La crise et son impact sur l’industrie Nasser Mansouri-Guilani Journée d’étude 19 janvier 2011.

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Transcription de la présentation:

La crise et son impact sur l’industrie Nasser Mansouri-Guilani Journée d’étude 19 janvier 2011

sommaire Est-il vrai que la crise est finie? Pourquoi il faut développer l’industrie? Pourquoi il faut libérer l’industrie du carcan financier? A-t-on les moyens pour relancer l’industrie? NB: source des graphiques: Insee, comptes nationaux

Premier point: Est-il vrai que la crise est finie? Cf. le discours du patronat et du gouvernement: Le taux de croissance du PIB est devenu positif L’emploi augmente Les bénéfices sont là  En résumé, la crise est finie pour les détenteurs de capitaux Mais dans l’optique des salariés, la crise est toujours là, au moins pour 4 raisons

Rappel Le Produit intérieur brut (PIB, c’est-à-dire l’ensemble des richesses nouvelles créées grâce au travail) a reculé de 2,5% en La hausse de l’ordre de 1à 1,5% de 2010 signifie que le niveau du PIB est en-deçà de celui de Autrement dit, fin 2010 il y avait moins de richesses que fin 2008 pour répondre aux besoins sociaux et économiques.

1. La crise n’est pas finie tant que les emplois perdus depuis 2008 ne sont pas compensés, sans parler des 5 millions d’exclus du travail pour des raisons économiques Emplois salariés (en milliers)Fin 2007Fin 2010Variation Industrie Tertiaire marchand Ensemble des secteurs marchands (hors agriculture)

1. La crise n’est pas finie tant que les emplois perdus depuis 2008 ne sont pas compensés, sans parler des 5 millions d’exclus du travail pour des raisons économiques productionvaleur ajoutéeEmploi Agriculture Industrie Construction Services principalement marchands Services administrés Total

2. La crise n’est pas finie tant que dans les comptes des entreprises, le seul poste qui augmente, c’est bien les dividendes versés aux actionnaires Entreprises industrielles et de services, hormis banques et assurances, montants en milliards d’euros Variation Valeur ajoutée Masse salariale (emploi x salaire et cotisations sociales) Investissement Dividendes versés

3. Tant que la chute de l’emploi industriel se poursuit et s’accélère

4. Tant que les patrons et le gouvernement continuent de dévaloriser le travail Cf.  « Réforme » des retraites  Absence du coup de pouce au Smic, stagnation, voire baisse des salaires  Développement de la précarité  Remise en cause des 35h…

Deuxième point: Pourquoi il faut développer l’industrie?  La crise économique et financière fournit un argument clair  Les pays qui ont donné la priorité au développement des services, surtout services financiers, sont plus touchés  En revanche, les pays qui ont une base industrielle plus forte (Allemagne) ou un système de protection sociale développé (France), s’en tirent mieux.  La récession économique a été plus forte en Allemagne qu’en France à cause de la forte pression sur les salaires; mais grâce à son industrie, l’Allemagne sort plus vite de la récession  Pour éviter les dégâts, il vaut mieux avoir à la fois un système de protection sociale solide et une base industrielle puissante  Le développement industriel est indispensable pour assurer la pérennité du système de protection sociale

Évolution du PIB (en %) Allemagne0,5-4,13,3 Espagne0,9-3,7-0,3 France0,1-2,51,6 Italie-1,3-5,01,0 Royaume-Uni-0,1-4,91,7

Il faut développer l’industrie au moins pour 4 raisons

1. Parce que l’industrie est source d’efficacité L’industrie est source d’efficacité, de gains productivité au sens noble du terme, c-à-d produire plus de richesses en utilisant:  moins de capital, ce qui permet de réduire la masse de richesses nécessaires au titre des profits,  et moins de travail, sans que cela se fasse au détriment des travailleurs (par exemple via la réduction du temps de travail)  Mais aujourd’hui, ces gains de productivité sont accaparées par le capital, ce qui conduit à la baisse des effectifs et la pression sur les salariés. Les gains de productivité sont ensuite diffusés dans le reste de l’économie La baisse de l’emploi industriel et le recul de l’industrie dans l’économie affaiblit donc le potentiel de croissance économique, car les gains de productivité se réduisent

1. Il faut développer l’industrie parce qu’elle est source de gains de productivité NB: Il vaut mieux examiner la productivité globale des facteurs, celle du travail et celle du capital. Il existe peu de données pour la productivité du capital. Généralement, une hausse de la productivité du travail au détriment des salariés coïncide avec une baisse de la productivité du capital. Ceci explique par exemple la baisse des effectifs et la hausse des profits. Évolution de la productivité horaire du travail (en moyenne, en % par an) Industrie6,33,7 4,8 Services principalement marchands4,82,21,32,9 Ensemble de l'économie5,63,11,73,7

1. Il faut développer l’industrie parce qu’elle est source de gains de productivité

2. Il faut développer l’industrie parce que le recul de l’industrie (en termes d’emplois ou de production) affaiblit le potentiel de croissance économique

3. Il faut développer l’industrie parce que la perte de l’emploi industriel pèse sur les salaires dans l’ensemble de l’économie Généralement, le salaire moyen est plus élevé dans l’industrie que dans des secteurs de service comme le commerce ou les services aux personnes, en forte progression et présentés souvent comme une compensation des pertes d’emploi dans l’industrie. Une éventuelle compensation en termes d’emplois conduirait de toute manière à une baisse des salaires Il en est de même de l’externalisation. Avec l’externalisation, une partie des emplois considérés comme industriels, seront présentés comme des emplois de services où les convention collectives sont souvent moins protectrices. L’externalisation conduit, entre autres, à réduire le champ de couverture des conventions collectives, tirant aussi les salaires vers le bas

3. Il faut développer l’industrie parce que la perte de l’emploi industriel pèse sur les salaires dans l’ensemble de l’économie

4. Il faut développer l’industrie pour réduire les dégâts environnement à cause de la multiplication des transports superflus de marchandises Cf. délocalisation des productions et réimportation des produits

Troisième point: pourquoi il faut libérer l’industrie du carcan financier? Au moins pour 3 raisons

1. Parce que les dividendes versés aux actionnaires, c’est autant d’argent qui ne va pas aux salariés

2. Parce que les dividendes versés, c’est autant d’argent qui ne va pas à l’investissement productif

3. Pour éviter la dérive dans la financiarisation* * La financiarisation se caractérise notamment par la prédominance de la logique financière dans la gestion des entreprises et la généralisation de l’objectif de rentabilité financière à court terme au détriment du potentiel de développement économique et social à long terme

Quatrième point: A-t-on les moyens pour relancer l’industrie? La réponses est: Oui Au moins trois questions sont posées:  Comment réorienter la politique économique pour assurer un développement économique et social et établir une politique industrielle  Comment intervenir pour changer les choix stratégiques des entreprises  Comment mobiliser autrement les ressources et les moyens financiers publics et privés 6 exemples

1. L’incohérence du discours politique cf. Nicolas Sarkozy à Toulouse, puis au CESE (14 et 15 janvier): Je défends l’industrie, mais: Pas touche aux exonérations de cotisations La réforme des retraites est bonne Je ne suis pas là pour augmenter les impôts Les Etats généraux de l’industrie (EGI)  La ligne du patronat et du gouvernement : « augmenter la compétitivité », sous-entendu celle du travail: Réduire les cotisations sociales dites patronales Réduire l’impôt sur les société et supprimer l’ISF Renforcer les marchés financiers Augmenter les aides et les crédits d’impôts, notamment le crédit impôt recherche  Les EGI ont néanmoins permis des avancées Cf. Livret d’épargne industrie

Rappels Le renforcement des marchés financiers ne règle pas le problème de financement des entreprises, surtout les entreprises industrielles. En théorie:  Les marchés financiers (la Bourse) sont censés financer les entreprises  Le recours aux marchés financiers devraient réduire le coût de financement des entreprises En réalité:  Ce sont les entreprises qui financent la Bourse: le montant des dividendes versés aux actionnaires dépasse les sommes collectées (« levées ») par les entreprises sur les marchés financiers  Les prélèvements financiers sur les entreprises ne cessent d’augmenter depuis le développement des marchés financiers

2. Au-delà du discours, l’incohérence des politiques mises en œuvre Exemples:  Déréglementation et privatisation Cf. loi NOME  Réduction des moyens des services publics Cf. suppression des postes dans l’éducation nationale ou encore les conditions de travail des chercheurs  Valeur externe de l’euro et les problèmes que cela pose pour nombre d’entreprises industrielles Rôle de la BCE

3. Le « grand emprunt »  22 milliards levés sur les marchés financiers  13 milliards apportés par le remboursement des aides accordées aux banques Selon le gouvernement, le grand emprunt devrait générer 60 milliards d’euros d’investissements publics et privés dans cinq domaines prioritaires  L’enseignement supérieur et la formation : 11 milliards  La recherche : 8 milliards  Les filières industrielles et des PME : 6,5 milliards dont 2,5 milliards consacrés au développement des PME  Le développement durable : 5 milliards d’euros  Le numérique : 4,5 milliards d’euros Question: comment mobiliser ces sommes au service d’une reconquête de l’industrie?

4. Les « Niches fiscales et sociales » dont bénéficient les entreprises Coût total : 172 milliards d’euros, soit 5 fois plus que l’impôt sur les sociétés (rappel: lorsqu'une PME paie 100 euros d'impôt sur ses bénéfices, une entreprise du CAC 40 en paie 40 euros)  Niches fiscales : 35 Md€ : dépenses fiscales (293 mesures), soit 14 % de recettes fiscales nettes de l’État 71 Md€ : mesures dérogatoires déclassées  Niches sociales (91 dispositifs) : 66 Md€, soit 15 % des recettes de la Sécurité sociale, dont 31,5 Md€ sous la forme d’allègements généraux et d’exonérations ciblées. Question: quelle place pour les salariés pour utiliser efficacement ces fonds?  Définition des objectifs  Contrôle de l’usage

5. Choix de gestion des entreprises Question centrale pour les salariés: mobiliser les moyens au service de l’emploi, des salaires, des conditions de travail, de l’investissement productif… Se pose alors la question des droits d’intervention des salariés dans la gestion des entreprises Exemples:

En 2009, les sociétés du CAC 40 ont enregistré 47 mds € de bénéfices; elles ont supprimé emplois Répartition de la valeur ajoutée (en %) Sanofi- AventisTotalLafarge France télécom Masse salariale Dividendes Intérêts des emprunts bancaires Impôts et taxes Investissement16 4-4

En pleine crise, les dividendes distribués au titre de 2008, 2009, 2010 sont plus généreux que ceux versés au titre de 2007 Pour 105 mds € de bénéfices réalisés en 2007, les groupes ont versé 38,6 mds € de dividendes, soit un taux de distribution de 36,7% En 2008, les bénéfices tombent à 84,1 milliards (–20%), mais les dividendes ne sont diminués que de 1,9 md € (5,3%). Le taux de distribution monte alors à 43,6%. Ce taux est porté à 62,1% en Sommes à verser par Cac 40 aux actionnaires en 2011 au titre de l’exercice 2010: 39,6 mds €

CAC 40: 150 milliards d’euros de trésorerie au premier semestre 2010

6. Rôle des banques Cf. plan de sauvetage des banques  Pas de conditionnalité  Les banques ont donné comme par le passé la priorité aux opérations spéculatives.  Résultat: Retour des bénéfices, avec primes considérables pour les « traders » Problème de financement des PME Bénéfices des banques, 2009  La Cgt a un ensemble de propositions pour mobiliser le système financier et bancaire au service de la reconquête de l’industrie: Pôle financier public Crédits à taux bonifié…