Douleur(s) et néphrologie quelques généralités Louis Brasseur Hôpital Ambroise Paré 92 Boulogne-Billancourt
Épidémiologie Peu d ’informations concernant la prévalence et l ’intensité de la douleur en milieu néphrologique Multiples causes de douleurs Aiguës (ponctions, douleur postopératoires, coliques néphrétiques, ...) Chroniques (neuropathies, cancer, douleurs osseuses, …) « Intermédiaires » (drépanocytose)
Douleur Mécanismes Facteurs d ’entretien Évaluation Les traitements L ’organisation des soins
Modèle pluridimensionnel de la douleur d ’après Boureau, 1988 Mécanismes Expérience Comportements générateurs subjective observables Sensation Cognition Émotion Moteurs Verbaux Physiologiques Nociceptif Neuropathique Psychogène Facteurs environnementaux Passés / Présents familiaux - sociaux - culturels
L S Central control processes (cognitive control) Sensory-discriminative system (spatio-temporal analysis) Lateral Ascending pathways Medial Motivational-affective system (central intensity monitor) Descending inhibition system Central control processes (cognitive control) Motor mechanisms (action system) Dorsal horn S L D ’après Main, 2000
Douleur : mécanismes Douleur nociceptive : proportionnelle à la stimulation des nocicepteurs «Douleur « normale » quand elle est aiguë : Douleur physiologique A une fonction « protective » Pathologique quand elle est chronique Douleur neuropathique : disproportionnée par rapport à la stimulation du nocicepteur Liée à des phénomènes anormaux au niveau périphérique et/ou central N ’a aucun rôle protecteur / douleur pathologique Douleur idiopathique Douleur psychogène
“excès de nociception” lésion inflammatoire lésion nerveuse Douleurs par “excès de nociception” normal Douleurs physiologiques neuropathiques
Douleur neuropathique MÉCANISMES CENTRAUX MECANISMES PERIPHERIQUES Lésion périphérique - sensibilisation centrale - neuro-plasticité - altération des systèmes de modulation Lésion centrale - décharges ectopiques - sensibilisation des nocicepteurs - excitation croisée - rôle du sympathique Douleur neuropathique
Aspects symptomatiques Une sémiologie particulière La douleur survient dans un territoire neurologique lésé, associée à un déficit de la sensibilité (surtout thermo-algique) dans la zone douloureuse - Le délai d ’apparition après la lésion peut être retardé - Le processus en cause est rarement évolutif sauf : douleurs neuropathiques du cancer, de la SEP, du SIDA - La douleur est souvent associée à des symptômes positifs non douloureux : paresthésies, dysesthésies
Sémiologie des douleurs neuropathiques : douleurs spontanées douleurs provoquées CONTINUES PAROXYS- TIQUES stimulations normalement non nociceptives ALLODYNIE stimulations normalement nociceptives HYPERALGESIE
Aspects symptomatiques de la douleur Une description souvent caractéristique d ’après Boureau et al, 1990 Termes les plus caractéristiques Brulûre Décharges électriques Démangeaisons Fourmillements Picotements Engourdissement
Les métatastases osseuses L ’ostéoprotégérine
Difficulté à appréhender certains mécanismes de douleur chronique douleurs neuropathiques ostéoporose arthroses lombalgies chroniques coup du lapin fibromyalgies ...
Douleur Mécanismes Facteurs d ’entretien Évaluation Les traitements L ’organisation des soins
Facteurs d’entretien Psychologiques Sociaux Culturels
Influence des facteurs socio-culturels Main, 2000 Compréhension du phénomène « douleur » Communication Recherche thérapeutique Réponse aux traitements Développement des stratégies de « coping »
La douleur : le modèle des malades Stimulus Douleur
Douleur Mécanismes Facteurs d ’entretien Évaluation L ’efficacité des traitements L ’organisation des soins
Prévalence de la douleur chez les malades cancéreux en France : résultats Larue et al, BMJ, 1995 n = 605 329 patients douloureux PRÉVALENCE 56% maximum > 5 : 69 % En moyenne > 5 : 53,8 %
< 20 % Pourcentage de malades cancéreux douloureux selon des oncologues et des médecins généralistes Larue et al, Cancer, 1995 < 20 % 50 % des médecins
PAIN WORST RATING - PATIENTS VS PHYSICIANS AVERAGE FOR PATIENTS AND PHYSICIANS PATIENT RATINGS PHYSICIAN RATINGS 8 7 6 5 4 3 2 1
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Nombreux modes de prises en charge Pharmacologiques Psychologiques Méthodes « accessoires » (Tens, acupuncture, …) Méthodes « agressives » Rééducation ...
Principes généraux pour la prise en charge de la douleur chronique Principes généraux pour la prise en charge de la douleur chronique DM Justins, Lancet, 1996 -Adopter un modèle biopsychosocial plutôt que le schéma médical traditionnel de prise en charge d'une maladie -Insister sur la participation du malade dans la prise de décision et la prise en charge -Individualiser le traitement des malades ainsi que chaque type de douleur -Choisir des techniques reconnues -Choisir des approches multimodales pour traiter des problèmes multifactoriels -Utiliser les traitements de façon concomittante plutot que successive -Choisir des approches spécifiques pour les problèmes psychologiques et de rééducation
Prise charge pharmacologique Paracétamol, aspirine et AINS Opioides et tramadol Antidépresseurs Antiépileptiques Kétamine Agonistes a2 adrénergiques Anesthésiques locaux Biphosphonates Autres...
AINS seuls : douleurs d'intensité faible ou moyenne en association aux morphiniques pour les douleurs intenses indications privilégiées les effets secondaires
AINS Questions : les doses l'effet plafond l'absence relative d'efficacité à un produit et le recours à un autre la prévention des effets secondaires digestifs (misoprostol, antagonistes H2, inhibiteurs COX2)
Comparing analgesic efficacy of non-steroidal anti-inflammatory drugs given by different routes in acute and chronic pain : a qualitative systematic review M.R. Tramer, J.E. Williams, P.J. Wiffen, R.A. Moore, H.J. McQuay Acta Anaesth Scand 1998 ; 42 : 71-79
AINS : quelle voie d’administation ? 26 essais, 2225 patients, 8 AINS, voies intraveineuse, intramusculaire, sous-cutanée, rectale ou orale ; comparaisons multiples. Efficacité plus rapide de la voie intraveineuse dans la douleur de la colique néphrétique Pas d’autre supériorité démontrée
Autres analgésiques Propacétamol : 1 g = 500 mg paracétamol index thérapeutique élevé Peu de supériorité de la voie parentérale Eczéma de contact Noramidopyrine Risque imprévisible de choc immuno-allergique gravissime N’est plus un analgésique de première intention
Néfopam (Acupan ®) Analgésique central non morphinique : pas de dépression respiratoire pas de trouble du transit Délai d ’action court : < 15 min après IM 20 mg = 6 à 12 mg de morphine Dose totale 24 h : 120 mg Effets indésirables transitoires : sueurs, tachycardie, nausées, vomissements
Tramadol Action centrale par des mécanismes opioïdes agonistes mu et des mécanismes monoaminergiques Peu de risque de tolérance au long cours Efficacité récemment démontrée dans - douleur neuropathique du diabète (Harati et al, 1998) - Polyneuropathies (Sindrup et al, 1999) Doses : 400 mg/jour Effets indésirables fréquents : ++ nausées, fatigue, bouche sèche, difficultés mictionnelles, sueurs
Opioïdes Douleur aiguë Douleur du cancer Douleur CNC Intensité Mécanismes
Points « clés » en matière de traitement opioïde pour une douleur chronique non cancéreuse Gourlay G, 1999 Médicaments envisagés pour une courte période, dans un premier temps Un seul prescripteur Prescription « en échange » d ’une contre partie par le malade : notion de contrat Pas de formes injectables Prolongation du traitement après analyse des résultats Contrôles éventuels
les morphiniques classification Agonistes Agonistes Partiels Agonistes / Antagonistes morphine buprénorphine pentazocine codeine (dézocine) butorphanol oxycodone nalbuphine hydrocodone dihydrocodeine diamorphine (héroine) oxymorphone péthidine lévorphanol hydromorphone méthadone propoxyphène fentanyl sufentanil alfentanil
Les morphiniques : sélection des malades à essayer chez tous malades présentant une douleur d'intensité moyenne ou forte, quelque soit le mécanisme supposé. douleur somatique et viscérale >> douleur neuropathique douleur intense : recours d'emblée au morphiniques majeurs (voie iv PCA)
facteurs à considérer pour choisir les produits Les morphiniques : facteurs à considérer pour choisir les produits l'âge les considérations pharmacologiques les pathologies et traitements associées la réponse à un autre morphinique
Morphiniques disponibles en France Terminal half-live (h) Equianalgesic Dose (mg) iv, im,/po Dosing Interval (h) Oral Bioavailability (%) Clearance (L/min) Active métabolite Opioid
la voie d'administration Les morphiniques : la voie d'administration non invasives : orale +++ rectale transdermale intranasale sublinguale transmuqueuse invasives : intramusculaire intraveineuse sous cutanée spinales + / - PCA
Concentrations plasmatiques après administration de 10 mg de morphine iv, sous forme orale « immédiate » et orale « retard ».
Prescription au long cours : priorité à la voie orale sauf Troubles de la déglutition Nausées et vomissements non contrôlés Troubles digestifs (transit...) À-Coups douloureux Troubles cognitifs
L ’initiation (« titration ») du traitement La titration doit permettre une adaptation thérapeutique en offrant une analgésie efficace, rapide avec un minimum d’effets secondaires
Courbe concentration-effet Austin 1980 Score de douleur C (g/ml) CMI CME
Voie transdermique Effet en 8 à 12 heures 1/2 vie terminale : 17 heures Système non adaptée pour une titration Durée d’un patch : 3 jours Influence des conditions climatiques
Voie transmuqueuse (Actiq®) Fentanyl Effet rapide mais fugace
Voies parentérales IM, IV, SC Discontinue, continue PCA
Voies spinales
Les produits habituellement utilisés en clinique Morphine Hydromorphone Oxycodone Fentanyl
Morphine : effets secondaires Constipation Nausées et vomissements Sédation Dépression respiratoire Confusion et délire Rétention urinaire Myoclonies, crises convulsives Prurit; histaminolibération, allergie Tolérance Dépendance physique , dépendance psychique
Principes généraux de traitement des douleurs neuropathiques - Prise en charge précoce - Pas d ’AMM pour la douleur neuropathique, à l ’exception de la gabapentine et l ’amitriptyline - Attentes réalistes sur l ’efficacité du traitement : souvent partielle - Tous les produits par vois systémique doivent être titrés jusqu ’à efficacité ou effets indésirables - Le traitement médicamenteux doit s ’inscrire dans une prise en charge globale (incluant la psychothérapie, les TENS…)
Antiépileptiques et principaux mécanismes d ’action Douleurs neuropathiques Antiépileptiques et principaux mécanismes d ’action Mécanismes périphériques Décharges ectopiques Excitation croisée Sensibilisation des nocicepteurs Couplage sympathique-somatique Mécanismes centraux Alteration des systèmes de modulation Sensibilisation centrale Neuroplasticité centrale Médicaments : gabapentine carbamazépine clonazépam lamotrigine ...
Antidépresseurs Mécanismes d ’action Mécanismes périphériques Décharges ectopiques Excitation croisée Sensibilisation des nocicepteurs Couplage sympathique-somatique Mécanismes centraux Alteration des systèmes de modulation Sensibilisation centrale Neuroplasticité centrale Douleurs neuropathiques
Les antidépresseurs en pratique Doses : - tricycliques : 12,5-250 mg (dose moyenne : 75 mg/jour) Pas de corrélations avec les taux plasmatiques Délai d ’efficacité : 5 à 7 jours Nombreux effets indésirables anticholinergiques avec les tricycliques, réduits par : - une titration lente - le recours à des tricycliques plus sélectifs [désipramine (Pertofran®)]
Antidépresseurs et effets sur les symptômes Douleur continue paroxysmes dysesthésies allodynie ? Kishore-Kumar,1990 Max et al, 1987 Max et al, 1992 Sindrup et al, 1990 Watson et al, 1992 Watson et al, 1998 ++ + auto-évaluation
Antiépileptiques et effets sur les symptômes Douleur continue Paroxysmes Allodynie Swerdlow, 1981 (tous) Killian and Fromm, 1968 (CBZ) McCleane, 1999 (iv phenytoine) Attal et al, 1998 (Gabapentine) Verstegaard et al, 2000 (Lamotrigine) + - ++ +++ ? ++ (mécanique) + (froid)
Douleurs aiguës Nombreuses situations : Médicales (colique néphrétiques, etc.) Gestes douloureux (ponctions, etc.) Réponses adaptées à la situation Médicamenteuses Autres (protoxyde d ’azote, application d ’anesthésiques locaux, etc.)
Emla Bjerring P. et al. Br J Anesth, 1990, 64 : 173-177 Mélange lidocaïne - prilocaïne 1 heure d ’application: = 3 mm 2 heures d ’application = 5 mm Durée d ’anesthésie : 1 à 2 heures après le retrait du patch
Protoxyde d ’azote
Antagonistes du récepteur N-Methyl-D-Aspartate (Kétamine) Récepteur NMDA : un des 3 récepteurs pour les AA excitateurs Amplifie et prolonge la réponse aux signaux afférants Limite de la Kétamine : les effets secondaires (cf. distribution NMDAR dans tout les SNC) Autres produits : dextrométorphan, Mémantine (analogue de l ’amantadine) Kétamine : perfusion de 0,1 à 0, 8 mg/kg
Douleur Mécanismes Facteurs d ’entretien Évaluation Les traitements L ’organisation des soins