Chapitre 8 : La politique commerciale stratégique Un secteur théoriquement pacifié… 1979 (Tokyo Round) : « Accord relatif au commerce des aéronefs civils » qui prévoit la suppression de tout obstacle tarifaire ou paratarifaire (droits de douane, subventions…) Mais interventions permanentes des États (à coup de subventions, de procès, etc.) Contentieux Boeing/Airbus L. ABDELMALKI et R. SANDRETTO : Les politiques commerciales des grandes puissances
Chapitre 8 : La politique commerciale stratégique Un secteur théoriquement pacifié… Point de vue de Boeing : Airbus aurait reçu des subventions cachées égales à 9-10 milliards de $ sous forme d’avances réputées « remboursables » pour mise au point des A300 et A310 (livre noir Boeing 1985) et 26 milliards de $ sur 1975-1988 (rapport DOC 1989) Point de vue d’Airbus : Boeing et MDD auraient reçu au total 33-40 milliards de $ sur 1975-1990 (retombées des programmes militaires et NASA + avantages fiscaux) Part américaine des équipements présents dans les avions Airbus : de 32 % de la valeur des avions, 50 % pour les pièces, 500 sous-traitants aux Etats-Unis L. ABDELMALKI et R. SANDRETTO : Les politiques commerciales des grandes puissances
Chapitre 8 : La politique commerciale stratégique Un secteur théoriquement pacifié… Contrat de 179 appareils KC-30, KC-45 A, semblables à l’Airbus A 330, pour une valeur de 35 milliards de dollars produits par EADS emporté par Airbus associé à l’américain Northrop-Grumman. Contrat annulé et finalement attribué à Boeing L. ABDELMALKI et R. SANDRETTO : Les politiques commerciales des grandes puissances
Chapitre 8 : La politique commerciale stratégique Un secteur théoriquement pacifié… Le développement d’un nouveau « segment » (celui les très gros porteurs avec l’A380), tend à intensifier la compétition entre Boeing-Airbus L. ABDELMALKI et R. SANDRETTO : Les politiques commerciales des grandes puissances
Chapitre 8 : La politique commerciale stratégique Pourquoi le "laboratoire" de l’industrie aéronautique ? Œ Importance des économies d’échelle En raison d’un coût financier d’entrée sur le marché très élevé Coût de mise au point de différents modèles d’avion : DC3 (années 30) = 3 millions de dollars DC8 (années 50) = 112 millions de dollars 747 = 1 milliard $ 767 = 1,5 milliard $ 777 = 5 milliards $ A380 = 15 milliards $ Successeur du concorde = 45 milliards Des coûts fixes très élevés de R&D nécessitent d’allonger les séries et d’étendre la part du marché mondial L. ABDELMALKI et R. SANDRETTO : Les politiques commerciales des grandes puissances
Chapitre 8 : La politique commerciale stratégique Pourquoi le "laboratoire" de l’industrie aéronautique ? D’importantes économies d’envergure imposent de couvrir une vaste gamme Ž D’importants effets d’apprentissage (économies d’échelle dynamique) font qu’une aide même temporaire peut avoir des effets durables, ce qui développe des comportements de rent seeking Le marché mondial est étroit. En 2010, Airbus a livré 510 avions, Boeing en a livré 462 Il n’y a pas place pour 3 constructeurs (depuis l’entrée de la COMAC) L. ABDELMALKI et R. SANDRETTO : Les politiques commerciales des grandes puissances
Chapitre 8 : La politique commerciale stratégique Le modèle Tableau 8.1.b : Sans subvention et avec avance technologique de Boeing Tableau 8.1.b : Sans subvention et avec avance technologique de Boeing Tableau 8.1.a : Sans subvention et sans avance technologique préalable Airbus MIN Produit Ne produit pas (-5 ; -5) (100 ; 0) -5 Produit Boeing Ne produit pas (0 ; 100) (0 ; 0) MIN -5 (résultats revenant respectivement à Boeing et à Airbus) L. ABDELMALKI et R. SANDRETTO : Les politiques commerciales des grandes puissances
Chapitre 8 : La politique commerciale stratégique Le modèle Tableau 8.2 : Avec une subvention de 10 milliards accordée à Airbus Airbus > Produit Ne produit pas (-5 ; +5) (-5 ; - 5) (100 ; 0) Produit Boeing Ne produit pas (0 ; 110) (0 ; 100) (0 ; 0) (résultats revenant respectivement à Boeing et à Airbus) L. ABDELMALKI et R. SANDRETTO : Les politiques commerciales des grandes puissances
Chapitre 8 : La politique commerciale stratégique Effets de la subvention Œ La subvention « gomme » l’avantage de l’initiative ou du « trait » (= l’avantage technologique initial de Boeing) Elle confère à Airbus un avantage similaire (celui de la crédibilité) et lui permet de dissuader Boeing Ž Elle renverse donc l’avantage stratégique initial : tout se passe comme si Airbus avait une longueur d’avance alors que c’est Boeing qui est technologiquement le plus avancé L’avance de 10 procure à Airbus un surprofit de 110 (qui pourra donc la rembourser et réaliser un profit net de 100) Aibus (et l’Europe) s’enrichissent au détriment de Boeing (et des Etats-Unis) L. ABDELMALKI et R. SANDRETTO : Les politiques commerciales des grandes puissances
Chapitre 8 : La politique commerciale stratégique Effets de la subvention Conclusion : le soutien stratégique (subvention) permet au pays qui subventionne d’améliorer sa situation (faire mieux que le libre-échange), aux dépens des pays partenaires Question : la protection ne permet-elle pas d’améliorer la situation mondiale ? (-5 ; -5) (100 ; 0) (0 ; 100) (0 ; 0) Produit Ne produit pas Airbus Ne produit pas Boeing Libre-échange (sans avantage technologique préalable de Boeing) Protection (avec subvention d’Airbus) L. ABDELMALKI et R. SANDRETTO : Les politiques commerciales des grandes puissances
Chapitre 8 : La politique commerciale stratégique Essais d'évaluation des effets Œ Baldwin-Krugman (1987) : 2 constructeurs, 1 seul segment Entrée d’Airbus Concurrence accrue Baisse des prix En Europe : Gain pour les passagers Gain pour Airbus Gain pour les compagnies aériennes Perte pour les contribuables Bilan : équilibré ou faiblement négatif Bilan mondial : PERTE Aux USA : Perte pour Boeing/actionnaires Gain pour les passagers - Gain pour les compagnies aériennes Bilan : forte perte Pays tiers : Gain pour les passagers - Gain pour les compagnies aériennes Bilan : Gain L. ABDELMALKI et R. SANDRETTO : Les politiques commerciales des grandes puissances
Chapitre 8 : La politique commerciale stratégique Essais d'évaluation des effets G. KLEPPER (1990) : 2 constructeurs, 3 segments CONCLUSION : Idem, mais perte aggravée pour Boeing (en raison des pertes d’économies d’envergure entre les 3 segments) DONC : Perte américaine et perte mondiale plus importantes L. ABDELMALKI et R. SANDRETTO : Les politiques commerciales des grandes puissances
Chapitre 8 : La politique commerciale stratégique Essais d'évaluation des effets Ž David NEVEN et Paul SEABRIGHT (1995) : 3 concurrents et 4 segments Passage de 2 à 3 plutôt que 1 à 2 Moindre baisse de prix Moindres gains pour les passagers Moindres gains pour les compagnies aériennes Moindres gains pour les pays tiers Moindre baisse des profits dans l’industrie Moindres pertes pour Boeing Gains pour Airbus plus importants Moindre perte pour les USA Gain pour l’Europe Perte mondiale moins importante L. ABDELMALKI et R. SANDRETTO : Les politiques commerciales des grandes puissances
Chapitre 8 : La politique commerciale stratégique Impact de l'entrée d'Airbus sur la compétition : le 'Starfish Effect' La complexité commence quand on passe de 2 à 3 Selon Neven et Seabright : Œ L’entrée d’Airbus a modifié la concurrence entre Boeing et MDD. Mais elle a produit une pression concurrentielle plus forte sur Boeing que sur MDD Elle a accru le coût de fabrication du B777 (perte d’économies d’échelles statiques et dynamiques + pertes d’économies d’envergure) Ž Elle a réduit l’intensité de la compétition entre Boeing et MDD (sur le segment des LRWB) + Ž ð Elle a permis à MDD de développer son gros-porteur MD11 = ‘Starfish Effect’ (PAINE) L. ABDELMALKI et R. SANDRETTO : Les politiques commerciales des grandes puissances
Chapitre 8 : La politique commerciale stratégique Le 'Starfish Effect' Étoile de mer (prédateur) = Airbus Espèce-proie la plus dynamique = Boeing Espèce-proie la moins dynamique = MDD L. ABDELMALKI et R. SANDRETTO : Les politiques commerciales des grandes puissances
Chapitre 8 : La politique commerciale stratégique Le coût de l'erreur Tableau 8.3 : Avantage technologique initial de Boeing (sans subvention pour Airbus) Airbus Produit Ne produit pas (+1 ; + 5) (-5 ; -5) (100 ; 0) Produit Boeing Ne produit pas (0 ; 100) (0 ; 0) (résultats revenant respectivement à Boeing et à Airbus) L. ABDELMALKI et R. SANDRETTO : Les politiques commerciales des grandes puissances
Chapitre 8 : La politique commerciale stratégique Le coût de l'erreur Tableau 8.4 : Avantage technologique initial de Boeing (avec une subvention de 10 reçue par Airbus) Airbus Produit Ne produit pas (+1 ; +5) (100 ; 0) Produit Boeing Ne produit pas (0 ; 110) (0 ; 0) La subvention reçue par Airbus ne dissuade pas Boeing de produire L. ABDELMALKI et R. SANDRETTO : Les politiques commerciales des grandes puissances
Chapitre 8 : La politique commerciale stratégique Conclusion de Krugman : le libre-échange n'est plus ce qu'il était... En théorie, la PCS peut être (nationalement) supérieure au libre-échange Cependant, le libre-échange n’est pas « dépassé » Il n’est plus ce qu’il était : Il n’est plus l’optimum absolu (first best) Il est le second best : - la moins mauvaise des solutions praticables - la solution la moins risquée, la moins dangereuse - les bénéfices potentiels de la PCS par rapport au libre-échange sont modestes et trop aléatoires pour qu’on puisse la conseiller L. ABDELMALKI et R. SANDRETTO : Les politiques commerciales des grandes puissances
Chapitre 8 : La politique commerciale stratégique Une politique (trop) risquée L’effondrement du commerce international consécutif à l’instauration du tarif Hawley-Smoot Janvier Février Décembre 1929 1930 1931 Novembre Mars 1932 Valeurs mensuelles des importations de 75 pays (en milliards de dollars-or) 1933 Octobre Avril Mai Septembre Source : SDN Août Juin Juillet L. ABDELMALKI et R. SANDRETTO : Les politiques commerciales des grandes puissances