Exposé Philosophique Introduction à La Généalogie de la Morale, un écrit polémique par Friedrich Nietzsche ( 1887). « Que de sang et d'horreur au fond de toutes les bonnes choses ! »
Friedrich Wilhelm Nietzsche philologue, philosophe et poète allemand né le 15 Octobre 1844 à Röcken, en Saxe, et mort le 25 Août 1900 à Weimar en Allemagne. Peu reconnu de son vivant, sa critique procède d’un projet d’instituer de nouvelles valeurs dépassant le ressentiment et la volonté de néant( nihilisme) qui ont dominé l’histoire de l’Europe par l’influence du christianisme.
Thèmes et problématiques posés par la généalogie de la morale. Les thèmes : la nature de la morale contemporaine ; - la psychologie et l’histoire des valeurs de cette morale ; - ses conséquences néfastes ; - la signification de la douleur ; - l’appel à la création de nouvelles valeurs. - Les problématiques : - comment en sommes-nous arrivés à croire en de telles valeurs ? ( origine des valeurs) ; - croire aux valeurs de la morale est-il quelque chose de bénéfique pour l’homme ? ( évaluation des ces valeurs).
Deux méthodes bien distinctes. La méthode Généalogique. - Elle est, selon Nietzsche, la pratique correcte de l’histoire, soit de l’histoire de la morale. - Il convient de bien différencier la généalogie nietzschéenne de celle des historiens : il ne s’agit pas ici de retracer des événements mais bien de découvrir des « types » psychologiques de cultures et d’époques différentes( exemples : la dialectique grecque : plus d’existence propre mais a une place dans les évaluations morales contemporaines). - La réévaluation des valeurs - Il s’agit de montrer le caractère néfaste des valeurs : comment elles constituent des barrières à la culture et à l’élévation de l’homme. - Nietzsche formule l’enjeu de sa généalogie en nous disant que les valeurs issues de la morale judéo-chrétienne « empoisonnent la vie des hommes par des valeurs reposant sur la négation de soi ».
Les adversaires : Schopenhauer et Paul Rée. - En effectuant sa généalogie, Nietzsche se situe par-rapport à deux de ses anciens maîtres dans le domaine de la morale : Arthur Schopenhauer et Paul Rée. Tandis que le premier est cité de nombreuses fois concernant le pessimisme, la pitié et la théorie du caractère, l’autre se distingue par ses recherches sur l’origine des sentiments moraux. Paul Rée, son épouse Lou et Nietzsche.
Les thèses soutenues dans la Généalogie de la Morale. - Dans la Généalogie de la morale, Nietzsche soutient, ou est amené à soutenir, les thèses principales suivantes : les valeurs morales peuvent être expliquées psychologiquement ; il existe dans l'histoire deux types opposés de morale, celle des forts et celles des faibles. Ces types se rencontrent mélangés ; la morale des esclaves a fini par triompher ; la morale des faibles est ennemie de l'épanouissement de l'humanité, en particulier de ces types créateurs, les plus élevés ; la haine de soi et les conflits émotionnels qu'entretient la morale des faibles sont pour Nietzsche une maladie provoquant plus de souffrances que la cure que la morale prétend apporter, et ces souffrances conduisent à la négation de soi et au nihilisme ; cette morale est toujours la nôtre.
Style et argumentation de l’œuvre. -Contrairement à ses précédents écrits, la Généalogie de la morale se présente sous la forme de trois dissertations : I) « Bon et méchant », « bon et mauvais » ; II) « La faute,la mauvaise conscience et ce qui lui ressemble » ; III) « Que signifient les idéaux ascétiques » ? Or il a souvent été reproché à Nietzsche de ne pas présenter ses thèses de manière argumentative et de ne pas les formuler clairement. Cette accusation obtient deux réponses qu’il convient de mettre en avant pour bien comprendre le style de l’auteur. - En premier lieu, l’abnégation dont le philosophe prétend faire preuve dans ses raisonnements les plus abstraits repose sur les mêmes valeurs morales que critique Nietzsche, dès lors, son style doit être regardé comme un choix cohérent en faveur d’un mode qui exclut tout intérêt personnel de la recherche de la vérité : recherche historiques et empiriques qui rendent compte des phénomènes moraux d’un point de vue naturaliste ( peindre la réalité par un travail minutieux, une très grande attention sur la vérité des choses). - En second lieu, il est impossible pour Nietzsche de s’adresser à ses lecteurs comme si ces derniers n’étaient que de purs intellects : l’homme est, selon lui, un ensemble d’instincts et d’affects( ce qui influe sur le comportement, le sentiment à opposer à l’intellect). - Il s’agit donc bien d’une authentique recherche de la vérité, bien qu’il ne s’agisse dans ce cas d’une recherche inconditionnée de la vérité, mais d’une exigence de véracité( comme chez les historiens). De ce fait, de très nombreux commentaires ont été émis au sujet de cette œuvre car elle se présente sous une forme plus systématique ( classificatrice) que les textes qui la précèdent.
Le public visé. - Compte tenu de la rhétorique( art oratoire) utilisée par Nietzsche et de la charge anti-chrétienne contenue dans l’œuvre, quel public est-il visé ? Une première hypothèse serait qu’il s’agit, pour l’auteur, de persuader les chrétiens du caractère néfaste de leur valeurs. Mais cela reste peu probable et certains préfèrent rapprocher le caractère polémique de la Généalogie de la morale de l’homme fou du Gai Savoir, ayant appris que « Dieu n’existe pas » : si Dieu est mort, les valeurs morales sont obsolètes ( dépassées).
Première dissertation : « Bon et méchant, bon et mauvais ». - Outre le paragraphe 260 de Par-delà bien et mal qui présente les grandes lignes des thèses soutenues dans cette dissertation, Nietzsche en donne un résumé dans Ecce Homo : « La vérité de la première dissertation est la psychologie du christianisme : la naissance du christianisme par l’esprit du ressentiment, et non, comme on aime à le croire, par « l’Esprit » - dans son essence même mouvement réactif, le grand soulèvement contre la domination des valeurs nobles ». - La thèse de Nietzsche est que la morale issue du christianisme est la création d’un certain type d’hommes ( dont l’existence se situe entre les 1er et 3ème siècles avant J-C). Excluant l’inspiration divine comme explication de l’avènement (venue) des valeurs de cette morale, Nietzsche propose de rendre compte psychologiquement du renversement radical des valeurs nobles qui a conduit à leur dévaluation.
Contradiction interne de l’altruisme. - Malgré cette confusion sur les philosophes qu’il attaque, les arguments de Nietzsche contre la morale altruiste peuvent en outre être examinés pour eux-mêmes. Nietzsche soutient ainsi que la morale altruiste est à la fois psychologiquement contradictoire et historiquement insoutenable. L’argument étant qu’il est impossible que quelqu’un oublie pour lui-même le bénéfice d’une action : l’utilité même de l’altruisme( dévotion à autrui ) ne peut être oubliée car il en va de l’intérêt de ceux qui en sont les bénéficiaires. Cette contradiction est fatale car cela ferait de l’origine de la morale l’oubli de la qualité désintéressée. Une autre méthode s’impose : chercher les significations des termes. - La première dissertation commence par une critique des penseurs anglais qui, selon Nietzsche, font du désintéressement et de l’oubli de ce désintéressement la source de la morale. La formulation que donne Nietzsche de la pensée anglaise est estimée inexacte, voire fausse, mais elle reste valable si l’on identifie la cible de la critique nietzschéenne comme étant Paul Rée.
Le ressentiment. - La distinction « bon et méchant » produit de ce que Nietzsche nomme « morale des esclaves », désigne donc pas « méchant » ce qui est bon pour l’autre morale, celle des maîtres : de ce sophisme naît un véritable renversement de valeurs ( le bon devient le méchant). Le ressentiment ( se souvenir avec rancune) est alors comme une « vengeance imaginaire », une « vindicte (punition) essentiellement spirituelle ». La constitution du ressentiment implique un sophisme du type : « Les aigles sont méchants, or nous sommes le contraire des aigles, donc nous sommes bons, dit l’agneau logicien ». L’agneau, le faible, voudrait faire croire que lui se retient de manger l’aigle ( fiction d’une force « séparée de ce qu’elle peut ») et que par conséquent il est bon que l’aigle soit méchant car il ne se retient pas. L’aigle peut alors répondre, en toute rigueur : « Je ne suis pas méchant, je vous aime bien vous les agneaux, rien n’est plus savoureux qu’un petit agneau ». - Par une recherche étymologique touchant les mots « bon » et « mauvais », Nietzsche tente de montrer que les couples d’évaluation « bon et méchant » et « bon et mauvais » ont des origines distinctes et donc que le mot « bon » a deux sens radicalement opposés. Cela exprime la différence d’évaluation chez les forts ( le bon est le noble, le puissant, celui qui est pleinement ; le mauvais est celui qui n’a rien de tout cela, le malheureux) et celle des faibles ( le méchant est le fort, le bon est celui qui n’est pas méchant).
Métaphysique de la Volonté Schéma récapitulatif. Bon et mauvais Bon et méchant Genèse Chronologie Le bon vient en premier, le « mauvais » est seulement dérivé Le « méchant » vient en premier, le « bon » est défini ensuite comme celui qui n’est pas « méchant » Motivé par Affirmation de soi Ressentiment Evaluation Porte sur La personne, le caractère Les actions Valeurs Noblesse( grandeur) du caractère ( de la personnalité) Toutes les actions en faveur de ceux qui souffrent sont bonnes Métaphysique de la Volonté Liberté Pas d’idée d’un agent libre Agent libre d’être « bon » ou « méchant »
Transition avec la seconde dissertation. - Ayant présenté les premières méthodes de Nietzsche dans sa recherche de la vérité concernant la morale, cela va se poursuivre avec la seconde dissertation, c’est-à-dire « La faute et la mauvaise conscience et ce qui les rapporte ». « Rien n’est plus savoureux qu’un petit agneau ». Le fort. « Ce n’est pas que je ne puisse pas me venger, je ne le veux pas ». Le faible. Vision des faibles