Traumatismes vertébro-médullaires Sémiologie et physiopathologie (Réanimation) Docteur Valérie Vial 12 Mai 2004
Epidémiologie 2000 cas / an Sujets jeunes (15-25 ans), ou > 55 ans Traumatisme vertébral + médullaire : 10% Pronostic sévère : 30 à 45% de mortalité immédiate Coût social +++ : séquelles …
Etiologies : AVP (moto) et chutes Accidents de sport (gymnastique, rugby, plongeon, ski, parapente, équitation …) Traumatismes pénétrants (armes à feu…)
Anatomie (1) 24 vertèbres 4 parties : 3 zones de faiblesse : Rachis cervical (C1→C7) Rachis dorsal ou thoracique (T1→T12) Rachis lombaire (L1→L5) Sacrum 3 zones de faiblesse : Charnière cervicale haute (atlas/axis) Charnière cervico-thoracique (C7/T1) Charnière dorso-lombaire (T12/L1)
Anatomie (2) : 3 segments horizontaux Segment postérieur Segment antérieur Segment moyen Instable +++
Anatomie (3) : 2 segments verticaux Os et segment mobile rachidien
Biomécanique : Traumatismes en flexion/extension : Sagittal Décélération Risque d’instabilité : atteinte du segment vertébral moyen et du segment mobile rachidien
Les différents types de fractures Lésions stables : lésions osseuses pures Lésions instables + risque de déplacement secondaire : lésions ligamentaires Lésions instables + risque de déplacement immédiat : lésions osseuses + ligamentaires
Les luxations : Torsion Translation
Physiopathologie de la lésion médullaire 10 à 15% des accidents neurologiques surviennent au ramassage Lésions primaires et secondaires « Tout polytraumatisé doit être considéré comme un traumatisé médullaire jusqu’à preuve du contraire » « Tout traumatisme du rachis doit être considéré comme instable jusqu’à preuve du contraire » « Tout traumatisé crânien doit être considéré comme un traumatisé médullaire potentiel »
Lésions primaires : Impact initial, forces de compressions Déchirures neuronales et vasculaires Commotion : récupère en quelques heures Compression : ischémie Contusion : destruction axonale + foyers hémorragiques Trans-section
Lésions secondaires (1) : Extension des zones d’ischémie et d’hémorragie Reperfusion de zones ischémiques Concerne la zone de pénombre Risque d’extension sur 1 à 3 métamères +++
Lésions secondaires (2) : Autodestruction médullaire secondaire Altération du métabolisme énergétique Altération du fonctionnement des pompes ioniques (accumulation de Na et extrusion de K) Libération d’AA excitateurs et stimulation des médiateurs neuronaux (glutamate) Péroxydation lipidique / Synthèse de radicaux libres CSQ : lyse cellulaire (spirale d’autodestruction) mort cellulaire
Sémiologie clinique : Dans l’idéal : Mais le plus souvent : Douleur : intense, localisée, liée à une contracture musculaire Déficit sensitivomoteur, aréflexie, syndrome pyramidal, priapisme (gravité) … Mais le plus souvent : Inconscient Incohérent, confus, agité Examen clinique très difficile Signes associés non spécifiques : hypoTA, bradycardie, arrêt circulatoire (lésions hautes) Détresse respiratoire Hypothermie
Lésions médullaires complètes : (1) « Choc spinal » : perte de toutes les fonctions médullaires sous-lésionnelles (4 à 7 jours, puis état stable sous-lésionnel en 4 à 6 semaines) Disparition du tonus sympathique sous-jacent Abolition du tonus musculaire et des ROT Abolition de toutes les sensibilités Rétention d’ urine et atonie du sphincter anal Priapisme (gravité) 2 niveaux critiques : C4 et T6
Lésions médullaires incomplètes (1) : Syndrome central : Hyper-extension + canal cervical étroit ou arthrosique Sujet âgé Dysfonction motrice mb sup > inf Rétention d’urine et troubles sensitifs Syndrome de Brown-Séquard: Paralysie motrice homolatérale Atteinte sensitive controlatérale Paraplégie asymétrique
Lésions médullaires incomplètes (2) : Syndrome antérieur : Compression par fragments intracanalaires, thrombose artère spinale antérieure Peu fréquents Syndrome postérieur : Très rare Atteinte de la proprioception Syndrome de la queue de cheval : Racines nerveuses lombosacrées Sciatique uni ou bilatérale Incontinence anale et vésicale Anesthésie en selle
Lésions médullaires incomplètes (3) : Urgence chirurgicale dans les 24 premières heures Facteur pronostique
Estimation du niveau lésionnel (1) : En France : 1er métamère lésé Pays anglo-saxons : dernier métamère sain Exemples: Tétraplégie C6: flexion de l’avant bras possible Paraplégie L3: flexion de hanche possible
Estimation du niveau lésionnel (2) : Moteur : C4 : tétraplégie + paralysie diaphragme C5 : flexion coude C6 : extension poignet C7 : extension coude C8 : flexion 3eme doigt T1 : abduction du 5eme doigt L1-L2 : paraplégie L3 : flexion hanche L4 : extension genou L5 : flexion dorsale pied S1 : flexion plantaire pied
Estimation du niveau lésionnel (3) : Sensitif : T4 : mamelon T6 : appendice xiphoïde T10 : ombilic T12 : symphyse pubienne L1 : pli inguinal
Classification de FRANCKEL : A : absence de réaction motrice ou sensitive B : sensibilité seule C : réaction motrice mais non fonctionnelle D : motricité fonctionnelle E : état normal
Classification ASIA : (American Spinal Injury Association) Score moteur : pour toutes les racines DT et G (max 50+50=100) 0 : abs 1 : contraction palpable ou visible 2 : mvt actif sans pesanteur 3 : mvt actif contre pesanteur 4 : mvt actif contre résistance 5 : normal NT : non testable Score sensitif : idem pour tact et piqure (max 56+56=112) 1 : anormale 2 : normale NT
Conséquences respiratoires (1) : Dépendent du niveau lésionnel « Au dessus » de C4 : paralysie diaphragmatique Dépendance respiratoire complète Trachéotomie etc. … Lésions C5 et thoraciques hautes : Autonomie ventilatoire théorique En réalité précaire (infections, atélectasies…)
Conséquences respiratoires (2) : La capacité vitale est diminuée de : 70 % : C5 - C7 60 % : T1 - T7 50 % : T7 - T12 30 % : S1 - S2
Conséquences cardiovasculaires (1) : Dépendent du niveau lésionnel : T6 Abolition du tonus sympathique : en aval de la lésion (centres sympathiques : T1 à T6, colonne intermédio-latérale) Vasoplégie par diminution des résistances vasculaires systémiques : → hypo volémie relative → diminution de l’adaptation aux variations de volémie +++
Conséquences cardiovasculaires (2) : Prédominance parasympathique : Bradycardie Risque d’arrêt cardio-circulatoire lors des stimulations vagales et des changements de positions Cas particulier des lésions très hautes (C2): Le plus souvent patients retrouvés en arrêt cardio-circulatoire sur les lieux de l’accidents
Conséquences digestives et urologiques Iléus paralytique et distension abdominale: Peut aggraver une détresse respiratoire Facteur de risque d’inhalation Rend difficile l’évaluation clinique d’une lésion abdominale associée (tableau frustre) Disparition de l’autonomie vésicale : Rétention aiguë d’urine
Conséquences thermiques et cutanées Disparition de la thermorégulation : Hypothermie Aggravée par la vasodilatation et l’absence de frissons Peut majorer les conséquences cardiovasculaires Absence de vasomotricité : Majore la survenue d’escarres +++
Evaluation clinique : Recherche des détresses vitales : → traitement immédiat : Cardiovasculaire : hypoTA, bradycardie , ACR Respiratoire Neurologique (Glasgow, réflexes tronc cérébral, TC associé) Evaluation neurologique : Détermination niveau lésionnel Examen neurologique complet et écrit dans le dossier Examen systématique de la zone périnéale Répétée
Penser aux lésions associées : Lésions du rachis cervical : !!! artères vertébrales (dissection, compression) Lésions du rachis thoracique : !!! Gros vx et médiastin : rupture de l’isthme aortique Contusions pulmonaires, hémo-pneumothorax Contusions myocardiques Lésions du rachis lombaire : Traumatisme de l’abdomen Hématomes rétro péritonéaux
Evaluation para clinique (1) : Imagerie: Radiographies standards : RP +++, clichés du rachis F+P+BO et bassin F Problème : charnières TDM +++ polytraumatisé, lésions osseuses, nécessite un repérage au préalable de l’étage lésé IRM :+++ si pas de fracture visible : images médullaires
Evaluation para clinique (2) : Biologie : NF pl, TQ TCA Fib Ionogramme, urée, créatinine CPK, troponine Ic, lactates GS (2 déterminations), RAI Gazométrie artérielle ECG
CONCLUSION Pathologie fréquente, sujets jeunes, enjeu fonctionnel +++ Savoir penser au trauma vertébro-médullaire chez tout polytraumatisé et traumatisé crânien Penser aux lésions associées Savoir reconnaître les signes de gravité (respiratoires, cardiovasculaires …)
Les points à retenir L’examen neurologique est un temps essentiel : niveau +++ et caractère complet ou incomplet des troubles Les lésions médullaires sont évolutives: lésions I et II Atteintes cervicales et thoraciques hautes : altération des fonctions respiratoires et cardiovasculaires
Bibliographie Conférence d’expert. Conférence d’actualisation de la SFAR. Mai 2004.