la japonaise » (port d’un brassard au travail) –.... Diversité de la grève
Le point de vue des outils statistiques classiques Un nombre de jours de grève en baisse Mais insuffisance des remontées des inspecteurs du travail Un outil qui ne permet de pas de voir l’évolution de la durée des grèves Tendances de la conflictualité
Tendances de la conflictualité 1
Tendances de la conflictualité 2
Le temps de travail passe de 3000 heures en 1870 à 2000 heures en 1970 Jusque 1975 une logique d’avantages sociaux et de répartition de gains de productivité Après 1975 il s’agit d’une négociation autour de l’emploi et de la flexibilité Le temps de travail, nouveau sujet de friction
Apaisement du climat social ? Non... Mais des facteurs de contingence –La taille de l’entreprise (l’établissement) joue –Certains secteurs sont moins conflictuels (services...) Une évolution des formes de conflit (ex: heures supplémentaire) et des acteurs du conflit (ex: « les cadres rebellent ») Tendances de la conflictualité
En fait, une adaptation des formes de résistance / modes d’expression des salariés au contexte actuel –Structure de l’emploi –L’historique de la présence syndicale Les organisations qui connaissent la plus forte conflictualité sont aussi celles où la négociation est la plus intense ! Tendances de la conflictualité
1791: loi le Chapelier (jacobinisme, lien direct entre Etat et le peuple) 1841: rapport Villermé sur les conditions de travail 1864: reconnaissance du droit de grève 1884: autorisation des syndicats 1936: délégué du personne 1968: autorisation et organisation de la présence syndicale en entreprise –« Les patrons ont les syndicalistes qu’ils méritent; et inversement » (Jacques Chérèque) Genèse du système français
Entre les entreprises (les patrons) et les salariés (les syndicats) : l’Etat Le projet de démocratie sociale et de Sécurité sociale Le système français est né en 1945
Le schéma issu de l’après-guerre Sécurité Sociale ASSURANCE Ambition de 1945 : la prévoyance est appelée à se réduire progressivement. Protections facultatives ou obligatoires. Mutuelles, compagnies d’assurance, institutions de prévoyance Ambition de 1945 : l’assistance est appelée à devenir résiduelle Couvre des risques sur le fondement des besoins. Financement surtout par l’impôt. Redistribution surtout verticale. Ambition de 1945 : la généralisation. Couvre des risques pour des “ assurés sociaux ”. Financement, surtout, par des cotisations. Redistribution surtout horizontale. Eclatée en différents régimes. Les différents régime d’assurance sociale versent les quatre cinquièmes des prestations Aide sociale ASSISTANCE Complémentaires PREVOYANCE
Qu’est-ce qu’un syndicat ? Quelle histoire ? Quelles grandes familles ? Premiers mots sur le paysage syndical
Après-guerre CGTCFTC 1947 CGTCGT-FOFEN Syndicats autonomes 1964 CFDTCFTC 1981 G / 92 CRC Santé SUD PTT FSU FEN maintenue 1993 UNSA SUD Rail 1996 Une tradition conflictuelle et schismatique…
Le paysage syndical (en synthèse)
Répondants indiquant faire partie d’un syndicat Source : enquêtes valeurs Deuxièmes mots sur le paysage syndical
Deuxièmes mots (bis) sur le paysage syndical
Troisièmes mots sur le paysage syndical
Avant (1968) on faisait sortir les dirigeants de l’entreprise…. … maintenant (crise), on les séquestre Pourquoi ? Qu’est-ce que cela traduit ? Une remarque finale sur le capitalisme
Contexte. La part des salariés travaillant dans des entreprises de moins de 50 salariés a progressé de dix points en trente ans (En nombre de salariés et en % du total des salariés) Champ Unedic (13,145 millions de salariés en 1976 et 16,650 millions en 2007) : comprend les salariés de tous les établissements du secteur privé industriel et commercial employant au moins une personne sous contrat de travail. Ne sont donc notamment pas comptabilisés ici les salariés de l’Etat, des collectivités locales, des établissements publics à caractère administratif et des entreprises publiques à caractère industriel et commercial, les salariés des secteurs agricoles et para- agricole, les employés de maison. Se lit ainsi : « En 1976, le nombre des salariés travaillant dans les entreprises de 50 à 499 salariés était de 4,740 millions de personnes, soit 36,1 % de l’ensemble des salariés. En 2007, les entreprises de la même taille représentaient 6,011 millions de personnes, soit toujours 36,1 % des salariés ». Source : Unedic, calculs et graphique Conseil économique, social et environnemental
Résumons… 16 % de syndiqués en % aujourd’hui (concentrés à 50 % dans la fonction publique) Syndicalisme de service / Syndicalisme de militants
Expliquons… Montée des engagements ponctuels Montée des appartenances hyper-texte Déclin des grands appareils Crise générale de la représentation Liens plus électifs
Une dégradation globale… mais un renforcement des appareils Une dégradation globale préoccupante – Le ciment idéologique a souvent perdu toute crédibilité – Les vocations se font rares – Le syndicalisme vieillit – Un déficit d’expertise face à des situations de plus en plus complexes – Une méconnaissance de ce que veulent réellement les salariés Mais un renforcement des structures syndicales – Exemple : effectifs de l’appareil syndical CGT 1965 : 33 personnes –1975 : 91 –1985 : 145 – Tendance identique dans les autres organisations : la baisse d’influence du syndicalisme sur le terrain ne s’est pas traduite par une baisse des moyens dont disposent les appareils! Comment se financent-ils? – Le montant des cotisations est insuffisant… environ ¾ des ressources proviennent de l’Etat et des organismes paritaires
Les années 90 : le syndicalisme dans la tourmente Montée du chômage & de la flexibilité Vagues de licenciement Succession de leaders au sein des syndicats Évolution de l’organisation des entreprises Effondrement des régimes communistes Fossé entre les hommes d’appareil et les militants Multiplication des établissements de faible taille
Un processus d’émiettement… Les solutions des militants de l’entreprise concordent de moins en moins avec les orientations mises en avant au niveau national – Exemple de militants CFTC refusant tout compromis face à des représentants de la CGT, soucieux de promouvoir des solutions réalistes – L’étiquette portée par le militant a cessé de préjuger du type d’action qu’il mène Développement du « zapping » syndical – Les électeurs se prononcent en fonction de la personnalité des candidats, plus que sur une adhésion à des idées ou à un programme – Le choix d’une étiquette => plus lié à l’opportunisme qu’à une réelle idéologie – En cas de désaccord au sein du syndicat, on assiste désormais à des départs d’une organisation vers une autre! Problème : pourquoi continuer de reverser la plus grande partie des cotisations à des superstructures syndicales souvent contestées? – Apparition du phénomène de « franchise », c’est-à-dire utilisation du « label » CGT par des syndicats, sans reverser le prorata des cotisations… – En cas de conflit, apparition de « coordinations » extérieures aux structures syndicales qui en appellent directement à la « volonté de la base » – Multiplication de mouvements se situant délibérément en-dehors du « syndicalisme confédéré » (exemple des syndicats SUD)
… mais paradoxe : une couverture plus grande
97 % des salariés français travaillant dans des entreprises de plus de 10 salariés sont couverts par des normes collectives La faiblesse du taux de syndicalisation n’empêche pas une forte couverture conventionnelle des salariés : Effet « erga omnes » –signature syndicale –recours administratif à la technique de l’extension et de l’élargissement des accords –Les accords ne s’appliquent pas seulement aux entreprises dont les employeurs sont affiliés aux organisations patronales signataires.. Une couverture conventionnelle très large
La représentativité syndicale Critères de représentativité au niveau national – Effectifs suffisants – Indépendance par rapport aux employeurs – Cotisations (régularité et réalité) – Expérience et ancienneté – Attitude patriotique pendant l’Occupation Les avantages de la reconnaissance – Accès à la plupart des aides, subventions et indemnisations prévues au budget de l’Etat et des organismes paritaires de protection sociale – Seuls interlocuteurs reconnus du gouvernement et du patronat => seules à siéger au conseil d’administration des organismes paritaires résultant d’un accord national interprofessionnel – Les syndicats qui leur sont affiliés bénéficient, dans les entreprises où ils sont représentés, d’une « présomption irréfragable de représentativité »
La représentativité syndicale en question? Des règles de plus en plus artificielles – La « présomption irréfragable de représentativité » peut conduire à une représentation du personnel totalement artificielle – L’évolution des accords d’entreprise => remise en cause de la signature d’accords par des syndicats très minoritaires – D’où l’idée de développer des « accords majoritaires » – CGT, CFDT : pour – FO, CFTC, CGC : contre Loi du 4 mai 2004 – Renversement de deux fondements de la négociation collective – Principe de représentativité (= une signature suffit à engager l’ensemble des salariés) – Principe de faveur (= l’accord d’entreprise est tjrs plus favorable à l’accord de branche, lui-même plus favorable à la loi) – Introduction du principe majoritaire : si l’accord représente la majorité, il peut être dérogatoire et pas seulement «plus favorable» – Reconnaissance d’un droit d’opposition majoritaire
Loi portant « rénovation de la démocratie sociale » Disparition de la présomption irréfragable de représentativité : tous les syndicats devront faire preuve de leur représentativité, quel que soit le niveau de la négociation Critères de représentativité Respect des valeurs républicaines Transparence financière Ancienneté minimale de 2 ans Audience électorale dans l’entreprise ( > 10%) Influence (activité + expérience) Effectifs d’adhérents et cotisations --> de Grandes manœuvres en perspective… La loi d’août 2008
Dates d’apparition 1936 Délégués du personnel 1945 Comité d'Entreprise. Représentant syndical auprès du CE 1947 Comité d'Hygiène et de Sécurité (CHS) 1966 Commission de formation auprès des comités d'entreprise 1968 Section syndicale d'entreprise, délégué syndical d'entreprise 1976 Commission "logement" auprès du comité d'entreprise 1982 Représentants des salariés au conseil d'administration ou de surveillance dans les entreprises nationalisées (institution obligatoire) ; délégué syndical central ; commission économique auprès du comité d'entreprise ; comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) 1986 Représentants salariés élus au conseil d'administration ou de surveillance des SA privées (institution facultative) 1996 Comité d'entreprise européen, dans les entreprises ou groupes d'entreprises de dimension européenne
Ces institutions sont soit… Élues par les salariés de l’entreprise – délégués du personnel (à partir de 10 employés), membres élus du CE Désignées par : – Les organisations syndicales : délégué syndical (à partir de 50 employés), représentant syndical auprès du CE, représentants du personnel au comité de groupe, représentants des salariés au CEE – Les délégués du personnel et les membres élus du CE : délégation du personnel au CHSCT – Le comité d’entreprise : les membres des commissions
Présentation rapide des institutions… 1/2 Section syndicale et le délégué syndical – Représentent une organisation syndicale à l’intérieur de l’entreprise – Inspirent et animent les autres institutions représentatives – Délégué syndical : quasiment le monopole de la négociation avec l’employeur – Possibilité de désigner un délégué syndical central si plusieurs établissements Délégués du personnel – Juridiquement : gardiens du droit – Rôle de critique / de gendarme sans avoir de pouvoir de sanction Comité d’entreprise – Gestion des activités sociales et culturelles de l’entreprise – Doit être informé sur la marche de l’entreprise, consulté avant la réalisation de certaines opérations de gestion et la mise en place de modifications de l’organisation
Présentation rapide des institutions… -2/2 Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail – Participe à la protection de la santé et de la sécurité des salariés – Analyse des risques professionnels, enquêtes, développement de la prévention – Contrôle l’application de la réglementation en la matière Comité de groupe – Simple droit d’information sur l’activité, la situation financière, l’emploi dans le groupe – Informé des évolutions prévisibles dans ces domaines Comité d’entreprise européen – Dimension transnationale – Obligatoire dans les entreprises de dimension européenne – Débat chaque année sur l’évolution des activités et des perspectives de la structure dans laquelle il a été créé Représentants du personnel élus au conseil d’administration – Facultatifs dans les sociétés anonymes privées mais obligatoiresdans les entreprises du secteur public – Membres à part entière des conseils d’administration ou de surveillance des entreprises concernées – Élus par l’ensemble du personnel: à la fois dirigeants et représentants…
Et le patronat ? Medef (ex - Cnpf) Cgpme Upa
Négociation obligatoire : rémunération, formation, temps de travail (syndicats). Négociation ponctuelle : emploi, sortie de grève (syndicats). Dialogue régulier (institutions représentatives du personnel, DP – CE). Le dialogue social en entreprise
Lois et accords interprofessionnels Accords de branche Accords d’entreprise Contrats de travail Etat + Niveau interprofessionnel Branche (ex: métallurgie) Entreprise « Erga Omnes » Hiérarchie des normes et niveaux de négociation
Conclusion Tradition de contestation Tradition d’éclatement Des révolutions/réformes sur représentation et paritarisme… A retenir : Erga Omnes