Souffrance psychique et « médecines traditionnelles »: psychologie de la santé ou imposture? docteur mahmoud boudarène psychiatre tizi ouzou.

Slides:



Advertisements
Présentations similaires
Pluralisme des croyances et des cultures dans une république laïque
Advertisements

Le point de vue du clinicien
PERSONNES AGEES ET FIN DE VIE
Mona Barakat Hammoud Hospital UMC
DIAGNOSTIC DU CANCER: FAUT-IL LE COMMUNIQUER AUX PATIENTS?
XXXIXèmes Journées de la SGOC CHOLET 1er et 2 juin 2007
L’APPROCHE CENTREE SUR LE PATIENT (ACP)
Toulouse – CIMG – 8 novembre 2005 Personne de confiance Pradines B. Service de Soins de Longue Durée Albi Cassaigne P. Unité Mobile de Gériatrie. Centre.
Pratique en santé mentale SVS 3742 Automne 2007 Cours 2 Histoire de la santé mentale au Québec 12 septembre 2007.
LE RESEAU DE COORDINATION DES SOINS
Annonce(s) « d’une mauvaise nouvelle » dimensions et problématique
1 CONCLUSION POUR UNE CIVILISATION DE LAMOUR. 2 LAIDE DE LEGLISE A LHOMME CONTEMPORAIN Un nouveau besoin de sens est actuellement ressenti: vie, activités,
« Bien que les enfants indigènes soient beaucoup plus souvent victimes de l'institutionalisation, de l'urbanisation, de l'abus d'alcool et de stupéfiants,
© Handicap International juin 2007 Notions fondamentales sur le handicap.
UE 1.1 S1 Psychologie, Sociologie, Anthropologie
les déterminants de la santé
L’Art-Thérapie Par Sylvie Moreau-Rosi Art-Thérapeute
Les soins palliatifs Introduction Rappels Généralités
Module 3 Construire des projets ensemble : principes et techniques
DMG Poitiers B Reynoard X Rucquois J Bernat 01/2010
Qu’est-ce qu’un homme ?.
Le cas Pierrette ou quand la personne âgée sort du cadre…
Le développement spirituel à la Commission Scolaire de la Beauce-Etchemin: Une définition simple, dynamique et adaptée au monde scolaire.
Droits humains et soins obstétricaux d’urgence
Soins palliatifs partout, pour tous, une utopie ?
RELATION D’AIDE ATTITUDES AIDANTES
Le discernement Ou l’art de choisir NDA 17 avril 2014
Loi relative aux droits des malades et à la fin de vie
Mort & fin de vie, un chemin personnel
UCL – Programme Soins Palliatifs et qualité de vie 28 novembre 2009: les demandes deuthanasie La discussion en équipe: quelles paroles engagées pour quel.
SOINS PALLIATIFS: Un parcours parfois singulier !
LE DISCOURS PHILOSOPHIQUE
La Relation Médecin–Malade
Médecines parallèles et pratiques traditionnelles : entre psychologie de la santé et imposture Première journée francophone de psychiatrie Paris, mars.
LE DISCOURS PHILOSOPHIQUE
Mademoiselle L.. Jeune femme née en 1972 Elle a été contaminée fin 1998 par un homme qui lui a menti sur son statut sérologique. Célibataire, elle vit.
Notre mort exige cette minutieuse préparation
À faire aujourd’hui Prière Explorer la religion
C’est quoi la philosophie?
Formation soins palliatifs et qualité de vie
Le Diabétique: de la nécessité d’un accompagnement psychothérapique
Docteur Mahmoud Boudarène
Médecines parallèles et pratiques traditionnelles : entre psychologie de la santé et imposture Première journée francophone de psychiatrie Paris, mars.
Relation médecin-malade
Aborder la notion de complexité
La compétence……c’est Un savoir agir validé, dans une situation
Notions fondamentales sur le handicap
De la greffe à l’implantation
Alors, comment situer la prière pour la guérison ?
Psychiatrie infanto-juvénile et diagnostics: Pourquoi est-ce une affaire compliquée? Pr. A. Malchair ULg.
Démarche éducative auprès d’un patient
Souffrance des soignants Comment la prendre en compte? Préventica 2004 Préventica 2004 Dr ML LEPORI Dr ML LEPORI MTPH CHU NANCY MTPH CHU NANCY membre de.
SIDA - SANTÉ MENTALE EN INTERVENTION ETHNOPSYCHIATRIQUE Par Docteur Frantz Raphaël Du CLSC Saint-Michel, 2006.
* La psychologie de la profession médicale. * Certains gens pensent que le médecin détient une partie des fonctions sacerdotales des prêtres. * Le médecin.
Médecines douces, médecines parallèles: pourquoi et pour quelle illusion de soins ? docteur mahmoud boudarène psychiatre tizi ouzou.
L’éducation à la santé « C'est toute combinaison d'expériences d'apprentissages planifiés destinés à faciliter l'adaptation volontaire de comportements.
LES REPRESENTATIONS DE LA SANTE MENTALE
Le nouveau diabétique, quel accompagnement psychologique ?
Noto ANIMS- SFMC Les acteurs du secours face à la mort.
Education à la santé et Ethique
La santé communautaire Un mystère… Proposé par la MM La Brèche.
Enseignement Religieux 3131
Étymologie : bonum augurium, bonne chance, bon augure
La religion est-elle la négation de l’homme?
Le devoir IVème partie. L’ horrible remarque d’Eichmann nous montre bien que l’action morale doit être guidée par des valeurs humaines et le développement.
3 CHAPITRE ÉDITIONS DU RENOUVEAU PÉDAGOGIQUE INC. (ERPI) PARTIE I Introduction à la gestion Chapitre 3 LE CONTEXTE CULTUREL ET ÉTHIQUE DE LA GESTION.
Suicide et conduite suicidaire. Repérage et perspectives de prise en charge AUTEUR H Romano, Cellule d’urgence médico-psychologique du SAMU Reférences.
E TRE ACCRO A INTERNET. SOMMAIRE Définition. Comment devient-on addict? Les symptômes Comment se faire aider? Définition. Comment devient-on addict? Les.
DEFIS ETHIQUES DANS LA PRATIQUE QUOTIDIENNE REFLEXIONS D’UN ASSISTANT Z. Jedidi, M.D. H. Jedidi, M.D. La Société Médico-Chirurgicale de Liège.
EVANGILE et GUERISON Daniel Pétremand Alain Martin APD nov 09.
Transcription de la présentation:

Souffrance psychique et « médecines traditionnelles »: psychologie de la santé ou imposture? docteur mahmoud boudarène psychiatre tizi ouzou

Définitions – sémantique Souffrance = épreuve - peine - douleur - tourment malheur - affliction - torture, etc. Souffrance psychique = concept flou - mal défini concept flou - mal défini Souffrance psychique = tendance à présenter des troubles mentaux ? - sans les identifier - sans les hiérarchiser

1- Souffrance psychique et pathologie mentale - névrose (angoisse névrotique) ? - douleur morale/dépression ? - psychose (angoisse psychotique) ? 2 - Souffrance psychique et relation avec la maladie - en relation avec la fin de la vie/peur de la mort ? - cas des maladies graves 3 - Souffrance psychique et souffrance sociale - en relation avec les problèmes sociaux - par manque de bonheur/par malheur ? - angoisse existentielle ?

dans tous les cas La médecine a ses limites dans les réponses aux maladies graves, psychiques et physiques La médecine n’apporte pas de réponses aux interrogations existentielles/finalité et fin de la vie/mort La médecine ne soigne pas le malheur et l’injustice sociale

C’est sans doute pour cela que le sujet qui souffre se tourne vers les « médecines » dites traditionnelles.

mais aussi parce que la médecine actuelle est - trop technique, technologique - trop spécialisée - trop pressée dévitalisée, déshumanisée agressive inquiétante ne prend plus le temps d’écouter de parler, de toucher Recours « médecines » traditionnelles

et encore société communautaire spiritualité nourrie de «médecine» traditionnelle superstition et de religion et religieuse superstition et de religion et religieuse (craintes, frayeurs) -familière et répond au besoin de spiritualité -puissance magique et divine validation sociale et communautaire de la souffrance médecine moderne inquiétante ?

La médecine moderne n’offre pas au sujet le cadre approprié pour parler, pour s’exprimer, pour dire sa souffrance, ses craintes, ses peurs, ses frayeurs La médecine moderne manque de spiritualité espace? où l’art de guérir peut trouver la voie de son émancipation, de son épanouissement

souffrance (psychique) détresse et quête de soins insistante vulnérabilité disponibilité psychologique Amorce d’un possible lien psychothérapique victime d’ abus

interventions diverses dans le champ psy… interventions diverses dans le champ psy… (parapsy, développement personnel, coaching…) intervention des guérisseurs, talebs… intervention des guérisseurs, talebs… intervention du religieux (imams +++) intervention du religieux (imams +++) C’est pourquoi infiltration d’acteurs multiples - aide/appoint à la médecine ? - substitution ? - imposture ++++ propose des aides inadaptées, inopportunes et dangereuses.

Pourquoi le recours aux médecines traditionnelles ? - échec de la médecine moderne qui n’a pas pu ou su créer les conditions psychologiques à l’apaisement de la souffrance - désarroi profond face à la souffrance vulnérabilité sujet s’en remet à quelque chose de l’ordre du magique, du surnaturel, du divin stratégie adaptative opérante levée du symptôme – miracle? car disposition psychologique à recevoir le soin et ferme conviction de guérir

Résultats attendus ? Effet spectaculaire de la levée du symptôme augmentation du charisme du guérisseur qui est investi d’un pouvoir surnaturel, divin? charisme et conditions propices à l’émergence de la disponibilité au soin soulagement de la souffrance savoir médical + bon sens + sensibilité - empathie (sympathie?)

Les guérisseurs ont modernisé leurs activités. ne sont plus sur les places publiques et les marchés. dans la presse et sur internet. annonces qui prétendent avoir trouver tous les « remèdes à nos maux ».

guérit la peur, le diabète et les hémorroïdes à 100%

Ce dernier, qui nous vient de Syrie, qui a eu droit à une émission de télé et à un article de presse qui vante ses compétences, traite avec les plantes le cancer l’ulcère, le diabète les colopathies la stérilité… « Après l’émission télé, des dizaines de milliers de malades sont venus de toutes les wilayas et…même de l’étranger pour mettre fin à leur souffrance ». No comment!!!!

Tous ces guérisseurs sont dans leur rôle, implicitement ou explicitement reconnu par le groupe social. Ils sortent de ce cadre quand ils se revendiquent de la science et/ou de la médecine. Exercice illégal de la médecine Imposture

Dans notre pays, place importante de la religion dans la vie des sujets, (mais aussi mysticisme, superstition et magie) recours aux talebs et de plus en plus aux imams, « dépositaires d’un pouvoir surnaturel ou divin », - symptômes psychiques bruyants - influence ou malveillance extérieure (sorcellerie, djinns, etc.) recours d’abord à la « médecine » traditionnelle validation familial et social. consultation en médecine après échec de ces pratiques démarche opérante et soulagement de la souffrance, toujours momentané, du sujet et de sa famille.

les talebs et les imams qui officient dans notre société font appel à leur érudition religieuse pour exercer leur activité. le charisme dont certains bénéficient dans la cité, dans la région et quelques fois à travers tout le pays, suffit à exercer une influence sur la vie psychique du sujet dont l’esprit se dispose à recevoir le soin. « rokia », ces dernières années la pratique la plus courante, exerce cette influence. prière accompagnée par un homme de culte, un imam ou un taleb, qui lit des versets du Coran adaptés à la nécessité.

dans la religion chrétienne, ce rôle est dévolu au curé ou au prêtre. l’usage de l’eau, sur laquelle des versets coraniques sont lus, constitue le médiateur nécessaire à l’accomplissement de la guérison. L’eau devient bénite et jouit alors de vertus thérapeutiques. la prière adressée à Dieu s’inscrit dans les convictions et la foi profonde du sujet. dans la souffrance, la ferveur est multipliée. tant mieux, car la disposition psychologique à la guérison est amorcée.

les dégâts occasionnés par de telles pratiques sont souvent considérables. Les nombreux exemples rapportés par les quotidiens d’information en témoignent. c’est pour cela que le ministère des affaires religieuses a de proclamé une fetwa pour interdire la pratique de la rokia et de la hidjama dans les mosquées faut-il s’en féliciter ? Sans doute. mais est-ce qu’une fetwa suffit pour arrêter les dérives constatées à l’occasion de ces pratiques ? et il est par ailleurs légitime de s’interroger sur le silence, à ce sujet, dans lequel s’est emmuré le ministère de la santé publique.

recours aux pratiques traditionnelles et religieuse participe du libre arbitre du malade. Contrarier ce choix est une entrave à sa liberté. Empêcher le sujet en souffrance de vivre cette expérience singulière constitue, une mutilation psychique. devoir du médecin d’informer et d’éclairer son malade sur les risques. Il appartient également au médecin d’offrir les conditions psychologiques propices à l’émergence de la guérison. Ce dernier doit puiser dans sa compétence scientifique et dans la « magie » de la complicité de sa relation avec son malade, cette alchimie particulière qui fait de la médecine un art, l’art de guérir.

faut-il pour autant encourager le recours aux pratiques religieuses? non car aucune pratique traditionnelle et/ou religieuse ne peut remplacer l’acte médical. plusieurs médecins incitent et exhortent (?) les malades à recourir aux imams. situations fréquentes, maintes fois, rapportées par les malades.

se débarrasser ou se décharger du malade de cette façon n’est pas acceptable surtout si cet agissement participe d’une stratégie mue par des considérations strictement financières, politiques et/ou religieuses. Le consensus diagnostic et le soin se heurtent dans tous les cas - concernant les troubles psychiques notamment - aux convictions et croyances qui servent de références théoriques et guident l’acte thérapeutique. Le médecin n’est plus dans son rôle, il renonce à sa mission qu’il soumet totalement à ses convictions.

talebs et imams, de plus en plus nombreux, se comportent en gourous et interdisent au malade de consulter tentatives de soumission de la volonté du malade le désir de soumettre le sujet une influence sur sa vie spirituelle et religieuse dérive qui met en danger la santé et la liberté du malade la «mainmise» sur le malade, est possible grâce à la complicité de certains médecins

le malade a droit, surtout dans la souffrance, au respect de ses convictions et croyances. Il ne doit pas être leurré. En particulier par le médecin qui doit dans tous les cas obtenir le consentement libre et éclairé de son patient. le médecin ne doit pas mettre ses convictions religieuses et/ou politiques au service de son métier et profiter de la détresse du patient pour exercer son influence et son pouvoir. Les valeurs religieuses, philosophiques, politiques ne doivent pas, dans le cadre de l’exercice de la médecine, déterminer la conduite de l’acte thérapeutique.

CONCLUSION « la souffrance humaine exprimée dans la maladie mentale n’a pas d’idéologie. elle est, au-delà du désordre biochimique ou de l’incidence culturelle, reflet de ce qui fait l’essentialité de l’Homme. c’est à ce titre qu’il est fondamental de se rappeler notre adhésion en une médecine pleine et entière où le malade inspire le respect sans complaisance et où le médecin conscient de son devoir scientifique et humaniste pourra, une fois ce dernier rempli dignement, refuser de voir méconnaître cette spécificité de la médecine et par la même affirmer son devoir et en poser la problématique ». Mahfoud BOUCEBCI « maladie mentale et handicap mental », ENAL éditions ; Alger 1984.