HEGEL (1/6) Georg Wilhem Friedrich Hegel naît à Stuttgart le 27 août 1770, d'un père petit fonctionnaire. Le 27 Octobre 1788, il entre au séminaire protestant de Tübingen. Il apprend la philologie, la philosophie et les mathématiques en compagnie d'un camarade, Hölderlin, avec qui il se lie d'une intime amitié. Il lit Rousseau, Kant, dans l'écho de la Révolution Française. En 1790, Schelling le rejoint au séminaire. Le 27 septembre 1790, Hegel obtient sa maîtrise de philosophie. Il étudie la théologie luthérienne orthodoxe. ILdevient précepteur à Francfort où il continue d'étudier Kant et lit Fichte. La succession de son père (mort en 1799) libère Hegel (pour quelque temps) des soucis matériels. Il se rend à Iéna en 1801 où Schelling vient de remplacer Fichte à l'Université. Il se livre alors à une intense activité intellectuelle d'où naîtra l'hégélianisme. Il devient Privatdozent à l'Université d'Iéna (poste auquel il renoncera, trop mal payé, en 1807). Il achève la Phénoménologie de l'Esprit en 1807, année où il devient rédacteur en chef de la Gazette de Bamberg. Pour des raisons de censure politique il en est chassé en 1808 et devient directeur du gymnase de Nuremberg. Il travaille à adapter son enseignement au secondaire et compose sa Science de la logique. De son mariage (1811) naîtront deux fils dont l'un deviendra professeur d'histoire et l'autre pasteur. En 1816, Hegel obtient une chaire de professeur titulaire à l'Université d'Heidelberg. Au début ses étudiants sont peu nombreux. Il publie l'Encyclopédie des sciences philosophiques en 1817. A la mort de Fichte (1818), Hegel occupe sa chaire à Berlin. Il la gardera jusqu'à sa mort. Son activité est considérable, sa célébrité croissante et ses cours suivis par des élèves dont certains sont déjà célèbres. Il passe d'abord pour le philosophe officiel de la monarchie prussienne et est attaqué comme tel. Puis il sera suspecté par le pouvoir lui-même. En 1821 il publie les Principes de la philosophie du droit. Il voyage durant les vacances et notamment passe en 1827 par Weimar où le reçoit Goethe et Paris où l'accueille Victor Cousin. Il meurt le 13 novembre 1831 du choléra à 61 ans. L'Esthétique, la Philosophie de la religion et la philosophie de l'histoire seront publiés après sa mort.
HEGEL(2/6) Hegel a construit un immense système ordonnant à la fois toutes les connaissances de l'époque et les systèmes de ses prédécesseurs. Grand philosophe de l'histoire l'approche de sa pensée n'est guère aisée. Hegel reprend l'Idée platonicienne, mais prise dans un sens nouveau, dynamisme de l'Esprit se réalisant dans le monde et dans l'histoire des hommes.Il est influencé par Kant (dont il veut dépasser le formalisme) et par Schelling (qu'il critique). La révolution française, Napoléon, le monde industriel fournissent matière à sa réflexion. Résumer la philosophie de Hegel, c'est prendre un double risque : soit dénaturer sa pensée par excès de simplification, soit la rendre incompréhensible au néophyte par souci d'être complet. C'est qu'il s'agit là d'une pensée difficile ! Hegel fait sien tout le savoir de son temps. La philosophie doit penser la totalité du réel et celle de Hegel se veut un système c'est à dire un ensemble organisé de concepts dont tous les éléments sont interdépendants. Le point de départ du savoir, selon Hegel, n'est pas la conscience mais le langage. Nous ne pouvons, en effet, penser sans les mots. Tout discours, certes, suppose un sujet mais nul ne parle sans se soumettre aux règles du langage qu'il n'invente pas. Le langage est donc rationalité. La pensée se constitue dans et par le discours (le logos est indissociablement pensée et parole, concept et langage) et l'hégélianisme se veut une philosophie adéquate à cette manifestation originaire de l'esprit (au commencement est le verbe !). La dialectique est la marche de la pensée procédant par contradictions surmontées en allant de l'affirmation à la négation et de la négation à la négation de la négation (on dit parfois : thèse, antithèse, synthèse). Le devenir s'opère par dépassements successifs des contradictions. Dépasser, ici, c'est nier mais en conservant, sans anéantir. Par exemple, la fleur nie le bouton mais en même temps le conserve puisqu'elle en est le prolongement. De même le fruit nie la fleur tout en la conservant. Chaque terme nié est intégré. Les termes opposés ne sont pas isolés mais en échange permanent l'un avec l'autre. Tout ce qui est possède donc trois aspects ou trois moments (logiques et pas nécessairement chronologiques). La contradiction joue un rôle essentiel. Toute réalité est un jeu de contradiction : mort et vie, être et néant etc. Le négatif est créateur.
HEGEL(3/6) La dialectique du maître et de l'esclave. Aux yeux de Hegel, l'existence d'autrui est indispensable " à l'existence de ma conscience comme conscience de soi " car à l'origine du problème de l'existence d'autrui, il y a la présupposition fondamentale qu'autrui c'est l'autre c'est à dire le moi qui n'est pas moi, que je ne suis pas. Hegel décrit d'abord l'homme comme un individu immergé dans la nature dont il fait partie. Sa conscience n'est pas une pure conscience mais une conscience immergée dans la réalité. Ainsi, initialement, l'homme ne fait pas de distinction entre les illusions et la réalité, entre ce qu'il pense du réel et le réel lui-même. C'est parce qu'il est confronté au réel que l'homme progressivement distingue l'en-soi (c'est à dire le réel) du pour-moi (c'est à dire la réalité telle qu'il la pense). La conscience prendre ensuite conscience d'elle-même. Elle ne saurait le faire efficacement par l'introspection mais plutôt par l'action. La conscience va devenir conscience pratique. Elle va vouloir s'approprier les choses. Le monde sensible va lui apparaître comme l'Autre qu'elle veut assimiler. C'est ce qu'on nomme le désir. Or le désir est actif. Désirer quelque chose c'est désirer le transformer par son action. Le désir de transformation de la nature se manifeste dans le travail. Travailler, c'est nier la nature pour la vaincre, soumettre le monde extérieur à la forme humaine. Mais le désir est aussi désir d'être reconnu par un autre. La conscience veut qu'une autre conscience la reconnaisse comme conscience. L'homme est un être social et les consciences vont s'affronter Or, dit Hegel, l'un va accepter de risquer sa vie pour être reconnu. Il va préférer la mort à l'éventualité de n'être pas reconnu. L'autre, au contraire, va ressentir la peur et va préférer vivre soumis que mourir. Le premier sera le maître, le second sera l'esclave. Le premier ne sera plus soumis au travail, le second va travailler pour le premier. Or, dit Hegel, le porteur de la continuation de l'histoire n'est pas le maître mais bien l'esclave. L'esclave peut se libérer parce qu'il travaille. Le maître, lui, se sert du corps de l'esclave comme s'il était son propre corps pour transformer la nature, pour travailler. Il n'a donc plus de rapport avec la nature que par l'intermédiaire de l'esclave. Le maître a perdu tout rapport proprement humain avec la nature. Il ne lui impose plus par le travail une forme propre à satisfaire ses besoins. Il n'a plus qu'à jouir sans transformer et est donc comme l'animal. Il dépend de l'esclave pour satisfaire ses besoins.
HEGEL(4/6) La philosophie du droit Dans les Principes de la philosophie du Droit, l'analyse part de la liberté et donc de la volonté. Qu'est-ce qu'une volonté libre ? Au commencement la liberté se présente comme abstraite : c'est l'arbitraire. Mais l'arbitraire qui consiste à faire ce qui nous plaît est en fait le contraire même de la liberté. On fait n'importe quoi. Il faut donc que la volonté devienne une volonté qui décide, qui choisisse véritablement grâce au jugement. C'est ce qu'on appelle le libre arbitre. Au-delà se situe la volonté raisonnable qui ne veut pas être libre si les autres ne le sont pas. Elle ne peut se réaliser que dans la sphère du droit, dans les institutions. Le droit abstrait apparaît comme la première forme de réalisation de la liberté. La loi est l'œuvre première, fondamentale, du libre vouloir. Elle n'est pas une contrainte extérieure mais ce moment où la liberté se veut elle-même. Au contraire de Kant, Hegel ne parle pas de devoir mais de droit. Le droit existe, la morale est donc seconde. Le droit est le lieu de l'universalité au sens où la loi est valable pour tous. La volonté se donne un contenu c'est à dire un but à réaliser. La liberté n'est liberté que si elle rencontre un contenu : La propriété. L'esprit n'est libre qu'en s'investissant dans la chose. Juridiquement les hommes n'entrent en contact que grâce à la médiation des choses. De même que les propriétés se limitent et se déterminent réciproquement, de même ma volonté de posséder se heurte à une prétention identique de la part d'autrui mais aussi la suppose car la valeur de ce que je possède est fonction du désir, virtuel ou réel, qu'autrui a de mon bien. Au fond nous désirons moins les choses elles-mêmes que le désir des autres qui se porte sur elles, d'où des conflits, des compétitions. Ce qui est possédé par tous n'est plus désiré par personne et le désir se déplace vers d'autres biens pour lesquels les antagonismes renaissent. La propriété c'est la possession, l'usage (se servir de ce qu'on possède) puis éventuellement le fait d'échanger, d'aliéner (au sens de donner ou vendre) le bien possédé. L'échange ne peut avoir lieu que dans le Contrat Le Contrat. C'est l'opération juridique par laquelle les choses entrent en échange. Le contrat est la première forme de liberté concrète parce que, grâce à lui, je ne suis pas libre contre les autres mais avec les autres sans pour autant renoncer à ma personnalité. Le contrat conclu doit être respecté mais il peut y avoir mauvaise foi.
HEGEL(5/6) La morale et LEtat La morale est d'abord subjective, ce qui correspond en gros à la moralité kantienne. La responsabilité. On n'est responsable que de ce que l'on veut, que de ce qu'on a librement décidé. Il faut bien voir que pour la pensée moderne Œdipe n'est nullement responsable puisqu'il n'a voulu aucun de ses crimes. L'intention. Être moral consiste à suivre non pas ses inclinations sensibles mais la loi morale. Être moral suppose une volonté bonne. Le bien et le devoir. Il faut pour être moral agir par devoir, pour le devoir. Tout ceci suit la moralité kantienne. Mais, selon Hegel, celle-ci se heurte à des impasses. Le pur moralisme est inefficace. La morale doit être vécue au niveau de la communauté. Il faut passer de la moralité subjective à la moralité objective. La moralité objective se réalise au niveau des trois sphères suivantes : la famille , la société civile, l'État. La société civile est le monde du travail, de la production. C'est la sphère économique, le lieu de la nécessité (il faut travailler pour vivre) et aussi du conflit et des contradictions. Il se produit une différenciation des groupes sociaux qui sont en opposition. La société moderne produit un groupe social qui perd le sentiment du droit et de la légitimité. Le pauvre comprend que son travail n'a ni sens, ni utilité. La richesse des uns se réalise à partir de la pauvreté des autres. L'ordre des choses apparaît comme un jeu formel, mécanique des intérêts particuliers. Les fins sont occultées. L'homme du travail ne suit que son intérêt particulier et la société ne sait plus quelle fin elle poursuit. La société civile est à la fois nécessaire et insensée. Il faut donc un lieu qui permette de réaliser l'éthique, qui permette de réconcilier les groupes : c'est l'État. Pour Hegel, l'État est la sphère où se règlent les conflits. L'État doit mettre fin aux contradictions et a donc un rôle d'arbitre. Il réalise la morale, la raison et la liberté. Il réalise la morale car le droit de l'individu ne peut se réaliser que dans une organisation supra individuelle. Il réalise la raison parce qu'il parle universellement pour tous. Il réalise la liberté car l'homme ne peut être libre que dans et par l'État ( la pensée hégélienne est post révolutionnaire et il fait sienne la déclaration des droits de l'homme et du citoyen). L'État a donc pour but de mettre fin aux conflits. Certes, il se peut qu'il ne réalise pas ce but mais cela signifie que l'histoire continue et que ce sens de l'État qu'ont formulé les révolutionnaires français reste à réaliser. L'histoire n'est pas finie.
HEGEL(6/6) L'histoire. Selon Hegel, à travers le jeu des intérêts et des passions, ce qui se réalise dans l'histoire, c'est l'Idée, l'Esprit c'est à dire une rationalité profonde. La Raison gouverne le monde et l'histoire. L'histoire ne peut être comprise que par la pensée : " Il faut regarder avec l'œil de la raison qui pénètre la superficie des choses et transperce l'apparence bariolée des événements." Or, le fait premier ce ne sont pas les passions ou le destin des peuples, la bousculade des événements mais l'esprit des événements, l'esprit conducteur des peuples. L'histoire tend vers un but que Hegel appelle Dieu ou philosophiquement Idée ou encore Esprit absolu c'est à dire la conscience de soi par laquelle l'esprit est libre. L'histoire va vers un développement de la rationalité, de la morale et de la liberté. Faut-il en conclure que les hommes sont plus raisonnables, plus moraux ou plus libres qu'autrefois ? Non,pour Hegel, l'histoire universelle, l'histoire du monde, ne considère pas des personnes singulières, réduites à leur individualité particulière mais un individu universel et déterminé c'est à dire un peuple et l'esprit de ce peuple (Volkgeist). Chaque peuple saisit cet esprit et en chaque peuple, certains individus que, pour cette raison, on appelle des grands hommes, en prennent mieux conscience et sont conducteurs d'âme. Le grand homme est donc celui qui prend conscience de ce à quoi aspire la conscience des hommes et le réalise. Chaque peuple a son principe et tend vers lui comme s'il constituait la fin (le but) de son être. Son œuvre accomplie, il devra disparaître mais sa mort sera rajeunissement et passage à la vie pour un autre peuple, lequel franchira à son tour une étape dans la marche de l'esprit du monde qui atteint son but final dans l'État, lieu de convergence de tous les autres côtés conscients de la vie : art, droit, mœurs, commodités de l'existence etc., et où se réalise objectivement la liberté. Le but de l'histoire est la réalisation de l'État et l'État est réalisation de la liberté. Au commencement de l'histoire, la fin universelle n'est pas consciente et, justement, l'histoire est cette prise de conscience progressive de sa fin. Elle est passage de l'en-soi au pour-soi. La finalité de l'histoire existe d'abord sans être connue et l’histoire procède par ruse pour arriver à la raison. La ruse de la raison s'opère par les grands hommes. Grâce à eux les peuples franchissent l'étape qui correspond à leur nature dans la marche progressive vers la liberté. Tout le reste est ordonné et sert d'instrument et de moyen.