Droit institutionnel de l’Union européenne les questions préjudicielles-les avis Nicolas de Sadeleer Professeur aux FUSL
§4. RENVOI PREDUCIEL (Article 267 TFUE) Procédure objective non contentieuse, de « juge à juge ». Ratio legis: Le renvoi préjudiciel est fondé sur la collaboration entre les juges nationaux et le juge communautaire, pour aboutir à une interprétation et à une application uniforme du droit communautaire.
RENVOI PREDUCIEL (article 267 TFUE) Incident dans une instance procédurale se déroulant devant les juridictions nationales
RENVOI PREDUCIEL (article 267 TFUE) Lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de justice de statuer sur cette question.
Caractère facultatif 9. (…) l’article 177 CEE (267 TFUE) ne constitue pas une voie de recours ouverte aux parties à un litige pendant devant un juge national. Il ne suffit donc pas qu'une partie soutienne que le litige pose une question d'interprétation du droit communautaire pour que la juridiction concernée soit tenue de considérer qu'il y a question soulevée au sens de l'article 177 CEE (267 TFUE). Arrêt Cilfit
RENVOI PREDUCIEL (article 267 TFUE) La Cour de justice est compétente pour statuer, à titre préjudiciel: キ sur l'interprétation du présent traité; キ sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions CE ; キ sur l'interprétation des statuts des organismes créés par un acte du Conseil, lorsque ces statuts le prévoient.
OBLIGATIONS DE LA CJUE Donner une réponse utile à la solution du litige (éventuellement en reformulant la question), éviter de donner des réponses trop abstraites. La compétence de la CJCE est limitée à l’examen des seules questions de droit UE (sont exclus le droit national, les dispositions contractuelles, les dispositions internationales conventionnelles). La CJCE doit éviter d’empiéter sur les attributions du juge national.
La question doit porter sur le droit UE Saisie d’une question préjudicielle posée par une cour slovaque portant sur l’interprétation de l’article 1er du P. Add. à la CEDH, par rapport à l’occupation à titre gratuit d’un terrain privé par des installations électriques d’utilité publique, la CJCE a estimé qu’il ressortait que les questions poses ne concernaient nullement l’interprétation du traité ni celle d’un acte pris par une institution de la Communauté. (CJCE, 25 janvier 2007, aff. C-302/06, Kovalsky)
OBLIGATIONS DE LA CJUE Le but de la procédure est d’apporter au juge national tous les éléments nécessaires pour résoudre le litige. La procédure est au service du juge national. La CJCE ne peut donc entrer dans les questions qui relèvent de l’appréciation de celui-ci (faits, exactitude des faits).
OBLIGATIONS DU JUGE DE RENVOI procédure destinée à aboutir à une décision de caractère juridictionnel description du contexte factuel et réglementaire dans lequel les questions sont soulevées donner les raisons qui poussent le juge national à poser les questions s’abstenir de poser des questions générales ou hypothétiques refuser de poser des questions dans le cadre d’un litige fictif monté exclusivement en vue d’obtenir une interprétation du droit CE
JURIDICTIONS NATIONALES HABILITEES Les renvois peuvent émaner de toute juridiction d'un EM et porter : soit sur des questions d'interprétation du droit communautaire, soit sur des questions d'appréciation de validité d'un acte de droit dérivé. Seules les juridictions d’un EM ont qualité pour saisir la CJCE d’une question préjudicielle.
Notion de juridiction Origine légale de l’organe Permanence (pas exercer des fonctions juridictionnelles de manière occasionnelle), Juridiction obligatoire, Caractère juridictionnel de la procédure (procédure contradictoire) Application de règles de droit (et non pas l’équité) Indépendance de l’organe Exclusion : commissions consultatives, administrations, tribunaux arbitraux.
Exclusion Une commission consultative en matière d’infractions monétaires ayant pour mission de rendre des avis et non de trancher des litiges (Ord. 5 mars 1986, Unterwegen) Directeur des contributions car il présente un lien organique évident avec les services taxatoires (CJCE, 30 mars 2002, Corbiau) Conseils de l’Ordre lorsqu’ils statuent sur l’admission à la profession au motif qu’ils n’exercent pas une fonction juridicitionnelle (Ord. 18 juin 1980, Borker). Les juridictions arbitrales privées
En revanche, la Cour BENELUX, qui est une juridiction commune à plusieurs EM, a la faculté de poser des questions préjudicielles à la CJUE, à l’instar des juridictions relevant de chacun de ces Etats. (14 novembre 1997, Dior, C-337/95).
JURIDICTIONS TENUES AU RENVOI Lorsqu'une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la CJUE. L’obligation de renvoi s’impose donc aux juridictions suprêmes. Pour les juridictions dont les décisions sont susceptibles d’un recours, le renvoi est facultatif.
EXCEPTIONS A L’OBLIGATION DE RENVOI Théorie de l’acte clair (in claris non fit interpretatio) - arrêt CILFIT du 6 octobre 1982, aff. 283/81 Le renvoi ne s’impose pas lorsqu’il n’existe aucun doute raisonnable quant à l’interprétation ou à la validité des dispositions CE.
Arrêt Cilfit 16. Enfin, l'application correcte du droit communautaire peut s'imposer avec une évidence telle qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable sur la manière de résoudre la question posée. Avant de conclure à l'existence d'une telle situation, la juridiction nationale doit être convaincue que la même évidence s'imposerait également aux juridictions des autres États membres et à la Cour de justice. Ce n'est que si ces conditions sont remplies que la juridiction nationale pourra s'abstenir de soumettre cette question à la Cour et la résoudre sous sa propre responsabilité.
Facteurs à prendre en compte par les juridictions suprêmes 18 Il faut d'abord tenir compte que les textes de droit communautaire sont rédigés en plusieurs langues et que les diverses versions linguistiques font également foi; une interprétation d'une disposition de droit communautaire implique ainsi une comparaison des versions linguistiques. 19 Il faut noter ensuite, même en cas de concordance exacte des versions linguistiques, que le droit communautaire utilise une terminologie qui lui est propre. Par ailleurs, il convient de souligner que les notions juridiques n'ont pas nécessairement le même contenu en droit communautaire et dans les différents droits nationaux. 20 Enfin, chaque disposition de droit communautaire doit être replacée dans son contexte et interprétée à la lumière de l'ensemble des dispositions de ce droit, de ses finalités, et de l'état de son évolution à la date à laquelle l'application de la disposition en cause doit être faite.
PROCEDURE Procédure de juge à juge. Aucune formalité particulière n’est exigée. Exigences (question pertinente en rapport avec le droit UE, pas de litige fictif, question formulée de telle sorte qu’une réponse utile puisse être donnée) renvoi à la CJCE (initiative appartient au seul juge national), suspension de la procédure, réponse de la Cour, reprise d’instance
AUTORITE DES ARRÊTS RENDUS SUR QUESTION PREJUDICIELLE La CJUE ne tranche pas un contentieux. Elle ne tend pas à résoudre un litige mais à éclairer le juge national. Ses arrêts préjudiciels doivent être considérés comme des précédents à respecter par les juges nationaux. Les arrêts rendus par la Cour sur ces renvois ont une force obligatoire non seulement pour la juridiction qui a renvoyé mais également pour les juridictions qui statuent dans d’autres affaires similaires.
AUTORITE DES ARRÊTS RENDUS SUR QUESTION PREJUDICIELLE L’auteur du renvoi est donc lié « avec autorité de chose interprétée » par l’interprétation donnée par la CJUE. L’interprétation donnée par la CJUE s’incorpore donc dans la disposition litigieuse.
§5. DEMANDE D’AVIS (article 218, §11 TFUE) La CJUE peut être saisie par le PE, le CM, la Commission ou un Etat membre, d’une demande d’avis portant sur la compatibilité avec les traités d'un accord envisagé entre l’UE et d'autres Etats ou des organisations internationales.
DEMANDE D’AVIS (article 218, §11) DOUBLE FONCTION: a) éviter que la conclusion d’un accord international ne porte atteinte au droit UE b) éviter que la responsabilité internationale de la UE ne soit engagée à la suite de l’annulation de l’acte UE portant conclusion de l’accord. L’accord faisant l’objet d’un avis négatif ne peut entrer en vigueur.
CONCLUSIONS : APPORTS DE LA JP DE LA CJUE La CJUE a contribué pleinement au développement de l'ordre juridique communautaire. Sa jurisprudence créatrice a comblé les lacunes existantes dans les Traités constitutifs, en complétant et précisant leurs dispositions.
CONCLUSIONS : APPORTS DE LA JP DE LA CJUE La reconnaissance des principes de base tels que l'applicabilité directe du droit communautaire (arrêt Van Gend en Loos du 5 février 1963, 26/62) et la primauté du droit communautaire sur les droits nationaux (arrêt Costa/ENEL du 15 juillet 1964, 6/64) a été la contribution la plus importante à la construction communautaire. Sur la base de ces principes les particuliers peuvent invoquer le droit communautaire devant les juges nationaux et demander l'inapplication d'une norme nationale contraire au droit communautaire.