Mission d'Urgence 2011 Hôpital Abobo Sud Abidjan COTE D'IVOIRE Quelles leçons à retenir ? A. Nowak, Chirurgien MSF OCP K. Dilworth, Anesthésiste MSF 0CP Paris, 3/12/2011
Crise ivoirienne 2010-2011 Election présidentielle 28/11 Conflit dans l'Ouest 06/03 Généralisation du conflit 28/03 Bataille d'Abidjan 30/03-11/04 Zones sous contrôle des Forces nouvelles Bondoukou Yamoussoukro Duékoué 1 / Evénement déclencheur fin novembre 2011 - contestation du résultat élection présidentielle le 28/11(premier scrutin depuis 10 ans) Alessane Ouattara déclaré vainqueur (CEI, ONU, communauté inter) le 02/12 Laurent Gbagbo déclaré vainqueur par le Conseil Constitionnel du CI le 03/12 après annulation des résultats dans 7 régions du nord Forces en présence - Fidèles Gbagbo : Armée ivoirienne, Forces de police, Partisans du Front Populaire Ivoirien (FPI), Jeunes patriotes - Fidèles Ouattara : Forces Nouvelles (FN) (renommé Forces Républicains de Côte D'Ivoire – FRCI), Commando Invisible, soldats/policiers faisant défection - Forces internationales : Force Licorne, ONUCI 2 / Conflit dans l'ouest début mars - FN prennent progressivement des villes à l'ouest à partir du 06/03: la chute de Duékoué le 28/03 permet l'accès vers le sud et le centre 3 / Généralisation du conflit - Offensive lancé par FRCI en parallèle à l'est et au centre-ouest le 28/03 - Avance militaire rapide ++ sur plusieurs fronts : Yamoussokro cède le 30/03, Abidjan encerclé par les forces pro-Ouattara le 31/03 4 / Bataille d'Abidjan - 12 jours d'intenses combats entre les forces pro-Ouattara et pro-Gbagbo, concentrés dans les communes de Cocody, Yopougon et Plateaux. - Appui de Licorne (Forces Spéciales, hélico) et l'ONUCI dès 04/04 (mandat ONU) - « Lockdown » : chaos, multitude des groupes armés et clans, braquage, manque de vivres, quasi impossibilité de se déplacer à l'exception des combattants 5 / Rôle de MSF OCP (Desk d'Urgences) Pré positionnement en CI depuis décembre 2010 : (chir Duékoué, éval / dons Bouaké et Abidjan) Contraintes : depuis décembre on galerait pour investir un hôpital à Abidjan, pour importer du matos (kit retenu à la douane Abidjan ensuite la pharmacie central à la coordo, commande passant par le Burkina coincera entre Bouaké et Abidjan...) + pb de sécu gênant tout déplacement du personnel MSF entre zone 4 et Abobo ABIDJAN Réponse MSF OCP - objectifs - contraintes San-Pédro
Abidjan 3,3 millions d'habitants Histoire d'Abobo Conflit à Abobo 12/01 Bataille d'Abidjan 30/03-11/04 Rébellion Com invisible 11/04-27/04 Mission MSF Hôpital Abobo Sud 1 / Communes - présence fort des fidèles armés Gbagbo : Cocody, Yopougon, Plateaux - bastions pro-Ouatarra : Anyama, Abobo 2 / Violence à Abidjan dès mi-janvier jusqu'au fin mars - Concentrée dans les quartiers nords où s'opposaient les miliciens locaux et peu formés du Commando invisible et l'armée ivoirienne (2 casernes enclavés dedans, appro à l'aide d'un char tous les jours) - Combats rapprochés (char v armes légères dans les rues), usage d'armes lourdes type obus à distance contre des civils (obus explosait sur le marché le 17/03, 1er AMP à Abobo Sud, bilan ?) 3 / Ligne de front s'éloignait vers les quartiers de centre (Cocody, Angre, Plateau) où les combats faisaient rage autour les points stratégiques. A Abobo, les soldats de casernes y sont abandonnés, des groupes armés restaient sur place 4 / Hôpital Abobo Sud avant la guerre - Petite structure hospitalière genre « dispensaire » - Peu de capacité d'hospit (12 lits en chir), consultations externes+++ - Grossesses et accouchements compliqués référés au CHU Cocody - Non fonctionnel depuis 1 mois, quasi absence du personnel sur place à l’arrivée de MSF - Pénurie du système de santé publique ivoirien - Stock limité de la pharmacie hôpital surtout en matériel soins d'urgence / chir Coordo MSF MSF investit Abobo Sud 28/02 - SU, bloc, chir, mater
Généralités Moyens au départ limités Isolement total de 12 j Seule structure fonctionnelle Pb sécu +++ Conséquences - charge de travail - crise d'approvisionnement - manque d’espace - épuisement - situations sécu super glissantes 1 / Moyens limités : RH - 5 expats (RT, chir, MAR, inf surveillant, pharmacien) - 3 méd nat (chir, assistant chir, jeune médecin généraliste) - 2 IADE nat - 8 inf SU/service chir chapeautés par le surveillant nat (le Majeur) - 3-4 sage-femmes 2 / Moyens limités : matériel, médocs, transfusion, radio - peu de gros matériel MSF - liste de médocs MSF incomplète - hôpitaux locaux démunis en tout idem pour les CdS / dispensaires / pharmacies (ex. recherches à Abobo Nord largement infructueuses) - pas de possibilité stockage du sang > 1 sem (pb chaîne de froid), pénurie des réactifs et poches - radio éloignée, non fonctionnelle due aux coupures de courant 3 / Isolement : physique, comms - plus de possibilité de référence, en fait nous deviendrons l’hôpital de référence pour Abidjan - déplacements des patients limités d’autant plus qu’ils étaient des civils vivant dans les quartiers éloignés d’Abobo ex. cas médicaux, obstétriques, pédiatriques… - stress particulier sur le personnel nat : plus de possibilité de rentrer chez eux, inquiétude grandissante pour leurs proches, pas de relève - personnel MSF coincé à la base, au bureau 4 / Seule structure fonctionnelle afflux de patients de tout la ville (premiers soins dispensés dans les structures para médicales) PEC tardive due aux difficultés d’accès pas de possibilité de référence 5 / Sécu : lieu exposé guerre urbaine avec des groupes de combattants morcelés qui ne se connaissaient pas entre eux, ne nous respectaient pas balles perdues, « friendly fire » 6 / Crise d’appro : RH, matos, médocs, matelas, sang, nourriture, gaz, fric, encre...
Circuit du patient CHIR OT CHIR MAT MED TRIAGE RR 1 / Plan de l’hôpital 2 / Explication du circuit patient
Salle d’urgences : activité 21 mars 26 avril
Salle d'urgence : challenges 1-2 médecins : rôle polyvalent dans l'hôpital (pas d'urgentiste dédié) Equipe inf peu formée, peu nombreuse Capacité de lits Triage ? Gestion AMP ? Défaut de matériel 1/ Rôle médical (toute zone) assuré par chir expat ± MAR (zone rouge, patients nécessitant analgésie/sédation à la kétamine). Ce fonctionnement loin d'être optimal : d'une part car présence médical discontinu en SU (il a fallu assurer les soins à la mat, renforcer l'équipe au bloc, faire la visite dans le service chir...) d'autre part parce que la charge de travail quotidien ponctuée par les vagues de blessés était tel que ces 2 expats n'ont pas pu oeuvrer plus au bloc. Ce qui a aggravé l'épuisement des autres chirs/anesth et retardé l'ouverture du 2e bloc. 2 / Equipe inf motivée avec grande capacité d'adaptation mais : infs non habitués au travail des urgences, connaissaient pas les protocoles MSF, venaient de quatre coins de la Côte D'Ivoire 3 / 3 lits + table d’examen 4 / Principes de triage, d’AMP pas suffisamment développés - coordination mince (RH grossièrement insuffisant) - pas de personnel minimum pour la zone de tri, de soins - absence d'urgentiste - pas de plan AMP élaboré et appliqué d’emblée, documentation inexistante...) 5 / Défaut de matériel et médocs : - absence de matériel : aiguilles IO, dossiers, - matériel insuffisant : 1 extracteur (partagé avec SSPI / mat), 1 oxymètre, nombre limité (50) de poches de don de sang Matériel de réception et de transport du patient (3 lits + 1 table d'examen en zone rouge, pas de matelas en zone jaune, 1 brancard à roulettes pour tout l'hôpital...) - ruptures : matériel de PST, antalgiques, solutés 6 / IMAGES - comment ne pas faire du triage (bordel sur le préau, soins blessés verts en salle de déchocage (= zone rouge)
Salle d'urgence : challenges 1-2 médecins : rôle polyvalent dans l'hôpital (pas d'urgentiste dédié) Equipe inf peu formée, peu nombreuse Capacité de lits Triage ? Gestion AMP ? Défaut de matériel 1/ Rôle médical (toute zone) assuré par chir expat ± MAR (zone rouge, patients nécessitant analgésie/sédation à la kétamine). Ce fonctionnement loin d'être optimal : d'une part car présence médical discontinu en SU (il a fallu assurer les soins à la mat, renforcer l'équipe au bloc, faire la visite dans le service chir...) d'autre part parce que la charge de travail quotidien ponctuée par les vagues de blessés était tel que ces 2 expats n'ont pas pu oeuvrer plus au bloc. Ce qui a aggravé l'épuisement des autres chirs/anesth et retardé l'ouverture du 2e bloc. 2 / Equipe inf motivée avec grande capacité d'adaptation mais : infs non habitués au travail des urgences, connaissaient pas les protocoles MSF, venaient de quatre coins de la Côte D'Ivoire 3 / 3 lits + table d’examen 4 / Principes de triage, d’AMP pas suffisamment développés - coordination mince (RH grossièrement insuffisant) - pas de personnel minimum pour la zone de tri, de soins - absence d'urgentiste - pas de plan AMP élaboré et appliqué d’emblée, documentation inexistante...) 5 / Défaut de matériel et médocs : - absence de matériel : aiguilles IO, dossiers, - matériel insuffisant : 1 extracteur (partagé avec SSPI / mat), 1 oxymètre, nombre limité (50) de poches de don de sang Matériel de réception et de transport du patient (3 lits + 1 table d'examen en zone rouge, pas de matelas en zone jaune, 1 brancard à roulettes pour tout l'hôpital...) - ruptures : matériel de PST, antalgiques, solutés 6 / IMAGES - comment ne pas faire du triage (bordel sur le préau, soins blessés verts en salle de déchocage (= zone rouge)
Salle d'urgence : stratégie Formation inf accélérée type ABCDE Embauche méd nat Organisation triage Plan AMP élaboré, testé Aménagement réserve Systémisation protocoles Gestes spécifiques 1 / RH - renforcement de l’équipe inf + surperviseur nommé - formation pratique sur place : PEC du traumatisé 2 / Points-clé du nouveau plan AMP Abobo Sud - Redéfinition des zones (tri, rouge/déchocage, jaune, vert, noire) avec modification en cas de combat/bombardement dans l'enceinte de l'hôpital - Sécurisation du circuit par 3 filtres : entrée de l’hôpital, entrée de la zone de triage, entrée commune des zones jaunes et rouges, du bloc et de l’hospit - Protection : sacs de sable... - Triage pratiqué - Fiche de triage patient systématique (+ traitement noté) - Meilleure gestion de passation au bloc - Organisation gestion pharmacie MSF - Hygiéniste dispo 24/24 - Débriefing lors de l'apéro ! 3 / Protocoles de grande utilité : antibioprophylaxie, douleur, PST, Glasgow 4 / Gestes spécifiques - autotransfusion des hémothorax : systématique une fois drainage thoracique à fort débit - gestes douloureux faits sous kétamine (ex. réduction fractures/luxation, suture plaie majeure, débridement mineur) 5 / IMAGES - feuille de triage conçu pour AMP - schéma autotransfusion
Salle d'urgence : échecs Zone jaune verdâtre Couloir inadapté Zone de « déstockage » Réserve / stockage Filtrage insuffisant Service nocturne inexistant 1 / Zone jaune : non respect objectifs classiques, harcèlement sans cesse du personnel traversant le couloir Flux de patients ralenti par manque de personnes qualifiées (plâtre) 2 / Réserve souvent insuffisante, besoin de « piller » la pharmacie à répétition, pas de commande hebdomadaire 3 / Filtre très poreux au niveau de l’entrée de l’hôpital, moyen pour la zone de tri, même pas toujours efficace à la dernière barrière (porte en fer + gardien) avant l’hospitalisation 4 / Pas de service nocturne du tout pendant 3 semaines 5 / IMAGES ?
Bloc : activité 1 / GRAPHIQUE type d’ITV mars avril mai juin juillet gyn/obs 38 110 155 147 165 mineur 20 61 130 198 149 amputation 12 27 8 5 3 autre ortho 16 25 31 23 17 wound 122 174 78 83 11 visceral 56 51 56 75 83 spéc 2 8 3 1 0
Bloc : activité 1 / GRAPHIQUE nouveaux cas violence mars avril mai juin juillet nouveaux cas violent 156 139 43 25 21 nouveaux cas non violent 60 148 238 208 230 ITV violent 174 246 160 147 98 ITV non violent 68 184 307 388 342
Bloc : points forts Généralités Prioritisation impérative des patients Cas chir vitaux Cas gyn/obs d'urgence Abandon des cas désespérés Installation rapide des patients Horaires volontairement limités (8H à minuit) SSPI fonctionnelle 2ème BO servait de salle pré rachianesthésie
Bloc : points forts Anesth Binôme MAR / IADE Protocoles adaptés ALR privilégiée (neurostim) 1 / IMAGES - graphique secteur type d’anesthésie sem 12 v. 13-14
Bloc : points forts Chir Expérience large opérateurs Déontologie irréprochable (consentement, CRO, protocoles...) Techniques artisanales 1 / IMAGES - bottes de dérotation
Bloc : points faibles Généralités Retard de prise en charge patients non vitaux Bloc unique lors des combats intensifs Baisse des standards hygiène 1 IBODE Faible capacité sté (gaz charbon) 4 / Respect de la ligne de démarcation bloc / extérieur + décontamination du matériel UU (critique ?) + réutilisation des gants propres
Bloc : points faibles Anesth Chir Matériel manquant ou défectueux Manque / ruptures médocs PEC analgésie perop restreinte Chir Manque / ruptures consommables 1 / Anesth défaut et manque respi, source d’oxygène, sondes de toutes sortes, gants, PSE… 2 / Anesth manque et ruptures médocs : - morphiniques, AL, agents vasoactifs (adrénaline, dopamine)… 2 / Chir défaut / manque du matériel matériel gyn/obs boîtes non MSF usées et incomplètes absence de matériel de traction dispositif aspi inadéquat pas de sondes de trachéo
Maternité : activité 1 / GRAPHIQUE type et nombre d’accouchements avril mai juin juillet AVB simple 703 1,144 904 736 Instrumenté 0 5 2 5 Césarienne 37 118 102 117
Maternité : problèmes Explosion activité sans ressources adaptées Conditions salle d’accouchement catastrophiques Soins du nouveau-né ? Surveillance ? Solutions palliatives 1 / Maternité de référence d’Abidjan depuis le début avril grossesses compliquées et négligées (pas de suivi anténatal) femmes venaient en majorité d’Abobo mais également du reste de la ville voire même de l’extérieur d’Abidjan 2 / Conditions épouvantables manque d’espace femmes accouchant par terre le plus souvent sans matelas notions d’hygiène pas plus manque d’instruments 3 / Soins de base néonataux pratiqués à peine - capacité de réanimation quasi inexistante taux de naissance mort-né de 5 à 7 % 4 / Surveillance post partum - quasi absence de surveillance post accouchement, même pire pour suivi post césar taux de mortalité hospitalière des grossesses et accouchements compliqués de 2 à 7 % environ (hémorragie responsable de 7 sur 9 décès)
Service chir : problèmes Place insuffisante Tour trop long « décousu » PST faits au lit (kétamine) Suivi patient médiocre PEC spécialisée tardive Solutions temporaires 1 / Solutions temporaires : pb pas résolus, du palliatif uniquement 2 / Kétamine MAIS anesthésiste, matériel de monitorage et de réa, jeune respecté
Evolution toute activité 1 / GRAPHIQUE : Toute activité hospitalière selon service avril mai juin juillet IPD chir 131 173 116 99 IPD méd < 5 ans 248 548 0 0 IPD méd > 5 ans 780 384 0 0 IPD mater 67 294 211 205 OPD < 5 ans 917 2,601 2,495 2,013 OPD > 5 ans 3,666 4,545 2,075 1,464
Bilan : globalement positif Configuration MSF Equipe soudée et professionnelle Protocoles adaptés Apéro à la bière fraîche
Enseignements I 1ère nécessité Définition d’un circuit patient « viable » Gestion du triage efficace (urgentiste et équipe dédiée, kits) Bloc fonctionnel (minimum standard) Pharmacie fonctionnelle Soutien de l’équipe en place Collecte et analyse des données
Enseignements II 2ème temps: Équipes spécialisées (ortho, gynéco, plasticien, kiné…) Second bloc Structure de référence (MSF ou non) REEVALUATION ET ADAPTATION CONSTANTE