Le métier d’enseignant à l’école maternelle : gestes professionnels essentiels, pour les débutants en particulier. Viviane BOUYSSE Inspectrice générale de l’éducation nationale Annecy, 5 janvier 2010
Le métier d’enseignant à l’école maternelle : gestes professionnels essentiels, pour les débutants en particulier Plan de l’exposé 1 – La scolarisation pré-élémentaire : enjeux et conséquences à en tirer 2 – Faire classe en maternelle : trois « registres » clés 3 – Faire équipe : de bonnes habitudes à prendre dès le début de la carrière
1 – La scolarisation pré-élémentaire : enjeux et conséquences à en tirer 1.1. Des enjeux déterminants pour la suite Enjeux institutionnels : l’égalisation des chances Scolarité pré-élémentaire = temps déterminant pour la prévention des difficultés Faire acquérir à tous les enfants le langage oral qui permet de réussir à l’école (« oral scriptural », « langage d’évocation », « langage du récit ») Faire entrer tous les enfants dans la culture de l’écrit ----> Réduire le poids des déterminismes sociaux Percevoir et prendre en compte des « signaux d’alerte » Enclencher les procédures de repérage, diagnostic, réponses ----> Contribuer à la chaîne des aides
1 – La scolarisation pré-élémentaire : enjeux et conséquences à en tirer - suite 1.1. Des enjeux déterminants pour la suite - suite Enjeux développementaux : une « période sensible » Prendre en compte les problématiques propres à la période de développement 2 / 6 ans : contribuer au développement moteur et cognitif en dosant bien les apprentissages. Favoriser le développement social sans empêcher (sans nuire à) la personnalisation : l’enfant doit devenir un être social adapté (entrer dans la vie réglée de l’institution) dans le temps où il est en train de conquérir son identité propre (devenir pleinement lui-même). ----> Donner à tous des atouts pour la suite : compétences, estime de soi, motivation.
1 – La scolarisation pré-élémentaire : enjeux et conséquences à en tirer - suite 1.2. Des enjeux aux conséquences pratiques Des domaines clés en lien direct avec la réduction des déterminismes sociaux Le langage oral / L’entrée dans l’écrit Devenir élève Des équilibres pédagogico-didactiques à trouver : Priorité au langage mais avec des points d’appui dans toutes les activités : la richesse en langage est à proportion de la richesse ailleurs. Importance de la symbolisation (tous modes de représentation) et de la « secondarisation »
1 – La scolarisation pré-élémentaire : enjeux et conséquences à en tirer - suite 1.2. Des enjeux aux conséquences pratiques - suite Une attitude d’accueil Tout faire pour que chaque enfant s’autorise à oser, à être, sans nuire aux autres (à voir aussi les ATSEM) Communiquer avec ceux qui comptent pour l’enfant (éviter la double solitude, les conflits de loyauté) Une pédagogie de la réussite Mettre chacun en situation de progresser ; faire valoir ses progrès (évaluation positive) Adopter une posture d’aide à l’apprentissage (savoir « étayer »)
2 – Faire classe en maternelle : 3 « registres » clés 2.1. Faire apprendre sans faire de leçon Des principes : Ni activisme, ni formalisme mais une pédagogie structurée Une pédagogie explicite (intentions claires et dites) En pratique : une alternance des modes de travail en mobilisant 4 familles de situations (à tous les niveaux dans des proportions différentes) Le jeu (jeux symboliques, jeux à règles, jeux sensori-moteurs, jeux de construction, etc.) Les recherches ; l’expérimentation ; la résolution de problèmes L’imprégnation culturelle (domaines variés) Les activités dirigées (jeux, exercices) CONSEQUENCES : se doter d’une « boîte à outils » fournie et ordonnée ; penser l’organisation de sa classe (espace, temps, rôle des adultes) et non reproduire une forme vide de sens.
2 – Faire classe en maternelle : trois « registres » clés - suite 2.2. Savoir guider chaque enfant dans l’appropriation du langage et de la langue La maîtrise de connaissances Etre au clair sur les objectifs et sur les contenus Avoir des repères sur le parcours que chaque enfant doit effectuer Connaître quelques leviers (ce qui est efficace pour…) La maîtrise d’une posture professionnelle face au langage Le « parler professionnel » du maître de maternelle Une attitude particulière en réception du langage des enfants Des rapports « vivants » / explicites au langage oral et aux écrits
2 – Faire classe en maternelle : trois « registres » clés - suite 2.2. Savoir guider chaque enfant dans l’appropriation du langage et de la langue – suite La maîtrise de dispositifs de travail La conduite du regroupement collectif ; ses intérêts (communication-culture commune ; modélisation –imitation) et limites (rôles mal répartis ; prises de parole limitées) L’organisation d’ateliers de langage : * Des ateliers : sur quoi, avec quoi, en vue de quoi ? (variable selon les sections) * La conduite des ateliers : écouter ; reformuler ; questionner ; mettre en relation ; relancer ; donner un avis ; solliciter des avis etc. CONSEQUENCES : avoir identifié des ressources et les actualiser ; avoir accès à des modèles éventuellement ; cultiver ses capacités de prise de distance et d’auto- régulation.
2 – Faire classe en maternelle : trois « registres » clés - suite 2.3. Savoir observer les élèves : l’observation, levier pour l’action et premier mode d’évaluation La maîtrise préalable de connaissances Avoir des repères quant au développement « moyen » de l’enfant (aspects langagiers, moteurs et sociaux) Avoir en tête des indicateurs clés pour les compétences en construction La maîtrise d’outils Savoir prendre des notes utiles (pas trop mais le nécessaire) rapidement au fil de la journée Savoir organiser la mémoire des observations CONSEQUENCES : avoir identifié des ressources conceptuelles et des outils à partager ; cultiver une attitude de « dédoublement ».
3 – Faire équipe : de bonnes habitudes à prendre dès le début de la carrière 3.1. Inscrire son travail dans un collectif Le collectif Equipe d’école Avoir une vision juste de ce que sont un projet d’école, des progressions (apprentissages), des programmations (objets enseignés) Savoir être solidaire ET libre de ses choix pédagogiques Exercer collectivement le suivi du parcours des élèves, en particulier de ceux qui ont le plus besoin de l’école Pour les maîtres de GS, travailler avec les maîtres de CP dans une logique de continuité, sans se soumettre aux attentes et pressions éventuelles de « préparation » Le collectif des pairs Partager des questions, mutualiser des solutions : une exigence face à un métier de plus en plus difficile Quelqu’un pour organiser et animer ces échanges : qui ?
3 – Faire équipe : de bonnes habitudes à prendre dès le début de la carrière – suite 3.1. Inscrire son travail dans un collectif - suite Le tandem avec l’ATSEM S’imposer et rester le pilote du jeu : gros enjeu pour les débutants face aux ATSEM aguerri(e)s Savoir faire le tri de ce qui peut être confié à l’ATSEM. Limiter l’aide directe aux enfants : elle ne doit pas faire obstacle à la conquête de l’autonomie La collaboration avec des personnels spécialisés Faire appel quand des doutes surgissent Se positionner en acteur responsable : savoir pour agir justement ; ne pas déléguer (Le cas échéant, relation avec crèches pour atténuer l’effet des ruptures)
3 – Faire équipe : de bonnes habitudes à prendre dès le début de la carrière – suite 3.2. Trouver l’accord juste pour une co-éducation réussie avec les parents Agir dans le cadre des droits et devoirs de chacun Tenir son rôle : respecter ses devoirs et faire respecter ses droits (donc connaître les uns et les autres) Faire comprendre puis vivre leurs rôles de « parents-d-élève » aux parents des enfants (droits, devoirs, participation à la co-éducation) Se fonder toujours sur la recherche de l’intérêt de l’enfant Ne pas mettre un enfant dans des situations ambiguës (cf. P. Perrenoud : « enfant message et messager ») Traiter également tous les parents
En guise de conclusion A l’école maternelle plus qu’ailleurs peut-être, la professionnalisation ne peut être séparée d’une approche humaniste du métier. Accompagner un enfant qui grandit, l’aider à grandir, c’est reconnaître et valoriser ses progrès, ses conquêtes, etc. C’est ne pas être usé par les répétitions : ce qui est toujours pareil et prédictible pour l’enseignant est parfois neuf et inquiétant, important voire émouvant pour l’enfant. La bonne posture professionnelle suppose patience, générosité, optimisme.