La résistance des bactéries aux antibiotiques Eugen Ciobanu, responsable qualité EOHH Clinique François 1er 51100 Saint-Dizier Resclin Champagne-Ardenne - 15ème JRAF 30 novembre 2010
La résistance des bactéries aux antibiotiques Généralités Bactéries Antibiotiques La résistance aux antibiotiques Stratagèmes, mécanismes moléculaires Support génétique Origine et diffusion
Bactéries « Procaryotes » : organismes les plus nombreux sur terre, 99% biomasse La plupart des bactéries d’intérêt médical (pathogènes) rentrent dans une classification simple basée sur leur forme, la coloration de Gram, et leur métabolisme respiratoire (aérobie ou anaérobie) Les pathogènes ne représentent qu’une faible partie des espèces bactériennes La structure des bactéries permet la compréhension de leurs caractères physiologiques
Bactéries La capsule La paroi cellulaire La membrane cytoplasmique Chromosome: ADN double brin unique circulaire; génome haploïde Plasmides: ADN circulaire Ribosomes: ARN →synthèse protéines
Bactéries Dans l'écosystème - deux phénomènes : compétition entre microorganismes environnement hostile Mécanismes de survie: production « d’antibiotiques » → les principaux groupes d’antibiotiques: naturels (bactéries, champignons); mécanismes de résistance au milieu et aux antibiotiques
Antibiotiques - définition Substances à l'origine naturelles, ensuite hémi-synthétiques ou synthétiques Suffisamment bien tolérées pour être administrées au patient Bactériostatiques ou bactéricides aux concentrations thérapeutiques Les antibiotiques et la résistance aux antibiotiques sont contemporains des premières bactéries
Antibiotiques – mécanismes d’action (cibles)
Antibiotiques – conditions d’action - posséder une cible bactérienne spécifique - y accéder sous forme active - interagir efficacement avec la cible, en l’inactivant Si l’une de ces conditions n’est pas remplie, la bactérie est résistante à l’antibiotique
Résistance naturelle Existence d'un ou plusieurs mécanismes de résistance innés, donc propres à l'espèce. Elle permet de définir le spectre clinique d'un antibiotique. Exemples de résistances naturelles - mycoplasmes et ß-lactamines: cible absente (paroi) - P. aeruginosa et amoxicilline: inactivation - bactéries à Gram négatif et vancomycine: cible inaccessible
Résistance acquise Acquisition d'un mécanisme de résistance pour une souche d'une espèce habituellement sensible Stratagèmes: Le désarmement: rendre inoffensif l’antibiotique en l’inactivant Le blindage: empêcher l’accès de l’antibiotique à sa cible Le camouflage: modifier la cible pour qu’elle ne soit plus reconnue par l’antibiotique
Résistance acquise Depuis la révolution « antibiotiques » en thérapeutique, la résistance acquise avait été remarquée, mais l’incidence: faible A présent: l’identification seule d’une souche ne suffit plus: utilité de l’antibiogramme
Le « désarmement » Production d’enzymes d’inactivation Production de bêta-lactamases (pénicillines, céphalosporines) Enzymes: pénicillinases, bêta-lactamases à spectre élargi, bêta-lactamases à spectre étendu (BLSE), bêta- lactamases à spectre étendu (BLSE) résistantes aux inhibiteurs Résistance des staphylocoques à la pénicilline G Résistance des entérobactéries aux bêta-lactamines (entérobactéries BLSE)
Le « blindage » Modification de la structure des porines L'efflux actif: synthèse d'une « pompe »
Modification des porines Le « blindage » Modification des porines Efflux actif
Le « blindage » Modification de la structure des porines Résistance acquise de Pseudomonas aeruginosa à la ticarcilline, aux carbapénèmes, aux fluoroquinolones L'efflux actif: synthèse d'une « pompe » Résistance du pneumocoque aux fluoroquinolones Résistance de P. aeruginosa aux fluoroquinolones
Le « camouflage » Modification de la cible de l’antibiotique Diminution de l’affinité pour les bêta-lactamines (Streptococcus pneumoniae) Synthèse de nouvelles « cibles » résistantes à toutes les béta- lactamines (Staphylococcus aureus)
Mécanismes moléculaires Trois mécanismes de base: Production d’enzymes d’inactivation Modification de la perméabilité (mécanisme passif ou actif) Modification de la cible de l’antibiotique Une espèce bactérienne peut posséder plusieurs mécanismes concomitents
Support génétique Le capital génétique de la bactérie: Chromosome ADN extra chromosomiques (plasmides, transposons, intégrons..) Variabilité au sein des espèces bactériennes: l'apparition d’un ou plusieurs nouveaux caractères: Mutations Transfert de gènes entre bactéries
Résistance chromosomique Mutation de gènes préexistants. Ces mutations sont rares (fréquence = 10-5 à 10-9), mais leur taux est stable L’antibiotique n’est pas mutagène mais il sélectionne les mutants présents (existants dans toute population) Elles sont héréditaires, mais non transmissibles en dehors de la descendance – transmission verticale Mono résistance: risque de créer une nouvelle population résistante - intérêt de l’association des antibiotiques
Résistance chromosomique Traitement antituberculeux: Mycobacterium tuberculosis: fréquence de mutants résistants Streptomycine: 10-5 à10-6 Isoniazide: 10-6 Rifampicine: 10-7 à 10-8 Association d’antibiotiques: baisse de la fréquence de mutants résistants Isoniazide + Rifampicine: 10-6 x 10-7 = 10-13
Résistance plasmidique: acquisition de gènes Certaines bactéries possèdent des gènes de résistance qui sont portés par des éléments génétiques mobiles (ADN): - Plasmides - Transposons Ils codent pour de nouvelles molécules responsables: d’une inactivation de l'antibiotique (ex. beta-lactamases) d’un efflux de l'antibiotique d’une altération ou une substitution de la cible de l'antibiotique Ces éléments sont mobilisables et permettent une dissémination de la résistance (« contagieuse »)
Résistance plasmidique: acquisition de gènes
Résistance plasmidique: acquisition de gènes Chromosome Plasmide
Résistance plasmidique: acquisition de gènes L’antibiotique ne fait que sélectionner les bactéries porteuse de ces gènes La résistance est transmise: aux cellules filles: transfert vertical à des espèces proches ou éloignées: transfert horizontal Il s’agit souvent de multirésistance L’utilisation d’un seul antibiotique sélectionne des bactéries résistantes à plusieurs antibiotiques (les gènes de résistance étant portés sur le même plasmide).
Résistance plasmidique: acquisition de gènes Quelques exemples de gènes de résistance acquis : - pénicillinases de S. aureus, de E. coli, de P. aeruginosa … - résistance à la vancomycine des entérocoques et de S. aureus - résistance aux macrolides - pompes d’efflux (cyclines, chloramphénicol, quinolones)
Résistance plasmidique: acquisition de gènes Patient porteur ERV (ERG) + infection à Staphylocoque doré Méticilline-R Traitement: Vancomycine → colonisation massive avec ERV ERV + SAMR - transfert de résistance: Staphylocoque doré vanco-résistant = Impasse thérapeutique!
Origine et diffusion des résistances Toute exposition aux antibiotiques produit l’émergence de résistances, y compris les traitements réussis! Mais le phénomène de la résistance est amplifié par: l’usage de doses trop faibles l’usage sur une durée trop courte (moins de 8 jours) ou trop longues
La "multi résistance" Il n’existe pas une définition univoque. Il est d’usage de parler de multirésistance face à "une bactérie qui, du fait de l'accumulation de résistances naturelles ou acquises, n'est plus sensible qu’à un petit nombre d'antibiotiques habituellement actifs en thérapeutique" Au total, ce terme s’emploie habituellement pour une bactérie qui pose un problème de ressource thérapeutique.
La "multi résistance" Contexte aujourd’hui: taux élevés de multirésistance de certaines espèces progression de la multirésistance absence de réelles perspectives de découverte de nouveaux antibiotiques Concerne: espèces plutôt impliquées dans les infections acquises à l’hôpital comme Staphylococcus aureus mais aussi espèces bactériennes plutôt responsables d’infections communautaires comme Streptococcus pneumoniae. Menace réelle pour l’avenir Enjeu majeur de santé publique
La "multi résistance" Les deux déterminants de l’émergence et de la diffusion de la résistance bactérienne aux antibiotiques : l’exposition de la population aux antibiotiques la transmission interindividuelle des souches résistantes Il convient donc d’agir sur ces 2 aspects : bon usage des antibiotiques et lutte contre les transmissions croisées