Les logiques participatives des usagers des médias Colloque Médias 09 Aix en Provence 16 décembre 2009 Aurélie Aubert Laboratoire Communication et politique (CNRS) CIM (Université Paris 3)

Problématique Quels sont les ressorts personnels et les logiques identitaires des contributeurs bénévoles aux médias participatifs ?  Comprendre les démarches de soumission de ces « journalistes amateurs »  Observer leurs méthodes de travail  Cerner leur rapport personnel au journalisme

L’appellation de « journaliste citoyen » ne satisfait pas toujours ces contributeurs bénévoles et mérite d’être questionnée. Aux termes de « participatif » ou de « citoyen », Denis Ruellan (2007) propose un terme plus heuristique, celui d’ordinaire, pour penser ces mutations : « Ainsi, j'entends par journalisme ordinaire une forme plurielle et singulière car pratiquée par une diversité d'acteurs individuels dont la propriété commune ne s'inscrit (dans l'état actuel de nos connaissances) qu'en creux : ils ne sont pas professionnels ; ils informent sans que cette activité soit leur profession »

Méthodologie et questions de recherche Une enquête empirique menée par entretien en 2008 auprès d’une douzaine d’internautes contributeurs non journalistes de sites d’information participatifs (Agoravox, Rue 89, essentiellement) Enquête qualitative qui ne vise pas à la représentativité 2 objectifs :  Confronter les discours théoriques sur le journalisme citoyen à des études empiriques  Cerner le profil des rédacteurs amateurs réguliers

Qui sont les journalistes amateurs ? D’après un recensement sur 100 profils en ligne sur le site Agoravox :  Une appartenance à des catégories socio-professionnelles élevées, quelques groupes structurant apparaissent: Ingénieurs informaticiens dont la profession est liée aux nouvelles technologies Universitaires et enseignants Professions à caractère « artistique » Journalistes (free lance ou jeunes diplômés) Etudiants Professionnels de la santé  Surreprésentation des hommes (environ 4 fois plus nombreux que les femmes)

Perception du milieu journalistique professionnel Un rapport « boulimique » aux médias d’information Positionnement critique vis-à-vis du travail des journalistes…  Non respect des règles de la « grammaire publique » (Cyril Lemieux) : non respect de la règle de « séparation des faits et des commentaires », manque de « distanciation énonciative ».  Discours portant sur les contraintes économiques et politiques auxquelles sont soumis les journalistes  Perception et compréhension du travail des journalistes en fonction de sa propre profession

Démarche de soumission Rendre visible….  Une actualité sous-médiatisée  Son interprétation d’un sujet d’actualité Et se rendre visible  Par une démarche citoyenne, active  … et créative

Démarche de soumission: Rendre visible une actualité sous-médiatisée « Je pense à un article sur Wal Mart que j’ai écrit sur une nouvelle que j’avais vue : deux lignes dans Les Echos ou La Tribune : ils parlaient d’un nouveau système de gestion du temps des employés chez Wal Mart. […] Je trouvais le sujet intéressant parce que, en l’occurrence, les employés n’avaient plus d’horaires. Ils avaient mis au point un système de supervision de l’affluence dans les points de vente qui leur permettait de définir leurs besoins de main d’œuvre. […] L’article sur Wal Mart c’est deux lignes dans La Tribune, alors que potentiellement, ça veut dire qu’aux Etats-Unis, potentiellement, demain, vu leur taille, l’industrie de la distribution va s’aligner : ça fait que des millions de gens n’ont plus d’horaires… Donc c’est une information relativement importante sur la façon dont l’emploi évolue aux Etats-Unis, donc il n’y a pas de raison pour qu’on ne fasse pas un article là dessus. Je pense que c’est une information qui structure de manière extrêmement importante les évolutions sociales et la façon dont se structure le travail. En l’occurrence je n’ai pas vu un seul article sur le sujet en France ». (Extrait d’entretien).

Méthodes de travail Les informations sont glanées dans les médias généralistes ou sur le web Recours aux données du web accessibles à tout un chacun Revues de presse Déficit de sources humaines Pas de recoupement systématique des informations

Quelques éléments de conclusion Le paradoxe du « journalisme participatif » :  La plupart des articles rédigés ne portent pas directement sur les domaines de compétence des contributeurs, mais sur des sujets qui les passionnent (en lien avec leurs préoccupations sociales, écologiques, mais aussi identitaires).  Ce journalisme amateur, ne semblerait pas, au vu de cette enquête empirique, être un journalisme de témoignage  Retour en force de l’éditorial, du commentaire (en période électorale surtout) Ecrire et publier sur internet permet de montrer une autre facette de soi, plus ludique, plus créative.

Perspectives Ecrire est envisagé comme une forme d’action créative qui donne sens à l’expérience. Ecrire c’est s’engager, mais c’est aussi créer et établir une image de soi vers laquelle on tend. L’affichage de la subjectivité peut y être revendiqué. On s’éloigne d’une vision du « journaliste- citoyen » qui copierait l’habitus des journalistes professionnels. Les contributeurs aux nouveaux médias concilient engagement et créativité en s’investissant dans les affaires de la cité.