Alimentation de l’enfant prématuré Dr Florence MASSON
INTRODUCTION NN à terme : pas de pb nutritionnel Alimentation lactée exclusive pendant les premiers mois de vie Couvre presque tous les besoins nutritionnels Lait maternel ou lait « maternisés » Prématurés : 1 à 3 mois d’hospitalisation Sortie vers 36SA
ENFANT A TERME (1) Lait maternel : Le plus adapté à la physiologie Adapté quantitativement et qualitativement Apports variés : Nutriments: protéines, lipides, glucides/oligosaccharides Facteurs immunologiques Facteurs de croissance, enzymes,… Crée un bon lien mère-enfant
ENFANT A TERME (2) Rares contre-indications au lait maternel Laits pour nourrissons divers et variés Composition réglementée Variations modérées dans les apports de nutriments Quantité et intervalle adaptés au poids et au rythme de l’enfant (règle d’Appert : 10% du poids + 250ml / nb de ration)
ENFANT PREMATURE Immaturité digestive intestinale Besoins du prématuré particuliers Alimentation variable en fonction De l’âge gestationnel de l’enfant De son état clinique De ses besoins spécifiques Alimentation: parentérale / entérale
Objectifs Court et moyen terme Long terme Bonne tolérance : éviter ECUN Alimentation parentérale courte Éléments nutritifs en quantité suffisante Croissance de rattrapage (Quanti /qualitatif) Défense contre les infections (nutr°-immunité) Long terme Croissance Développement neurosensoriel
Balance bénéfice-risque Alimentation entérale Assez vite = atteindre une ration suffisante pour se passer de la nutrition parentérale risque infection Assez lentement = assurer une bonne tolérance du lait par un intestin immature risque d’ECUN
Objectifs de croissance Quantitatif : 18 à 20g/kg/j Qualitatif Composition des nouveaux tissus constitués
Alimentation parentérale Matériel Cathéter (polyuréthane, silicone) Ligne de perfusion, filtre Pompe : débit constant Poche : préparation en unité stérile Voie d’administration VVC : KT Veineux Ombilical, KT Epicuténéo-Cave VVP : Attention! OSMOLARITE < 800 mosm/l Composition Soluté d’attente : binaire (prot/glc) +/- lipides en dérivation Poche nutritionnelle : binaire ou tertiaire Surveillance - Complications
Apports hydriques = besoins en eau Début: 70 à 80 ml/kg/j fonction du PN et de l’état clinique (DR) Augmentation : 10 ml/kg/j 20ml/kg/j si perte de poids > 10% du PN + 10 ml/kg/j si photothérapie (hors incubateur) Objectif : 160 ml/kg/j 180 ml/kg/j si RCIU/mauvaise croissance Restriction hydrique : 140 si DBP / 120 si PCA Apports nécessaires pour couvrir : Besoins en eau (15 ml/kg/j) Pertes rénales Pertes extra-rénales Pertes insensibles : f° de AG, APN, humidité, photothérapie… Pertes dans les selles, les aspirations gastriques…
Besoins en énergie Objectif : 120 à 130 kcal/kg/j Augmentés à 150 kcal/kg/j si RCIU, mauvaise croissance si catabolisme +++ : infections, DBP Gain pondéral moyen de 18 à 20 g/kg/j Comment ? Glucides : 1g = 3.7 kcal Lipides : 1g = 9 kcal Rapport protido-calorique : 3 à 4 g de protéines/100kcal
Besoins en glucides (hydrates de carbone) Début : 7 à 8 g/kg/j dès J1 Augmentation : 2g/kg/j Objectif : 18g/kg/j (20 si pas de lipides) Surveillance tolérance ++ Comment? Dextro 3h après branchement perfusion (0.5-1.4g/l) Glycosurie si dextro > 1.4g/l Risque: Hypoglycémie : défaut d’apports augmentation Hyperglycémie : excès d’apports diminution (minimum 6 g/kg/j) défaut d’utilisation : Insuline défaut de protéines
Besoins en lipides Début : 0.5 g/kg/j à partir du 3e-4e jour En l’absence de phénomène inflammatoire (CRP<30mg/l) Possible sur VVP (en dérivation si perfusion d’attente ou dans la poche nutritionnelle) Supplémentation en Carnithine (8mg/kg/j) Augmentation : 0.5 g/kg/j Objectif : 2g/kg/j Surveillance tolérance Clairance des lipides réduites chez les prématurés éviter si atteinte hépatique, sepsis sévère Dextro 3h après branchement perfusion (0.5-1.4g/l) Triglycérides plasmatiques
Besoins en protéines Début : dès J1, entre 1 et 2g/kg/j 1g/kg/j si > 1500g 1.5g/kg/j si 1000-1500g 2 g/kg/j si < 1000g Augmentation : 0.5 g/kg/j Objectif : 3.5 à 4g/kg/j (2.5 à 3g/kg/j si NNAT) Surveillance : POIDS et Urée sanguine Si apport excessif par rapport aux capacités métaboliques : acidose ( RA) et urée sanguine Si apport insuffisant : gain pondéral insuffisant Urée ↗ , croissance insuffisante : ↗ calories Urée ↗ (> 11), croissance normale : ↘ apport protéique Urée ↘ (<3), croissance insuffisante : ↗ apport protéique. Rapport protido-calorique
Besoins en calcium et en phosphore 40 à 60 mg/kg/j (30 pour NNAT) Objectif: Calcémie 2 à 2.5 mmol/l Calciurie : Ca+U/créat U < 2 Phosphore 35 à 45 mg/kg/j (35 pour NNAT) Objectif : Phosphorémie 1.8 à 2 mmol/l
Besoins en électrolytes Sodium : 2 à 4 mmol/kg/j Besoins en sodium faibles les 1ers jours (perte d’eau et concentration du secteur extra-cellulaire) des besoins dans la 1ère semaine dus à l’immaturité rénale (fuite de sodium) jusqu’à 34SA Objectif: Natrémie 135 à 145 mmol/l Natriurèse de sécurité 10 à 20 mmol/l Clinique : prise de poids insuffisant ou excessive/oedèmes Potassium : 1 à 2 mmol/kg/j A démarrer quand diurèse en place Objectif: kaliémie 3.5 à 4.5 mmol/l
Besoins en vitamines et oligoéléments Vitamines variées : Soluté multivitaminique Vitamines A,D,E,C, Vitamines B1,B2,B3,B5,B6,B9 Vitamine B12 = acide folique Ex: Cernevit* Vitamine K 2 mg à la naissance 2 mg/semaine Oligoélément Zinc, Manganèse, Cuivre, … Fer : très faibles quantités dans préparations IV donc per os dès que alimentation entérale bien tolérée
Complications de l’alimentation parentérale Technique Infections Mauvaises positions du KT Thromboses veineuses Obstruction du KT (contrôle des pressions) Liées à la composition (cf) Effets digestifs de l’alimentation parentérale totale Atrophie intestinale Altération de l’intégrité de la muqueuse intestinale Réduction des fonctions de digestion et d’absorption Alimentation entérale à démarrer le plus précocément possible
Arrêt de l’alimentation parentérale Arrêt quand apports entéraux suffisants pour couvrir les besoins 100 ml/kg/j si eutrophe et >1200g 120 ml/kg/j si RCIU ou <1200g LM supplémenté à 3 ou 4% d’éoprotine Diminution progressive des apports en sucres et en graisses 4 à 5 jours avant
Alimentation entérale Nombreux protocoles de services différents Sonde Nasogastrique Orogastrique Gavage Gastrique Duodénal Continu 3h/3 Discontinu : tulipe, 30’/3h, 1/3h, 2/3h, 2h30/3h Attitudes variés selon les centres Pas de consensus Peu de données scientifiquement établies Ce qui marche ici, ne marche pas là Effets démontrés des protocoles de services sur la qualité des soins SUIVRE LES PROTOCOLES DE SERVICES +++
Alimentation entérale Tolérance digestive Immaturité intestinale Œsophage Déglutition de LA à partir de 16SA et terme Développement normal du tube digestif Faible tonus du sphincter inférieur de l’œsophage Prévention du RGO Vidange gastrique Lente chez les prématurés Retardée par l’alimentation par SG Motricité intestinale +++ Maturation de la motricité tardive : 32-34 SA Réponse coordonnée adaptée à l’alimentation
Prise en charge du RGO
Vidange gastrique
Nutrition trophique Concept Alimentation précoce (J1-J8) Non nutritive : 12 à 24ml/kg/j Efficacité : Xples effets bénéfiques cliniques durée nutrition parentérale (-12j) durée d’hospitalisation (-22j) temps de transit des infections Mécanisme : Induit une maturation précoce de la motricité intestinale +++ Effets possibles sur l’atrophie intestinale et sur la maturation des fonctions d’absorption et de digestion Innocuité : pas d’ du risque d’ECUN
Alimentation entérale QUAND? Début : évaluation individuelle Le plus tôt possible Stabilité clinique : respiratoire et hémodynamique Fonction protocole relatif au poids Augmentation : rythme individualisé Fonction du poids / protocole de service Attention! > 25-30ml/kg/j risque ECUN Objectif : ration complète 160 ml/kg/j, 180 ml/kg/j si RCIU ou faible gain pondéral CROISSANCE 18 à 20g/kg/j
Alimentation entérale COMMENT? Sonde gastrique oral ou nasal jusqu’à 32-34 SA Puis évaluation régulière de la capacité à téter, stimulation de la tétée (biberon / DAL, tasse, seringue, sein) Attention! position SG à contrôler régulièrement (++ si malaises, régurgitations lors des gavages) NB: sonde jéjunale : abs lipides, mortalité Rythme Continu 3h/3 = DGC jusqu’à 1200g / si mauvaise tolérance Discontinu = DGD (2/3h, 1/3h, 30’/3h, tulipe) Succion non nutritive = sucette au moment des gavages ++ quand DGD courte Meilleur développement succion et transition vers tétée
Alimentation entérale SURVEILLANCE Vomissements, régurgitations Examen abdominal : Distension abdominale, rapide du PO (>2cm) Circulation collatérale, visibilité des anses Mobilité et coloration de l’abdomen DOULEUR / SENSIBILITE à la palpation Selles : nombre, consistance, SANG Tolérance respiratoire et générale : SaO2 et FC per et postprandial DéSaO2, BC, apnées ? Résidus gastriques
Surveillance des Résidus Gastriques Avant chaque repas en DGD ou /8h en DGC Si >20% du repas précédent ou sales/bilieux/sanglants Avis médical obligatoire En fonction des RG et de l’examen clinique : +/- réalisation d’un ASP Continuer sans déduire quantité de résidus Sauter un repas Arrêter l’alimentation TOUTE SUPPRESSION D’UN REPAS RELEVE D’UNE PRESCRIPTION MEDICALE NB: Nécessité d’un compensation hydrique si saute plus d’un repas
Alimentation entérale QUEL LAIT? Lait maternel +++ Tous les prématurés <1500g/<32SA + Si possible, >1500g jusqu’à 100ml/kg/j Toujours ENTIER (= non dilué) Non enrichi jusqu’à 70ml/kg/j (complément IV) Enrichi progressivement avec Eoprotine* de 1% à 3 ou 4%, +1%/j ou /48h en fonction tolérance Contient des protéines de LV et osmolarité Poolé puis personnalisé si AM, pasteurisé Jusqu’à 1500g quelque soit le désir d’AM Don de lait cru soumis à précaution ++, après 32 ou 34SA selon les services
Autres suppléments possibles Adapter à la croissance Si gain pondéral insuffisant Urée sanguine <2mmol/l protéines Protéine Instant* 1 à 2g/kg/j >2mmol/l calories Lipides: 1 puis 2% Emulsion lipidique Liquigen* (1ml=0,5g lip)(2ou4ml/100ml de lait) Solution lipidique Liprocil* (1ml=1g lip)(1ou2ml/100ml de lait) Glucides : Dextrine Maltose* 1 à 3% Natrémie (<135) et natriurèse (<10) 2 à 4 mmol/kg/j de sodium (NaCl 10 ou20%) réparti dans les rations de lait
Alimentation entérale Conduite de l’alimentation
Allaitement artificiel Préparations à base de LV pour prématurés Adaptés aux besoins nutritionnels et aux capacités métaboliques des prématurés Composition différente selon les fabricants ≠ préparations pour nourrissons (lait 1er âge) énergie, protéines, minéraux, calcium, vitamines Composition lipidiques proche du LM (AGPI) Remarque: Hydrolysat (Prégestimil,Nutramigen…) Non adapté aux prématurés, composition ≈ LA1 Uniquement si tableau évocateur d’IPLV, pour reprise alimentation si pas de LM Durée la plus brève possibles Utilisation des plus hydrolysés
Alimentation entérale Suppléments nutritionnels
En pratique Alimentation entérale dès que possible Par lait maternel si < 1500 g Augmentation progressive des apports Complément parentéral initial souvent nécessaire (< 1900g) Par sonde gastrique en débit continu ou discontinu ou tétée Mise au sein dès que possible : 33-34 SA
A la sortie des services En pratique A la sortie des services Restriction de croissance postnatale +++ enfants de PN < 1500g 40 à 50% <-2DS à la sortie ≈ 20% des eutrophes à la naissance <-2DS à la S Alimentation spécifique jusqu’à terme théorique + 1mois (3.5 à 4kg) Sein exclusif ALD (compensent par prise quantités++) Si LM au biberon : supplémentation (2000-2300g) Si AA : « Prélait » jusqu’à 3,5 kg au moins
CONCLUSION Alimentation du prématuré est Privilégier lait maternel +++ À débuter dès que possible A augmenter dès que possible A surveiller Privilégier lait maternel +++ Chaque centre a ses habitudes de prescription
Intérêt de l’allaitement maternel Lait de mère Allaitement Maternel Diminution du risque d’ECUN Renforcement du lien mère-enfant Acide Gras PolyInsaturés (AGPI) Flore intestinale