LOMBALGIES Dr Jean Yves CHAPUIS Dr Dominique GRAND
ENQUETES CREDOC CREDES 70% des personnes en âge de travailler ont souffert au moins une fois de lombalgie, dont le tiers a bénéficié d'un arrêt de travail CREDES La fréquence des lombalgies a triplé en France entre 1982 et 1992. Les lombalgies représentent la première cause d'invalidité au travail chez les moins de 45 ans et la première cause d'arrêt de travail.
QUELQUES CHIFFRES Problème majeur de santé publique une perte annuelle de 12 millions de journées de travail un coût financier de 1,2 milliards d’euros par an. 5,25 millions de consultations et de visites en médecine générale en 1992 7 % des arrêts de travail, 8 % des explorations radiologiques, 30% des prescriptions de rééducation fonctionnelle.
Dans le cadre des accidents du travail, (selon statistiques de la CNAMTS) 100 000 AT avec arrêt par an 13 % de l’ensemble des AT avec arrêt de travail une perte annuelle de 3,6 millions de journées de travail un coût annuel estimé à 450 millions d’euros
RAPPELS ANATOMIQUES La lombalgie est une douleur située au niveau des vertèbres lombaires, entre les charnières thoraco lombaire ( D12 L1) et lombo sacrée ( L5 S1)
Les disques intervertébraux sont constitués d'un anneau fibreux (annulus) qui entoure un noyau gélatineux ( nucleus pulposus ) La musculature paravertébrale (grand dorsal, lombaires, pyramidal, abdominaux, psoas) constitue des haubans avec une zone de jonction au niveau de la région lombaire
I. PROBLEME MEDICOMEDICAL Diagnostic positif Examen clinique: On recherche: Une attitude antalgique Une douleur à la palpation des épineuses Une évaluation de la raideur (test de SCHÖBER) Distance doigts sol en flexion antérieure Évaluation du testing musculaire Examen neurologique (ROT, sensibilité..)
Cette patiente présente une importante limitation de la flexion antérieure du tronc et une flexion du rachis lombaire vers la gauche
Classification Selon la façon dont la douleur va évoluer dans le temps, on distingue trois"profils évolutifs". La lombalgie aigue d'une durée maximum de quatre semaines, de survenue brutale suite à un effort ou faux mouvement, avec un blocage musculaire réflexe. Il faut évaluer la douleur et le handicap fonctionnel (échelles EVA ,EIFFEL..) Le traitement doit être efficace (antalgiques, AINS, décontracturants )pour permettre une reprise rapide des activités Si possible limiter au maximum l'arrêt de travail et le repos
Recommandations de la PARIS TASK FORCE Les recommandations concernant les activités de la vie quotidienne qui s'appliquent à l'ensemble des lombalgies: ne pas prescrire de repos au lit, l'autoriser seulement si l'intensité des douleurs le nécessite, le repos au lit doit être le plus court possible, au-delà de 5 jours de repos au lit, tout doit être fait pour que le patient reprenne progressivement ses activités, inciter au maintien ou à la reprise précoce des activités normales de la vie quotidienne dans les limites autorisées par la douleur. La prescription de rééducation active n'est pas indiquée dans le cadre de la lombalgie aigue
Pas d'imagerie inutile dans un premier temps (elle apporte peu d'élément, et set souvent normale ) Dans 90% des cas la lombalgie guérit rapidement, mais environ 30% des patients rechutent dans l'année. La lombalgie sub aigue qui fait suite à la lombalgie aigue, si cette dernière dure plus de quatre semaines. La douleur est moins invalidante, plus lancinante. A ce stade, il faut introduire la kinésithérapie et rassurer, inciter à poursuivre les activités quotidiennes. C'est une étape charnière. Il faut éviter le passage à la chronicité. Les médicaments sont très prescrits, mais ne résolvent pas tout.
La lombalgie chronique La douleur persiste plus de trois mois. Ceci concerne environ 5% des lombalgiques. C'est une forme évolutive grave du fait du retentissement social,professionnel et économique. Pas de traitement validé spécifique à ce jour. Difficulté de prise en charge du fait de l'intrication de plusieurs facteurs sur lesquels portent les recommandations de l'ANAES pour réduire le fléau de l'invalidité lombalgique: Facteurs socio économiques Facteurs médicolégaux ( litige, accident de travail) Facteurs psychologiques ( état dépressif) Facteurs professionnels ( inadaptation physique )
Diagnostic étiologique de la lombalgie d'origine rachidienne Lombalgie commune ou banale : mais l'est elle vraiment? 99% des cas Discopathie dégénérative et arthrose interapophysaire postérieure Trouble de la statique vertébrale(scoliose) Maladie de Scheuermann Inégalité de longueur des membres inférieurs Spondylolyse, spondylolisthésis
Lombalgie symptomatique 1% des cas infectieuse: : tuberculose,staphylococcie,mélitococcie.. Inflammatoire :pelvispondylite rhumatismale.. Tumorale : maligne ou bénigne Signes d'alerte d'une pathologie grave Age < 20 ans ou début > 55 ans Douleur non mécanique Douleur dorsale Antécédents: cancer, stéroïdes, HIV traumatisme Altération de l'état général, perte de poids Déficit neurologique étendu Déformation structurelle
Diagnostic différentiel Lombalgie d'origine extra rachidienne due à: Pathologies digestives: ulcère gastro duodénal, pancréatite, colite,diverticulose,cancer colique… Pathologie abdominale: colique néphrétique, anévrysme de l'aorte, tumeur rénale compressive … Pathologie pelvienne: endométriose, fibrome, GEU… Pathologie ostéo articulaire: sacro iléite, coxopathie… Traumatisme violent
II. PROBLEME MEDICOTECHNIQUE Prévention primaire Le médecin du travail a pour mission de prévenir toute altération de la santé des travailleurs . Il a accès au milieu de travail, doit étudier le poste de travail pour l'aménager afin d'éviter le risque "lombalgie" éventuellement avec l'aide d'un IPRP. Il doit agir sur les facteurs professionnels favorisants, cause de l'apparition des lombalgies, et conseiller sur les facteurs personnels (surcharge pondérale)
FACTEURS PROFESSIONNELS Manutention de charges: Les actions suivantes sont les plus fréquemment retrouvées dans les différentes études comme néfastes Porter, Soulever, mais aussi pousser et tirer Rappels: Limites"légales" de poids de charge(Code du travail) 55kg pour l'homme et 25 kg pour la femme Norme AFNOR X35-109 30 kg pour l'homme et 15 kg pour la femme Le poids de la charge n'est donc pas le seul élément à prendre en compte
D'autres cofacteurs sont à analyser : Encombrement du poste de travail Longueur des déplacements Préhension de la charge Risque de chute Brutalité des efforts Isolement du salarié Manque de moyens d'aide à la manutention ou moyens inadaptés Fréquence des manutentions,durée et conditions de récupération Méconnaissance des tâches et manque de formation
Vibrations corps entier Posture et mouvements Mouvements nocifs retrouvés dans toutes les études Flexion antérieure du tronc Torsion fréquente du tronc L'immobilité excessive au poste de travail et une posture prolongée sont probablement néfastes. Vibrations corps entier Les vibrations de basse fréquence semblent être les plus dangereuses ( de 2 à 10 Hz ). Relation croissante entre risque de lombalgie et intensité de l'exposition
Facteurs psychosociaux Monotonie des tâches Forte demande psychologique ( quantité de travail, contraintes de temps ) Insatisfaction personnelle Faible autonomie décisionnelle Faible soutien social ( relations avec les collègues et l'encadrement ) Peu de reconnaissance (reçue en échange des efforts fournis FACTEURS PERSONNELS Surcharge pondérale,sédentarité, profil psychologique..
QUE POUVONS NOUS FAIRE? Prévenir les risques liés à l'activité physique en éliminant ou réduisant la contrainte par la mécanisation (aide à la manutention..) quand c'est possible, ou par la réduction du poids unitaire des charges, des distances, et des fréquences de portage. Aménager le poste de travail afin de permettre la réalisation des manutentions manuelles dans les meilleures conditions de posture (hauteur de travail, respect des zones atteintes…)
Exemple de conseil d'ergonomie posturale en position debout Adaptation de la hauteur du plan de travail
Former et informer les salariés ( formations gestes et postures) Avant la formation Après la formation
Réduire les vibrations à la source : améliorer les sols, choisir l'engin adapté Diminuer la transmission des vibrations aux opérateurs:pneus souples, sièges suspendus… Optimiser la posture pour diminuer la pression intra discale: sièges adaptés Directive européenne 2002/44/CE conernant les vibrations : "valeur d'action" et "valeur plafond" Agir sur l'organisation du travail (ce qui est plus difficile…)réduire les à-coups de production, les contraintes de temps
Prévention secondaire Permettre au lombalgique de reprendre son travail en aménageant son poste par une action sur les facteurs professionnels sus cités. L'inciter à agir sur les facteurs personnels : perte de poids si surcharge pondérale, exercice physique adapté pour lutter contre la sédentarité…
Le Père Noël à l'entraînement
III. PROBLEME MEDICOLEGAL La lombalgie est souvent déclarée en accident de travail si elle survient brutalement suite à un traumatisme ou à un faux mouvement. Les deux tableaux de maladie professionnelle (97 et 98 pour le régime général , 57 et 57 bis pour le régime agricole) ne concernent pas les lombalgies Une demande de reconnaissance auprès du CRRMP peut être faite si la maladie a entraîné une IPP supérieure à 25% (4°alinéa)
IV. PROBLEME MEDICO SOCIAL Aptitude Pas de sélection à l'embauche : non éthique et inefficace Adapter au par coup en fonction du poste de travail Si lombalgie, prise en charge la plus précoce possible pour prévenir l'inaptitude et le rejet du monde du travail Invalidité et handicap: Dossier COTOREP pour obtenir une reconnaissance travailleur handicapé et permettre un reclassement professionnel par le biais de stage de reconversion