TROUBLES DES CONDUITES ALIMENTAIRES Docteur Damien RINGUENET Hôpital Universitaire Paul Brousse Département de Psychiatrie et d'Addictologie VILLEJUIF
Différentes formes cliniques Anorexie Anorexie volontaire, Amaigrissement, Aménorrhée Boulimie Episodes d’hyperphagie rapide répétés Désir intense de nourriture Neutralisation de la prise de poids Perception de soi comme étant en surpoids Binge eating disorder Différence avec la boulimie : non control du poids (obésité) Etalement de la consommation alimentaire sur la journée Night eating syndrome Hyperphagie nocturne : 60% des apports caloriques des 24 heures entre 20h et 6h Insomnie d’endormissement, réveils multiples Syndrome du yo-yo Pica
BOULIMIE
Épidémiologie Age moyen : entre 15 et 20 ans Prévalence : 5 % entre la fin adolescence et le début de l’âge adulte pour les filles (0.2% pour les garçons) Incidence : 15 pour 100 000 sujets / an Mortalité : 15 à 75 fois plus importante qu’en population générale Complications électrolytiques Digestives
Diagnostic de boulimie à l’interrogatoire (1) ACCES BOULIMIQUE : moins de deux heures, ≥ 2 fois/semaine pendant 3 mois Preparation : Achat ou vol d’aliments hypercaloriques, stockage alimentaire Prodromes : conflit, solitude, lutte anxieuse, sensation de vide, désir intense de nourriture Boulimie : ingestion rapide, stéréotypée et cachée de grandes quantités hypercaloriques, perte de contrôle, ritualisation, aliments riches en calories de quelques minutes à 2 heures Résolution : douleur abdominale, honte, culpabilité, tristesse, vécu de dépersonnalisation, sommeil, alcoolisation Crainte de la prise de poids et stratégies de contrôle : purge (vomissements, laxatif), jeûne, hyperactivité physique
Diagnostic de boulimie à l’interrogatoire (2) ESTIME DE SOI influencée par le poids et la forme corporelle Rechercher des comportements associés : hyperactivité physique, potomanie, addictions (amphetamine, cocaine, alcool) , kleptomanie Absence des critères diagnostics de l’anorexie mentale Absence d’autres pathologies psychiatriques : thymique, psychotique, névrotique Absence de pathologie organique
Diagnostic de boulimie à l’examen somatique (1) Examen somatique COMPLET Indice de Masse Corporelle Syndrome de Russel (callosités sur le dos de la main : vomissements) Troubles du RYTHME CARDIAQUE (hypokaliémie), hypotension (déshydratation) Parotidomégalie, mauvais état bucco-dentaire Ulcérations buco-pharyngées, douleurs pharyngées Poids (kilogrammes) _______ Taille ² (mètres)
Diagnostic de boulimie à l’examen somatique (2) Troubles digestifs : oesophagite, reflux œsogastroduodénal, ulcère, pancréatite HEMATEMESE (syndrome de Mallory-Weiss), rupture oesophagienne ou gastrique Signes d’insuffisance rénale (secondaire à l’abus de diurétiques et déshydratation) Troubles du cycle menstruel Absence d’anomalie évoquant une pathologie organique
Examens complémentaires : bilan de boulimie IONOGRAMME sanguin : HYPOKALIEMIE, hypochlorémie, alcalose métabolique (vomissements), hyponatrémie (potomanie) ECG : signes d’hypokaliémie AMYLASEMIE, LIPASEMIE (pancréatite) GLYCEMIE HEMOGRAMME : anémie carentielle (fer, folates) ou déglobulisation CREATININEMIE, urémie : insuffisance rénale fonctionnelle FIBROSCOPIE oesogastroduodénale : bilan des lésions digestives
Formes cliniques de la boulimie Avec vomissements ou prise de purgatifs : vomissements provoqués, laxatif, diurétique, lavements Sans vomissements ni prise de purgatifs : jeûne, exercice physique Etat de mal boulimique : URGENCE MEDICALE, crises continues incœrcibles Tardive : chronicisation fréquente Masculine : rare, comorbidité psychiatrique (schizophrénie, TOC)
Diagnostics différentiels de la boulimie « BINGE eating disorder » : hyperphagie répartie sur la journée, absence de stratégies de contrôle du poids, obésité « Night eating disorder » : hyperphagie nocturne, 60% des apports caloriques entre 20h et 6h, insomnie d’endormissement, réveils multiples Grignotage, hyperphagie simple Troubles de l’humeur (dépression atypique) Psychose : schizophrénie pseudonévrotique (délire d’empoisonnement alimentaire) TOC, trouble conversif, trouble somatoforme Addiction : cannabis
ANOREXIE MENTALE Oliviero Toscani : Fashion Week de Milan : campagne dénonçant l'anorexie chez les top-models. Isabelle Caro, 26 ans, anorexique depuis l'âge de 13 ans, 32 kilos.
Deux pics (90%): 13-14 ans et 18-20 ans 9 filles pour 1 garçon Épidémiologie Age moyen : 17 ans Deux pics (90%): 13-14 ans et 18-20 ans 9 filles pour 1 garçon Prévalence : 1 % entre la fin adolescence et le début de l’âge adulte Incidence : 10 pour 100 000 sujets / an Mortalité : 5 à 10 % (20% pour un suivi de 20 ans) 50 % liés directement à la dénutrition 24 % liés au suicide
Régime restrictif pour un surpoids réel ou imaginaire Mode de début Régime restrictif pour un surpoids réel ou imaginaire Circonstance de séparation : Eloignement du domicile (études) Séjour à l’étranger Départ, disparition d’un proche Rupture sentimentale Mieux être lié à l’amaigrissement Valorisation sociale (perte de rondeurs) Confiance en soi Euphorie, hyperactivité physique/ intellectuelle
Phase d’installation Idées fixes sur le poids, les aliments, les calories : RESTRICTION / EVICTION Pas de perte initiale de la sensation de faim : potomanie, hyperactivité physique Perte progressive du control alimentaire : RITUALISATION ISOLEMENT : Evitement des situations sociales de repas non contrôlés
Fonctionnement familial Image du suicide progressif par inanition Profonde remise en question des parents : CULPABILITE CONFLITUALISATION des relations DENI : maigreur, problèmes alimentaires, « lâchage parental » RECHERCHE D’UNE CAUSE SOMATIQUE RECHERCHE D’UNE CAUSE PSYCHIATRIQUE : Recherche de causes extérieures traumatiques, mauvaises influences… Appropriation du problème par l’un des parents : défiance vis-à-vis des spécialistes, arrêt des consultations, des hospitalisations, des psychothérapies…
Diagnostic d’anorexie mentale à l’interrogatoire (1) Préciser les antécédents : Troubles alimentaires dans l’enfance ou chez les parents Mode de début du trouble et ancienneté : régime, grignotage, surpoids Variations pondérales : poids maximum et minimum Lipothymie, hypoglycémie, hypokaliémie, hospitalisation ANOREXIE par restriction alimentaire volontaire Lutte contre la sensation de faim Restriction quantitative / Sélection qualitative Comportement lors du repas: rituel, tri, manipulation, durée… Pensées obsédantes Comptage des calories
Diagnostic d’anorexie mentale à l’interrogatoire (2) AMAIGRISSEMENT 25% du poids initial ou théorique idéal Déni de la maigreur Altération de l’image corporelle (dysmorphesthésie) AMENORRHEE primaire ou secondaire Primaire ou secondaire (non visible sous OPS) Indifférence ou satisfaction Réversible avec la prise de poids Stratégies de contrôle du poids : RESTRICTION quantitative : nombre de repas + quantité SELECTION qualitative : éviction de catégories (lipides, féculents…) VOMISSEMENTS : fréquence, contexte HYPERACTIVITE physique : quantifier Prise occulte de MEDICAMENTS : laxatif, diurétique, hormone thyroïdienne, amphétamine
Diagnostic d’anorexie mentale à l’interrogatoire (3) ACCES BOULIMIQUES : fréquence, type d’aliments, contexte POTOMANIE : apports liquidiens ≥ 3 litres/jour DYSMORPHESTHESIE : distorsion des perceptions corporelles DENI du trouble alimentaire et de ses conséquences Préservation des performances scolaires, investissement intellectuel Isolement relationnel, sacrifice des activités de loisir Absence d’autres pathologies psychiatriques : thymique, psychotique, névrotique Absence de pathologie organique
Diagnostic d’anorexie mentale à l’interrogatoire (4) Spécifier le type Type restrictif: Pendant l’épisode actuel d’anorexie mentale, le sujet n’a pas, de manière régulière, présenté de crises de boulimie ni recouru aux vomissements provoqués ou à la prises de purgatifs (c’est-à-dire laxatifs, diurétiques, lavements). Type avec crises de boulimie/ vomissements ou prise de purgatifs: Pendant l’épisode actuel d’anorexie mentale, le sujet a, de manière régulière, présenté des crises de boulimie et/ou recouru aux vomissements provoqués ou à la prise de purgatifs (c’est-à-dire laxatifs, diurétiques, lavements).
Diagnostic d’anorexie à l’examen somatique (1) Examen somatique COMPLET Indice de Masse Corporelle IMC > 16 kg/m² : possibilité de prise en charge ambulatoire IMC 14 - 16 kg/m² : risque de complications somatiques, HOSPITALISATION IMC 12 - 14 kg/m² : RISQUE VITAL potentiel IMC < 12 kg/m² : UNITE DE SOINS INTENSIFS OEDEMES : membres inférieurs, péricardique, pleural, ascite ESCARRES aux points d’appui : sacrum, coudes, talons, cicatrisation BRADYCARDIE, hypotension artérielle Hypothermie Poids (kilogrammes) _______ Taille ² (mètres)
Diagnostic d’anorexie à l’examen somatique (2) Hépatomégalie, hépatalgie, ictère (HEPATITE de dénutrition) Amyotrophie, tissus graisseux sous cutané, hypotrophie mammaire Parotidomégalie, caries (surtout si vomissements) Signes de dénutrition : pâleur (anémie), ichtyose, hypertrichose, lanugo, cheveux et ongles mous/secs/cassants, alopécie Absence d’anomalie évoquant une pathologie organique
Examens complémentaires pour le bilan d’une anorexie mentale (1) GLYCEMIE : basse (signe de gravité) IONOGRAMME sanguin : hypokaliémie (vomissements), hyponatrémie (potomanie) PHOSPHOREMIE : basse avec risque de complications cardiaques… MAGNESEMIE : basse BILAN HEPATIQUE: hépatite de dénutrition HEMOGRAMME : anémie (fer, B12, folates), leucopénie, thrombopénie TP et TCA : troubles de la coagulation (hypovitaminose K, synthèse hépatique)
Examens complémentaires pour le bilan d’une anorexie mentale (2) CALCEMIE corrigée : diminué (hypovitaminose D et calcium) CREATININEMIE, urémie : insuffisance rénale fonctionnelle, néphropathie ECG : bradycardie sinusale, hypokaliémie, péricardite Bilan endocrinien : syndrome de T3 basse Fibroscopie œsogastroduodénale Absence d’anomalie évoquant une pathologie organique
Diagnostics différentiels d’une anorexie mentale Pathologies somatiques : Endocriniennes : hyperthyroïdie, diabète, insuffisance surrénale Digestives : maladies inflammatoires (Crohn), malabsorption, intolérance (lactose, gluten) Infectieuse : tuberculose, SIDA… Néoplasies, tumeurs du système nerveux central Pathologies psychiatriques : Troubles de l’humeur (dépression atypique) TOC, trouble conversif, trouble phobique Psychose : schizophrénie pseudonévrotique (délire d’empoisonnement alimentaire, dysmorphophobie) Addictions : cocaïne, amphétamine, alcool, cannabis
Complications Corrélées à : La baisse de l’IMC La vitesse de perte de poids La durée d’évolution Aux conduites boulimiques Aux vomissements A la prise de médicaments
Instabilité diagnostique des TCA Eddy & al. 2008
Comorbidités et TCA
Ostéodensitométrie
Hypokaliémie ECG tracings (lead V5 and V6) Tracing A: RR 1120 msec, QTmean 670 msec, K+ 2.0 mEq/l Tracing B: RR 1200 msec, QTmean 432 msec, K+ 4,7 mEq/l
ESV
Première prise en charge Baisse tardive des performances intellectuelles et physiques Survenue de lipothymies Apparition de crises de boulimie Evolution vers un trouble anxieux ou dépressif Crise familiale CONSULTATION ?
Traitement ambulatoire CONSULTATION Lettre de demande de la patiente Courrier du médecin traitant, psychiatre, institution
Hospitalisation Soins ambulatoires possibles si IMC > 16 kg/m², sans signes de gravité Hospitalisation en milieu psychiatrique spécialisé Bilan clinique et paraclinique complet Correction en URGENCE des désordres hydroélectrolytiques : potassium, phosphore, restriction hydrique (potomanie) ou réhydratation Arrêts : médicaments, vomissements, potomanie, hyperactivité Traitement des comorbidités psychiatriques Prise en charge des conduites addictives Prise en charge thérapeutique multidisciplinaire et multifocale
Prise en charge multifocale et multidisciplinaire Thérapie de soutien Thérapie cognitivo-comportementale Psychothérapie d’inspiration analytique Thérapie systémique, prise en charge parentale Psychodrame individuel / groupe Thérapie de groupe de patients et de parents Ergothérapie, art-thérapie Photographie et image du corps Relaxation, gymnastique, sport, psychomotricité Soins corporels, esthéticienne Chimiothérapie
Cadre des soins Passe par une période de séparation familiale Négociée avec la patiente Expliquée à la famille Définit les engagements réciproques des soignants et de la patiente dans un contrat de soins Lien de confiance (alliance thérapeutique) basée sur une relation de coopération mutuelle
Rééducation alimentaire Contrats Vomissements Accès boulimiques Hyperactivité Potomanie Addictions Poids Durée de soins Rééducation alimentaire
Phases de l’hospitalisation 1. Axe de la renutrition Stabiliser le péril somatique Favoriser le développement progressif de la diversification alimentaire Réapprentissage alimentaire 2. Axe du fonctionnement psychique et relationnel Correction de la dénutrition Travail motivationnel Correction des les pensée/cognitions/comportements Traitements des pathologies psychiatriques associées Prise en charge familiale 3. Stabilisation des conduites et aménagements relationnels : Stabilisation pondérale Se tester à l’extérieur AUTONOMISATION Prévention des rechutes
Renutrition Prise en charge nutritionnelle et diététique Prévention du syndrome de renutrition inapproprié (SRI) : phosphore Assistance nutritionnelle par nutrition entérale au cas par cas Correction des carences : sels minéraux, vitamines, oligoéléments Plateau type (observation) Régime sans sel, repas hypercaloriques, compléments diététiques Restauration d’un rythme alimentaire : 3 repas, comportement à table Retrouver les sensation de faim et de satiété Quantitatif : Dépends du contrat de poids et de l’état somatique (0.5 à 1 kg/semaine) Qualitatif : Diversification alimentaire progressive : réintroduction graduelle des aliments évités Pesées Aléatoires / programmées Repas En salle commune En chambre avec un soignant Repas thérapeutiques avec les soignants Surveillance: quantité, qualité, comportement (durée, manipulation…) Chambre & WC fermés 2 heures après les repas
Prise en charge diététique Aide aux choix des repas et à l’élaboration d’un plan alimentaire structuré Régimes spécifiques selon le poids d’arrivée et l’état nutritionnel Apports de 500 à 3000 Kcal/j en phase de gain (si absence de prise de poids rechercher : hyperactivité, vomissements, dissimulation, hypermétabolisme) Prise de poids : 0.5 à 1 kg/semaine Cette réalimentation tient compte des composantes comportementales, cognitives et somatiques de la maladie
Poids
Intimement associée au projet thérapeutique Famille Intimement associée au projet thérapeutique Entretiens médicaux Liaison de soins infirmiers Participation aux groupes de parents Thérapie familiale
Docteur Damien Ringuenet Hôpital Universitaire Paul Brousse