« phobies scolaires » Dr Chantal PACCALIN Pédopsychiatre Chef de service Service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent GHR Mulhouse et Sud-Alsace JMHA MARS 2015
Historique d’un concept En 1882 Jules Ferry crée l’obligation de scolarisation des enfants jusqu’à 14 ans Les premières descriptions: Binet en 1887, Heuyer en 1914 Terme « phobie scolaire »: Adelaïde Johnson en 1941
Historique Jusque dans les années 1990: « phobie scolaire » liée à une angoisse de séparation Concept de « refus scolaire anxieux »: plus grande complexité psychopathologique: auteurs comme Ajuriaguerra, Dugas Plus récemment, « refus scolaire » tout court! Ou encore « sd d’inadaptation scolaire »
Définition Absentéisme scolaire total ou partiel De causalité psychique
Epidémiologie Pour les troubles anxieux: 1 à 5 % des enfants scolarisés Survient dans toutes les nations occidentales, ou toutes celles où scolarité obligatoire; publications d’Inde ou encore Vénézuela Filles = garçons À tout âge, mais surtout les années charnières: PSM, GSM, CP, CM2, 6ème, 3ème, 2d
Clinique PSM Tableau physiologique: enfant de 3 ans n’ayant pas encore connu la collectivité: pleurs +++ d’autant plus que d’autres pleurent Dure quelques jours à qq semaines , puis disparait Correspond à une adaptation normale
Clinique PSM Persistance des pleurs à la séparation pendant plusieurs mois Séjour à l’école contaminé par l’anxiété: enfant triste, peu participatif, peu en lien avec les pairs, collant l’adulte et attendant impatiemment le départ À cet âge encore peu de somatisation
Clinique PSM Causalité: Manque de maturité psychoaffective: sera de résolution spontanée Angoisse de séparation marquée, non résolutive Tableaux post-traumatiques
Clinique GSM Pleurs à la séparation Débute souvent déjà à la maison, se poursuit pendant le trajet Possible dès la veille au soir En classe: Soit disparition Soit enfant triste, en retrait tant dans les activités que dans le lien avec les enfants, refusant de manger, attendant le départ
Clinique GSM Somatisations possibles: douleurs abdominales surtout Ne conduisent pas souvent à la déscolarisation Peu de consultation spécialisée: on le retrouve dans les antécédents
Clinique GSM Causalités Angoisse de séparation Angoisse de performance, majorée par l’existence de troubles instrumentaux Troubles anxieux généralisés: appréhension face à l’inconnu, au changement d’école, ….. Tableaux post-traumatiques
Clinique CP Manifestations proches de celles de GSM Globalement moins fréquent qu’en GSM, car rassuré par la réalité du quotidien qui n’est finalement pas insurmontable
Clinique CM2 Prémices: douleurs abdominales, céphalées qui conduiront à l’appel des parents pour chercher l’enfant Fréquence des appels qui augmentent Jusqu’à la crise d’angoisse franche
Clinique CM2 Crise d’angoisse: de l’ordre de l’attaque de panique Pleurs, cris pour ne pas rentrer dans l’école Débute souvent au domicile: lenteur ou opposition à l’habillage, refus alimentaire (« estomac noué ») Conflit pouvant aller jusqu’au pugilat, violence parentale ou de l’enfant, fuite!
Clinique CM2 Si l’enfant parvient jusqu’en classe: Soit il arrive à investir le scolaire: la journée sera bonne Soit tristesse, non investissement de travail scolaire, troubles de la concentration, pauvreté des relations avec les pairs, refus alimentaire, attente de la « libération » du soir Fréquences des manifestations somatiques Les fuites sont possibles: pour rentrer au domicile
Clinique CM2 Tableau maximal le jour de la rentrée après des petites vacances et les lundis Sachant que l’angoisse d’anticipation débute dès la veille au soir: douleurs abdominales, céphalées, troubles du sommeil Les WE, les vacances sont libres de toute symptomatologie, jusqu’à la veille de la reprise scolaire A noter qu’habituellement: bons élèves en terme de performance, enfants non fâchés avec la notion d’apprentissage
Clinique CM2 Clinique des parents: Épuisés, désemparés Oscillant entre colère et désespoir Se sentant très démunis Eux-mêmes anxieux Sachant que leur épuisement va majorer le tableau anxieux de l’enfant Sans oublier les problèmes de garde, d’emploi qui peuvent venir compliquer le tableau
Les années « collège » et « lycée » Plus fréquent en 6ème et 3ème 2de Le tableau est proche de celui du CM2 Il y a moins de violence intrafamiliale: les enfants sont plus grands…. Possibilité plus importante de passage à acte des adolescents: fuite, fugue, auto-agression, tentative de suicide
Les années « collège » et « lycée » Les déscolarisations sont plus fréquentes, plus longues Sinon même tableau: Début par des somatisations: douleurs abdominales, céphalées entrainant de fréquents passages à l’infirmerie et de retours à domicile précipités
Les années « collège » et « lycée » Angoisse d’anticipation les fins de vacances et fins de WE Attaque de panique le jour de scolarisation: au domicile, sur le trajet ou devant l’établissement Déscolarisation plus fréquente après un temps d’absence pour maladie ou des vacances
Les années « collège » et « lycée » Causalités: Il n’y a pas nécessairement des antécédents d’angoisse de séparation, mais cela est possible Angoisse de séparation plus rare Phobie sociale: surtout pour les plus grands Angoisse de performance Trouble anxieux généralisé TOC Tableaux post-traumatiques
Toutes les années Fréquentes mises en causes du système scolaire par l’enfant et les parents: possible mais il faut garder du recul! Tentative de changement d’établissement souvent peu efficace: mais laisser faire Bonne foi des enfants lorsqu’ils disent vouloir y retourner: mais ils seront souvent submergé d’angoisse au dernier moment et ne pourront pas réaliser leur souhait d’y arriver
Toutes les années Auto-aggravation du tableau par usure, épuisement liés à la répétition des crises d’angoisse majeures Avec risque très réel de dépression
Tableaux anxieux ANGOISSE DE SEPARATION Cause la plus fréquente chez les plus jeunes, mais peut survenir à tout âge Angoisse physiologique, maximale entre 12 et 18 mois, puis va s’atténuant jusqu’à 36 mois liée à la biologie, au contexte, aux évènements de vie traversés par la famille
Troubles anxieux ANGOISSE DE PERFORMANCE Peut apparaître même chez des enfants jeunes de GSM Peur de ne pas y arriver; reconnaissable par des discours comme : « je suis nul »; « je peux pas » … Survient notamment chez des enfants très intelligents, précoces et/ou présentant des troubles instrumentaux
Troubles anxieux TROUBLE OBSESSIONNEL COMPULSIF Obligation d’exécuter des rituels associé à des pensées obsédantes Concerne le plus souvent des enfants proche de la fin du primaire Gène à la scolarisation par la lourdeur des rituels, ou car thématique concerne l’école: perfectionnisme majeur, saleté, rangement…..
Troubles anxieux PHOBIE SOCIALE Peur du regard, du jugement des autres Concerne souvent des plus grands, notamment les adolescents Peur qui peut devenir envahissante, sidérante: on préfère fuir le scolaire que de risquer de bafouiller à l’oral!
Troubles anxieux TROUBLE ANXIEUX GENERALISE Enfants qui appréhendent toute nouveauté, tout imprévu Peur pour les proches avec construction de scénarii catastrophes
Troubles anxieux TROUBLE PANIQUE AGORAPHOBIE Proche du TAG Survenue de crises d’angoisse majeures Reconnaissable plus tôt chez les plus grands: peur de la survenue possible d’un malaise inopinée, sans solution de secours Importance de l’angoisse d’anticipation AGORAPHOBIE Peur de la foule: pb dans les grands collèges
Troubles anxieux SD POST-TRAUMATIQUE Troubles anxio-dépressif secondaire à un traumatisme Le trauma peut avoir été extra-scolaire, mais aussi être arrivé dans l’enceinte scolaire Bullying Harcèlement par un enseignant Agression physique ou sexuelle Racket…
Troubles anxieux Sd post-traumatique La difficulté est que l’enfant n’a pas toujours pu dire le trauma: peur de représailles, menaces… L’éradication de la cause ne suffit pas nécessairement à la rescolarisation
Facteurs favorisants Bénéfices directs et immédiats Évitement des situations scolaires spécifiques qui engendrent tb anxieux ou dépressif Fuite de la confrontation sociale et situations d’évaluation Recherche d’attention et de proximité Recherche de renforcement tangibles en dehors du monde scolaire
Facteurs favorisants Facteurs environnementaux Vulnérabilité génétiques aux tb anxieux, dépressifs Difficultés de fonctionnement familial: manque de cohésion, climat conflictuel, isolement, indifférence, manque de communication Investissement parental inadéquat: manque d’investissement ou trop d’investissement (sd de réussite par procuration) Faible acculturation familiale: barrière linguistique, différence culturelle, …. Facteurs contextuels scolaires: plus un établissement est grand, plus il y a risque de climat difficile Facteurs sociaux: pauvreté, exclusion sociales, petits boulots, grossesse précoce
PEC des refus scolaires anxieux Diagnostique le plus précis possible : type d’angoisse sous-jacente, sd dépressif associé Bilan instrumental: QI, recherche des troubles instrumentaux Bilan du fonctionnement familial Eviter la déscolarisation autant que faire se peut: déscolarisation = évitement de la situation anxiogène Le soulagement est tel, que les efforts à fournir pour retourner à l’école peuvent devenir insurmontables
PEC des refus scolaires anxieux S’assurer d’un regard généreux, compréhensif et d’un accueil chaleureux tant de l’enfant que des parents Faire preuve de pédagogie = éducation thérapeutique vers les parents et vers le corps enseignant Ne règle pas tout, mais sans cela, rien ne se fera
PEC des refus scolaires anxieux Pour les attaques de panique à l’entrée de l’établissement: s’assurer d’une aide à l’entrée: sortir du véhicule, laisser partir les parents…. Accepter des aménagements tel que les repas à domicile…
PEC des refus scolaires anxieux Si la déscolarisation est effective: Tenter le changement d’établissement si la famille le souhaite: rarement efficace mais qd même Tenter rescolarisation avec des aménagements: qq heures /j, qq matières….: PAI; principe de l’exposition progressive Aider la famille à récupérer les cours: éviter le sentiment d’indifférence voire de rejet
PEC des refus scolaires anxieux Aider à l’entrée dans l’établissement; éventuellement faire assurer les accompagnements par un tiers plus tôt que par la famille Accompagner les premiers temps scolaires par une plus grande attention à l’égard de l’enfant
PEC des refus scolaires anxieux Les soins spécifiques Psychothérapie individuelle Psychothérapie de groupe Thérapie familiale Médication: anxiolytiques, antidépresseurs
PEC des refus scolaires anxieux Scolarité alternative École type Steiner: à voir ; peu pratiqué en raison du coût Internat CNED
PEC des refus scolaires anxieux Facteur de mauvais pronostic Approche des 16 ans Positionnement parental inadéquat: non compréhension, permissivité, … Mauvaise collaboration de l’établissement Facteurs intercurrents
REFUS SCOLAIRES NON ANXIEUX SYNDROME DEPRESSIF Possible à tout âge Réactionnel ou endogène (trouble bipolaire de l’adolescent) Plus l’enfant est jeune , plus le tableau est atypique
SYNDROME DEPRESSIF CLINIQUE Changement de comportement: retrait ou instabilité Existence d’un facteur déclenchant, mais parfois peu visible, ou tu Facile à diagnostiquer si retrait, tristesse, désinvestissement des relations avec les pairs, des jeux et loisirs, désinvestissement des apprentissages, troubles du sommeil, troubles de l’appétit Plus complexe si ce sont des troubles du comportement qui sont le symptôme de première ligne: instabilité, irritabilité, agressivité, conflits
TROUBLES INSTRUMENTAUX Les « dys », THADA Tous ces troubles interfèrent avec les apprentissages, et les enfants sont en échecs L’échec scolaires génère des troubles anxieux de l’ordre de l’angoisse de performance, de la phobie sociale; fabrique de la dépression
TROUBLES INSTRUMENTAUX en tout état de cause amène à un manque de confiance en soi et à une auto-dévalorisation, si ce n’est une hétéro-dévalorisation….. Tout cela pouvant conduire à un retrait du scolaire
Les handicaps non physiques TSA et retard mentaux de diagnostic tardif Des troubles du comportements ou un comportement trop discret peuvent masquer ou empêcher de penser à de tels troubles Mais la situation d’échec ou les difficultés relationnelles peuvent conduire l’enfant à refuser l’école
TROUBLE DE L’ATTACHEMENT Différentes formes cliniques Elles ont en commun une angoisse d’abandon plus ou moins explicite Selon la forme clinique, les enfants seront instables (insécure ambivalent-résistant), en retrait, hyperautonome (insécure évitant) ou encore présentant des crises de colère particulières (att. désorganisé)
TROUBLE DE L’ATTACHEMENT Dans les formes sévères, les apprentissages sont difficiles en raison d’une situation d’hypervigilance permanente, qui se fait au détriment de l’exploration et donc de la curiosité Ces enfants cumulent le plus souvent un attachement insécure ou pathologique, des conditions de vie peu favorables à de bons apprentissages et conséquemment un échec scolaire
TROUBLE DE L’ATTACHEMENT Le scolaire est donc peu investi car non rassurant et non valorisant La déscolarisation est donc facile, surtout à partir des années collèges
HIKIKOMORI Concept japonnais Concerne plus des jeunes majeurs Retrait complet de toute vie sociale, le plus souvent avec surconsommation d’écrans, inversion du rythme nycthéméral Au Japon: « préventif » d’un possible échec ; en France, secondaire à des difficultés objectives (échec universitaire) Psychopathologie sous-jacente ????
Absence de trouble psy Contexte social au sens large non favorable à la scolarisation Immigration Gens du voyage Précarité Valeurs parentales particulières: instruction à domicile
PEC Selon le diagnostic: associant La clinique L’histoire du trouble Le contexte familial et socio-culturel Le contexte scolaire Individualisé, à la carte, avec le plus souvent des interventions pluridisciplinaires