Droit institutionnel de l’Union européenne

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Transcription de la présentation:

Droit institutionnel de l’Union européenne Primauté -effet direct-responsabilité extra-contractuelle Nicolas de Sadeleer Professeur aux FUSL

Première partie Primauté du droit CE

Principe d’origine prétorienne qui n’a jamais été expressément inscrit dans les traités. Principe reste bien absent du traité de Lisbonne La primauté commande l’exclusion de toute règle interne, quelle que soit sa place dans la hiérarchie des normes, enfreignant la légalité communautaire, quelle que soit sa source (droit primaire ou secondaire).

Costa c Enel/Faits Un particulier contestait devant un juge italien la conformité au traité CEE de la loi de nationalisation de la production et de la distribution d’électricité. Dans le cadre d’un contentieux préjudiciel, le gouvernement italien avança que la procédure était frappée d’une irrecevabilité absolue dans la mesure où la loi italienne postérieure primait la loi d’approbation du traité CEE. L’exception de procédure a obligé la CJCE a prendre une position claire sur la primauté.

A la différence des traités internationaux ordinaires, le traité de la C.E.E. a institué un ordre juridique propre intégré au système juridique des États membres lors de l'entrée en vigueur du traité et qui s'impose à leur juridiction. En instituant une communauté de durée illimitée, dotée d'institutions propres, de la personnalité, de la capacité juridique, d'une capacité de représentation internationale et plus particulièrement de pouvoirs réels issus d'une limitation de compétence ou d'un transfert d'attributions des États à la Communauté, ceux-ci ont limité leurs droits souverains et créé ainsi un corps de droit applicable à leurs ressortissants et à eux-mêmes.

PRIMAUTE CJCE, 15 juillet 1964, Costa c E.N.E.L., aff. 6/64 Cette intégration, au droit de chaque pays membre, de dispositions qui proviennent de sources communautaires et plus généralement les termes et l'esprit du traité, ont pour corollaire l'impossibilité pour les États de faire prévaloir, contre un ordre juridique accepté par eux sur une base de réciprocité, une mesure unilatérale ultérieure (...).

PRIMAUTE CJCE, 15 juillet 1964, Costa c E.N.E.L., aff. 6/64 « Issu d’une source autonome, le droit né d traité ne pourrait donc, en raison de sa nature spécifique originale, se voir judiciairement opposer un texte interne quel qu’il soit (...) Le transfert opéré par les États, de leur ordre juridique interne au profit de l'ordre juridique communautaire, des droits et obligations correspondant aux dispositions du traité entraîne donc une limitation définitive de leurs droits souverains. »

PRIMAUTE CJCE, 9 mars 1978, Simmenthal, aff. 106/77 En vertu du principe de la primauté du droit communautaire, les dispositions du traité et les actes des institutions directement applicables ont pour effet, dans leurs rapports avec le droit interne des États membres, non seulement de rendre inapplicable de plein droit, du fait même de leur entrée en vigueur, toute disposition contraire de la législation nationale existante, mais encore - en tant que ces dispositions et actes font partie intégrante, avec rang de priorité, de l'ordre juridique applicable sur le territoire de chacun des États membres - d'empêcher la formation valable de nouveaux actes législatifs nationaux dans la mesure où ils seraient incompatibles avec des normes communautaires.

Primauté: rôle des juridictions nationales « Le juge national chargé d’appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit CE, a l’obligation d’assurer le plein effet de la directive en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition nationale contraire » (C.J.C.E., 9 mars 1978, Simmenthal, aff. 106/77 , Rec., p. 629).

Fondement de la primauté Le fondement de la primauté doit donc être recherché dans la nature et les caractéristiques de l’ordre juridique communautaire. C’est donc le traité qui est à la source de la primauté et non les constitutions nationales, auxquelles la primauté peut d’ailleurs être opposée.

Primauté sur le droit constitutionnel Le principe d’égalité de traitement entre les hommes et les femmes prévaut sur la Loi fondamentale allemande qui prévoyait que les femmes ne pouvaient en aucun cas être employée à un service armé. (CJ, 11 janvier 2000, Kreil, aff. C-285/98)

Limites posées au principe de primauté Tension permanente entre les impératifs de la primauté et le modalités de sa mise en oeuvre. Le principe de sécurité juridique prime sur celui de la primauté: le droit CE n’impose pas à une juridiction nationale d’écarter une sentence arbitrale devenue définitive alors même que cela s’avère nécessaire pour pouvoir examiner la validité du contrat que la sentence arbitrale a déclaré valable à l’aune du droit CE (arrêt Eco Swiss, 1 juin 1999) le droit CE n’exige pas des autorités administratives nationales de revenir sur une décision administrative définitive en contradiction avec un arrêt préjudiciel (arrêt Kühne & Heitz, 13 janvier 2004)

Seconde partie Effet direct du droit CE

Effet direct et droit international Droit intl.: aptitude d’une disposition d’un traité de produire directement des droits et des obligations dont les particuliers peuvent se prévaloir devant les tribunaux ou toute autre autorité nationale. La grande majorité des traités ne revêtent pas ce caractère.

Effet direct et droit CE Conception plus libérale: présomption en faveur de l’effet direct Le droit CE est au service d’un projet d’intégration. Le droit CE, dans son ensemble, est comme tel apte à produire des effets qui affectent immédiatement la situation personnelle et matérielle des particuliers.

Effet direct en fonction des catégories d’actes communautaires l'effet direct appliqué aux règles du traité l'effet direct appliqué au règlement (3) l'effet direct appliqué à la décision (4) l'effet direct appliqué à la directive (5) l'effet direct appliqué aux accords internationaux conclus par la CE

(1) L’effet direct appliqué aux traités constitutifs Lorsque les dispositions du TCE sont claires, précises et inconditionnelles, la CJCE reconnaît le droit, dans le chef du particulier, d'invoquer devant une juridiction nationale à l'encontre de l'Etat défaillant, les effets immédiats qui découlent des obligations imposées aux EM.

CJCE, 5 février 1963, Van Gend en Loos, aff. 26/62 L’arrêt Van Gend en Loos marque le divorce le plus net avec la solution traditionnelle du droit international. La CJCE s’est écartée d’une interprétation textuelle et subjective; elle a tranché en fonction des buts et du système du traité (interprétation téléologique et systématique) Le fondement de l’effet direct en droit CE: spécificité même de l’OJ CE

CJCE, 5 février 1963, Van Gend en Loos, aff. 26/62 Le droit communautaire, indépendant de la législation des États membres, de même qu'il crée des charges dans le chef des particuliers, est destiné à engendrer des droits qui entrent dans leur patrimoine juridique. Ces droits naissent non seulement lorsqu'une attribution explicite en est faite par le traité, mais aussi en raison d'obligations que le traité impose d'une manière bien définie tant aux particuliers qu'aux États membres et aux institutions communautaires.

CJCE, 5 février 1963, Van Gend en Loos, aff. 26/62 Art. 12(nouvel art. 25) CEE est directement applicable: - interdiction claire et inconditionnelle - obligation n’est assortie d’aucune réserve - le fait que la disposition désignait les EM comme destinataires de l’obligation n’implique pas que les ressortissants ne pussent en être les bénéficiaires

Critères pour conférer un effet direct Caractère complet, inconditionnel et précis de la disposition Il n’est pas requis que la disposition confère des droits subjectifs aux particuliers

Effet direct des dispositions du traité CE Effet direct complet (vertical et horizontal) Concurrence (art. 81-82 CE); libre circulation des personnes (art. 39 CE); non-discrimination (art. 141 CE) Effet direct limité (uniquement vertical) Interdiction droits de douane et taxes d’effet équivalent (art. 25 CE); Interdiction droits restrictions quantitatives à l’importation et à l’exportation (art. 28-29 CE)

Exemple d’effet direct complet « La prohibition de discrimination entre travailleurs masculins et féminins s’impose non seulement à l’action des autorités publiques, mais s’étend également à tues conventions visant à régler de façon collective le travail salarié ainsi qu’aux contrats entre particuliers »(Arrêt Defrenne, aff. 43/75)

Exemple d’effet direct complet L’article 48 CEE (nouvel article 39 CE) - libre circulation des travailleurs - s’applique à des règles dictées par des associations sportives qu déterminent les conditions d’exercice d’une activité salariée par des sportifs professionnels » (Arrêt Bosman, aff. C-415/93, point 116)

Effet direct dans la CEDH Seuls les Etats sont défendeurs dans le cadre des procédures juridictionnelles mises en place par la CEDH. Effet direct horizontal indirect concernant les obligations positives que doit prendre l’Etat à l’égard d’une personne privée en vue de protéger les droits fondamentaux d’une autre personne.

Effet direct des dispositions du traité CE Absence d’effet direct: dispositions de nature institutionnelle dont la mise en oeuvre est subordonnée à l’exercice d’une compétence CE; objectifs du traité; obligation de coopération; politique sociale

Absence d’effet direct : exemples Art. 2 fixant les objectifs du traité C E Art.87-88 CE dans la mesure où ils accordent à la Com. un large pouvoir d’appréciation. Art. 136-140 CE concernant la politique sociale Art. 158-162 (cohésion éco-soc), 153 (consommateurs), 174-175 (envt.) car ils présentent un caractère programmatique.

Effet direct - Absence d’effet direct/Aides d’Etat Effet direct vertical : Art. 88,§3 CE Impose à l’EM la notification préalable des projets aides d’Etat à la Commission européenne - aucun pouvoir discrétionnaire dans le chef de l’EM Absence d’effet direct : Art. 87 CE Prévoit que les aides d’Etat sont incompatibles avec le marché commun - pouvoir discrétionnaire de la Commission - possibilité d’avaliser ou de refuser l’aide projetée

(2) Effet direct du règlement Source directe de droit dans les Etats, le règlement bénéficie de plein droit de l’effet direct dans son ensemble. «en raison de sa nature même et de sa fonction dans le système des sources du droit communautaire, le règlement produit des effets immédiats et est, comme tel, apte à conférer au particulier des droits que les juridictions nationales ont l'obligation de protéger» (C.J.C.E., 14 décembre 1971, Politi, aff. 43/71) Il est susceptible d'avoir à la fois un effet direct vertical et horizontal

Effet direct horizontal du règlement Effet direct horizontal : possibilité pour un opérateur économique d’intenter, à l’encontre d’un autre opérateur, un procès civil pour assurer le respect du règlement

Exemple récent de l’effet direct horizontal du règlement « Il y a lieu de considérer que la pleine efficacité de la réglementation en matière de normes de qualité applicables à des variétés de raisins de table et, en particulier, l'effet utile de l'obligation édictée à (...) impliquent que le respect de cette obligation puisse être assuré dans le cadre d'un procès civil intenté par un opérateur à l'encontre d'un opérateur concurrent.” (CJCE, 17 septembre 2002, Antonio Muñoz y Cia SA, aff. C-253/00)

(3) Effet direct de la décision Lorsqu’elle impose une obligation inconditionnelle et suffisamment nette et précise, la décision engendre dans le chef des particuliers que les juridictions nationales doivent sauvegarder (arrêt 12 décembre 1990, Kaefer et Procacci, aff. jtes. C-100 et 101/89).

(4) Effet direct de la directive « Most of the problems surrounding the direct effect of EC law arise with directives. Directives are different from the Community Treaties and regulations; they are not automatically the law of the land; they are first in need of implementation. Directives are in form and in substance a bit like international treaties. (...) » P-J KUIJPER, ‘Epilogue’ in Prinssen & Schrauwen (eds.) Direct Effect (Europa Law Pub., 2004) 254

A priori, absence d’effet direct de la directive A la différence du règlement, la directive s'inscrit dans la perspective d'un dualisme des ordres juridiques avec, d'une part, l’OJ CE et, d'autre part, l’OJ national. L'autorité de droit interne doit intervenir, non seulement pour intégrer les dispositions de la directive, mais également pour assurer leur mise en oeuvre concrète par l'adoption de mesures dont elle décide discrétionnairement le contenu. Par conséquent, la correcte mise en oeuvre d’une directive par l’intermédiaire de mesures d’application, atteint directement le destinataire indirect de la norme CE.

Effet direct d’une directive Ce dualisme est toutefois atténué par l'application de la théorie de l'effet direct. La CJCE a consacré depuis l'arrêt Van Duyn la théorie de l'effet direct des directives (arrêt du 4 décembre 1974, aff. 41/74, Van Duyn) L’effet direct ne ne se pose que si l’EM n’a pas correctement exécuté la directive.

Les deux raisons d’être de l’effet direct de la directive Incompatibilité avec la valeur contraignante de la directive Effet utile serait atténué dans la mesure où les obligations qui en découlent ne pourraient être invoquées par les personnes concernées

Effet direct de la directive Il s’ensuit que les particuliers sont fondés à les invoquer devant le juge national à l’encontre de toute autorité de l’Etat membre, soit lorsque la directive n’a pas été transposée dans les délais, soit lorsqu’elle a été transposée incorrectement. L’effet direct fait du citoyen un véritable justiciable du droit CE.

Conditions La règle doit être claire et précise et inconditionnelle (elle ne requiert pas, pour son application, l'interposition d'un pouvoir discrétionnaire exercé par une institution communautaire ou un organe de l'Etat membre)

Conditions non remplies “Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour assurer que les déchets seront valorisés ou éliminés sans mettre en danger la santé de l'homme .... : (Directive 75/442 déchets) “la disposition en question doit être considérée comme la délimitation du cadre dans lequel doit se dérouler l'activité des Etats membres en matière de traitement de déchets et non comme imposant en soi l'adoption de mesures concrètes ou telle méthode d'élimination des déchets. Elle n'est donc ni inconditionnelle ni suffisamment précise et n'est pas ainsi de nature à conférer des droits que les particuliers sont en mesure de faire valoir à l'égard de l'Etat” (Arrêt Comitato di coordinamento per la difesa della cava du 23 février 1994, aff. C-236/92, point 14) L'article 4 de la directive ne peut servir de fondement à la contestation de la légalité d'une autorisation administrative dont la procédure d'octroi aurait été scrupuleusement respectée mais qui ne garantirait pas, sur le fond, le respect des conditions de protection de la santé et de l'environnement.

Effets direct vertical et horizontal Les dispositions d’une directive, qui sont inconditionnelles et suffisamment précises, peuvent être invoquées par les particuliers, de manière verticale (effet ascendant), dans leurs rapports avec les autorités étatiques, En revanche, A) elles ne peuvent être invoquées, de manière verticale (effet descendant), , par des autorités à l’encontre d’individus. B) elles ne peuvent être invoquées, de manière horizontale, par des particuliers à l’encontre d’autres individus. (C.J.C.E., 14 juillet 1994, Faccini Dori, aff. C-91/92, Rec., p. I-3325.)

Effet vertical descendant JP constante CJCE « Une directive ne saurait avoir comme effet, par elle-même et indépendamment d’une loi interne prise pour son application, de déterminer ou d’aggraver la responsabilité pénale de ceux qui agissent en infraction à ses dispositions » (Arrêt Pretore di Salo, 14/86, point 20).

Effet vertical descendant Mrs Delena Wells, riveraine d’une carrière Autorisation de réexploiter la carrière accordée à un nouvel exploitant Absence d’étude d’impact sur le milieu conformément à la Directive 85/337 Qu. préjudicielle : possibilité pour Mrs Delena Wells d’invoquer Directive 85/337 non appliquée au cas d’espèce

Effet vertical descendant « De simples répercussions négatives sur les droits des tiers, même si elles sont certaines, ne justifient pas de refuser à un particulier d’invoquer les dispositions d’une directive à l’encontre de l’EM concerné » (Arrêt Wells, C-201/02, point 57) Pas de situation d’  « inverse direct effect » comme l’avait argué les autorités britanniques

Effet vertical descendant « Le fait que les opérations d’exploitation minière doivent être arrêtées pour attendre les résultats de l’évaluation est, certes la conséquence de la réalisation tardive des obligations incombant à la GB » (Arrêt Wells, C-201/02, point 58)

Effet direct vertical Passé le délai de transposition, les particuliers peuvent invoquer directement à l’encontre de l’EM défaillant les dispositions de la directive qui remplissent les conditions de l’applicabilité directe.

Effet direct d’exclusion En application du principe de primauté, le juge national doit écarter tout droit national contraire à la directive alors qu’aucun droit subjectif n’est en cause (24 octobre 1996, Kraaijeveld, aff. C-72/95; 19 septembre 2000, Linster, aff. C297/98)

Absence d’effet direct horizontal «le caractère contraignant d'une directive sur lequel est fondé la possibilité d'invoquer celle-ci devant une juridiction nationale n'existe qu'à l'égard de tout Etat membre destinataire. Il s'ensuit qu'une directive ne peut créer d'obligation dans le chef d'un particulier et qu'une disposition d'une directive ne peut être invoquée en tant que telle à l'encontre d'une telle personne devant une juridiction nationale» (C.J.C.E., 26 février 1986, Marshall, aff. 152/84)

Palliatif permettant de contourner les limites de l’effet direct: l’obligation d’interprétation conforme En vue de garantir l’effet utile des directives dans le cas où il ne serait pas possible d’invoquer l’effet direct de certaines de leurs dispositions, la CJCE a conçu, de façon prétorienne, un mécanisme complémentaire, qui consiste à obliger les Etats membres à interpréter, dans toute la mesure du possible, leurs règles nationales à la lumière du texte et de la finalité de certaines directives. (CJCE, 10 avril 1984, Von Colson et Kamann, aff. 14/83, point 16 ; 14 juillet 1994, Faccini Dori, aff. C-91/92, point 26.)

Obligation d’interprétation conforme Cette jurisprudence permet donc de contourner l’écueil de l’absence d’effet direct des directives. L’ obligation d’interprétation conforme porte sur toute législation prise pour l’application de la directive dans l’ordre juridique dans son ensemble. L’ obligation peut-elle se faire contra legem ?

CJCE, 5 octobre 2004, Pfeiffer, C-397/01 à C-403/01 Obligation d’interprétation conforme : risque d’interprétation contra legem CJCE, 5 octobre 2004, Pfeiffer, C-397/01 à C-403/01 Malgré le caractère précis et inconditionnel des articles de la directive, absence d’effet direct horizontal Si le choix entre deux méthodes interprétatives, le juge national devra choisir celle qui écarte le conflit (points 116-117). Voyez tout particulièrement le point 119 « prendre en considération l’ensemble des règles de droit national  pour garantir la pleine effectivité » de la directive mal transposée (point 119).

Obligation d’interprétation conforme : risque d’interprétation contra legem CJCE, 5 octobre 2004, Pfeiffer, C-397/01 à C-403/01 La juridiction nationale doit donc faire tout ce qui relève de sa compétence pour garantir la pleine effectivité de la directive afin d’empêcher le dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail. Problème: quelle interprétation autre que contra legem permettrait au juge allemand d’interpréter cette possibilité de dépassement en conformité avec le droit CE?

Limites à l’obligation d’interprétation conforme La juridiction nationale est tenue lorsqu’elle interprète le droit national à l’aune de la directive ou du règlement de prendre en considération les PGDt de sécurité juridique et de non rétroactivité.

Limites à l’obligation d’interprétation conforme Impossibilité de déterminer ou d’aggraver la responsabilité pénale -pour les directives, arrêt 11 juin 1987, Pretore di Salo, 14/86 - en ce qui concerne les règlements, arrêt 7 janvier 2004, X, C-60/02

Extension de l’obligation d’interprétation conforme Extension aux décision-cadre, Arrêt Maria Pupino, C-105/03, point 61

(5) Effet direct des décisions Absence d’effet direct horizontal des décisions à portée générale adressées aux EM, et obligatoires uniquement pour ces derniers (CJ, 7 juin 2007, aff. C-80/06).

(6) Effet direct des accords internationaux conclus par la CE A la différence de l’OJ CE, le droit international est moins marqué par la volonté des parties contractantes d’accorder des droits subjectifs. Toutefois, pas d’exclusion de principe de l’effet direct des dispositions claires et précises qui ne sont subordonnées, dans leur exécution, à l’intervention d’aucun acte ultérieur (arrêt 30 sept. 1987, Demirel, 12/86).

Effet direct des accords OMC En principe, les accords de l’OMC ne sont pas de nature à engendrer dans les justiciables de la CE le droit de s’en prévaloir en justice. Raison= principe de négociations entreprises sur une base de réciprocité et d’avantages mutuels. « Compte tenu de leur nature et de leur économie, les accords OMC ne figurent pas en principe parmi les normes au regard desquelles la Cour contre la légalité des actes des institutions communautaires » (arrêt 23 nov. 1999, Portugal/Conseil, C-149/96 point 47)

Effet direct des accords OMC La CJCE peut toutefois contrôler la légalité d’un acte communautaire au regard des règles de l'OMC dans 2 hypothèses: La CE a entendu donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre de l'OMC; l'acte communautaire renvoie expressément à des dispositions précises des accords OMC. (arrêt Portugal/Conseil, point 49).

Troisième partie Responsabilité EM en cas de violation du droit CE

Responsabilité EM en cas de violation du droit CE Si l’abstention de la part de l’autorité de droit interne d’exercer le pouvoir discrétionnaire dont une directive lui impose de faire usage est susceptible de causer des dommages à des particuliers, ces derniers peuvent, en vertu de la jurisprudence de la CJCE, obtenir réparation en engageant la responsabilité de l’Etat défaillant pour défaut de transposition de la directive.

Responsabilité EM Les particuliers doivent pouvoir bénéficier de la possibilité d'obtenir réparation lorsque leurs droits sont lésés par une violation du droit communautaire imputable à un Etat membre et cela tout spécialement quand l'Etat concerné méconnaît l'obligation qui lui incombe de prendre toutes les mesures nécessaires pour atteindre le résultat prescrit par une directive.

Responsabilité EM: principe d’effectivité « La possibilité de réparation à charge de l'Etat membre est particulièrement indispensable lorsque le plein effet des normes communautaires est subordonné à la condition d'une action de la part de l'Etat et que, par conséquent, les particuliers ne peuvent pas prévaloir devant leur juridiction nationale les droits qui leur sont reconnus par le droit communautaire ». (arrêt 19 novembre 1991, Francovitch et Bonifaci, aff. C/6/90 et C/9/90, point 34)

Fondements de la responsabilité EM Principe de responsabilité est « inhérent au système du traité » (Francovitch, point 34) Principe de coopération loyale (Francovitch, point 36)

Responsabilité: conditions Trois conditions doivent toutefois être remplies : a) le résultat prescrit par la directive comporte l’attribution de droits au profit de particuliers, droits dont le contenu doit pouvoir être identifié sur la base des dispositions de la directive b) la violation doit être suffisamment caractérisée ; c) il doit exister un lien de causalité entre la violation de l’obligation incombant à l’Etat et le dommage subi. C.J.C.E., 19 novembre 1991, Francovitch et Bonifaci, aff. C-6/90 et C-9/90, para. 40; 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur, C-46 et 48/93

1ère cond.: attribution de droits Question: quand un droit est-il conféré par une directive et de quelle manière se distingue-t-il de l’effet direct? La responsabilité est indépendante de l’effet direct (voy. le cours précédent sur l’effet direct d’exclusion dans le cadre du contentieux objectif). Exemple: arrêt 12 octobre 2004, Peter Paul, C-222/02

Droit belge va plus loin dans la protection des justiciables Le droit belge est plus favorable au justiciable que la jp Francovitch qui énonce que la violation d’une règle de droit CE doit avoir pour effet de conférer des droits aux particuliers. L’autorité administrative commet une faute lorsqu’elle prend ou approuve un règlement qui méconnaît une disposition de droit international ayant des effets directs (Cass, 14 janvier 2000).

2ème cond.: violation caractérisée du droit CE- critères décisifs Le juge national doit prendre en compte différents critères pour vérifier si cette condition est remplie: degré de clarté et de précision de la règle CE; étendue de la marge d’appréciation; caractère excusable ou inexcusable d’une éventuelle erreur de droit; caractère intentionnel ou volontaire du manquement; durée du manquement

Exemple de violation caractérisée du droit CE: interdiction d’appeler « bière » une bière contenant des additifs L’interdiction de pouvoir utiliser en RFA la dénomination « bière » pour un produit commercialisé sous cette appellation en France peut « difficilement être considéré comme une erreur excusable », dès lors que « l’incompatibilité d’une telle réglementation apparaissait comme manifeste à la lumière de la jp antérieure de la Cour de justice » (C.J.C.E., 19 novembre 1991, Brasserie du pêcheur et Factortame, aff. C-46/93 et C-48/93, point 59)

Exemple de violation pas suffisamment caractérisée du droit CE : interdiction d’ajouter des additifs dans la bière commercialisée en RFA « En revanche, les éléments d’appréciation dont disposait le législateur national (allemand) pour trancher la question de savoir si l’interdiction d’utiliser des additifs était contraire au droit CE apparaissaient sensiblement moins concluants .... » (C.J.C.E., 19 novembre 1991, Brasserie du pêcheur et Factortame, aff. C-46/93 et C-48/93, point 59)

3ème cond.: lien de causalité Il appartient aux juridictions nationales de vérifier si ce lien de causalité existe.

Auteur de la violation : législateur La responsabilité peut être engagée tant en raison de l’abstention d’agir qu’en raison de l’adoption d’un acte législatif ou administratif ou d’une décision de justice violant le droit CE. Le principe vaut « quel que soit l’organe de l’EM dont l’action ou l’omission est à l’origine du manquement » Le principe « est applicable lorsque le manquement reproché est attribué au législateur national » (C.J.C.E., 19 novembre 1991, Brasserie du pêcheur et Factortame, aff. C-46/93 et C-48/93, point 36)

Auteur de la violation : juridiction Extension au pouvoir judiciaire lorsque le juge donne à une règle CE « une portée manifestement erronée » « ll y a lieu de tenir compte de la spécificité de la fonction juridictionnelle ainsi que des exigences de sécurité juridique. La responsabilité de l’EM ne saurait être engagée que dans le cas exceptionnel où le juge a méconnu de manière manifeste le droit CE » (arrêts 30 septembre 2003, Köbler, C-204/01, point 53; 13 juin 2006, TDM, C-173/03)

Auteur de la violation : déclarations d’un fonctionnaire Le non-respect d’une disposition de la directive 98/37/CE «résultant de déclarations d’un fonctionnaire d’un État membre, pour autant qu’elles soient imputables cet État, constitue une violation suffisamment caractérisée du droit communautaire pour engager la responsabilité dudit État ». (AGM-COS MET s.r.l., 17 avril 2007, affaire C-470/03, point 86).

Litige tranché au regard du droit national de la RC La réparation doit être adéquate par rapport au préjudice subi. Il appartient à l’ordre juridique interne de chaque Etat membre de fixer les critères permettant de déterminer l’étendue de la réparation.

Litige tranché au regard du droit national de la RC Sous la réserve des 3 conditions (octroi de droit, violation caractérisée, lien de causalité), c'est donc dans le cadre du droit national de la responsabilité qu’il incombe à l’État de réparer les conséquences du préjudice causé par la violation du droit communautaire qui lui est imputable.

Litige tranché au regard du droit national de la RC Néanmoins, les conditions fixées par la législation nationale applicable ne sauraient être moins favorables que celles qui concernent des réclamations semblables de nature interne ni aménagées de manière à rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l’obtention de la réparation.

Conditions Impossibilité pour le juge national, dans le cadre de la législation nationale qu ' il applique, de subordonner la réparation à l’existence d’une faute intentionnelle ou de négligence allant au-delà de la violation suffisamment caractérisée du droit communautaire. « L’obligation de réparer les dommages causés à des particuliers ne saurait être subordonnée à une condition tirée de la notion de faute allant au-delà de la violation suffisamment caractérisée du droit CE. En effet, l’imposition d’une telle condition supplémentaire reviendrait à remettre en cause le droit à réparation qui trouve son fondement dans l’OJCE » (C.J.C.E., 19 novembre 1991, Francovitch et Bonifaci, aff. C-6/90 et C-9/90, point 79)

Etendue matérielle de la réparation La réparation doit être adéquate, cad assurer une protection effective des droits des particuliers lésés. Aucune exigence en ce qui concerne la gravité et la spécialité du dommage.