LES DIFFERENTS MOYENS THERAPEUTIQUES EN CANCEROLOGIE M.BOSSET CHU BESANCON Service de radiothérapie
PLAN LA CHIRURGIE : principes et différents types LA RADIOTHERAPIE : différents types ; bases physiques ; toxicités LA CHIMIOTHERAPIE
CHIRURGIE ONCOLOGIQUE Au début des années 1970, on a démontré sur le plan expérimental et clinique que la majorité des tumeurs solides atteignant un certain volume n’étaient plus une maladie locale mais une maladie générale à cause des micrométastases indétectables par les moyens diagnostiques actuels (dogme de Halsted, 1890). La chirurgie moderne du cancer devient une véritable chirurgie biologique adaptée au concept de cancer-maladie. L’approche multidisciplinaire apparaît comme nécessaire et obligatoire
L’acte chirurgical, s’il n’apparaît plus comme une arme thérapeutique unique, reste la « pierre angulaire » du traitement des cancers. Le chirurgien a donc une lourde responsabilité dans le plan thérapeutique, la radicalité de son geste conditionnant la survie du maladie et la qualité de la survie. Le chirurgien oncologue moderne est non seulement un chirurgien avec ses compétences, son habilité et son art, mais il est aussi un oncologue connaissant les bases des autres disciplines de la cancérologie.
Face à un cancer, le chirurgien se trouve devant 5 situations : La chirurgie de diagnostic et de stadification La chirurgie radicale qui, avec ou sans radiothérapie, doit guérir les cancers à faible potentiel métastatique La chirurgie radicale intégrée dans un plan thérapeutique visant à éradiquer les micrométastases par les traitements adjuvants. La chirurgie de réduction tumorale, véritable chirurgie biologique qui s’adresse aux tumeurs chimiosensibles à phénomène de recrutement cellulaire nécessaire à une activité optimale des traitements cytotoxiques La chirurgie palliative
CHIRURGIE DE DIAGNOSTIC ET DE STADIFICATION La biopsie : preuve histologique de malignité Permet d’établir les facteurs histopronostiques et biologiques de la tumeur La technique de biopsie doit répondre à des critères Etude de l’extension des tumeurs
RECHERCHE DE LA RADICALITE LOCOREGIONALE C’est l’exérèse de l’ensemble de la tumeur avec une marge de sécurité suffisante avec l’ensemble des éléments cellulolymphatiques et veineux pouvant être envahis par les métastases régionales de la tumeurs Varie selon l’histoire naturelle des tumeurs, les organes, les possibilités techniques, l’efficacité des traitements adjuvants et l’expérience du chirurgien cancérologue La pièce opératoire est confiée à l’anatomopathologiste sans être disséquée, orientée par rapport aux limites du champ opératoire
La chirurgie prophylactique L’exemple le plus typique est celui des hyperplasies atypiques et des cancers canalaires et lobulaires in situ Les progrès récents des études génétiques en cancérologie ont permis de sélectionner des familles à haut risque de cancer. La place de la chirurgie préventive n’est pas encore définie pour les cancers familiaux du sein et de l’ovaire malgré la découverte des gènes BRCA1 et BRCA2
La chirurgie des cancers invasifs Dès que le cancer a franchi la membrane basale, il y a un communication possible entre les cellules cancéreuses et les espaces vasculaires et un risque de dissémination. La définition de la micro-invasion selon les types de tumeurs est sujet de controverses La chirurgie des cancers invasifs dits « au début » répond aux critères classiques de la radicalité de la chirurgie oncologique : passage en zone saine macroscopique et microscopique dans tous les plans de l’exérèse avec une marge de tissu sain, dite marge de sécurité Le rôle de ce contrôle local est particulièrement important à définir dans les traitements conservateurs Attention particulière à l’étude des berges de résection et des marges de sécurité
L’importance du contrôle local sur la survie doit être étudiée dans 2 situations : Rechute locale par elle-même entraîne le décès du patient. Rechute locale n’entraîne pas elle-même un risque mortel. La mort est due dans 90 à 95 % des cas aux métastases La sélection des patients traités par traitement conservateur doit répondre aux critères suivants : Obtenir un contrôle locorégional équivalent à un traitement radical La survie sans rechute et la survie globale doivent être équivalentes En cas de rechute, le traitement radical de sauvetage doit être possible La conservation doit être réelle sur le plan morphologique (sein) et/ou fonctionnel. Le patient doit accepter la conservation sur le plan psychologique et la contrainte d’une surveillance prolongée.
CONCLUSION En règle, le traitement chirurgical conservateur nécessite un approche thérapeutique combinée avec la radiothérapie ou avec l’association radiothérapie-chimiothérapie
CURAGES GANGLIONNAIRES C’est l’évidemment celluloganglionnaire des sites de drainage lymphatique des cancers lymphophiles invasifs. Il peut être fait en monobloc ou en discontinuité Curages de nécessité Curages de principe Ces curages sont possibles grâce aux connaissances de la diffusion anatomique des cellules cancéreuses par voie lymphatique, qui se fait en règle de façon ordonnée par envahissement successif des groupes ganglionnaires L’envahissement ganglionnaire est le facteur pronostique le plus puissant quel que soit l’organe atteint L’incidence du curage ganglionnaire sur la survie étant difficile à prouver, il est important que celui-ci ne donne pas de séquelles
LA CHIRURGIE DE DERNIER RECOURS ET CHIRURGIE DES RECHUTES LOCOREGIONALES A VISEE CURATIVE C’est le plus souvent une chirurgie mutilante pour une tumeur évoluée sans métastase à distance, ou pour une rechute locorégionale. C’est une chirurgie particulièrement difficile et lourde Il faut différencier les rechutes précoces (dans les 6 à 18 mois) et les rechutes tardives
CHIRURGIE DE REDUCTION DU VOLUME TUMORAL ET CHIRURGIE DES METASTASES VISCERALES Son but est de réséquer le maximum de tumeur (« debulking surgery ») en ne laissant que des résidus inférieurs à 1,5 cm de diamètre, sans entraîner de morbidité (en particulier de dérivations externes) afin de permettre une action optimale de la chimiothérapie chirurgie biologique du cancer Cancers de l’ovaire Cancers du testicule
Chirurgie des métastases hépatiques, pulmonaires et cérébrales Elle permet dans des cas précis des survies prolongées, voire des guérisons L’indication de métastasectomie est possible pour les métastases synchrones ou métachrones à condition : Que le patient ait un faible risque chirurgical Que la tumeur locale soit contrôlée Qu’il n’y ait pas de métastases hors de l’organe à traiter Que l’ensemble des métastases soit résécable Chirurgie des métastases cérébrales Chirurgie des métastases pulmonaires (intervalle libre suffisant > 6 mois) Chirurgie des métastases hépatiques
CHIRURGIE PALLIATIVE DU CANCER C’est une chirurgie de confort pour un malade incurable Chirurgie palliative d’urgence Ligatures vasculaires pour hémorragies massives Trachéotomie Traitement des perforations digestives Chirurgie palliative de semi-urgence Chirurgie orthopédique des métastases des os Amputations abdominopérinéales, pelvectomies palliatives Amputations de membres Neurochirurgie de la douleur
CHIRURGIE PLASTIQUE ET DE RECONSTRUCTION La reconstruction des vastes pertes de substance a été bouleversée il y a une quinzaine d’années grâce à l’utilisation des lambeaux musculocutanés pédiculés ou libres (microchirurgie) Utilisation fréquente des lambeaux de grand dorsal et grand droit de l’abdomen L’épiploon est aussi un excellent matériel de couverture des pertes de substance thoracique, pelvienne Reconstruction mammaire Chirurgie reconstructive orthopédique : très complexe
CHIRURGIE ONCOLOGIQUE DU FUTUR Chirurgie mini-invasive : aucun essai thérapeutique randomisé n’a prouvé l’innocuité de cette méthode séduisante La chirurgie mini-invasive diagnostique et de stadification des cancers permet d’éviter dans la majorité des cas des interventions invasives chez des patients ayant des cancers évolués. Il faut évaluer de façon précise son rôle dans la diffusion métastatique
TRANSPLANTATIONS D’ORGANES EN CANCEROLOGIE Carcinomes hépatocellulaires
CHIRURGIE LASER ET PHOTOCHIMIOTHERAPIE La photocoagulation des tumeurs par les lasers a prouvé son efficacité dans la destruction de nombreuses tumeurs, en particulier dans la vaporisation des états précancéreux (col utérin, cavité buccale, peau..) et dans le traitement palliatif des cancers (œsophage, bronches, rectum…)
LA RADIOTHERAPIE PLACE DE LA RADIOTHERAPIE DANS LES STRATEGIES THERAPEUTIQUES ET BASES RADIOBIOLOGIQUES DE L’EFFET ANTITUMORAL DES RADIATIONS IONISANTES
Objectifs de la radiothérapie Préventive Ex : irradiation prophylactique de l’encéphale Cytoréductrice Ex : réduction taille tumorale dans les cancers du col inopérables Complémentaire de la chirurgie Néoadjuvante : objectif sur les récidives locales Adjuvante :objectif sur les récidives locales, ex : sein objectif comme complément de la chirurgie en cas d’exérèse incomplète Exclusive Ex : ORL Palliative, elle-même peut avoir différents objectifs : antalgique, décompressive, hémostatique, cytoréductrice
Place de la radiothérapie dans la stratégie thérapeutique La radiothérapie exclusive Pour les petites tumeurs : dose élevée à très élevée : 45 à 60 Gy, avantage du petit volume, place privilégiée de la curiethérapie et des associations radi-curie Pour les cancers très radiosensibles : dose entre 25 et 45Gy, grand volume le plus souvent mais dose plus faible, ex : testicule, lymphome Cancers inopérables : l’inopérabilité dépend de plusieurs facteurs Topographie : accessibilité chirurgicale (cavum) : proximité d’un organe vital Extension locale et régionale : atteinte des organes adjacents ou extension ganglionnaire importante Facteurs liés au patient : tares, âges, refus d’une chirurgie mutilante, état général altéré Atteintes métastatiques synchrones
Les associations radiochirurgicales La radiothérapie néo-adjuvante. But : stériliser le lit chirurgical, ex : rectum et le dowstaging La radiothérapie adjuvante. But : diminuer les récidives locorégionales, s’adresse au lit tumoral, à l’environnement et lit opératoire, aux territoires ganglionnaires. Ex : sein, col utérin, ORL Cas particuliers des exérèses incomplètes Radiothérapie peropératoire réalisation très marginale
Les associations radiochimiothérapies Modalités de réalisation : Séquentielle : chimio-radio, radio-chimio, chimio-radio-chimio Concomitante Principes et objectifs Principes : coopération spatiale = contrôle local et gangionnaire et métastatique Effets locaux simultanés : additivité, supra-additivité = potentialisation Cas particuliers de certaines molécules : protection des tissus sains, efficacité contre les cellules hypoxiques Objectifs Augmenter le contrôle local Augmenter l’index thérapeutique Augmenter le contrôle régional Améliorer la survie
Les irradiations particulières Irradiation hémi-corporelle Irradiation cutanée totale Irradiation corporelle totale
LES BASES RADIOBIOLOGIQUES DE L’EEFET ANTITUMORAL DES RADIATIONS IONISANTES
Etape physique - Bases de l’effet : ionisation, excitation Production par des particules chargées en interaction avec les électrons du milieu Les rayonnements, deux types Rayonnement directement ionisant = particules chargées Rayonnement indirectement ionisant = particules neutres interagissant avec le milieu pour produire des électrons dits secondaires ; électrons qui auront une trajectoire définie dans le milieu et donc un effet biologique
Interactions rayon-milieu Interactions électrons-matière Électrons-électrons : collision et transfert d’énergie au milieu Électrons-noyau : déviation de trajectoire et transfert d’énergie au milieu Interactions particules lourdes-matière Comportement proche de celui des électrons Production d’électrons secondaires, de protons à partir de l’interaction avec l’atome d’hydrogène = base de l’effet radiobiologique des particules lourdes Interactions photons-matières Effet compton : effet prédominant à haute énergie, production d’un électron Compton et d’un photon diffusé Effet photoélectrique : toute l’énergie du photon est transmise à un électron qui est expulsé du nuage électronique, production d’un photo-électron Effet de paire : matérialisation de deux particules, un électron et un positon Réaction nucléaire : absorption du photon par le noyau et apparition d’un isotope radioactif
Etape physico-chimique : les électrons produits par les évènements sus cités engendrent des réactions chimiques dans la cellule de façon directe et indirecte Action directe : les molécules excitées se fragmentent, production de radicaux libres R . Ces radicaux libres sont très réactionnels et vont se réassembler entre eux pour créer de nouvelles molécules plus ou moins stables Action indirecte : elle se fait par la radiolyse de l’eau. La molécule d’eau est excitée par ces électrons et donne plusieurs produits : Oxydant : OH Réducteur H et aqueux Ces produits seront absorbés par le milieu qu’ils vont modifier
La lésion de l’ADN La molécule d’ADN peut être lésée par ces deux mécanismes : Altération des bases Altération des sucres Dénaturation de la structure en double hélice Pontages Cassures simples brins (« réparables ») et cassures doubles brins (« irréparables ») Conséquence : modification du programme génétique de la cellule Conséquence sur la cellule : lésions létales : la cellule ne peut plus se diviser et meurt Lésions sub-létales Lésions potentiellement létales : létales si la division cellulaire se produit rapidement
Etape tissulaire Différents types de population cellulaire organisent un tissu Population cellulaire en croissance. Ex : les tumeurs, temps de doublement rapide Population cellulaire en équilibre : nombre de cellules naissantes = nombre de cellules sortantes. Ex : la plupart des tissus sains. cellules souches = entrées (ou « alimentation ») cellules différenciées incapables de se diviser = sortie Après irradiation, successivement Dépeuplement des cellules souches Mort des cellules différenciées Régénération des cellules souches Régénération des cellules différenciées
facteursInfluençants l’efficacité de la radiothérapie ? La radiosensibilité intrinsèque : Tissus à faible capacité de réparation = radiosensibles (tumeurs) Tissus à faible capacité de réparation = radiorésistants (tissus sains) Base de l’effet différentiel tissus sains et tumeurs Facteur temps Dose totale en Gy Étalement Fractionnement Effet oxygène Rôle dans la radiosensibilité Problème du centre des tumeurs hypoxiques Cycle cellulaire Sensibilité : G1 et S Résistance : G2 et M Rôle des CT pour synchroniser ou bloquer les cellules en cycle dans la RT-CT
LES PRINCIPALES TOXICITES DE LA RADIOTHERAPIE
Les différents types de toxicités Les toxicités aiguës Définition : délai inférieur à 6 mois par rapport à la fin du traitement Facteur en cause : étalement +++, fractionnement + Les toxicités tardives Définition : délai supérieur à 6 mois Facteurs en cause : étalement +, fractionnement ++++
Moelle osseuse : toxicité médullaire selon le volume irradié Peau : épidermite, fibrose cutanée VADS : mucite, dysgueusie, agueusie, sécheresse buccale et hyposialie, radionécrose, neuropathie, rétention sinusienne Digestif : nausées, vomissements, dysphagie, odynophagie, candidose oesophagienne, diarrhées, coliques abdominales, malabsorption, saignements liés aux ulcérations, risque de sténose et de syndrome occlusif Foie : insuffisance hépatocellulaire Voies urinaires : insuffisance rénale, sténose urétrale, pollakiurie, hématurie Poumon : dyspnée, toux, fièvre, BOOP, pneumopathie radique : insuffisance respiratoire Cœur : coronaropathie : infarctus, insuffisance cardiaque Gonades : stérilité Autres : encéphale : ralentissement psychomoteur, encéphalite ; oculaire : cataracte ; moelle épinière : myélite ; os : nécrose ; cartilage : troubles de la croissance
ORGANISATION D’UNE CONSULTATION EN CANCEROLOGIE
Première consultation Identité du patient Dossier complet : observation, examens complémentaires, résultat anatomopathologique Prescription Information du patient Information sur le diagnostic = obligation légale Information sur la stratégie thérapeutique : consultation multidisciplinaire Information sur les toxicités Information sur la surveillance
Déroulement d’une séance de radiothérapie Établissement de la carte de radiothérapie Centrage : but, repérage du volume à irradier, repères de position. Durée 1 à 2 heures. Réalisé par le médecin et les manipulatrices Définition et contourage du volume : définition du volume 2D ou 3D par le médecin. Définition de la balistique, étape de dosimétrie, validation de l’étape physique : accord et discussion entre les physiciens et le médecin Traitement 1 séance par jour 5 séances par semaine Durée des séances : 15 mn environ Consultation médicale hebdomadaire Rédaction d’un compte rendu en fin de traitement