D’une classification phylogénétique à la phylogenèse… Ou… Comment fabriquer un arbre à partir de boîtes ? Formation continue SVT Année 2008-2009
BCPST & Université Terminale S Première ES & L troisième Sixième la cladistique et la classification phylogénétique du vivant dans les programmes BCPST & Université Terminale S Première ES & L troisième Sixième Cycle 3
Les notions relatives à la cladistique au collège… 6ème : Les organismes vivants sont très divers : c’est la biodiversité. Les organismes vivants sont classés en groupes emboîtés définis uniquement à partir des attributs qu’ils possèdent en commun. Ces attributs définis par les scientifiques permettent de situer des organismes vivants dans la classification actuelle. 3ème : Les roches sédimentaires, archives géologiques, montrent que, depuis plus de trois milliards d’années, des groupes d'organismes vivants sont apparus, se sont développés, ont régressé, et ont pu disparaître. Les espèces qui constituent ces groupes, apparaissent et disparaissent au cours des temps géologiques. Leur comparaison conduit à imaginer entre elles une parenté, qui s’explique par l’évolution.
On applique le programme de 6ème… On sélectionne un échantillon d’êtres vivants…
On applique le programme de 6ème… On recherche la définition d’ « attributs »… ATTRIBUT n.m. (lat. attributum, ce qui a été attribué). Ce qui appartient à qqn ou à qqch. Le rire est un attribut de l’Homme. … Extrait du Petit Larousse illustré
On utilise des attributs définis par les scientifiques et présents chez les êtres vivants de notre échantillon… Noyau mitochondries vertèbres Acide ornithurique Membrane nictitante Fenêtre anté-orbitaire Bactérie A Méduse P Homme Tortue Poule Crocodile A : absent P : présent
On regroupe les êtres vivants dans des boîtes en fonction des attributs qu’ils possèdent en commun… bactérie Poule, Crocodile tortue Homme Méduse Ceux qui possèdent un noyau et des mitochondries Ceux qui possèdent des vertèbres Ceux qui possèdent l’acide ornithurique Ceux qui possèdent une membrane nictitante et une fenêtre anté-orbitaire
On essaye d’appliquer au programme de 3ème… 3ème : Les roches sédimentaires, archives géologiques, montrent que, depuis plus de trois milliards d’années, des groupes d'organismes vivants sont apparus, se sont développés, ont régressé, et ont pu disparaître. Les espèces qui constituent ces groupes, apparaissent et disparaissent au cours des temps géologiques. Leur comparaison conduit à imaginer entre elles une parenté, qui s’explique par l’évolution. Pour comparer, j’ai besoin de points de comparaison ! je peux utiliser les attributs de 6ème !
On essaye d’appliquer au programme de 3ème… bactérie Poule, Crocodile tortue Homme Méduse Ceux qui possèdent un noyau et des mitochondries Ceux qui possèdent des vertèbres Ceux qui possèdent l’acide ornithurique Ceux qui possèdent une membrane nictitante et une fenêtre anté-orbitaire On compare les êtres vivants : ils ont des attributs communs, on peut donc imaginer qu’ils les ont hérités d’un ancêtre commun… Puisqu’ils ont un ancêtre commun, ils sont donc parents ! Et plus ils possèdent d’attributs en commun, plus ils sont proches parents ! Les êtres vivants d’une même boîte sont donc plus proches parents qu’ils ne le sont des autres êtres vivants…
noyau et mitochondries membrane nictitante et fenêtre anté-orbitaire … Ce qui peut se représenter par… Ancêtre commun Innovations évolutives noyau et mitochondries bactérie Poule Crocodile tortue Homme Méduse vertèbres acide ornithurique membrane nictitante et fenêtre anté-orbitaire …un cladogramme
En 6ème et en 3ème, on fait donc de la cladistique sans le savoir ! Willi Hennig (1913-1976) Selon Henning, le « père » de la cladistique… La méthode cladistique est fondée sur le partage d’innovations évolutives : Des taxons terminaux qui partagent des innovations évolutives héritées d’un ancêtre commun sont plus proches entre eux qu’ils ne le sont des autres taxons terminaux. Elle aboutit à la constitution de groupe monophylétiques, c'est-à-dire en groupe comprenant un ancêtre commun et la totalité de ses descendants, emboîtés les uns dans les autres. En 6ème et en 3ème, on fait donc de la cladistique sans le savoir !
Derrière les attributs choisis en 6ème, il y a donc un concept caché, révélé en 3ème : celui d’innovations évolutives ! Alors, comment font les scientifiques pour déterminer si les attributs choisis correspondent à des innovations évolutives ?…
Pour disposer d’attributs qui correspondent à des innovations évolutives, il faut… - Choisir des attributs présents chez les êtres vivants de l’échantillon et qui, chez ces êtres vivants, possèdent des similitudes laissant présumer que la présence de ces attributs dans l’échantillon résulte de leur transmission par un ancêtre commun : on parle de caractère (ou homologie primaire). - Déterminer si l’état sous lequel le caractère est présent correspond à une « nouveauté » apparue chez un ancêtre commun à quelques représentants de l’échantillon. Vérifier si la présence du caractère résulte bien de la transmission par un ancêtre commun : on parlera alors de caractère homologue (ou homologie secondaire).
On cherche à déterminer si un attribut correspond à une innovation évolutive au sein d’un échantillon de 4 espèces…
Ces 4 espèces possèdent dans l’histoire de la vie un ancêtre commun X
Chez ces espèces de l’échantillon on observe comme attributs : Des plumes Des écailles Les similitudes observées entre ces attributs laissent présumer de leur transmission par l’ancêtre commun X. Elles constituent donc un caractère appelé « formations cutanées ».
Chez ces 4 espèces ce caractère peut exister sous 2 états : l’état « plume » l’état « écaille »
Si nous assumons complètement l’évolutionnisme, alors il faut admettre que l’un de ces deux états est dérivé de l’autre ; état primitif état dérivé On est alors confronté à deux possibilités : plume écaille écaille plume ?
3 principaux critères pour polariser un caractère : Le critère ontogénétique Le critère de l’extragroupe Le critère de la précédence géologique
Le critère ontogénétique : Le bourgeon épidermique préfigure l’écaille et dans le développement de l’épiderme d’un oiseau il se transforme en plumes.
Le critère de l’extragroupe : on choisit de prendre la tortue comme extragroupe : les membres de l’échantillon possèdent comme état dérivé deux fosses temporales que n’a pas la tortue, elle n’appartient donc pas à l’échantillon
Le critère de la précédence géologique : Proterosuchus du permien terminal (-250 Ma) d’Afrique du Sud possède des écailles. La plume est connu chez Archeopteryx lithographica vers –148 Ma. On connaît également des dinosaures à plumes (Microraptor du crétacé inférieur, -120 Ma, en chine).
Conclusion : d’après ces 3 critères, l’écaille constitue l’état primitif, alors que la plume est l’état dérivé : c’est l’innovation évolutive ! la mésange et le pigeon possèdent en commun l’innovation, c'est-à-dire l’état dérivé du caractère « formations cutanées », Ces 2 espèces sont donc plus proches entre elles qu’elles ne le sont des autres espèces de l’échantillon.
BILAN : - Tous les êtres vivants qui partagent le même état dérivé d’un caractère, c’est-à-dire la même innovation évolutive, l’ont hérité d’un même ancêtre commun, ils sont donc plus étroitement apparentés entre eux qu’avec n’importe quel autre groupe. - L’état primitif ne peut pas servir à préciser les relations au sein d’un échantillon puisqu’il est présent hors de l’échantillon sur d’autres branches. - la notion d’état primitif et d’état dérivé est relative. A l’intérieur du groupe des vertébrés, la présence de poils est un état dérivé qui permet de créer le groupe des mammifères. Par contre au sein des primates, la présence de poils devient un état primitif, car elle est présente à l’extérieur du groupe et ne permet donc pas de préciser les relations au sein des primates.
Comment déterminer qu’un caractère est un caractère homologue ?
Le caractère homologue ? au départ un pari… un exemple d’homologie primaire (ou de structure) : le radius du dauphin est similaire à celui de l’opossum ou de la chauve-souris. On peut donc émettre l’hypothèse que ces structures constituent un même caractère. C’est par la construction de cladogrammes que l’on va pouvoir valider cette hypothèse ; l’homologie primaire deviendra alors une homologie secondaire (ou homologie de descendance).
Par exemple, on pose des hypothèses d’homologie sur deux caractères La constitution de la mandibule des Vertébrés. L’aile des Vertébrés. Pour valider ces hypothèses on travaille avec un échantillon de 3 espèces (Homme, Chauve-souris, Perroquet. La Truite sert d’extra-groupe pour cet échantillon).
8 pas 6 pas 7 pas Aucun état dérivé partagé à l’intérieur de l’échantillon Ici L’état dérivé de la constitution de la mandibule est un état dérivé partagé par l’Homme et la chauve-souris. Les ailes sont apparues indépendamment chez le perroquet et la chauve-souris. Ici La présence d’ailes est un état dérivé partagé par le perroquet et la chauve-souris. l’état dérivé de la constitution de la mandibule est apparue indépendamment chez l’Homme et la chauve-souris
En cladistique, on applique le principe de parcimonie : On retient l’histoire évolutive qui nécessite le moins d’innovations. On retient donc toujours l’arbre le plus parcimonieux, c’est-à-dire celui qui nécessite le moins de transformations évolutives. Dans l’arbre retenu, le caractère «constitution de la mandibule » est donc interprété comme étant un caractère homologue. alors que le caractère « aile » sera interprété comme une homoplasie résultant d’une convergence.
BILAN - On considère comme constituant une homologie, une similarité chez plusieurs espèces, d’organes, de parties d’organes ou de séquences de molécules, lorsqu’on peut présumer que cette correspondance provient d’un ancêtre commun. L’homologie de descendance est révélée par l’arbre le plus parcimonieux. - Les caractères homologues peuvent être des attributs anatomiques, des caractères embryonnaires, des molécules… - Les similarités qui ne sont pas reconnues comme correspondant à une homologie de descendance sont qualifiées d’homoplasies. Elles peuvent résulter d’analogie (caractères similaires, remplissant les mêmes fonctions biologiques mais non homologues. C’est le cas par exemple des agonistes moléculaires), de convergence (ressemblance apparue indépendamment dans différents taxons, comme l’aile des Vertébrés ou les taupes marsupiales et placentaires) ou de réversion (un état dérivé revient à un état semblable à l’état primitif).
Activité : On cherche à préciser les relations de parenté au sein d’un échantillon de 3 espèces.
On a comme postulat de départ… Ancêtre commun X échantillon Extra-groupe Et maintenant au travail !
6- os maxillaire (mx) et prémaxillaire (pmx) Rapprochés Eloignés caractères Homme Chimpanzé Gibbon Cercopithèque 1- pilosité Localisée 1 Etendue 2- nombre de carpiens 8 9 3- nombre de dents 32 4- taille de la canine Faible Forte 5- queue Absente Longue 6- os maxillaire (mx) et prémaxillaire (pmx) Rapprochés Eloignés Le Cercopithèque possède l’état primitif du caractère queue alors que tous les autres possèdent l’état dérivé. Le cercopithèque n’appartient donc pas à l’échantillon. On peut donc le considérer comme extra-groupe.
7 pas 7 pas 5 pas
autapomorphies synapomorphies En cladistique, on retient toujours l’arbre le plus parcimonieux, c’est-à-dire celui qui nécessite le moins de transformations évolutives. autapomorphies synapomorphies Cet arbre peut donner l’impression d’une évolution linéaire avec l’Homme qui a cumulé toutes les innovations.
Pour éviter ceci on peut utiliser des autapomorphies du Gibbon et du Chimpanzé : caractères Homme Chimpanzé Gibbon Cercopithèque 1- pilosité Localisée 1 Etendue 2- nombre de carpiens 8 9 3- nombre de dents 32 4- taille de la canine Faible Forte 5- queue Absente Longue 6- os maxillaire (mx) et prémaxillaire (pmx) Rapprochés Eloignés 7-locomotion Bipédie 1’’’ Knuckle-walking 1’’ Brachiation 1‘ Quadrupédie
h g
Justifier au collège de ne pas utiliser le nom de certains groupes faisant partie de la « culture collective » ?
certains groupes de l’ancienne classification ne sont pas monophylétiques. Sauropsides Groupes paraphylétiques
Une autre situation… chlorobiontes Euglénobiontes algues Groupe polyphylétique Ulve Chêne Euglène Trypanosome chlorobiontes Euglénobiontes
Le programme de 3ème signale que « des groupes d'organismes vivants… ont pu disparaître ». Où les placer dans un arbre d’évolution ?…
La place des fossiles : l’exemple de l’archéoptéryx…
Archéoptéryx a des dents il ne peut être l’ancêtre des oiseaux… Archéoptéryx a des plumes il n’est pas non plus l’ancêtre commun aux lézards et aux oiseaux… Peut on le placer comme un intermédiaire entre l’ancêtre du groupe lézards-oiseaux et celui des oiseux ?
Jean-Baptiste De Lamarck (1744-1829) Archéoptéryx est un candidat possible, mais… il existe peut être d’autres espèces disparues qui possédaient les mêmes caractéristiques et qui pourraient être d’aussi bons candidats… Le placer là sans douter de sa place, c’est faire s’affronter… Jean-Baptiste De Lamarck (1744-1829) VS Charles Darwin (1809-1882)
Finalement… On place les fossiles dans un cladogramme au même rang que les espèces actuelles en fonction des états dérivés qu’ils partagent
« Innovations évolutives » VS « caractères ancestraux » Un problème épineux du programme de 3ème : « Innovations évolutives » VS « caractères ancestraux »
3ème : Une espèce nouvelle présente des caractères ancestraux et aussi des caractères nouveaux par rapport à une espèce antérieure dont elle serait issue.
finalement, la cladistique… c’est une méthode de classement des êtres vivants basée sur le partage de l’état dérivé d’homologies révélées par la construction de cladogrammes. elle permet de classer les êtres vivants en fonction de leur parenté évolutive. Elle aboutit à retracer la phylogenèse, l’histoire évolutive des êtres vivants, au travers de la construction d’arbres phylogénétiques.
Encore du programme de 3ème : la place de l’Homme dans l’évolution…
Mais… l’arbre phylogénétique de la lignée humaine n’est pas forcément élaboré par la méthode cladiste…
Bibliographie, sources documentaires, illustrations - Classification phylogénétique du vivant, Guillaume Lecointre & Hervé Le Guyader. Belin - Reconstruction phylogénétique, P. Darlu & P. Tassy. Masson - La classification du vivant, Guillaume Lecointre. Collections « graines de sciences » - Pour la Science « La plume et le Dinosaure », Alan Brush & Richard Prum n° 305 Mars 2003 Pour la Science « Mimivirus : le plus gros des virus », Didier Raoult, n° 339 Janvier 2006 - Les origines de l’Homme, l’odyssée de l’espèce, Pascal Picq. Tallandier - Logiciel phylogène, www.inrp.fr - La main à la pâte, www.inrp.fr/lamap
« C'est bien une habitude de l‘Homme que de mettre de la pensée là où la nature avait jeté du hasard. » Jérôme Touzalin
C’est fini… Merci de votre attention et de votre participation !