Chapitre 2. Approches théoriques du stress dans le monde du travail (partie a) I. Approches objectivantes II. Approches interactionnistes III. Approches transactionnelles IV. Approches basées sur l’identité sociale Santé mentale, travail et emploi (PSP 2125) Ginette Herman
I. Approches objectivantes A. Approche psychophysiologique (Selye, 1936) Changements pysiologiques non spécifiques Stimuli nocifs Définition: ensemble de réponses non spécifiques à des situations et événements aversifs ou, plus généralement, à des exigences de l’environnement.
Syndrôme général d’adaptation: 3 stades Réaction d’alarme (décharche d’adrénaline et de noradrénaline; secrétion de glucocorticoïdes, corticol) Stade de résistance (manifestations physiologiques souvent inverses de la 1ère phase) Stade d’épuisement (diminution du système immunitaire)
Mesure du stress objectif Evénements de vie majeurs (Homes & Rahe, 1967) 1. Mort du conjoint 22. Changement responsabilité dans le travail 2. Divorce 23. Un enfant quitte la maison 3. Séparation conjugale 24. Difficultés beaux-parents 5. Décès d’un parent proche 30. Difficultés avec patron 6. Blessure ou maladie 31. Changement d’horaires 7. Mariage 38. Changement lié au sommeil 8. Licenciement 42. Noël 15. Réadapation professionnelle 43. Infractions mineures
B. Approche physique Le stress est la conséquence d’un élément dangereux ou toxique de l’environnement professionnel. Il est conçu comme une propriété de cet environnement, donc mesurable objectivement. « Le stress est ce qui arrive à l’homme, pas ce qui arrive en lui. C’est un ensemble de causes, pas de symptômes » SYMONDS (1947). Royal Air Force Il en résulte une notion de seuil du stimulus à partir duquel on devient stressé Les différences individuelles par rapport à ce seuil Parmi les nuisances le plus souvent incriminées: ambiances sonores, thermiques, lumineuses, vibrations, exposition à des substances chimiques
C. Critiques des approches objectivantes Qualité des instruments de mesure: ? Nature du modèle: ? Ampleur de l’explication : ? Réactions non spécifiques: ? Processus intermédiaires: ? Ex: Effets du bruit
II. Approches interactionnistes Person - Environment fit theory Modèle Contrôle – Demande – Soutien Modèle de Michigan Modèle vitaminé Avancées et limites
A. Person-Environment fit theory Principe: A l’origine du stress, il y a un écart entre l’individu et la situation, entre les caractéristiques de l’un et les exigences de l’autre L’adéquation personne – situation peut exister: « the right man in the right place »
*** **** ** * Ivancevich et Mateson, 1984 Hypothèses Résultats Milieu A Milieu B Style de vie ‘Type A’ Congruence Incongruence (stress) Style de vie ‘Type B’ Résultats Milieu A Milieu B Style de vie ‘Type A’ *** **** Style de vie ‘Type B’ ** *
B. Modèle Contrôle – Demande –(Soutien) Karasek (1981); Karasek & Theorell (1990) Demandes issues de l’emploi: exigences de la situation Autonomie dans son travail: degré de liberté dans les décisions (Soutien social de l’environnement professionnel)
Les professions peuvent-elles être classées en fonction de l’autonomie et la demande? (Approche sociologique) Autonomie Demandes
Autonomie Demandes Indépendants Indépendants (PME) Professions libérales Exploitants agricoles Cadres moyens (ens., infirm.) Employés Demandes Maîtrise Commis Magasiniers Pêcheurs Portiers Gardiens de nuit Travailleurs manuels qualifiés
Quels effets (Karasek, 1979) ? (Approche psychosociale) Autonomie Demandes
Quels effets (Karasek, 1979) ? (Approche psychosociale) Autonomie Défi Travail dynamique Facilité Travail détendu Demandes Défi Travail surchargé Ennui Travail passif
Etude ‘Belstress’ Objectif : étudier l’effet de conditions de travail sur le plan médical (maladies cardio-vasculaires, décès) psychosocial (tensions psychologiques) organisationnel (absences) Questions: Quelle est l’incidence de l’autonomie et la demande sur la santé? La variable ‘contrôle’ modère-t-elle les effets de la variable ‘demande’? Méthodologie n = 30.000; secteurs variés; 35 à 59 ans
Mon travail permet de prendre des décisions moi-même (Karnas & Hellemans, 2002) Latitude de décision Mon travail permet de prendre des décisions moi-même J’ai la possibilité d’influencer le déroulement de mes activités Dans mon travail, j’ai des occupations variées Mon travail me demande d’être créatif J’ai l’occasion de développer mes compétences … Mon travail demande un haut niveau de compétence Mon travail comprend beaucoup de travail répétitif Dans ma tâche, j’ai très peu de liberté pour décider comment organiser mon travail Mon travail implique que j’apprenne de nouvelles choses
Pression du temps Mon travail demande de travailler très intensément Mon travail demande de travailler très vite Je dispose du temps nécessaire pour exécuter mon travail On ne me demande pas une quantité excessive de travail Mon travail est très bousculé Mes tâches sont souvent interrompues
Soutien social Mon supérieur se sent concerné par le bien-être de ses subordonnés Mon supérieur m’aide à mener ma tâche à bien Mon supérieur prête attention à ce que je dis Mon supérieur réussit facilement à faire collaborer ses subordonnés Mes collègues m’aident à mener les tâches à bien Mes collègues me manifestent de l’intérêt Mes collègues sont amicaux Mes collègues sont des gens professionnellement compétents
Variables dépendantes: Mesure du stress (tensions mentales) Dans quelle mesure vous sentez-vous en général stressé au travail ? Mesure de satisfaction Quel est votre niveau de satisfaction par rapport à votre travail actuel ?
Résultats: validité interne (analyse factorielle) Facteur 1: Latitude de décision (13%) Facteur 2: Soutien du supérieur (10%) Facteur 3: Soutien du collègue (8%) Facteur 4: Demandes (pression du temps) (6%) Facteur 5: Demandes (dérangement) (5%) Facteur 6: Demandes faibles (5%)
Résultats: test du modèle Stress perçu Demandes faibles Demandes fortes Latitude forte 1,95 2,63 2,34 Latitude faible 2,03 2,71 2,31 2,00 2,67 2,32 Effet significatif des 2 variables (n=21.419) Pas d’interaction significative
Satisfaction Demandes faibles Demandes fortes Latitude forte 4,11 3,93 4,00 Latitude faible 3,76 3,47 3,64 3,89 3,70 3,80 Effet significatif des 2 variables (n=21.419) Interaction significative
Conclusions actuelles Les demandes affectent plutôt la perception de stress La latitude de décision affecte plutôt la satisfaction Pas de modération de la variable ‘contrôle’ sur la relation ‘demandes – stress’ Pouvoir explicatif relativement faible du modèle
C. Modèle de Michigan: structure Variable indépendante Variable médiatrice Variable dépendante Variable modératrice Baron & Kenny (1986)
Kahn et Byosière, 1992 6. Caractéristiques individuelles (socio-dém., personnalité) Contexte organisationnel 1. Caractéristiques liées au travail (stresseurs) 2. Processus évalu- atifs: environ- nemt perçu 3. Réactions de stress à court terme 4. Conséquences à long terme 5. Eléments liés à la situation
1. Caractéristiques liées au travail (stresseurs) Caractéristiques intrinsèques au travail bruit vibration et température charge de travail horaire de travail nouvelles technologies travail à risques Rôles organisationnels ambiguïté du rôle conflit de rôle (interface travail – maison) responsabilités
climat organisationnel réseaux de communication Relations au travail Carrière promotion insécurité d’emploi Facteurs organisationnels latitude de décision climat organisationnel réseaux de communication
2. Processus évaluatifs: environnement perçu Le stress n’est plus envisagé comme une réponse systématique à tout événement objectivement pénible mais plutôt comme un ensemble de perceptions fluctuantes d’impuissance et de malaise qui peuvent envahir l’individu confronté à des événements difficiles à maîtriser.
3. Réactions à court terme (ou tensions) Physiologiques Symptômes cardio-vasculaires (rythme cardiaque, pression sanguine, cholestérol) Symptômes biochimiques (corticol, acide urique, catécolamines) Symptômes gastro-intestinaux (acides gastriques) Psychologiques Anxiété, estime de soi Ennui, fatigue Emotions (irritation, ressentiment) Satisfaction au travail, intention de quitter l’entreprise
Comportementales Liées à l’individu Perte d’appétit, perte ou gain de poids Difficultés respiratoires Changement dans l’usage d’alcool, de cigarettes Liées à l’organisation Baisse de la performance Faible implication au travail, collègues Perte du sens de responsabilité, absentéisme Tendance aux accidents Départ de l’entreprise Grève
Conception du bien-être (Warr, 1998) Conception unidimensionnelle
Conception multidimensionnelle Excité Anxieux Enthousisate Satisfaction Mécontent Déprimé Relax Non excité
4. Réactions à long terme Maladie physique Plaintes psychosomatiques Problématiques psychologiques (i.e. syndrome de fatigue chronique, burnout, karoshi)
5. Modérateur lié à la situation: soutien social Soutien émotionnel Amitié, amour, affection, respect, attention, encoura-gements,… Soutien informationnel Conseils, suggestions, avertissement, feed-back sur ses expériences Soutien instrumental Aide matérielle sous forme d’argent, de biens, de services ou de temps Participation sociale Loisirs, activités récréatives, affiliation et comparaison sociale
Hypothèse d’appariement « Pour être efficace, le type de soutien social apporté doit correspondre aux besoins de l’individu confronté à une situation stressante. » Soutien émotionnel* réponse à une gamme Soutien informationnel étendue de stresseurs Soutien instrumental réponse spécifique au Participation sociale type de stresseurs
Effet du soutien social ? Effet direct Effet modérateur Effet modérateur négatif Durée: effet modérateur puis médiateur Effets combinés de la demande, du contrôle et du soutien
6. Modérateurs liés à l’individu Modèle de l’exposition différentielle Personnalité Stresseur Effets Modèle de la réactivité différentielle Personnalité Stresseur Effets
Rôle des caractéristiques dispositionnelles Style de vie à risques (Type A): faible niveau explication Traits pathogènes : dispositions qui « enfoncent » Dépression: faible Croyances généralisées d’échec: faible Attribution d’événements négatifs: faible Traits immunogènes: rôle tampon face aux événements Optimisme: Oui Estime de soi: effet indirect Loc interne: résultats partiellement inconsistants
« Big five » Neuroticism (se focaliser sur les aspects négatifs de soi-même ou de son environnement): effet sur le bien-être Extraversion (actif, orienté vers autrui, optimiste): effet sur le bien-être Openness (ouvert aux nouvelles idées, aux nouvelles expériences): pas d’effet Agreeableness (prédisposé à être coopérant, d’accord): pas d’effet Consciousness (enthousiaste pour son travail): effet sur l’organisation
Rôle des caractéristiques socio-démographiques Sexe Age Facteurs sociaux, ethniques
D. Modèle vitaminé (Warr, 1987) Modèle de Karasek Bien-être Modèle vitaminé faible forte Autonomie dans le travail
Autonomie dans le travail Effet constant Bien-être Diminution additionnelle faible forte Autonomie Sécurité Demandes Soutien Signif. tâche Compétences Diversité tâche Feed-back tâche Autonomie dans le travail
De Jonge & Schaufeli (1998) V.I. V.D. Résultats De Jonge & Schaufeli (1998) V.I. V.D. Résultats Perception de Bien-être Relation la situation Demandes Satisfaction quadratique Épuisement linéaire (forte) Anxiété quadratique Autonomie Anxiété quadratique (faible) Épuisement inverse (v. individuelles) Satisfaction linéaire Soutien Anxiété confus social Épuisement quadratique Satisfaction quadratique
E. Avancées et limites Avancées Modèles organisant la complexité du réel Passage d’un modèle ‘objectif’ à un modèle ‘subjectif’ Mise en évidence du rôle de certaines variables Limites Falsifiabilité du modèle ? Distinction entre stresseurs objectifs et stresseurs perçus ? Autres sources de stress ? Phénomène individuel ? Processus intermédiaires en jeu ?