La vaccination des enfants: un outil important pour le développement Pierre SALIOU Membre de l’Académie des sciences d’Outre-mer Professeur agrégé du Val de Grâce Visioconférence Orsay 19/10/2012
L’amélioration de la santé indispensable au développement L’espérance de vie a une influence directe sur le PNB Pour des pays similaires, une augmentation de 5 ans de l’espérance de vie se traduit par 0,3 à 0,5 point de croissance annuelle supplémentaire Bloom D., Canning D. The health and wealth of Nations Science, 2000, 287, 1207-1209
Paradoxe africain En Afrique sub-saharienne Démographie galopante: population estimée en 2050 = 1, 8 milliard (avec fertilité des femmes passant de 5,5 à 2 si contraception pour 60% d’entre elles contre 20% actuellement) Urbanisation +++ = Malgré problèmes majeurs, atout pour le continent : économie sub-saharienne a cru de 6% en moyenne de 2003 à 2010 (contre 5% en Amérique latine et 2% dans la zone euro JM Severino et O. Ray La métamorphose africaine : un défi pour le monde Note 77 Fondation Jean Jaurès du 19/01/2011
Promouvoir la santé des pays en développement est un investissement pour leur développement La lutte contre les maladies transmissibles est essentielle. Elles sont encore responsables de plus de 50% des décès en Afrique. La vaccination est un outil primordial pour diminuer la mortalité infantile, excellent indice du niveau global de santé d’un pays
Intérêt de la vaccination La vaccination a représenté le plus beau succès de la Santé publique au 20ème siècle A sauvé des millions de vie tant dans les pays développés que dans les pays en développement depuis l’application du Programme Élargi de Vaccination adopté par l’Assemblée Mondiale de la Santé en 1974 Éradication de la variole en 1977 (certification en 1980) Vers l’éradication de la Poliomyélite en 20.. ?
La vaccination : le plus beau succès de la Santé publique du XXème siècle « La vaccination est un immense succès de la Santé publique. Elle a sauvé des millions d’enfants, tandis que des millions d’autres lui doivent la chance de vivre en bonne santé, de pouvoir s’instruire, jouer, lire et écrire, se déplacer librement sans souffrance » Nelson Mandela
Maladies de l'enfance bénéficiant d'une vaccination Cas déclarés aux Etats Unis (d’après ORENSTEIN. NEJM, 1992-25 p 1795) Maladie Nb max Année Nb cas % de de cas déclarés (1991) réduction Tétanos 1560 1923 49 96,9 Diphtérie 206939 1921 2 99,9 Coqueluche 265269 1934 2575 99,0 Rougeole 894134 1941 9488 98,9 Rubéole 57686 1969 1372 97,6 Congénitale Paralysies Polio 21269 1952 0 (1) 100 (1) 5 à 10 polios paralytiques post-vaccinales
Attention ! Risque d'oubli du bienfait des vaccinations Rumeurs sur des effets indésirables des vaccins – désaffection des parents, parfois opposition; – danger de résurgence de maladies. Exemples : épidémies de poliomyélite aux Pays-Bas en 1978-1979 et 1992-1993 ; arrêt de la vaccination polio au Nord Nigéria en 2003, cause de retard du programme d’éradication; récentes épidémies de rougeole en France!
Vaccinologie Concept né dans le milieu des années 70 Jonas SALK Charles MERIEUX Vaccinology : première apparition du mot in Science, 1977, 195.
Concept de la Vaccinologie IIl ne s Il ne suffit pas de posséder des vaccins efficaces et sûrs ; encore faut-il qu’ils soient administrés dans des bonnes conditions dans le monde entier
Une définition opérationnelle : Vaccinologie Une définition opérationnelle : Étude de tous les aspects biologiques, épidémiologiques, socio-économiques, logistiques, éthiques, éducatifs et médiatiques qui concourent à l’amélioration de la protection vaccinale de la population mondiale. J.-L. Koeck et P. Saliou d’après J. Salk et Ch. Mérieux
- Le Programme élargi de vaccination (PEV)trouve son origine dans le succès du programme d’éradication de la variole
L’éradication de la variole: preuve qu’il était possible de vacciner toute la planète
CHRONOLOGIE DE L’ÉRADICATION 1967 - Début du programme 1972 - Dernier cas en Europe (Yougoslavie) 1975 - Dernier cas en Inde 1977 - Dernier cas « naturel » en Somalie 1978 - Birmingham : accident de laboratoire Mai 1980 : certification de l’éradication (AMS, Genève) Virus conservés dans 2 laboratoires de haute sécurité : Atlanta et Novossibirsk
NAISSANCE DU PEV Conférence d’Alma-Ata (1974) : «élargir» la vaccination contre la variole à 6 maladies meurtrières pendant la petite enfance bénéficiant d’un vaccin efficace (tuberculose, tétanos, diphtérie, coqueluche, poliomyélite et rougeole) Mise en place progressive des structures et du programme: fin des années 1970 et début des années 1980
Etat des vaccinations dans le monde en 1974 Moins de 10 % des enfants sont vaccinés contre ces 6 maladies meurtrières pouvant bénéficier d’une vaccination. Dans de très nombreux pays, très peu d’infrastructures
Objectifs du PEV Vaccination universelle de 80 % des enfants avant 1990 Réduire incidence et mortalité dues aux 6 maladies cibles choisies Promouvoir services de vaccination, accès aux vaccinations Faciliter l’accès à l’autosuffisance de production et au contrôle de qualité des vaccins 17
Les vaccins du PEV à l’origine BCG : bacille de Calmette et Guérin (vva) Diphtérie : anatoxine Tétanos : anatoxine Coqueluche : germes entiers inactivés Poliomyélite : v. vivant atténué (OPV) Rougeole : v. vivant atténué
BCG Mise au point par atténuation de M.bovis après 238 passages sur pomme de terre dans de la bile, de 1912 à 1921 Avec Camille Guérin
Vaccin BCG Seul vaccin vivant bactérien Réponse immunitaire uniquement à médiation cellulaire Contrôle par allergie tuberculinique Pas d’anticorps circulants – Efficacité non quantifiable Nécessité d’administration avant tout contact avec le BK +++ (efficacité+++ contre méningite et miliaire) Administration à la naissance dans les pays de forte incidence Voie intradermique (ID) 20
Pas si facile, de faire une injection intradermique correcte!
Anatoxines diphtériques & tétaniques Vaccins sous unités protéiniques adjuvés (transformation des toxines sous l’effet du formol et de la chaleur : Gaston RAMON 1923 et 1926) Mise en jeux de l’immunité à médiation humorale (anticorps antitoxines circulants, seuil protecteur 0,01 mUI/mL) Dans la mesure du possible, nécessiteraient une injection de rappel un an après la primo vaccination Quoiqu’il en soit, toujours rappel tétanique après exposition au risque +++ 22
Vaccin coquelucheux Jusqu’à présent utilisation du vaccin à germes entiers inactivés (vaccin bactérien tué) dans le PEV Vaccin protéinique Mise en jeux essentiellement de l’immunité à médiation humorale Les vaccins « acellulaires » sont utilisés dans les calendriers des pays développés : ils comportent tous la valence PT (anatoxine pertussique) : meilleure tolérance mais efficacité parfois moindre que le vaccin « germes entiers » 23
Vaccin contre la rougeole Vaccin vivant atténué Conservation délicate : chaîne du froid sans faille Mise en jeux de l’immunité à médiation humorale : Ac neutralisants Reproduit la « maladie biologique », sans signe clinique Immunité solide si « prise » du vaccin (efficacité après une injection dans 95 % des cas) Très sensible aux Ac maternels transmis qui peuvent perdurer pendant un an Vaccination à un an trop tardive dans les pays où la circulation du virus est intense Vaccination à 9 mois = compromis permettant de protéger le maximum d’enfants 24
PEV : ajouts depuis 1974 1988 : Fièvre jaune (vva) dans les zones d’endémie (9 mois) 1991 : Hépatite B : 6, 10, 14 semaines (première dose à la naissance si la prévalence HBs Ag > 8 %): Ag HBs par génie génétique Haemophilus influenzae b (polyoside conjugué) : 6, 10, 14 semaines (en cours) Pneumo conjugué 13 valences (projet)
Politique des rappels -Non prévue dans le P.E.V. à l’origine et pas encore nécessaire dans certains pays: circulation des agents pathogènes entretenant l’immunité par contacts occultes -Mise en place pays par pays actuellement: nécessité de Comités techniques de vaccination nationaux pour adapter le programme à l’épidémioplogie locale
Stratégies du PEV: Fixe Avancée Mobile familles se présentent au centre de santé Avancée vaccination dans points de rassemblement (à partir des centres fixes) Mobile Déplacement d’une équipe pour plusieurs jours:problème du transport et de la conservation des vaccins
Contre-indications et PEV (1) La priorité est accordé à la vaccination : tous les contacts entre mères et enfants et les agents de santé doivent conduire à la mise à jour du calendrier vaccinal.
Vaccin Contre indication BCG Déficit immunitaire connu avéré DTC Pas recommandé après l’âge de 21 mois Vaccin polio oral Rougeole Fièvre jaune Dans la pratique, les contre-indications strictes aux vaccins du PEV concernent : les vaccins vivants (BCG, VPO, Rougeole, Fièvre jaune) et ne s’adressent qu’aux enfants dont le déficit immunitaire est connu et avéré (SIDA) tous les vaccins en cas de réaction anaphylactique connue
Contre-indications et PEV (2) Les affections suivantes ne sont pas des contre-indications à la vaccination. affections mineures des voies aériennes supérieures ou diarrhée avec fièvre jusqu’à 38°C Prématurité, hypotrophie, malnutrition Dermatoses, eczéma ou infection cutanée localisée Affections neurologiques non évolutives Antécédents d’ictère néonatal Maladies chroniques cardiaques, pulmonaires, rénales ou hépatiques
Vaccination universelle des enfants (UCI) Décennie 80 : Vaccination universelle des enfants (UCI) Jim Grant (UNICEF) Source : UNICEF, La situation des enfants dans le monde, 1992
Décennie 90 : la grande question de la «Pérennité, Équité et Qualité des PEV dans les PED» Pérennité des PEV : capacité du système de santé des pays de faire efficacement les vaccinations en toute sécurité, de façon durable et ininterrompue (UCI Report 1996)
Couverture vaccinale en 2000 Vaccins du PEV : grande disparité dans le monde • PHRs > 90 % • Pays émergents : 70 à 80 % • PFRs : 30 à 55 % Conséquences ( quelques exemples) Tétanos néo-natal : 200 000 morts / an = 90 % dans 27 pays (2002) Rougeole : 1999 CV = 59 % dans PFRs épidémies Hépatite B : prévalence HBs Ag > 8 % dans 89 pays (population générale) = vaccination dans 64 pays, une dose à la naissance dans seulement 35 (2003) Fièvre jaune en Afrique : vers une catastrophe humanitaire
Causes de cette stagnation Manque de volonté politique ; guerres; troubles sociaux Production de vaccins insuffisante Insuffisance de financement
Augmentation des besoins en vaccins La survie des industriels du vaccin les a conduit à se concentrer en un petit nombre de producteurs à grande échelle capable de développer des approches innovatrices en même temps capables d’augmenter leur capacité tout en maintenant des prix pour les vaccins du PEV accessibles aux PFRs cependant la demande mondiale ne peut être satisfaite
Production de vaccins dans les pays émergents Amérique Latine : Brésil - Cuba Asie : Inde - Indonésie - Corée Chine : autosuffisante pour ses besoins nationaux Producteurs nationaux à petite échelle (Dakar : fièvre jaune) Aujourd’hui : fournissent plus de la moitié du nombre total de doses de vaccins requis dans le monde par le PEV 38
Insuffisance de financement Apports de l’alliance GAVI
Qu’est-ce que GAVI ? (1)... Acronyme Date de naissance Global Alliance for Vaccines & Immunization En français : Alliance Mondiale pour les Vaccins et la Vaccination Date de naissance Proto-Board juillet 1999; Seattle (USA) sous l’impulsion de la Fondation Bill et Melinda Gates Lancement mondial Forum Économique Mondial, janvier 2000, Davos (Suisse)
Qu’est-ce que GAVI ? (2)... Une Alliance Partenaires traditionnels et des nouveaux partenaires Partenariat des secteurs publics et privés Partenaires partagent en commun Analyse de la Situation Vision Série d’objectifs stratégiques
The GAVI Alliance Board, structure 2009
BUTS Faciliter les programmes de vaccination dans les pays les plus défavorisés (pays éligibles : PIB<1000$/habitant/an) Permettre l’accès plus rapide aux nouveaux vaccins+++ Assurer le renforcement systèmes de santé et la formation du personnel (cours EPIVAC) Assurer un financement prédictible à long terme
75 Pays éligibles à GAVI
Divers outils de financement Financement « classique » par pays donateurs Auquel se sont ajoutés des types de financements innovants: IFFIm (International Finance Facility for Immunization) AMC (Advanced Market Commitment)
IFFIm IFFIm (International Finance Facility for Immunization) Crée a l’occasion du G7 en 2005 Accélère disponibilité de capitaux destinés aux programmes de vaccination Mécanisme: IFFIm émet un emprunt sur le marché des capitaux, dont le remboursement est assuré par les Etats participants à l’opération Avantage: obtention immédiate de capitaux( 4 milliards $ prévus sur 10 ans) 1ere émission: 1milliard $ levé et 900 millions dépensés un an après IFFIm a permis doubler ressources GAVI
AMC AMC (Advanced Market Commitment) Industrie du vaccin obtient garantie d’achat d’un nombre de doses déterminé à un prix fixé à l’avance par GAVI Projet pilote: 1, 5 milliard $ pour vaccination contre les infections à pneumocoque
Près de 4 milliard US$ approuvés pour les programmes pays jusqu’en 2015
Réduction de la mortalité due à la rougeole dans la Région Africaine (estimation) 75% réduction Objectif 2005 This slide shows the progress in reducing global measles deaths. As a result of the accelerated vaccination activities the estimated global number of measles deaths decreased from approximately 873,000 in 1999, to 345,000 in 2005. This represents a 60% decline by the end of 2005. These impressive results have been submitted for peer-review and hopefully will be published before the end of 2006. Source: OMS/IVB estimations décès rougeole 49 49
Couverture Vaccinale HepB3 Estimations 1989-2005 Source: WHO/UNICEF coverage estimates 1980-2005, August 2006 Date of slide: 4 September 2006
Le tétanos néonatal en 2010 dans le monde 4.797 cas déclarés 59.000 décès estimés en 2008 Couverture vaccinale contre le tétanos des femmes enceintes (≥ 2 doses) : 68 % = Insuffisante: encore des efforts…
Grandes Initiatives GAVI en cours
Défis opérationnels des campagnes : Performance - Qualité - Sûreté Défi de la Performance Vacciner au moins 90% de la cible Défi de la Qualité Planifier Évaluer ce qu’on a fait Défi de la Sécurité vaccinale Surveillance des MAPI(manifestations post vaccinales) = effets indésirables Sécurité des injections+++ Gestion des Déchets: 1 million de vaccinés => 12,2 t
Utilisation des injecteurs sous pression sans aiguille
Complications des injections dangereuses (non spécifiques aux injections vaccinales) INFECTIEUSES NON-INFECTIEUSES Transmission de pathogènes transmis par le sang Autres infections dues à du matériel non stérile Lésions dues à une faute technique Réactions dues à l ’injection de substances nocives Hép B et C, VIH, dengue, malaria Abcès, Septicémie. Tétanos++ Choc anaphylactique Paralysie traumatique
Estimation du nombre de maladies transmises: Conséquences des injections imputables à la réutilisation de seringues et d’aiguilles sans bonne stérilisation préalable Un milliard d’injections vaccinales effectuées chaque année dans le monde Estimation du nombre de maladies transmises: = 8-16 millions d’hépatites B = 2,3 à 4,7 millions d’hépatite C = 80 à 160 000 infections VIH/SIDA Kane A et Miller MA, Bull OMS 1999;77
La sécurité des injections devenait un enjeu majeur Avec le PEV, le nombre d’injections augmentait exponentiellement comme l’augmentation de la couverture vaccinale Fin des années 1990 : au bord de la crise sanitaire!
Solution: Seringues auto-blocantes 0.5ML LOCK!! Seul matériel acceptable pour les campagnes de vaccination Coût justifié si on s’attache à la sécurité Fourniture en même temps des containers de sécurité Incinération des containers++
Amélioration de l’“offre” de vaccinations : clé de la pérennité des PEV Amélioration des connaissances, savoir-faire et pratiques de tous les personnels des services de vaccinations fait partie du “renforcement des capacités” dans les pays éligibles à GAVI: requis par GAVI conditions nécessaires, sinon suffisantes, à l’appropriation des programmes de vaccination par les “nationaux” (mise en place de PNV en fonction de l’évolution de l’épidémiologie des maladies) elle-même indispensable à la pérennisation EPIVAC : exemple de Programme en soutien à l’amélioration de l’offre en appui à GAVI : voir : <www.epivac.org>
Conclusions Diminution de la mortalité infantile: favorise le développement en Afrique sub-saharienne Optimisme du fait de l’application du PEV: amélioration +++ Défi à poursuivre : adapter les capacités de production aux besoins = partenariat de production entre la bio-industrie du Nord et les pays émergents Poursuite de l’aide financière de GAVI+++