L’État laïque et les enjeux relatifs au pluralisme religieux MÉTROPOLIS / Ottawa / 23 septembre 2009 Micheline Milot, Ph.D. milot.micheline@uqam.ca
PLAN Une gouvernance laïque? La religion dans la sphère publique Caractéristiques générales Caractéristiques canadiennes La religion dans la sphère publique Problématiques actuelles de la diversité religieuse Sujets à débats Les politiques publiques: enjeux de la reconnaissance
1. Une gouvernance laïque? Associations fréquentes: modèle français religion confinée à la vie privée les individus doivent être laïques comme les institutions
Quatre principes de la laïcité Deux principes de droit: Liberté de conscience et de religion Égalité / non discrimination Deux moyens pour les appliquer: La neutralité de l’État La séparation de l’État et des confessions
Finalités recherchées historiquement Paix sociale Fin des discriminations systématiques Pas de citoyenEs de seconde classe Être différentE sans être ostraciséE
Liberté de conscience et de religion Droit de croire à ce que l’on veut Droit de manifester sa croyance ou son incroyance Droit de changer de religion, de n’appartenir à aucune Sans crainte d’empêchement ou de représailles
Conséquences de la liberté de conscience Reconnaissance de différentes façons de concevoir la vie bonne dans une société qui accepte le pluralisme Empêche de récuser autrui sur la base de ses convictions Dans une société libre et démocratique, on ne croit pas comme les autres veulent que l’on croit
L’égalité Entre les personnes, croyantes et incroyantes Entre les traditions religieuses Entre les femmes et les hommes Les droits politiques indépendants des appartenance religieuse ou à son abdication Ne signifie pas l’uniformité Un traitement identique peut être inéquitable
Neutralité de l’État: deux aspects L’État ne favorise ni de défavorise aucune conception de la vie bonne (croyante ou non): liée à dignité morale de la personne L’État s’abstient de juger ce qu’est une croyance «normale» ou «acceptable»: l’État n’a pas de compétences théologiques Limites: l’atteinte réelle aux droits d’autrui, la sécurité, l’ordre public, l’intégrité physique.
À quoi s’applique la neutralité? La définition des politiques et des lois Les réglementations institutionnelles Respect d’autrui dans sa différence Respect des droits et libertés garantis L’impartialité des décisions ou du service rendus par unE fonctionnaire
Séparation entre l’État et les Églises Nécessaire pour assurer la neutralité Indépendance réciproque de l’État et des confessions L’ordre politique est libre d’élaborer des normes collectives dans l’intérêt général La religion prend place dans le droit commun, comme toute autre association
Le Canada Importance de la liberté de conscience et de l’égalité Impose la neutralité de l’État pas de religion d’État au Canada Le préambule de la Constitution («la Suprématie de Dieu») : pas de portée significative = laïcité implicite La laïcité n’atteint pas toutes les institutions et tous les aspects de la régulation politique de manière uniforme et simultanée : il peut y avoir laïcisation du droit avant laïcisation de l’éducation ou vice-versa. Le relativisme culturel est souvent un posture condescendante…
2. La religion dans la sphère publique Visibilité «nouvelle» Intégrée dans les institutions communes (et non institutions séparées) Conceptions différentes : vie privée / vie publique Conceptions parfois plus communautaires qu’individualistes de la culture
Accommodements raisonnables Compatibles avec la neutralité de l’État Ne vise pas à changer le fonctionnement général des institutions Corriger les discriminations indirectes Ou ne pas entraver la liberté de conscience et de religion
Expression publique de l’appartenance religieuse. Débats Crainte communautarisme au détriment de l’intégration Supposé refus de partage des valeurs communes Risques de reculs des acquis et d’imposition de valeurs archaïques (égalité F-H) Conséquences de l’interdiction d’exprimer son appartenance religieuse
Menace pour l’intégration? Processus de généralisation d’un croyant à une communauté présumée fermée Présomption que l’individu est traversée entièrement par les normes du groupe auquel il est identifié
Argument inversé L’acceptation de l’expression publique de l’appartenance religieuse peut éviter le repli dans une communauté fermée qui se radicalise en réaction au manque de reconnaissance.
Religion = valeurs communes? On présume une emprise totalisante et englobante du religieux, mais: La personne hiérarchise autrement les valeurs religieuses que la majorité sécularisée Elle ne renie pas les valeurs «modernes» (hormis de rares exceptions) L’identité est multiple, puise à différentes valeurs
Acquis démocratiques et juridiques: dangers? Généralement, l’expression religieuse se vit selon des modalités modernes: Sélection, distanciation de certaines normes Diversité interne à chaque tradition Orientation personnelle et non volonté politique d’imposer les mêmes normes à toute la société
Signes religieux chez les fonctionnaires Visée: ne pas exclure des institutions communes Ne pas devoir choisir entre son appartenance religieuse et un emploi Présomption d’impartialité
Facteurs limitatifs Ne pas compromettre l’efficacité, la sécurité et les droits d’autrui Ces trois facteurs = évaluation de la contrainte excessive en accommodement raisonnable
L’égalité F-H en danger? Le droit interdit un traitement inégal selon le genre L’égalité F-H n’est pas a priori compromise par l’expression individuelle de l’appartenance religieuse Le patriarcat religieux existe, l’État ne doit pas s’y substituer Renforcer l’éducation aux droits
L’égalité concrète L’égalité de statut politique et juridique des citoyennes L’égalité des ressources pour la conduite de sa vie L’égalité des chances (travail, éducation, justice, soins, logement)
3. Éléments à prendre en considération Distinguer les principes fondamentaux qui concrétisent l’égalité versus ce qui est accessoire Entrecroisement de diverses formes d’inégalité (économiques, populations stigmatisées, etc.) Évaluer les risques du sentiment de rejet Aménagements qui ne font pas de tort à autrui
L’interdiction d’exprimer son appartenance religieuse Procède par l’exclusion sociale Mécanisme de discrimination, racisation Seules certaines religions comportent des prescriptions alimentaires ou vestimentaires Oblige à un renoncement (sa foi ou son insertion sociale) Homogénéité = gage illusoire d’une unité
Visées Viser l’intégration plus que l’uniformité. Rester vigilant pour éviter la discrimination. Les mécanismes pour combattre la discrimination sont les plus urgents face à la diversité. Etre conscient du poids des coutumes majoritaires et de leurs effets négatifs.