Analyse économique du droit de la concurrence le 24 janvier 2006

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Transcription de la présentation:

Analyse économique du droit de la concurrence le 24 janvier 2006 Problématique Structures typiques de concurrence imparfaite Droit de la concurrence: principes généraux et nécessité pratique du bilan économique

Problématique (1/4) Le marché: peut s’interpréter comme un mécanisme de coordination des transactions (approprié pour les biens «standards», cf. cours contrats) Objectif du droit de la concurrence: Efficacité économique: max. surplus social = optimum de Pareto (efficacité statique) & encouragement à l’innovation (efficacité dynamique) Politique: Intégration des marchés, création de champions européens Moyen: organiser le jeu rivalité/coopération entre entreprises Une référence implicite: le marché de la concurrence parfaite où le jeu des prix (correspondant parfaitement aux coûts) est supposé aboutir à ce que toute la demande économiquement justifiée soit satisfaite au moindre coût Un résultat théorique, le théorème du bien être: cas particulier du théorème de Coase (transactions par les prix) un système marchand où s’exerce librement la concurrence, de producteur à producteur et de consommateur à consommateur, aboutit à équilibre correspondant à un optimum économique (coût de production minimum pour une utilité de consommation maximum)

le marché parfait SC  Consentement à payer (prix max. offert); Coût marginal de production Offre SC P*  demande q* Quantité du bien P*: prix d’équilibre q*: offre & demande d’équilibre = niveau optimal de production Sc: surplus des consommateurs  : surplus (profit) des producteurs Sc +  : surplus social

Les conditions Pas de manipulation des prix (considérés comme exogènes): agents «atomiques» Libre entrée/sortie Pas d’effet externes (ex.: pollution), ni de biens non rivaux (savoir technologique, télévision, signalisation routière ou maritime, défense nationale, …) Pas de rendements d’échelle (rendements décroissants) Marchés complets (transactions à terme et assurances) Redistribution éventuelle supposée réalisée par ailleurs

Caractérisation plus générale de l’optimum économique Cas standard: p = Cm Si rendements d’échelles élevés: Taille optimale réglementée (gestion publique) p = Cm Mais possibilité de déséquilibre budgétaire (coût fixe) à couvrir par ailleurs Bien à usage non rival : i pi = Cm (ex: télévision)

Questions/difficultés Caractérisation des comportements néfastes? Comment détecter les comportements non concurrentiels? Quelle est le bon niveau de concentration en présence de rendements d’échelle? Où commence l’anormalité des bénéfices en présence de coûts fixes (ex: R&D) significatifs? Rôle des lois du point de vue de l’analyse économique ? Limiter les concentrations nécessairement créatrices de pouvoirs de marché (Approche « structuraliste ») Laisser le marché s’organiser efficacement; le libre jeu de la concurrence ne suffit-il pas à sanctionner lui-même les éventuelles rentes de situation - capacité d’auto-régulation? (Ecole de Chicago) Controverse Microsoft: procès injuste d’une firme efficace ou juste sanction d’un abus? Bonne frontière public /privé ? (arbitrage défaillance de marché versus défaillance de management)

Structures typiques de concurrence imparfaite (1/4) L’unité d’analyse, le marché pertinent: Périmètre d’offre/demande de biens ou services substituables Notion technique et économique (coût de transport) Le monopole: Un producteur unique (rendements d’échelles, barrières technologiques à l’entrée) Tient compte de son influence sur les prix: p=D(q) Rationne la production pour faire monter les prix (pouvoir de marché): taux de marge (indice de Lerner) = (Pmo – Cm)/Pmo = 1/ , où  : élasticité-prix de la demande Ne permet pas la maximisation du surplus social N’est pas suffisamment incité à l’innovation Peut tenter de discriminer les consommateurs (Poste Belge, 2001)

Structures typiques de concurrence imparfaite (2/4) L’oligopole: Un certain nombre de producteurs fabriquant un produit identique (ex.: sidérurgie, chimie, ciment,..) se font concurrence par les prix (CT, sur-capacités transitoires) ou quantités (LT, investissements) Un seul prix de marché: p=D(i qi) A l’équilibre (LT), les taux de marge (L) dépendent notamment des différentiels de compétitivité, des parts de marché: (P – Cjm)/P = j/, avec j: part de marché de j (P – <Cm>)/P = 1/N, avec N: nombre de firmes Incitation à l’innovation ambiguë: Amortissement sur un marché restreint (-) Perspective d’augmentation de la part de marché (+)

Structures typiques de concurrence imparfaite (3/4) La concurrence monopolistique: Un grand nombre de producteurs fabriquant des produits substituables (ex: auto., Hifi, électroménagers, lessive…) se font concurrence par prix & qualité Plusieurs prix de marché: pi=D(qi, p-i) avec p-i: prix des autres producteurs Taux de marge: fonction des différentiels de compétitivité & parts de marché Différenciation excessive (ex., lessives): déséconomies d’échelle Avantage/inconvénient du nombre d’acteurs? Innovation: idem. oligopole

Structures typiques de concurrence imparfaite (4/4): les ententes Les ententes horizontales (cartels: ciment, zinc, phosphates, vit., etc.): Visent à augmenter et partager les profits globaux (max. profit = situation de monopole) Peuvent être Formalisées: Barème de prix (ex. ordre des avocats sanctionné en France) « Système des points de base » (indexation sur un indicateur de référence, plus souple) Répartition géographique des marchés Boycott collectif (Optical center, 2002, Lyon) quotas Peuvent être Tacites: Parallélisme des comportements (tarification) Ex: industrie pharmaceutique, sucre, papier Difficile à prouver Durée de vie: 3 à 8 ans (Cartel Vit., env. 10 ans) Les ententes verticales (accords de distribution): Prix max: gestion de la double marge Prix min: garantie de qualité de service Exclusivité/ fournisseur ou localisation: pouvoir de marché

Synthèse de la littérature: des conclusions nuancées Facteurs propices aux Pouvoirs de Marché (barrières à l’entrée): Économies d’échelles (taille critique élevée/marché) Produits différentiés (marchés captifs, surtout biens de consommation) Contrôle d’inputs critiques en aval (avantages comparatifs) Impacts négatifs: Rationnement et sur-tarification Faible innovation Nuances: Absence de concurrent ne vaut pas absence de menace (marché contestable: limitation aux PM) Le dumping n’est pas viable à LT La concentration peut être simplement le résultat de la compétitivité Les fusions présentent des avantages pouvant dépasser leurs inconvénients Certaines ententes horizontales (ex: accords R&D) et verticales (ex: prix min pour maintenir la qualité) peuvent se justifier Nécessité d’une rente (temporaire) pour alimenter le moteur de l’innovation (cf. brevets) Instabilité structurelle des cartels: auto-régulation du marché

Droit de la concurrence Historique: un développement récent et convergent Etats-Unis: Sherman Act (1890): ententes et abus de position dominante (Standard Oil Trust, cartel du sucre, du whisky,…) Clayton Act (1914): concentrations (substitut aux ententes) France: Décret du 9 août 1953: Commission Technique des Ententes: consultatif, bilan économique Ordonnance du 1er déc. 1986: Conseil de la concurrence: indépendant, pouvoir de décision en matière d’ententes et d’abus de position dominante 15 mai 2001: Loi NRE: contrôle obligatoire des concentrations (mais décision MF), renforcement des sanctions Europe: 1953: traité de la CECA: ententes et abus de position dominante (charbon & acier) 1957: traité de Rome, Chap. 1, Titre IV « règles communes sur la concurrence, la fiscalité et le rapprochement des législations »: Art.81: ententes Art.82: abus de position dominantes Art.87 et 88: aides d’Etat 1989: contrôle des concentrations (prévention) 2004: (livre vert) nouveau règlement/concentrations et application art. 81 et 82

Les instruments: principes Répression des comportements jugés a priori déloyaux vis à vis des concurrents, partenaires: Restrictions caractérisées de concurrence: Interdiction de la revente à perte (Darty, 1992) Interdiction des prix minima de revente imposés Interdiction des discriminations entre profressionnels Interdiction de l’abus de la relation de dépendance, etc. Contrôle et Répression des comportements potentiellement néfastes au marché: Ententes (fixation prix achat/vente; limitation production, débouchés, innovation, discriminations partenaires) Abus de position dominante (idem.) Prévention, le contrôle des concentrations: Europe: (1) acceptation; (2) remèdes structurels et comportementaux; (3) interdiction NRE (L.430-6): Conseil de la concurrence examine le risque d’atteinte à la concurrence; bilan inconvénients/avantages économiques

Les instruments: une pratique prudente conforme à l’analyse économique Nécessité d’une approche «lourde» au cas par cas (sauf pratiques restrictives caractérisées): Ententes autorisées (justifiables) si bénéfice économique suffisant (production, distribution, innovation) et équitablement réparti (L. 420-4; Art. 81, §3) Prouver que la position dominante est préjudiciable au-delà des gains économiques éventuels (L. 420-4) Évaluation difficile, la nécessité d’un bilan économique: Procédures longues et coûteuses (+ de 2 ans) Estimation des pouvoirs de marché et de leurs impacts Estimation des éventuels avantages économiques «Règle de raison»: tenir compte du type (accord R&D vs Prix) et de la gravité du problème (accords verticaux jugés moins nocifs) Efficacité «dissuasive» des politiques: Rechercher un bon équilibre entre efforts de détection (coût d’un dossier au conseil de la concurrence: de 75 à 150000 euros) et montant des sanctions financières (de l’ordre de 1000 € à plusieurs centaines de M €, cf. cartel des vitamines, 2001, sévérité accrue)