Prise en charge anesthésique du patient obèse Collège national d’anesthésie-réanimation 2007-2008 Prise en charge anesthésique du patient obèse Dr Khalil Tarmiz
Pourquoi s’intéresser à l’obésité ? Phénomène de société dans les pays riches Modifications physiopathologiques importantes Morbidité et mortalité péri opératoires X 2 Planification de la prise en charge +++
Objectifs Définir l’obésité et l’obésité morbide Reconnaître les modifications physiopathologiques qui accompagnent l‘obésité Établir une stratégie d’évaluation préopératoire du patient obèse Établir une stratégie de prise en charge per opératoire du patient obèse Planifier les soins postopératoires chez le patient obèse
Définitions IMC = indice de masse corporelle = body mass index = poids (kg) / taille2 (m) IMC normal < 25 IMC ≥ 30 obésité IMC ≥ 40 ou > 35 + comorbité : obésité morbide
Le risque opératoire augmente à partir d’un IMC à 30
Modifications physiopathologiques liées à l’obésité
Troubles cardiovasculaires IMC Prévalence des pathologies cardiaques (toutes causes confondues) < 25 10% 25 – 30 21% > 30 37%
Troubles cardiovasculaires Augmentation de la volémie Diminution des résistances vasculaires systémiques Volume d’éjection systolique VG parallèlement au surpoids (jusqu’à 40% chez l’obèse normotensif) Hypertrophie-dilatation VG compliance VG Insuffisance cardiaque
Troubles cardiovasculaires 6) Altérations de la vascularisation pulmonaire PAP parallèlement au surpoids mécanismes : vasoconstriction pulmonaire (hypoxie ± hypercapnie) 7) hypertrophie-dilatation VD
Troubles cardiovasculaires 8) Troubles du rythme cardiaque pas de différence / non obèse facteurs favorisants : - hypertrophie myocardique et hypoxémie - hypokaliémie (si diurétiques) - SAOS - infiltration graisseuse des nœuds de commande cardiaque
Troubles cardiovasculaires 9) Atteinte coronaire : obésité = facteur majeur de risque coronarien indépendamment des autres facteurs de risque coronarien
Troubles cardiovasculaires 10) Hypertension artérielle 50 à 300% plus fréquente chez l’obèse le plus souvent obésité androïde mortalité plus importante chez l’obèse hypertendu Mécanismes
Hypertension artérielle Hypoventilation liée à l’obésité ± SAOS Augmentation de la demande métabolique hypoxie Insulinorésistance Sécrétion érythropoïétine Volume sanguin hyperinsulinisme polyglobulie Hypertension artérielle Rénine Angiotensine Aldostérone SNA angiotensine vasoconstriction Na+ et H2O réabsorption rénale Activité SNA
Troubles cardiovasculaires 11) Insuffisance veineuse des membres inférieurs fréquence 58% dans l’obésité morbide
Troubles respiratoires consommation O2 et de la production de CO2 des compliances pulmonaires (thoracique, pariétale et parenchymateuse) travail des muscles respiratoires Respiration rapide et superficielle à chercher lors de la consultation
Troubles respiratoires 4) capacité résiduelle fonctionnelle (CRF) CRF de façon exponentielle lorsque l’IMC
hypoxémie Sous AG : CRF < volume de fermeture
Troubles respiratoires 5) Atteinte restrictive pulmonaire VRE, CRF, CV Espace mort Accentuation lors du décubitus dorsal
Troubles respiratoires 6) Syndrome d’apnée obstructive du sommeil survenue nocturne d’arrêts du flux aérien naso-buccal pendant au moins 10 secondes avec une fréquence horaire > 5 à chercher systématiquement fréquence 40 à 70% prédominance masculine polysomnographie
Troubles respiratoires Présomption clinique : questions simples - y a-t-il une notion d’apnée ou de ronflement avec hypopnée pendant le sommeil (sleep-disordered breathing) ? - y a-t-il une notion de réveil nocturne ? - y a-t-il une notion de somnolence diurne ? Triade classique de symptômes permettant d’évoquer le diagnostic de SAOS
Hypoxémie nocturne proportionnelle à l’IMC Polyglobulie Complications cardiaques (HTA, troubles du rythme et de la conduction, HVG) Hypogonadisme Somnolence diurne
Traitements : Réduction pondérale Ventilation nocturne en pression positive continue Chirurgie
Fréquence accrue des intubations difficiles Complications respiratoires (nécessité de ventilation PPC en préopératoire et d’une ventilation postopératoire d’indications larges)
Troubles gastro-intestinaux et métaboliques Fréquence élevée du RGO et de la hernie hiatale 75% des patients obèses ont un volume de liquide gastrique > 25 ml avec un PH < 2,5 Pression intra-abdominale parallèlement à la surcharge Risque important d’inhalation du contenu gastrique
Troubles gastro-intestinaux et métaboliques Fréquence élevée du RGO et de la hernie hiatale 75% des patients obèses ont un volume de liquide gastrique > 25 ml avec un PH < 2,5 Pression intra-abdominale parallèlement à la surcharge Affirmations ne correspondants pas à la réalité Risque important d’inhalation du contenu gastrique
Stéatose hépatique (s’exprime parfois par une élévation modérée des transaminases) Diabète type 2 : fréquence X 9 Dyslipidémie : fréquence X 2
Modifications pharmacologiques Thiopental : effet prolongé jung et al : doses rapportées au poids plus faibles que chez le sujet normal Propofol : pas d’accumulation aux doses classiques Calcul de la dose sur la masse maigre ou sur le poids corrigé (0,4 X excès de poids)
Benzodiazépines : effets prolongés doses en fonction du poids total éviter les réinjections Succinylcholine : poids total ? Des doses de 120 à 140 mg sont suffisantes même si poids > 140 kg
Opiacés : il n’existe aucune preuve que les opiacés lipophiles aient des effets plus prolongés Rémifentanil : doses en fonction du poids idéal Halogénés : sévoflurane et desflurane
Les modifications pharmacocinétiques des divers produits anesthésiques sont peu ou pas connus
Prise en charge anesthésique
Évaluation préopératoire Key issues in the management of obese patients requiring attention perioperatively 1) Common comorbid conditions : diabetes Hypertension Coronary artery disease Obstructive sleep apnea Asthma
2) Gastrointestinal status : Nothing by mouth duration Degree of gastroesophageal reflux 3) Airway evaluation Neck mobility Mouth opening Neck circumference
4) Positioning on the operating room table : ramped, semiseated, sniffing position pressure points 5) Preoxygenation continuous positive airway pressure head up tilt
Évaluation respiratoire Les atteintes respiratoires sont la 1ère cause de morbidité péri opératoire Pathologies respiratoires préexistantes Degré d’intolérance à l’effort, dyspnée Tolérance ventilatoire au décubitus dorsal Recherche d’un SAOS Peak flow
Radiographie du thorax systématique GDSA et EFR indiqués en cas de laparotomie ou de chirurgie thoracique Préparation respiratoire parfois nécessaire Appareillage si SAOS
Évaluation des voies aériennes supérieures IOT difficile 13% vs 2-3% population générale SAOS 30% Critères classiques Circonférence du cou > 60 cm (35%) Association : CC 45,6 + mallampati 3 et SAOS cormack 3
Évaluation cardiovasculaire Dépister une insuffisance ventriculaire Coronaropathie EE ou Scinti L’échographie cardiaque est utile même en l’absence de cardiomégalie et de HVG à l’ECG (sujet âgé + obèse + HTA)
Évaluation métabolique et digestive : Équilibre diabète avant intervention Insulinothérapie transitoire péri opératoire si intervention majeure Arrêt des biguanides 72 heures Recherche d’un RGO (interrogatoire + fibro)
Problèmes techniques 1) Difficulté de perfusion vérifier capital veineux voie centrale si besoin 2) Difficulté de réalisation des ALR (arthrose fréquente) Matériel spécifique nécessaire
Prémédication Très souvent évitée Contre-indiquée si SAOS Éviter la voie intramusculaire et sous cutanée Intérêt des anti-H2 Métoclopramide, dexaméthasone ?
Au bloc opératoire Monitorage Habituel Peut poser des problèmes d’ordre technique Matériel adapté nécessaire Intérêt potentiel de la PAI
Installation Sur table spéciale qui supporte des poids > 130 kg Mobilisation difficile Dispositifs de transfert Protection des points de compression Fixation des membres Au mieux, quand le patient est réveillé
Positionnement Proclive +++ Si décubitus dorsal strict : - altération de la ventilation - refoulement du diaphragme par les viscères abdominaux - compression de la veine cave inférieure - compression aortique
Éviter le trendelembourg Pas d’avantage à la position assise stricte (compression abdominale)
Induction à séquence rapide ? Vitesse de vidange gastrique et pression au niveau du SIO patient obèse = patient non obèse Obésité même morbide n’est pas associée à un risque plus élevé d’inhalation Obèse sans RGO = « Not Full Stomach »
Sellick ou pas sellick : - déviation de l’œsophage - déviation des voies aériennes - réduction du diamètre de la trachée - difficulté d’intubation - difficulté de ventilation - difficulté d’insertion du masque laryngé - souvent mal faite - aucune étude ne démontre formellement une réduction du risque d’inhalation Inutile (ASA 2007)
Pré oxygénation Vt x 3 minutes CV x 4 continuous positive airway pressure (CPAP) « Head-up tilted position »
Induction Produits à cinétique rapide Propofol Remifentanil, sufentanil Curare après visualisation de la glotte (si pas d’estomac plein) Fibroscope
Entretien Pas de particularités Drogues à cinétique rapide
Réveil Minimiser l’augmentation de la consommation d’oxygène : Normothermie Analgésie suffisante Décurarisation complète Position semi assise
ALR Réalisation parfois difficile Nécessité d’un matériel adapté Permet de réduire les risques liés à l’intubation difficile, à l’inhalation. Pas d’accumulation des agents anesthésiques Intérêt pour l’analgésie postopératoire Intérêt de l’association ALR + AG
Risque thromboembolique Risque d’EP x 2 Haut risque de MTVE Héparines de bas poids moléculaire Moyens mécaniques
analgésie Peu d’études Sécurité ? Intérêt de l’ALR PCA morphine