Ce jour-là, Ali était parti chercher du bois en forêt. Et voilà que, dans ce coin retiré, il entend le bruit d’une cavalcade ! Un regard sur son âne… Mais celui-ci est bien caché derrière un taillis. Espérons qu’il ne se manifestera pas ! Ali grimpe prestement sur un arbre. Voir sans être vu a toujours été sa ligne de conduite ! Et il s’en est souvent bien trouvé.
Les cavaliers s’arrêtent. Quelles mines patibulaires ! Celui qui paraît le chef se plante devant le gros rocher qui se dresse là et dit : « Sésame, ouvre-toi ! » Et le rocher s’ouvre comme une porte ! Les hommes pénètrent à l’intérieur… Et le rocher se referme. La curiosité d’Ali est à son comble ! Que signifie tout cela ? La montagne a-t-elle avalé tous ces gens ? Ils étaient bien une quarantaine !
Non, très rapidement, les hommes ressortent. 39… 40 ! Oui, c’est bien ce qu’il pensait. Il descend précautionneusement de son arbre. Plus de bruits… Il s’approche du rocher et prononce d’une voix tremblante : « Sésame, ouvre-toi ! » Et… Mais oui, bonnes gens ! le rocher s’ouvre !
Et là, au bas d’une volée de marches… Que de merveilles ! Que de richesses ! Ali en reste d’abord cloué sur place. Il n’a pas assez d’yeux pour tout regarder, tout admirer. Il prend avec lui un petit sac de pièces d’or, redit la formule magique… Oublié, le bois ! Il rentre à la maison aussi vite que le peut son âne, qu’il n’a jamais pressé de la sorte !
Il se dépêche de rentrer chez lui. Et comme il est heureux de montrer toutes ces richesses à sa femme ! mais celle-ci reste dubitative. « Rassure-toi, Fatima ! « Rassure-toi, ma femme ! dit-il pour la calmer. Je n’y retournerai que lorsque nous n’aurons plus rien. Et j’en prendrai si peu qu’ils ne s’en rendront même pas compte ! Ce sont des voleurs : je puis bien voler un voleur !!! »
Qui a dit que les femmes ne savaient pas garder un secret ? Et les hommes, alors ! Ils sont pires ! Et, quand son frère vient, Ali ne peut s’empêcher de lui raconter son aventure, malgré les yeux furibonds que roule Fatima. Moussa veut aussi aller voir par lui-même ! « N’oublie pas la formule magique » lui recommande Ali. Bien sûr qu’il n’oubliera pas ! Il connaît bien le sésame, cette petite graine…
Là-bas, le cupide Moussa trouve tout comme Ali le lui avait raconté, et bien plus merveilleux qu’il n’aurait pu imaginer ! Il explore tout, il se remplit les poches, le sac… Mais, au moment de partir, il ne se souvient plus du mot magique ! Il a beau dire : « maïs ! blé ! avoine ! orge ! millet ! » le rocher reste désespérément clos. Que faire, que faire ?
Ali, cependant, inquiet de ne pas voir revenir son frère, vient à sa recherche. Et que trouve-t-il en entrant dans la caverne aux trésors ?
Épuisé d’énervement et d’émotion, Moussa dort, affalé parmi toutes ces richesses ! « Vite, vite ! » lui dit Ali. Mais au même moment, les voleurs arrivent ! Ali, caché dans un coin, terrifié, les voit tuer Houssa. Il réussit à s’enfuir dans le dos des voleurs, mais l’un d’eux entrevoit une ombre, et prévient ses complices.
« Qu’on le suive ! Hurle le chef des voleurs. Qu’on le pende, qu’on l’égorge, qu’on l’étripe, qu’on l’extermine ! » (Tiens, je connais ce vocabulaire ! Ce chef des voleurs doit lire Tintin et Milou !) Et il ajoute, et c’est assez inattendu : « je ne veux pas de voleurs chez moi ! » Pas de voleurs ? Ah bon…
L’un des malandrins a réussi à suivre Ali, mais sans le rejoindre. Mais il a vu où il rentrait, et pour être sûr de reconnaître la maison, fait une croix sur la porte. Fatima qui a surpris le manège, avertit Ali. « Ne t’inquiète pas, lui dit celui-ci. Tant que nous restons dans la maison, aucun mal ne pourra nous atteindre. »
Mais le soir même, le chef des voleurs, déguisé en marchand, se présente chez Ali et demande hospitalité. « Puis-je rentrer mes ânes dans la cour ? J’ai un chargement d’huile, et je craindrais… » - Bien sûr ! lui dit Ali. Ce sera plus en sécurité. » Ce qu’il ne dit pas, c’est que, sur chaque âne, il y a une jarre d’huile, et une jarre avec un voleur embusqué, pour attaquer la maison ! Le repas se déroule normalement. Ali fait traîner un peu, se demandant comment se débrouille Fatima. Mais Fatima, qui a entendu des chuchotements venant des jarres, a tout compris.
Avec ses serviteurs, sur un feu d’enfer, elle fait chauffer l’huile, et la déverse au fur et à mesure sur les voleurs dans les jarres. Pas un ne réussit à en réchapper ! Et, à la fin du repas, elle entre, souriante, enjouée, ensorceleuse, pour danser devant leur hôte.
Celui-ci est sous le charme de cette flamme virevoltante et gracieuse ! Il complimente, il boit à sa santé… Il ne remarque même pas que Fatima danse avec un tambourin et un poignard ! Vlipp ! Le poignard a volé, s’est fiché en plein cœur du bandit !
Celui-ci n’a vraiment pas eu le loisir de voir quoi que ce soit ! Et il était temps, car ce bandit avait sorti sa dague pour frapper son hôte. Mais Fatima avait surpris le geste furtif, et avait devancé son forfait ! « Et 40 ! dit-elle en récupérant son poignard. 40 voleurs tués dans notre maison ce soir ! Maintenant, le pays va pouvoir respirer plus librement ! »
Texte : d’après un conte traditionnel Illustrations : Carlos Busquets Musique : Ernesto Cortazar : Endlessly Diaporama de Jacky Questel, ambassadrice de la Paix Site :