PATHOLOGIE THYROIDIENNE Jeudi 11 janvier 2007 Dr Gwénaëlle ARNAULT Endocrinologie CHBA
Circonstances de découverte des nodules: la palpation 1 nodule sur 2 est découvert grâce à la palpation (1)(systématique ou autopalpation) Autres circonstances de découverte signes fonctionnels (dysthyroïdie, compression ou gêne cervicale, douleur d’apparition brutale) imagerie cervicale (doppler ...) La fréquence des nodules justifie la palpation systématique (1) ORGIAZZI. J.Dossier FMC, Examen clinique des nodules thyroïdiens. Impact Medecin hebdo. 1998; 422: III - VII.
La palpation thyroïdienne Diagnostic du nodule Hypertrophie arrondie et localisée cervicale antérieure, sous-hyoïdienne mobile à la déglutition (1) Un nodule ≥ 1 cm est en principe palpable (2) et doit être exploré (3) (1) NUNEZ S., LECLERE J. Goitre diffus et nodule thyroïdien. Revue du Praticien 1998; 48: 653-656. (2) ORGIAZZI J. Dossier FMC.Examen clinique des nodules thyroïdiens.Impact Medecin hebdo. 1998; 422: III - VII.(3) ANDEM. la prise en charge diagnostique du nodule thyroïdien. Recommandations pour la pratique clinique. Annal. Endocrinol. 1996, 57, 526-535.
Epidémiologie : pathologie fréquente Prévalence variable en fonction du mode de découverte (1) Palpation Echographie Séries prévalence autopsiques (adulte) 2,5 à 4 % 27 à 51 % > 50 % Nette prédominance chez la femme environ 4 femmes /1 homme (2) comme toutes les pathologies thyroïdiennes (1) VENAULT S., ROHMER V. Goitre diffus et nodule thyroïdien. Revue du Praticien 2000; 50: 2163-2168.(2) MAZZAFERRI EL. Management of a solitary thyroid nodule. Review article. N Engl J Med 1993; 328 (8): 553-559.
Epidémiologie : la prévalence augmente avec l’âge Comparaison de prévalence des nodules thyroïdiens* * Nodules thyroïdiens détectés par échographie ( ) ou par palpation ( ) 70 60 50 Prévalence (%) 40 30 20 10 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 Age (1) MAZZAFERRI EL. Management of a solitary thyroid nodule. Review article. N Engl J Med 1993; 328 (8): 553-559.
Epidémiologie : les cancers thyroïdiens sont rares 1,2 % de l’ensemble des cancers (cutanés exclus) (1) Incidence annuelle faible : 2,5 / 100 000 (2) Plus de 90 % des nodules investigués sont bénins (2) Des cancers occultes sont retrouvés dans 2 à 28 % des thyroïdes (3) (1) KLEIN M., AUBERT V.et al. Classification et épidémiologie des tumeurs thyroïdiennes. Revue du Praticien 1996; 46: 2288-2295. (2) ANDEM. la prise en charge diagnostique du nodule thyroïdien. Recommandations pour la pratique clinique. Annal. Endocrinol. 1996, 57, 526-535. (3) SCHLUMBERGER M., CAILLOU B. et al; Cancers de la thyroïde (à l’exclusion du cancer médullaire).- Editions techniques- Encycl. Mèd. Chir. (Paris-France), Glandes endocrines-Nutrition, 10008 A 50, 12-1990, 13 p.
Pronostic des cancers thyroïdiens Pour les formes nodulaires de cancer différencié le pronostic est en général bon (1) Pour une majorité des carcinomes papillaires et vésiculaires : survie à 5 ans > 90 % (2) Mais 5 à 10 % des nodules sont cancéreux le caractère malin doit être évoqué systématiquement le pronostic dépend du type histologique et du stade de prise en charge (1) NUNEZ S., LECLERE J. Goitre diffus et nodule thyroïdien. Revue du Praticien 1998; 48: 653-656; (2) KLEIN M., AUBERT V.et al. Classification et épidémiologie des tumeurs thyroïdiennes. Revue du Praticien 1996; 46: 2288-2295.
Bilan clinique : les objectifs Importance de l’objectif final Opérer tous les cancers Opérer le moins possible à titre diagnostique Identifier les cas nécessitant une prise en charge spécifique Orienter le choix des examens complémentaires
Bilan initial : l’examen clinique ATCD personnels ou familiaux Irradiation, nodule ou cancer thyroïdien, NEM2 Caractéristiques du nodule évolutivité à l’interrogatoire unique ou multiple, siège, consistance, dimension et contour sensibilité, mobilité Signes de compression dyspnée, dysphonie, dysphagie... Signes de dysfonctionnement thyroïdien hypo ou hyperthyroïdie Signes évocateurs de carcinome médullaire flush, diarrhée
Examens complémentaires : objectifs Préciser la fonction thyroïdienne Authentifier le nodule suspecté cliniquement Orienter le diagnostic étiologique de nodule (malignité)
Examens biologiques : dosage de la TSH systématique en première intention recherche d’une hypo ou hyperthyroïdie (TSH basse = nodule toxique ou prétoxique scintigraphie) ne renseigne pas sur le caractère bénin ou malin Calcitonine indications encore discutées VS, ACE, thyroglobuline pas d’indication de principe (1,2) (1) ORGIAZZI J; Dossier FMc;Examens complémentaires. Impact Medecin hebdo. 1998; 422:VII-XI. (2) ANDEM. la prise en charge diagnostique du nodule thyroïdien. Recommandations pour la pratique clinique. Annal. Endocrinol. 1996; 57: 526-535.
ANDEM : démarche diagnostique (1) Nodule thyroïdien > 1 cm sans antécédent, sans contexte clinique et sans signe évocateur TSH systématique TSH Hyperthyroïdie T4L ± T3L Scintigraphie Prise en charge spécifique de l'hyperthyroïdie TSH N TSH Hypothyroïdie T4L Ac anti-thyroïde Prise en charge spécifique de l'hypothyroïdie Poursuite de la démarche diagnostique (1) ANDEM. la prise en charge diagnostique du nodule thyroïdien. Recommandations pour la pratique clinique. Annal. Endocrinol. 1996; 57: 526-535.
Echographie thyroïdienne Examen non invasif Largement disponible mais opérateur-dépendant Confirme les données palpatoires pas d’échographie systématique+++ Donne une orientation étiologique
Echographie thyroïdienne : critères de qualité Appareil adapté / Opérateur entraîné sonde de haute fréquence, définition de l’ordre du mm peut être complétée par Doppler couleur ou pulsé Compte-rendu précis dimension, contours, échostructure de chaque lobe épaisseur de l’isthme description et caractéristiques échographiques du ou des nodules (échostructure, échogénicité, contours) adénopathies satellites compression ou déviation trachéale Clichés avec repères ± schéma + conclusion non directive
Cytoponction thyroïdienne Examen ayant la meilleure valeur diagnostique de malignité si les critères de qualité sont respectés +++ rapide, en ambulatoire, quasi-indolore Contre-indications syndromes hémorragiques, anticoagulants « Non-indications » nodule chaud ou toxique nodule infra-centimétrique (hors cancer médullaire ou familial) (1) ANAES. Explorations thyroïdiennes autres que biologique. Service des Références Médicales. Septembre 1997. (2) LEENHARDT L., FRANC B. Place de la cytologie dans la prise en charge du nodule thyroïdien. Act. Méd. Int.- Métabolismes - Hormones - Nutrition, 1998, II,2,48-50. (3) LEGER A, FRANC B. Intérêt de la cytoponction dans le diagnostic des nodules thyroïdiens. Editions Techniques. Encycl méd chir (Paris, France). Endocrinologie - Nutrition 10009 A10, 1992, 4 p.
Limites de l’interprétation de la cytoponction thyroïdienne (1) Cytologie douteuse ou suspecte: 10 à 30% 15 à 30 % correspondent à un K vésiculaire ou à une forme folliculaire d’un K papillaire Cytologie non significative: 3 à 20% lésion maligne dans 10 % des cas à contrôler Faux-négatifs: 5% erreurs d’interprétation (K papillaire non caractéristique) erreurs techniques (1) LEGER A, FRANC B. Intérêt de la cytoponction dans le diagnostic des nodules thyroïdiens. Editions Techniques. Encycl méd chir (Paris, France). Endocrinologie - Nutrition 10009 A10, 1992, 4 p.
Scintigraphie Seuls les nodules froids sont suspects de cancers mais ils représentent 85 % des nodules palpés. Le caractère non fixant n'est donc pas suffisamment sensible pour donner des arguments en faveur de la malignité. La scintigraphie est donc plutôt un examen réservé aux nodules avec TSH basse.
ANDEM : démarche diagnostique et thérapeutique Nodule dépisté par la palpation sans contexte clinique particulier TSH normale Echographie Arguments discordants - cytologie douteuse - cytologie maligne Tout converge vers la bénignité Avis spécialisé CAT guidée par un faisceau d'arguments tirés de: - examen clinique - échographie (± scintigraphie) - cytoponction Chirurgie ± prise en charge spécifique si cancer Surveillance ± traitement freinateur (1) ANDEM. la prise en charge diagnostique du nodule thyroïdien. Recommandations pour la pratique clinique. Annal. Endocrinol. 1996; 57: 526-535.
Traitement freinateur : bases physiopathologiques Les mécanismes favorisant la survenue des nodules sont encore mal connus, multiples, et compliqués par l’hétérogénéité de la thyroïde La TSH et l’iode restent les facteurs les plus « classiques » de prolifération des thyrocytes Elévation modérée et prolongée de la TSH rôle dans la goitrigenèse effet stimulant sur la prolifération des thyrocytes(1) présence de récepteurs à la TSH au niveau des nodules(2,3) (1) SADOUL JL. Genèse des nodules thyroïdiens. Annal. Endocrinol. 1995; 56: 5-22. (2) BOSQUET F, SERT C et al. Hormonothérapie thyroïdienne freinatrice: principes et modalités pratiques - Encycl. Méd.Chir. (Paris-France). Endocrinologie-Nutrition, 10009 B 10, 1995, 5 p. (3) WEMEAU JL et al. Hormonothérapie freinatrice pour nodule thyroïdien. Evaluation prospective. Résultats préliminaires. Annales d’Endocrinologie 2000; 61 (2): 119-124.
Autres facteurs de goitrigenèse (1) Facteurs de croissance: IGF1, EGF, FGF ... rôle mitogène propre ou stimulant la TSH HCG lors de la grossesse Irradiation thyroïdienne (2,3) thérapeutique externe ou accidentelle augmente la prévalence des nodules, dose-dépendante, surtout chez l’enfant (1) BOSQUET F, SERT C et al. Hormonothérapie thyroïdienne freinatrice: principes et modalités pratiques - Encycl. Méd.Chir. (Paris-France). Endocrinologie-Nutrition, 10009 B 10, 1995, 5 p. (2) ORGIAZZI J. Dossier FMC.Epidémiologie. Impact Medecin hebdo. 1998; 422: VI-VII. (3) SADOUL JL. Genèse des nodules thyroïdiens. Annal. Endocrinol. 1995; 56: 5-22.
Conséquences thyroïdiennes de l’accident de Tchernobyl (1) Localement (en particulier Biélorussie ++) cancers thyroïdiens très fréquents essentiellement papillaires, très invasifs touchant surtout les enfants < 5 ans En France pas de relation actuellement établie entre l’accident et l’augmentation du nombre de cancers thyroïdiens l’augmentation des nodules et cancers thyroïdiens est attribuée à (2) : la plus large utilisation de l’échographie l’augmentation de la vigilance et du dépistage (1) KLEIN M., AUBERT V. et al. Classification et épidémiologie des tumeurs thyroïdiennes. Revue du Praticien 1996; 46: 2288-2295. (2) ORGIAZZI J. Dossier FMC . Epidémiologie . Impact Medecin hebdo. 1998; 422: VI-VII.
Hypothyroïdie Prévalence = 0,5 à 2% des adultes Sous-estimée (formes frustres 4-8% de la pop°) Sex ratio = 2 à 3 femmes/1 homme Fréquence augmente avec l’âge: x 5 entre 20 et 70 ans Hypothyroïdie franche: signes cliniques francs d’hypothyroïdie, TSH , T4 Hypothyroïdie frustre: peu ou pas de signes cliniques, TSH , T4 N
Iode et hormonosynthèse T3 T4 Provenance ≈ 20 % thyroïde 100 % thyroïde ≈ 80 % conversion de T4 en T3 1/2 vie ≈ 24 heures 5-7 jours Forme libre 0,3 % T3 Totale 0,03 % T4 Totale Production journalière = 25 μg = 100 μg
Iode : Apports essentiellement exogènes Apports quotidiens recommandés (1) Enfant moins de 1 an 50 μg/j Enfant de 1 à 5 ans 90 μg/j Enfant de 6 à 11 ans 120 μg/j Adolescent/adulte 150 μg/j Grossesse & Allaitement 200 μg/j L'iodurie des 24 heures reflète l’apport quotidien en iode (2): N < 150 μg/24 h, > 400 μg/24h en cas de surcharge iodée (1) Delange F. Les troubles dus à la carence en iode (TDCI). In: Leclère J et al. La thyroïde. Elsevier Eds 2001:P355-64 (2) Modigliani E et al. Pathologie thyroïdienne en pratique courante. Doin Eds 1998 : P145
Principales étiologies des hypothyroïdies primaires de l’adulte Spontanées – Thyroïdites chroniques auto-immunes – Thyroïdites subaiguës Iatrogènes – Thyroïdectomie totale ou partielle – Irradiation externe – Traitement par iode radioactif – Médicamenteuses Carence iodée Etiologies plus rares – Ectopie thyroïdienne à révélation tardive, maladies infiltratives de la thyroïde, anomalies de l’hormonogenèse, antithyroïdiens d’origine alimentaire Baldet L, Jaffiol C. Hypothyroïdie de l’adulte. In: Leclère J et al. La thyroïde. Elsevier Eds 2001 : P440-7
Diagnostic étiologique d’une hypothyroïdie : centrale ou périphérique TSH TSH TSH N ou T4 L T4 L N T4 L Hypothyroïdie Hypothyroïdie Hypothyroïdie périphérique périphérique centrale franche frustre test au TRH - insuffisance + déficit thyréotrope hypothalamique
Hypothyroïdies spontanées : les thyroïdites auto-immunes L’auto-immunité est le principal mécanisme impliqué dans les hypothyroïdies Elles prédominent chez la femme après 40 ans, mais peuvent se voir à tout âge dans les 2 sexes L’évolution vers l’hypothyroïdie est variable, le plus souvent lente et chronique On distingue 2 formes essentielles : • hypertrophique diffuse • atrophique Baldet L, Jaffiol C. Hypothyroïdie de l’adulte. In: Leclère J et al. La thyroïde. Elsevier Eds 2001 : P440-7
Eléments en faveur de l’origine auto-immune d’une hypothyroïdie Association à une autre maladie auto-immune (vitiligo, polyarthrite rhumatoïde…) Association à une ophtalmopathie de type basedowien Présence d’anticorps anti-thyroïdiens (anti-TPO++) Parenchyme hypoéchogène ou finement hétérogène à l’échographie Infiltration lympho-plasmocytaire à l’histologie
Dosage de la TSH : recommandations ANAES Le dosage de la TSH est l’examen de première intention pour le diagnostic d’une hypothyroïdie Le dosage de la TSH est nécessaire et suffisant pour confirmer le diagnostic d’hypothyroïdie chez un patient sans maladie générale sévère* * Chez les patients avec maladie générale sévère, les dosages de TSH et/ou de T4 libre constituent le bilan initial ANAES Décembre 1998. Diagnostic et surveillance biologiques de l’hypothyroïdie de l’adulte. Service des recommandations et références professionnelles.
Autres examens : recommandations ANAES Examens de seconde intention • T4 libre* • Anticorps anti-TPO* • Test à la TRH Les autres examens sont inutiles • T3 libre • Autres dosages immunologiques • Thyroglobuline • Iodurie • Lipides (sauf évaluation des FDR cardiovasculaires) * Le prélèvement est conservé au laboratoire ce qui permet d’éviter les prélèvements itératifs
TSH et T4 libre : normales biologiques TSH : 0,5 - 5 mUI/I (0,1-0,5 mUI/I à 3,5-5 mUI/I) T4 libre : 7,5 - 19,4 ng/l 9,5 - 25 pmol/l Attention ! Les taux varient en fonction du kit d’analyse utilisé par le laboratoire - L’intervalle de référence à considérer est celui fourni par le laboratoire - Il est conseillé d’effectuer les dosages toujours dans le même laboratoire
Anticorps anti-thyroperoxydase : recommandations ANAES Examen de deuxième intention : Pour préciser le diagnostic étiologique de l’hypothyroïdie (cause immunologique) Dans certains cas pour diagnostiquer une thyroïdite autoimmune sous-jacente associée à une surcharge iodée (produit de contraste, amiodarone) Comme élément pronostique en cas d’hypothyroïdie infraclinique – Risque < 3 % à 1 an si Ac négatifs – Risque > 5 % à 1 an si Ac positifs – Risque d’autant plus élevé que le taux d’Ac est élevé
Test à la TRH : recommandations ANAES Le test à la TRH (hormone hypothalamique) n’est plus utilisé que dans les hypothyroïdies d’origine centrale
Place des autres examens biologiques Des anomalies biologiques peuvent être retrouvées mais ces examens ne sont pas recommandés par l’ANAES NFS : anémie Ionogramme sanguin : hyponatrémie Bilan lipidique : hypercholestérolémie Glycémie CPK (1) Archambeaud-Mouveroux F et al. Hypothyroïdies acquises de l ’adulte. EMC Endocrinologie-nutrition, 10005 B10, 1991 (2) ANAES Décembre 1998. Diagnostic et surveillance biologiques de l’hypothyroïdie de l’adulte. Service des recommandations et références professionnelles.
Les « pièges biologiques » Discordance avec la clinique Incohérence des résultats Absence de relation inverse entre T4L et TSH (sans élément clinique en faveur d’une pathologie centrale) remettre en cause les résultats du dosage : - Le dosage de l’hormone libre est plus « fragile » que celui de la TSH, et doit être soupçonné en premier (2) - L’existence d’anticorps anti-hormone ou anti-TSH peut, exceptionnellement, induire des interférences dans les dosages (2) - Enfin, il faut savoir évoquer un syndrome de basse T3-basse T4 (avec une TSH normale) dans les altérations de l’état général (1) (1) Archambeaud-Mouveroux F et al. Hypothyroïdies acquises de l’adulte. EMC Endocrinologie-nutrition, 10005 B10, 1991 (2) Piketty ML et al. Pièges analytiques en hormonologie thyroïdienne. MT Endocrinologie 2000 ; 2 : 311-22
RMO 13: Prescription du dosage des hormones thyroïdiennes ( RMO 13: Prescription du dosage des hormones thyroïdiennes (*) chez l’adulte Il n’y a pas lieu de prescrire un dosage des hormones thyroïdiennes dans le cadre de bilans biologiques effectués chez des patients asymptomatiques (**). Il n’y a pas lieu, devant un patient pour lequel on recherche une hypothyroïdie suspectée cliniquement de doser la T3L. (*) Par " hormones thyroïdiennes ", il faut entendre TSH et hormones thyroïdiennes. (**) Par " patients asymptomatiques ", il faut entendre les patients ne présentant pas d’éléments d’orientation vers une pathologie thyroïdienne, tirés des antécédents, de l’interrogatoire, de l’examen clinique ou des résultats d’examens complémentaires.
RMO 13: Prescription du dosage des hormones thyroïdiennes ( RMO 13: Prescription du dosage des hormones thyroïdiennes (*) chez l’adulte Il n’y a pas lieu chez un patient qui reçoit un traitement hormonal substitutif pour une hypothyroïdie, de doser parmi les examens de surveillance, la T3L s’il est traité par L-Thyroxine, ou la T4L s’il est traité par triiodothyronine. Il n’y a pas lieu, au cours de la surveillance d’un patient atteint d’une hypothyroïdie, recevant un traitement substitutif, une fois l’équilibre du traitement atteint et en l’absence de pathologie cardio-vasculaire, de répéter les dosages hormonaux plus de 2 fois par an. (*) Par " hormones thyroïdiennes ", il faut entendre TSH et hormones thyroïdiennes.
Scintigraphie - Echographie Dans les hypothyroïdies, la scintigraphie n’est utile que dans de rares cas très particuliers L'échographie ne sera demandée que si une anomalie apparaît à la palpation Modigliani E et al. Pathologie thyroïdienne en pratique courante. Doin Eds 1998. P15 et 21
Traitement substitutif La posologie substitutive moyenne à l'équilibre est d’environ 1,7 μg/kg/j, le matin à jeun L'instauration du traitement doit être progressive Les doses administrées varient suivant : – Le degré d'hypothyroïdie – L'âge du patient – La tolérance individuelle La posologie est à adapter selon les résultats de la TSH (+/- associée à la T4 libre), après > 5 semaines de prise à posologie constante
Au cours de la grossesse Les besoins en lévothyroxine augmentent au cours de la grossesse chez les patientes présentant une hypothyroïdie primitive (1) Adapter précocement l'hormonothérapie thyroïdienne dès le premier trimestre (1) En cas d’hypothyroïdie connue: contrôler la TSH dès le diagnostic de grossesse et surveiller la TSH très régulièrement tout au long de la grossesse (2) (1) Caron P, Mallet D. Hormonothérapie thyroïdienne. In: Leclère J et al. La thyroïde. Elsevier Eds 2001 : P346-9 (2) Schlienger JL. Hypothyroïdie et grossesse. In: Leclère J et al. La thyroïde. Elsevier Eds 2001 : P503-6
Cas Clinique n°1
Quel diagnostic évoquez-vous? Mme B. 36 ans, consulte pour un amaigrissement de 5 kg en 3 mois, associé à des tremblements des mains, une nervosité avec palpitations et troubles du sommeil. Elle ne prend aucun traitement et n’a pas d’antécédent médicochirurgical. Elle fume 10 cigarettes/j. P = 53 kg, T = 1,69 m, TA = 124/68, FC = 115/min Quel diagnostic évoquez-vous?
Quels examens demandez-vous pour confirmer le diagnostic ? Hyperthyroïdie par maladie de Basedow Quels examens demandez-vous pour confirmer le diagnostic ? TSH, T4 libre, Ac anti-récepteur de la TSH Voici les résultats du bilan: TSH < 0,01 mUI/l, T4 libre = 45 pg/ml (8,5 à 19) Ac anti R-TSH = 12 UI/l (N < 1) Demandez-vous d’autres examens dans l’immédiat?
Maladie de Basedow confirmée (Ac +), pas de scintigraphie Echographie cervicale utile Quelle prise en charge proposez-vous?(sans la surveillance) Neomercazole® 20: 2/j Propranolol 40 : ½ x 3/j Contraception efficace Repos, Arrêt de travail 1 mois Sédatifs (anxiolytique/hypnotique) Sevrage tabagique
Quel bilan biologique prévoyez-vous ensuite? une surveillance régulière de NFS: tous les 10 jours pendant 2-3 mois + en urgence si fièvre ou angine bilan thyroïdien :T4L dans 3-4 semaines et T4L + TSH dans 6-8 semaines On poursuit le Néomercazole 40 mg/j pendant (12 à) 18 mois On ajoute L-thyroxine en débutant à 75 µg/j et en adaptant la posologie selon les contrôles de TSH et T4 libre (prochain bilan dans 6-8 semaines puis tous les 2 mois ou plus)
Antithyroïdiens de synthèse (ATS) Carbimazole: NEOMERCAZOLE cp à 5 et 20 mg Propylthiouracyle: PROPYLTHIOURACILE cp à 50 mg, pharm. hosp. Benzylthiouracile: BASDENE, cp à 25 mg carbimazole 5 mg = PTU 50 mg = benzylthiouracile 50 mg Mode d'action: inhibent la synthèse hormonale mais n'empêchent pas la sécrétion des hormones déjà synthétisées: délai d’action de 10 à 15 jours Posologie habituelle: dose d'attaque 30 à 60mg/j de NMZ ou 300 à 600 mg/j de PTU. Effets secondaires: - allergies cutanées (allergie croisée possible entre les différents ATS) - élévation des enzymes hépatiques - neutropénie et surtout agranulocytose brutale (immuno-allergique), rare mais grave
Le carbimazole plus longue demi-vie plasmatique (4 à 6 h): une prise quotidienne. meilleure concentration intra-thyroïdienne: puissance supérieure. Sa tolérance est globalement meilleure. Les dérivés du thiouracile (PTU, benzyl-thiouracile) ont l’avantage de réduire la 5’désiodation (conversion de T4 en T3). Ils sont utiles: en cas d’intolérance au carbimazole dans la grossesse (remplacement par un dérivé du thiouracile licite avant 7,5 semaines, inutile au-delà)
Les anti-thyroïdiens doivent-ils être prescrits à faible ou à forte dose dans la maladie de Basedow? En France la supériorité du deuxième schéma a été démontrée: pas plus d’effets indésirables, conduite du traitement plus commode, réduisant le nombre de contrôles hormonaux et le risque de défreinage de la TSH. Le schéma à faibles doses trouve des indications plus électives en préparation à la chirurgie et dans le maintien du traitement médical au long cours.
En pratique, si on utilise le schéma à forte dose d’ATS : dose d’attaque de NMZ de 20, 40 ou 60 mg/j, selon l’intensité de la thyrotoxicose et des stigmates d’auto-immunité, quand T4L N inf ou basse, T3L N, sans modifier la dose d’attaque, supplémenter par lévothyroxine, d’emblée à dose substitutive (1,6 µg/kg/j), procéder six à huit semaines plus tard à une réévaluation hormonale (FT4, TSH), en modulant seulement la dose de lévothyroxine pour maintenir l’euthyroïdie, vérifier ultérieurement (ex: ts les 4 mois) la normalité de la TSH.
Faut-il surveiller l’hémogramme des patients soumis aux ATS ? Une leuco-neutropénie discrète peut préexister, et se corriger avec la réduction de l’hyperthyroïdie. On peut aussi constater sous traitement une discrète leuco-neutropénie transitoire (1000 à 1500/mm3). L’effet indésirable le plus redouté: l’agranulocytose aiguë toxo-allergique (neutrophiles < 500 mm3). Prévalence estimée à 0,3 %. La plupart surviennent dans les 3 mois qui suivent l’initiation du traitement. En France, recommandation par le dictionnaire Vidal de surveiller l’hémogramme toutes les semaines durant six semaines et par l’ANAES tous les dix jours durant les deux premiers mois de ttt.
Faut-il surveiller l’hémogramme des patients soumis aux ATS ? En pratique, la surveillance des hémogrammes est une recommandation légale qu’il est justifié d’appliquer lors de l’initiation du traitement et aussi lors de sa reprise. Elle ne suffit pas à dépister toutes les agranulocytoses. En cas de fièvre ou de mal de gorge: suspendre la prise d’ATS et hémogramme en urgence : la médication est à interrompre si neutrophiles < 1000/mm3, maintenue avec prudence entre 1000 et 1500/mm3 avec surveillance de l’hémogramme.
Cas Clinique n°2
Demandez-vous d’autres examens? Mr H. 78 ans consulte pour une asthénie avec diarrhée et perte de 2 kg depuis 3 semaines. ATCD: - FA depuis 5 ans traitée par Amiodarone 1 cp/j 5j/7 et Previscan ¾ cp/j - HTA traitée par IEC A l’examen: T° 36.8, TA 132/77, FC 114/min, pas de signe d’insuffisance cardiaque, abdomen normal, palpation cervicale normale. Vous prescrivez un bilan sanguin: NFS, CRP, ionogramme et créatinine normaux, INR = 2,3, TSH = 0,04 mU/l. Demandez-vous d’autres examens?
: 27 pg/ml (8,5 à 19) : normale T4 libre Echographie cervicale Scintigraphie thyroïdienne Iodurie/24h : 864 µg ( N = 150 µg/24h)
Diagnostic? Thyroïdite par surcharge iodée Traitement? Arrêt de l’amiodarone Corticothérapie orale 1 mg/kg/j
Amiodarone Responsable de 60% des dysthyroïdies médicamenteuses Induit dysthyroïdie dans 10-15 % des cas (hypo/hyper selon statut alimentaire en iode) 1 cp d’amiodarone (200 mg) contient 37% d’iode (besoin en iode pour l’adulte: 150 µg/j) ½ vie longue de 20 à 100 jours Diminue la conversion périphérique de T4 en T3 donc T4 , T3 N ou , TSH
Hyperthyroïdie à l’amiodarone Type 1 Type 2 Apport iodé Déficit Indifférent Thyroïde Pathologique Normale Echographie Hypervascularisation Scintigraphie Fixation diffuse ou localisée Blanche Interleukine 6 Augmentée Traitement Antithyroïdiens Corticoïdes Evolution vers l’hypothyroïdie Non Possible
Autres dysthyroïdies médicamenteuses Lithium: 20 % hypothyroïdie (inhibe la libération de T4 et T3, induit auto-immunité) Rarement hyperthyroïdie (accumulation d’iode) Interféron : 9 % de dysthyroïdie (thyroïdites auto-immunes induites ou révélées) 50% hypo / 30% hyper / 20% biphasiques Surveiller la TSH tous les 3 mois
Cas Clinique n°3
Mme V. 85 ans, se plaint d’une asthénie croissante, elle est facilement essoufflée, ressent des palpitations et n’arrive plus à monter les escaliers. Elle a perdu 2 kg et a parfois des bouffées de chaleur. ATCD: dépression ancienne traitée par Stablon colopathie fonctionnelle 4 grossesses (RAS) hystérectomie pour fibromes à 46 ans A l’examen: P = 68 kg, TA = 172/87, BDC irréguliers à 134/min, sans souffle, auscultation pulmonaire normale, volumineux goitre hétérogène. ECG: fibrillation auriculaire
Quel diagnostic évoquez-vous? Hyperthyroïdie Quels examens prescrivez-vous? TSH, T4 libre Echographie cervicale
Résultats: Demandez-vous d’autres examens? TSH < 0,02 mU/l T4 libre = 29 pg/ml (8,5 à 19) Conclusion du CR d’échographie: volumineux goitre multinodulaire, le plus gros nodule mesurant 28 x 19 mm, absence d’adénopathie. Demandez-vous d’autres examens?
Scintigraphie thyroïdienne: goitre multihétéronodulaire toxique
Quel traitement proposez-vous? Antithyroïdiens de synthèse jusqu’au retour en euthyroïdie : Neomercazole® 40 mg/j puis traitement radical (chirurgie ou irathérapie) ou poursuite des ATS à faible dose « à vie » Et traitement à visée cardiologique en attendant l’efficacité des ATS et l’euthyroïdie (antiarythmique et anticoagulant)
Faut-il traiter les hyperthyroïdies subcliniques ? les concentrations des hormones thyroïdiennes (HT) sont normales, seule la baisse de TSH témoigne de l’imprégnation excessive par les HT. morbidité potentielle de ces situations : majoration des signes de fibrillation atriale (x 3), augmentation du risque ostéoporotique (surtout chez la femme après la ménopause), réduction de l’espérance de vie (en moyenne 6 mois). Mais il n’est pas établi que l’éradication de l’hyperthyroïdie fruste constitue un facteur réel d’amélioration du pronostic. Enquête prospective en cours (équipe strasbourgeoise sous l’égide du Groupe de Recherche sur la Thyroïde).
Cas Clinique n°4
Melle A. 26 ans consulte pour des cervicalgies aigues Melle A. 26 ans consulte pour des cervicalgies aigues. Elle est anxieuse. La palpation de la base du cou est très douloureuse de façon bilatérale. PA= 132/78, FC = 96/min, T° 37,9°C ATCD = néant Traitement = pilule OP Quel diagnostic évoquez-vous?
Thyroïdite subaigue de De Quervain Demandez-vous d’autres examens? TSH T4 libre NFS, CRP, VS +/- échographie cervicale scintigraphie thyroïdienne = 0,03 mUI/l (0,4 à 4,5) = 27 pg/ml (8,5 à 19) = Sd inflammatoire = plages hypoéchogènes au sein de la thyroïde sans nodule décelable = blanche
Quel traitement proposez-vous? AINS ou aspirine à posologie décroissante sur 1 à 3 mois Dans les formes résistantes ou sévères: corticothérapie orale 0,5 mg/kg/j Propranolol 60 à 160 mg/j au début
Évolution des thyroïdites T4, T3 Zone de normalité TSH hyperthyroïdie euthyroïdie hypothyroïdie récupération 1-6 mois brève 2-8 mois
Merci de votre attention!